15 septembre 2022 Cour d’appel de Bordeaux RG n° 20/02367

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15 septembre 2022 Cour d’appel de Bordeaux RG n° 20/02367

COUR D’APPEL DE BORDEAUX

DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE

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ARRÊT DU : 15 SEPTEMBRE 2022

N° RG 20/02367 – N° Portalis DBVJ-V-B7E-LTEI

Monsieur [H], [B], [F] [S]

Madame [X], [N], [A] [P] épouse [S]

c/

S.A.S. TAGERIM PROMOTION

S.A.S. TAGERIM PROMOTION

S.A.S. TAGERIM PROMOTION IMMOBILIERE

S.A.S. M.P.A INVESTISSEMENT

S.A. SOFIAP

S.A. CNP ASSURANCES

Société CNP INVALIDITE, ACCIDENT, MALADIE – CNP I.A.M.

Nature de la décision : AU FOND

Grosse délivrée le :

aux avocats

Décision déférée à la cour : jugement rendu le 09 avril 2020 (R.G. 17/00606) par le Tribunal de Grande Instance d’ANGOULEME suivant déclaration d’appel du 10 juillet 2020

APPELANTS :

[H], [B], [F] [S]

né le 24 Juillet 1961 à [Localité 12]

de nationalité Française

Retraité

demeurant [Adresse 6]

[X], [N], [A] [P] épouse [S]

née le 18 Mars 1959 à [Localité 9]

de nationalité Française

Retraitée

demeurant [Adresse 6]

Représentés par Me [T] DEMAR substituant Me Michel PUYBARAUD de la SELARL MATHIEU RAFFY – MICHEL PUYBARAUD, avocat au barreau de BORDEAUX

et assistés de Me Gilda LICATA, avocat au barreau de PARIS

INTIMÉES :

La Société TAGERIM PROMOTION

SASU au capital de 7 479 000 euros

Immatriculée au RCS de PARIS sous le n°409 266 228

Dont le siège social se trouve [Adresse 5]

Prise en sa qualité de mandataire ad’hoc de la SCCV LES COTEAUX D’ENTRAYGUES désignée à cette fonction par ordonnance du Tribunal de Grande Instance de TOULOUSE en date du 9 novembre 2015

La Société TAGERIM PROMOTION

SASU au capital de 7 479 000 euros

Immatriculée au RCS de PARIS sous le n°409 266 228

Dont le siège social se trouve [Adresse 5]

prise en sa qualité d’associé de la SCCV LES COTEAUX D’ENTRAYGUES

La Société TAGERIM PROMOTION IMMOBILIERE

SASU au capital de 100.000 euros

Immatriculée au RCS de PARIS sous le n°408 546 596

Dont le siège social se trouve [Adresse 5]

en sa qualité d’associé de la SCCV LES COTEAUX D’ENTRAYGUES

La Société MPA INVESTISSEMENT

SASU au capital de 8.000 euros

Immatriculée au RCS de TOULOUSE sous le n° 440127223

Dont le siège social est sis [Adresse 2]

En sa qualité d’associée de la SCCV LES COTEAUX D’ENTRAYGUES

Représentées par Me Marie-christine RIBEIRO de la SELARL CMC AVOCATS, avocat au barreau de BORDEAUX

et assistées de Me Emmanuelle ROMAT de la SELARL STV AVOCATS, avocat au barreau de TOULOUSE

La SOCIETE FINANCIERE POUR L’ACCESSION A LA PROPRIETE

(« SOFIAP »), immatriculée au RCS de Paris sous le numéro 391 844 214, dont le siège social est sis [Adresse 4], prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

Représentée par Me Sylvie MICHON de la SELARL CABINET FORZY – BOCHE-ANNIC – MICHON, avocat au barreau de BORDEAUX

et assistée de Me Fabrice DE KORODI KATONA de la SCP AVENS, avocat au barreau de PARIS

S.A. CNP ASSURANCES

société anonyme au capital social de 643.500.175 euros immatriculée au RCS de PARIS sous le n° 341 737 062

prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social sis [Adresse 3]

Représentée par Me Vanessa POISSON de la SELARL CABINET VALOIS, avocat au barreau de CHARENTE

Société CNP INVALIDITE, ACCIDENT, MALADIE – CNP I.A.M.

prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social sis [Adresse 3]

non représentée, assignée selon acte d’huissier en date du 03.09.2020 délivé à personne morale

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 912 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 20 juin 2022 en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Monsieur Alain DESALBRES, Conseiller chargé du rapport, et Madame Isabelle LOUWERSE, Conseiller

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Paule POIREL, Président,

Monsieur Alain DESALBRES, Conseiller,

Madame Isabelle LOUWERSE, Conseiller,

Greffier lors des débats : Mme Audrey COLLIN

ARRÊT :

– réputé contradictoire

– prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile.

EXPOSE DU LITIGE

La société civile de construction-vente (SCCV) Les Côteaux d’Entraygues en sa qualité de maître de l’ouvrage et de promoteur, a procédé à la construction d’un immeuble situé [Adresse 10] afin de le diviser en lots privatifs destinés à la vente dans le cadre d’une future copropriété, dénommée la ‘Résidence les Côteaux d’Entraygues’.

Elle a confié la commercialisation des lots de cet immeuble, dans le cadre de ventes en l’état futur d’achèvement, au Groupe Tagerim qui a ainsi établi une plaquette commerciale de présentation de l’opération à destination d’acquéreurs éventuels, vantant les avantages de la région et de la résidence, couplant des appartements et des ‘villas cossues’ autour de la piscine commune.

Après avoir été démarchés par M. [Y] [Z], se présentant en qualité d’ ‘ingénieur conseil’ mandataire de la société Groupe BLC, M. [H] [S] et Mme [X] [P] épouse [S] se sont portés acquéreurs auprès de la société Tagerim Investissement, intervenant en qualité de mandataire du Groupe Tagerim Promotion Immobilière, aux termes d’un contrat de réservation en date du 1er août 2007, d’un appartement de type T3, d’une superficie de 53,86 mètres carrés avec un balcon de 10,73 mètres carrés et d’un parking constituant le lot n°25 de la copropriété Résidence les Coteaux d’Entraygues à [Localité 11] pour un prix de réservation de l70 000 euros TTC.

Cette vente intervenant dans le cadre d’un investissement locatif pouvant bénéficier du dispositif fiscal dit Loi Borloo, la société Tagerim Investissement s’engageait, au terme de l’acte de réservation, à garantir au ‘réservant’ pendant 12 mois maximum à compter de la mise à disposition du bien, le versement d’un revenu locatif mensuel brut de 555 euros, et ce jusqu’à la mise en place du premier locataire, sous réserve que ce dernier confie la gestion de son bien à la société Tagerim.

Afin de financer l’acquisition de ce bien, M. et Mme [S] ont souscrit un prêt d’un montant de 170 00 euros auprès de la société Crédit Immobilier de France Sofiap à un taux d’intérêt initial de 3,60 %, révisé 12 mois après la date anniversaire de l’acceptation de l’offre de prêt majorée de 1,40 point. Pour garantie de cette opération, ils ont adhéré au contrat de couverture de prêt souscrit par la Sofiap auprès de la CNP Assurances et CNP Invalidité Accident Maladie.

Par acte authentique en date du 14 novembre 2007 auquel la banque est intervenue, la SCCV les Côteaux d’Entraygues a vendu à M. et Mme [S] le bien réservé en l’état futur d’achèvement pour la somme de 170 000 euros.

Le 1er septembre 2008, M. et Mme [S] ont confié la gestion locative de leur bien à la société Tagerim Aquitaine et ont souscrit par ailleurs une garantie des loyers impayés, vacance locative et détérioration immobilière et une protection juridique.

Le 21 janvier 2010, le bien a été livré à M. et Mme [S] et la gestion de la copropriété, ‘la Résidence les Côteaux d’Entraygues’ confiée à la société Tagerim Aquitaine.

Le bien a été loué :

– du 1er février 2009 au 31 mars 2017 pour un loyer hors charge de 510 euros,

– du 8 juillet 2017 au 24 août 2018 pour un loyer hors charge de 460 euros,

– et depuis le 14 août 2018 le bien ne serait plus loué.

Dans l’intervalle, la société SCCV les Côteaux d’Entraygues a été radiée du registre du commerce et des sociétés le 15 novembre 2012 et les opérations de clôture de la liquidation ont eu lieu le 30 septembre 2012.

Par ordonnance en date du 8 février 2016, le tribunal de grande instance d’Angoulême a nommé la société Tagerim Promotion en qualité de mandataire ad hoc afin de représenter celle-ci dans le cadre de l’assignation en nullité de la vente immobilière que M. et Mme [S] entendaient lui faire délivrer.

Soutenant avoir été victimes d’un dol dans le cadre de cette vente immobilière de la part de la société Groupe BLC qui les aurait démarchés pour le compte de la société Tagerim Promotion, M. et Mme [S], par exploits d’huissier en date des 24 et 30 janvier 2017, ont fait assigner devant le tribunal de grande instance d’Angoulême:

– la société Tagerim Promotion, en sa double qualité de mandataire ad hoc de la SCCV les Côteaux d’Entraygues et d’associée de cette dernière,

– la société Tagerim Promotion Immobilière en sa qualité d’associée de la SCCV les Côteaux d’Entraygues,

– la Société Financière Pour l’Accession à la Propriété (la Sofiap),

– la société CNP Assurances,

– la société CNP Invalidité, Accident, Maladie,

– la société MPA Investissement,

afin de voir, à titre principal, prononcer la nullité de la vente pour dol et la résolution subséquente du contrat de prêt souscrit pour l’acquisition du bien immobilier litigieux et ordonner en conséquence les restitutions réciproques,

à titre subsidiaire, juger que les manquements fautifs des défendeurs leur ont causé une perte de chance de ne pas contracter l’opération litigieuse et condamner in solidum les défendeurs à leur verser des dommages et intérêts à hauteur de 102 291 euros en réparation de leur préjudice matériel et la somme de 12 000 euros en réparation de leur préjudice moral, sous le bénéfice de l’exécution provisoire.

Par jugement rendu le 9 avril 2020, le tribunal judiciaire d’Angoulême a :

– déclaré prescrite l’action engagée par M. et Mme [S] à l’encontre de la société Tagerim Promotion en sa qualité d’associée de la SCCV Les Côteaux d’Entraygues et de la société Tagerim Promotion Immobilière sur le fondement du dol sur la valeur vénale du bien,

– dit que l’action engagée par M. et Mme [S] sur le fondement du dol sur la valeur locative et la rentabilité de l’opération n’est pas prescrite,

– dit que l’action engagée par M. et Mme [S] sur le fondement de l’obligation d’information et de conseil n’est pas prescrite,

– débouté M. et Mme [S] de leurs demandes à l’encontre de l’ensemble des parties sur le fondement tant du dol sur la valeur vénale du bien que du dol sur la valeur locative et la rentabilité de l’opération,

– constaté que les demandes formées par M. et Mme [S] à l’encontre des assureurs des prêts, la CNP Assurances et la CNP IAM sont sans objet,

– débouté M. et Mme [S] de leurs demandes formées à l’encontre de l’ensemble des parties sur le fondement du manquement à l’obligation pré-contractuelle et contractuelle d’information et de conseil,

– dit n’y avoir lieu à application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamné M. et Mme [S] aux dépens de cette instance dont distraction au profit des avocats qui en ont fait la demande,

– prononcé l’exécution provisoire de cette décision.

Par déclaration électronique en date du 10 juillet 2020, M. et Mme [S] ont relevé appel de l’ensemble du jugement, sauf en ce qu’il a :

– dit que l’action engagée sur le fondement du dol sur la valeur locative et la rentabilité de l’opération n’est pas prescrite,

– dit que l’action engagée sur le fondement de l’obligation d’information et de conseil n’est pas prescrite,

Ils y ont intimé la SAS Tagerim Promotion en sa doule qualité, la SAS Tagerim Promotion immobilière ne sa qualité d’associée de la SCCV, la Société Financière Pour l’Accession à la Propriété et les sociétés CNP Assurances et CNP Invalidité, Accident, Maladie (IAM).

M. et Mme [S], dans leurs dernières conclusions d’appelants en date du 10 février 2022, demandent à la cour, au visa des articles 1304, 2224, 1116, 1131, 1184, 1142, 1147, 1154, 1382 du code civil, L. 111-1 du code de la consommation et 699 et 700 du code de procédure civile, de :

– les déclarer recevables en leur appel,

– les y dire bien fondés,

En conséquence,

Confirmer le jugement rendu le 9 avril 2020 par le tribunal judiciaire d’Angoulême en ce qu’il a déclaré recevable comme étant non prescrite, l’action engagée par eux sur le fondement du dol sur la valeur locative et la rentabilité de l’opération et a déclaré recevable l’action engagée par eux sur le fondement de l’obligation d’information et de conseil,

Infirmer le jugement rendu le 9 avril 2020 par le tribunal judiciaire d’Angoulême en ce qu’il les a déboutés de leurs demandes fondées sur le manquement à une obligation d’information et de conseil,

Infirmer le jugement rendu le 9 avril 2020 par le tribunal judiciaire d’Angoulême en ce qu’il a déclaré irrecevable comme étant prescrite l’action engagée par eux à l’encontre de la société Tagerim Promotion en sa qualité d’associée de la SCCV et de la société Tagerim Promotion Immobilière en cette même qualité et à l’encontre de la Sofiap sur le fondement du dol sur la valeur vénale du bien, les a déboutés de leurs demandes formées à l’encontre de l’ensemble des parties sur le fondement tant du dol sur la valeur vénale du bien que sur la valeur locative et la rentabilité de l’opération, les a déboutés de leurs demandes formées à l’encontre de l’ensemble des parties sur le fondement du manquement à l’obligation précontractuelle et contractuelle d’information et de conseil,

Et statuant à nouveau,

– concernant la validité de l’opération immobilière litigieuse et des actes y associés :

– juger que le consentement de M. et Mme [S] à la conclusion de l’opération immobilière litigieuse a été surpris par dol,

En conséquence,

– prononcer la nullité de l’acte authentique de vente en l’état futur d’achèvement conclu le 14 novembre 2007 entre la SCCV Les Côteaux d’Entraygues et M. et Mme [S] et reçu par Maître [T] [O], Notaire associé, titulaire d’un office notarial sis à [Localité 13] (Lot et Garonne), publiée et enregistrée le 1er avril 2008 à la Conservation des hypothèques de [Localité 8],

Dans un ensemble immobilier situé sur la commune de [Adresse 10] dans la résidence dénommée Les Côteaux D’Entraygues:

Cadastré sous les références suivantes :

Sect. [Cadastre 7] Lieudit [Adresse 10] Contenance : 01Ha 53A Ca 48

Ledit ensemble immobilier comprendra, après achèvement, trois bâtiments dénommés A, B et C, ainsi que huit villas

Désignation des lots à acquérir ;

Lot numéro vingt cinq (25)

Dans le bâtiment B, escalier 1, au deuxième étage, un appartement T3 portant le numéro 24 du plan avec un balcon,

Et les cent dix/dix millièmes (110/10.000ème) des parties communes générales.

Lot numéro cent quarante huit (48)

Un parking extérieur portant le numéro 148 du plan,

Et les trois/dix millièmes (3/10.000 ème ) des parties communes générales.

Il est précisé que :

L’ensemble immobilier dénommé « Les Côteaux d’Entraygues » a fait l’objet d’un règlement de copropriété avec état descriptif de division qui sera déposé au rang des minutes de la SCP [E] [R], [U] [J], [G] [I] et [T] [O], Notaire associé titulaire d’un office notarial à Toulouse, [Adresse 1], suivant acte à recevoir par ladite SCP, dont une expédition était en cours de publicité au premier bureau des hypothèques d’Angoulême, au moment de la rédaction de l’acte.

– ordonner la publication de l’arrêt auprès du Service de la publicité foncière d'[Localité 8],

– prononcer la résolution du contrat de prêt souscrit par M. et Mme [S] auprès de la société Financière pour l’Accession à la Propriété anciennement dénommée Crédit Immobilier de France Sofiap pour un montant de 170.000 euros,

– juger que la restitution subséquente du capital mis à leur charge par le prêteur et restant à rembourser, sera déduite de l’ensemble des sommes versées par eux comprenant le remboursement du capital mais aussi les intérêts réglés ou tous autres frais liés à ce prêt,

– prononcer la résiliation des adhésions de M. et Mme [S] au contrat d’assurance collectif souscrit auprès de la Compagnie CNP Assurances,

En conséquence de nullités et résiliation prononcées, de dire et juger que les parties devront être remise en l’état et que :

– le prix de vente d’un montant de 170.000 euros devra être restitué par la société Tagerim Promotion, mandataire ad hoc de la SCCV Les Côteaux d’Entraygues, la société Financière Tagerim devenue Tagerim Promotion Immobilière et la société M.P.A. Investissement, prises en leur qualité d’associées de la SCCV Les Côteaux d’Entraygues, à M. et Mme [S] avec intérêts au taux légal à compter de la date de l’arrêt à intervenir et capitalisation dans les conditions de l’article 1154 du code civil,

– juger que la société Tagerim Promotion, mandataire Ad Hoc de la SCCV Les Côteaux d’Entraygues sera condamnée in solidum avec la société Financière Tagerim devenue Tagerim Promotion Immobilière et la société M.P.A. Investissement, prises en leur qualité d’associées de la dite SCCV au remboursement du prix de vente aux concluants :

* M. et Mme [S] devront transférer à la société Tagerim Promotion, mandataire ad hoc de la SCCV Les Côteaux d’Entraygues la propriété de l’immeuble litigieux, étant précisé que la restitution du bien litigieux par M. et Mme [S] n’aura à intervenir qu’après le règlement des sommes dues par la société Tagerim Promotion, mandataire ad hoc de la SCCV, la société Financière Tagerim devenue Tagerim Promotion Immobilière et la société M.P.A. Investissement, prises en leur qualité d’associées de la SCCV Les Côteaux d’Entraygues, à M. et Mme [S],

* M. et Mme [S] devront restituer au Crédit Immobilier de France Sofiap les sommes mises à leur disposition, soit au total la somme de 170.000 euros et la Caisse d’Epargne Ile de France devra rembourser à M. et Mme [S] le montant des intérêts, frais et accessoires de toute nature au titre du prêt acquitté par M. et Mme [S] et arrêté à la date de l’arrêt à intervenir, étant précisé que la société Tagerim Promotion, mandataire ad hoc de la SCCV Les Côteaux d’Entraygues, la société Financière Tagerim devenue Tagerim Promotion Immobilière et la société M.P.A. Investissement, prises en leur qualité d’associées de la SCCV seront condamnées in solidum à relever et garantir M. et Mme [S] du montant arrêté à la date de l’arrêt à intervenir,

– juger que la société Tagerim Promotion, mandataire ad hoc de la SCCV Les Côteaux d’Entraygues, la société Financière Tagerim devenue Tagerim Promotion Immobilière et la société M.P.A. Investissement, prises en leur qualité d’associées de la SCCV seront condamnées in solidum à relever et garantir les concluants et le Crédit Immobilier de France Sofiap de ces restitutions,

– la société Tagerim Promotion, mandataire ad hoc de la SCCV Les Côteaux d’Entraygues, la société Financière Tagerim devenue Tagerim Promotion Immobilière et la société M.P.A. Investissement, prises en leur qualité d’associées de la dite SCCV Les Côteaux d’Entraygues seront condamnées in solidum à relever et garantir M. et Mme [S] de toute somme qui pourrait être due par eux à l’administration fiscale suivant l’annulation de la vente du bien litigieux.

– juger que l’annulation de la vente laisse subsister pour M. et Mme [S] un préjudice qui sera réparé par la condamnation in solidum de la société Tagerim Promotion Immobilière Ad Hoc de la SCCV Les Côteaux d’Entraygues, la société Financière Tagerim devenue Tagerim Promotion Immobilière et la société M.P.A. Investissement, prises en leur qualité d’associées de la dite SCCV Les Côteaux d’Entraygues à leur verser, à titre de dommages et intérêts, avec intérêts au taux légal à compter de la date de l’arrêt à intervenir et capitalisation dans les conditions de l’article 1154 du code civil :

– à chacun la somme de 10.000 euros en réparation du préjudice moral subi,

– à chacun a somme de 2.000 euros au titre des peines et soins.

Concernant le manquement au devoir de conseil et d’information

– juger que l’opération présentée à M. et Mme [S] était une opération financière complexe de long terme (i) ayant pour support un bien immobilier géré par un tiers, (ii) intégralement financée par un emprunt remboursé par la perception de loyers, par les réductions d’impôt procurées par le dispositif d’incitation fiscale [K] avec en complément un effort d’épargne mensuel, (iii) destinée à permettre, suivant la revente du bien au terme de l’engagement de location, le remboursement du prêt contracté et la réalisation d’un capital net supérieur à l’effort d’épargne fourni et donc la constitution d’un capital,

– juger que la société Groupe BLC est intervenue dans le cadre d’un démarchage pour présenter l’opération à M. et Mme [S] était tenue à leur égard à une obligation d’information et à un devoir de conseil,

– juger que dans le cadre de cette opération, les perspectives de valorisation du bien au terme de l’engagement de location revêtaient une importance essentielle pour ne pas dire cruciale dès lors que la possibilité d’atteindre l’objectif assigné à l’opération (la constitution d’un capital) dépendait très étroitement et principalement de la valeur du bien au terme de l’engagement de location,

– juger qu’il appartenait en conséquence à la société Groupe BLC de se renseigner sur les perspectives réelles de valorisation du bien au terme de l’engagement de location pour (i) informer utilement M. et Mme [S] et satisfaire à son obligation d’information, (ii) vérifier que l’opération proposée était adaptée à l’objectif de constitution d’un capital de M. et Mme [S] et satisfaire à son devoir de conseil, – juger qu’en s’abstenant de réaliser la moindre étude sur les perspectives réelles de valorisation du bien au terme de l’engagement de location et en communiquant à M. et Mme [S] une étude financière faisant état de perspectives de valorisation du bien litigieux au terme de l’engagement de location totalement irréalistes et fondées sur des données purement théoriques, la société Groupe BLC a manqué à son obligation d’information et à son devoir de conseil,

– déclarer que société Groupe BLC, nécessairement consciente en sa qualité de professionnel des risques qu’elle faisait courir à M. et Mme [S] aurait dû attirer leur attention sur le caractère purement théorique des informations de l’étude financière relative aux perspectives de réalisation d’un capital et les risques pour elle à s’engager dans une opération dont la réussite était fondée sur des données purement théoriques,

– qu’à aucun moment, cette mise en garde n’a été opérée, la seule mention du caractère non contractuel de l’étude financière étant parfaitement insuffisante à caractériser une telle mise en garde,

– juger que quand bien même M. et Mme [S] n’ignoraient pas que l’investissement proposé (comme d’ailleurs tout investissement) comportait une part d’aléa, l’absence d’étude préalable par société Groupe BLC sur les perspectives réelles de valorisation du bien au terme de l’engagement de location et la communication sans mise en garde d’une information y relative totalement irréaliste, a conduit M. et Mme [S] à s’exposer à un risque certain ou quasi-certain qui s’est réalisé,

– juger que les manquements de société Groupe BLC à son obligation d’information et à son devoir de conseil les ont privés de la chance d’éviter le risque certain ou quasi certain qui s’est réalisé (i) que la valeur du bien au terme de l’engagement de location ne permette pas de réaliser un capital net supérieur à l’effort d’épargne fourni, (ii) que la valeur du bien au terme de l’engagement de location ne permette même pas de rembourser le solde du capital restant dû auprès de l’établissement ayant financé l’opération litigieuse, (iii) d’avoir ainsi, et pendant de nombreuses années, fourni en vain un important effort d’épargne (sans constituer le moindre capital)

En conséquence,

– condamner in solidum, avec intérêts au taux légal à compter de la date de l’arrêt à intervenir et capitalisation dans les conditions de l’article 1154 du code civil, la société Tagerim Promotion prise en sa double qualité de mandataire ad’hoc et d’associée de la SCCV Les Côteaux d’Entraygues, la Sas Tagerim Promotion Immobilière et la Sarl MPA Investissement, prises en qualité d’associées de la SCCV Les Côteaux d’Entraygues à dû concurrence de leurs droits sociaux dans la SCCV Les Côteaux d’Entraygues au paiement à M. et Mme [S] de la somme de 101 698,47 euros à titre de dommages et intérêts,

– condamner in solidum, avec intérêts au taux légal à compter de la date de l’arrêt à intervenir, la société Tagerim Promotion prise en sa double qualité de mandataire ad’hoc et d’associée de la SCCV Les Côteaux d’Entraygues, la Sas Tagerim Promotion Immobilière et la Sarl MPA Investissement, prises en qualité d’associées de la SCCV Les Côteaux d’Entraygues à dû concurrence de leurs droits sociaux dans la SCCV Les Côteaux d’Entraygues au paiement à MM. et Mme [S] de la somme de 12.000 euros chacun à titre de dommages et intérêts,

En tout état de cause :

– condamner in solidum, la société Tagerim Promotion prise en sa double qualité de mandataire ad’hoc et d’associée de la SCCV Les Côteaux d’Entraygues , la Sas Tagerim Promotion Immobilière et la Sarl MPA Investissement, prises en qualité d’associées de la SCCV Les Côteaux d’Entraygues à dû concurrence de leurs droits sociaux dans la SCCV Les Côteaux d’Entraygues au paiement à M. et Mme [S] de la somme de 10.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens,

– déclarer infondées les intimées en leur argumentation,

– les débouter de toutes leurs demandes fins et conclusions contraires.

La société Tagerim Promotion, en qualité de mandataire ad ‘hoc de la SCCV Les Côteaux d’Entraygues et en son nom propre, la société Tagerim Promotion Immobilière et la société MPA Investissement, dans leurs dernières conclusions d’intimées en date du 18 décembre 2020, demandent à la cour, au visa des articles 1116, 1382 et 2224 du code civil, de:

– juger irrecevable comme étant prescrite, l’action fondée sur le dol portant sur la valeur vénale du bien acheté par M. et Mme [S],

-juger irrecevable comme étant prescrite, l’action fondée sur le défaut d’information précontractuelle portant sur la valeur vénale du bien acheté par M. et Mme [S],

Au fond,

Confirmer le jugement dont appel et,

– dire et juger qu’elles n’ont commis aucune réticence dolosive,

– dire et juger qu’elles n’ont commis aucun manquement à leur obligation d’information,

– débouter M. et Mme [S] de l’intégralité de leurs demandes,

– condamner M. et Mme [S] au paiement d’une somme de 5 000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens de l’instance.

La Société Financière pour l’Accession à la Propriété (la Sofiap), dans ses dernières conclusions d’intimée en date du 4 novembre 2020, demande à la cour, au visa l’ancien article 1304 du code civil, de:

A titre principal,

Confirmer le jugement du 9 avril 2020 du tribunal judiciaire d’Angoulême (N°RG 17/00606) en ce qu’il a :

déclaré prescrite l’action engagée par M. et Mme [S] à l’encontre des sociétés Tagerim Promotion (en sa qualité d’associée de la SCCV les Coteaux d’Entraygues), Tagerim Promotion Immobilière et Crédit Immobilier SOFIAP sur le fondement du dol sur la valeur vénale du bien,

constaté que les demandes formées par M. et Mme [S] à l’encontre de la SOFIAP et des assureurs des prêts, la CNP assurances et la CNP Invalidité, Accident, Maladie sont sans objet,

A titre subsidiaire, si l’action en nullité de la vente est déclarée recevable,

– juger que le contrat de vente, régularisé le 14 novembre 2007, est indépendant du contrat de prêt accordé par la SOFIAP à M. et Mme [S] le 30 août 2007 et modifié par voie d’avenants en date des 8 juillet 2013 et 10 juillet 2015 ;

En conséquence,

– débouter M. et Mme [S] de l’intégralité de leurs prétentions à l’égard de la SOFIAP ;

A titre infiniment subsidiaire, si le contrat de prêt et le contrat de vente étaient déclarés indivisibles, de telle sorte que la nullité de l’un entraîne l’anéantissement de l’autre :

– condamner M. et Mme [S] à lui restituer la somme prêtée à savoir 170 000 € ;

– condamner la SOFIAP à restituer le total du capital amorti à savoir 63 018.75 € arrêté au 30 septembre 2020 ;

– opérer la compensation entre ces deux sommes conformément aux articles 1289 et suivants du code civil applicables à l’espèce ;

– dire que les sûretés réelles ou personnelles garantissant le contrat de prêt annulé subsisteront jusqu’à l’extinction de l’obligation de restitution de M. et Mme [S] ;

– condamner tout succombant à verser à la SOFIAP les sommes suivantes :

61.343,57 € au titre de la restitution des intérêts échus arrêtés à la date du 30 septembre 2020,

7 857,87 € au titre de la perte de chance de percevoir les intérêts à échoir,

4.046,67 € au titre de la restitution des frais de l’emprunt,

– dire que les sûretés réelles ou personnelles garantissant le contrat de prêt annulé subsisteront jusqu’à l’extinction de l’obligation de restitution de M. et Mme [S] ;

En toute hypothèse,

– condamner tout succombant à lui verser la somme de 5.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.

La société CNP Assurances, dans ses dernières conclusions d’intimée en date du 16 novembre 2020, demande à la cour, de:

– juger que M. et Mme [S] ne formulent aucune demande contre-elle,

– lui donner acte de ce qu’elle s’en remet à l’appréciation de la cour sur la demande de résiliation de l’adhésion de M. et Mme [S] au contrat d’assurance en couverture de prêt souscrit auprès d’elle,

– dans l’hypothèse où le contrat de prêt serait résolu, dire et juger que l’adhésion de M. et Mme [S] au contrat d’assurance collectif de la société CNP Assurances, qui en est l’accessoire, serait résilié pour l’avenir,

A titre subsidiaire,

– condamner les parties responsables du dol à prendre en charge la restitution à M. et Mme [S] des primes d’Assurances versées,

En tout état de cause,

– condamner les parties succombantes à lui verser la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 7 juin 2022.

Pour une plus ample connaissance du litige et des prétentions et moyens des parties, il est fait expressément référence aux dernières conclusions et pièces régulièrement communiquées par les parties.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Les époux [S] n’ont interjeté appel s’agissant des dispositions afférentes à la recevabilité de leurs demandes que de la disposition ayant déclaré irrecevable comme prescrite leur action intentée sur le fondement du dol sur la valeur vénale du bien.

Or, les sociétés intimées ne formulent aucune demande de réformation des dispositions afférentes à la recevabilité de l’action, ce qui ne résulte pas de la formulation selon laquelle les sociétés du groupe Tagerim demandent à la cour dans le dispositif de leurs dernières écritures de ‘juger irrecevable comme étant prescrite, l’action fondée sur le défaut d’information précontractuelle portant sur la valeur vénale du bien acheté par M. et Mme [S]’ sans solliciter expressément la réformation du jugement sur ce point, en sorte que la cour n’est saisie d’aucun appel ou appel incident de ces chefs, seule étant remise en cause par les appelants au titre de la recevabilité la disposition du jugement ayant déclaré irrecevable comme prescrite l’action entreprise par eux sur le fondement du dol sur la valeur vénale du bien.

I – Sur la recevabilité de l’action fondée sur le dol sur la valeur vénale du bien:

Le tribunal a justement fait application des dispositions de l’article 1304 du code civil, dans sa version antérieure à l’ordonnance du 10 février 2016, applicable au présent litige, lequel prévoyait une prescription quinquennale courant dans le cas d’erreur ou de dol ‘du jour où ils ont été découverts’ et il a considéré que le point de départ du délai pour agir sur le fondement du dol commis sur la valeur vénale du bien lors de son acquisition, ne pouvait porter que sur sa valeur d’acquisition en 2007 et non sur sa valeur huit années plus tard qui ne saurait constituer sa valeur au jour de la vente, en sorte que la date à laquelle les époux [S] ont fait estimer leur bien, le 30 septembre 2015, ne pouvait constituer le point de départ de la prescription, ce qui revenait au surplus à admettre que ce point de départ est laissé à la discrétion de l’acquéreur, lui conférant un caractère potestatif, et il a retenu que les acquéreurs connaissaient dès 2007 le prix de vente du bien qu’ils se proposaient d’acquérir, ses caractéristiques, ayant alors tout loisir de se renseigner sur sa valeur entre la date de réservation et celle de la vente.

Cependant, la date de découverte du dol, soit en l’espèce celle de la valeur du bien, n’est pas assimilable à la date où les acquéreurs ‘auraient dû connaître’ la valeur du bien comme prévu par les dispositions de l’article 2224 du code civil et, par définition, la victime d’un dol n’a pu connaître le dol à la date de conclusion du contrat sans quoi il n’aurait pas conclu et ne serait jamais en situation de démontrer que, sans les manoeuvres dolosives, il n’aurait pas conclu.

En effet, le délai de l’action en nullité pour dol n’a couru en l’espèce qu’au jour où les époux [S] ont découvert le dol allégué, lorsqu’ils ont fait expertiser leur bien en 2015, et les sociétés Tagerim n’établissent pas qu’ils auraient connu la valeur réelle du bien au jour de la vente, quand bien même ils ‘auraient pu’ ou ‘dû’ la connaître à cette date. Il ne s’agit pas davantage, au stade de la recevabilité, d’apprécier quelle était effectivement la valeur du bien au jour de l’achat, le fait que la valeur du bien en 2015 n’est pas nécessairement celle au jour de l’acquisition en 2007 n’intéressant que le fond du droit et non la détermination du point de départ de la prescription de l’action.

Refuser de retenir le jour de l’évaluation de la valeur du bien comme constituant le point de départ de la découverte du dol dont se prévalent les époux [S] au motif que cette date ne dépendrait que de leur seule volonté reviendrait dès lors qu’il n’est proposé aucune autre date utile de la part des sociétés Tagerim à ce que la prescription n’ait en l’occurrence jamais commencé à courir, à défaut de découverte par les époux [S] des faits constitutifs d’un dol, en sorte que l’action fondée sur le dol sur la valeur vénale du bien n’est pas prescrite.

Il convient en conséquence d’infirmer le jugement entrepris et de dire que l’action sur le fondement du dol sur la valeur du bien n’est pas prescrite.

II – Sur le fond:

A) Sur l’action en nullité du contrat pour dol:

Le tribunal a exactement retenu que selon les dispositions de l’article 1116 du code civil dans sa rédaction antérieure à l’ordonnance du 10 février 2016, le dol n’est cause de nullité du contrat que lorsque les manoeuvres pratiquées par l’une des parties sont telles qu’il est évident que, sans ces manoeuvres, l’autre partie n’aurait pas contracté.

Il a également justement retenu que la jurisprudence prise en application de ces dispositions dès avant la réforme de 2016, admettait que le contractant engageait sa responsabilité en cas de dol commis par son représentant, son mandataire ou son gérant d’affaires.

a) l’action fondée sur le dol sur la valeur du bien:

Le tribunal a retenu que la côte annuelle des valeurs vénales au 1er janvier 2007 produite tant par les époux [S] que les sociétés Tagerim faisait ressortir un prix au m2 pour les immeubles collectifs neufs de grand standing de 2 940 euros et de 2 320 euros pour un immeuble de standing ce qui plaçait le logement acquis par les époux [S] ‘clé en mains’ au pris HT de 2 639 euros à mi-chemin entre un logement de grand standing et de standing et n’apparaissait pas disproportionné au regard de la taille et du standing offert par leur logement.

Or, les époux [S] qui soutiennent avoir fait l’objet de manoeuvre destinées à tromper leur consentement ne rapportent pas la preuve que leur logement n’a pas été acquis pour sa valeur réelle en 2007, ce qui ne saurait ressortir de la seule évaluation privée requise pour les besoins de la cause en 2015, de sorte que d’éventuelles manoeuvres, qui demeurent à établir, sans tromperie, ne sauraient être constitutives d’un dol.

Le tribunal a d’ailleurs pertinemment relevé sur ce point que la plaquette à visée publicitaire qui vantait les mérites de la région, pour exagérée qu’elle puisse être regardée, n’en était pas pour autant mensongère et à tout le moins il n’est pas allégué qu’elle comporterait des allégations effectivement contredites.

Les appelants ne démontrent pas non plus que le prix payé n’était pas celui qu’ils ont accepté d’y mettre après avoir réservé le bien et disposé d’un délai de rétractation pendant lequel ils avaient effectivement tout loisir de se renseigner plus précisément sur sa valeur, en sorte qu’il n’est pas établi que leur consentement, s’agissant de la valeur du bien, a été surpris par le dol et qu’en conséquence, aucune action sur le fondement du dol sur la valeur vénale du bien ne saurait prospérer, les époux [S] étant en conséquence déboutés de leurs demandes sur ce fondement.

b) l’action fondée sur le dol portant sur la valeur locative et la rentabilité:

Le tribunal a débouté les époux [S] de leur demande à ce titre retenant notamment qu’il n’était pas établi que le prix de vente du bien n’était pas conforme à la côte annuelle des valeurs immobilières et foncières du 1er janvier 2007 au regard de la taille et du standing de l’appartement.

Il a par ailleurs été sus retenu qu’il n’était pas établi que le prix d’achat en 2007 n’était pas conforme au prix de l’appartement et à celui que les époux [S] étaient disposés à y investir et qu’aucun vendeur ne pouvait garantir la pérennité de la valeur d’achat d’un bien immobilier qui dépend également d’événements imprévisibles comme une crise économique.

Le tribunal a encore justement retenu que le vendeur n’avait pris aucun engagement contractuel de garantir ce loyer au delà de 12 mois après l’acquisition, ni après la mise en place du premier locataire et qu’en tout état de cause le montant du loyer a pu être maintenu durant huit années conformément aux prévisions contractuelles initiales, les époux [S] ayant également bénéficié durant quinze années de l’avantage fiscal.

Les époux [S] contestent cette décision insistant sur les manoeuvres déployées par le ‘commercialisateur’ qui leur aurait fait croire qu’il leur proposait une solution patrimoniale et fiscale sur mesure et sans le moindre risque en procédant à une simulation leur laissant croire que les loyers comme l’avantage fiscal étaient garantis en continu, que le bien prendrait de la valeur pour les montants estimés dans la simulation, alors qu’il ne disposait que d’un seul et unique produit et que cette simulation qui, sans avoir valeur contractuelle, a participé de leur prise de décision, était irréalisable, caractérisant une manoeuvre dolosive destinée à surprendre leur consentement.

Cependant, la simulation dont le tribunal a justement retenu qu’elle n’avait pas valeur contractuelle, établie sur une feuille libre qu’il n’est pas possible d’attribuer aux sociétés intimées ou à leur mandataire, présentant l’opération dans l’hypothèse la plus favorable, ne permet pas d’établir que l’opération avait été présentée aux époux [S] comme ne présentant aucun aléa, ce qui n’y est pas mentionné. Ce document non signé ne saurait dès lors caractériser une manoeuvre dolosive imputable aux sociétés intimées, alors qu’au surplus le contrat signé ne contenait, ainsi que l’a justement retenu le tribunal, aucune garantie de maintien du loyer au delà de la mise en place du premier locataire et que le loyer pratiqué avait été durant huit années conforme aux prévisions initiales avant d’être baissé à un montant hors charges de 460 euros (au lieu de 555 euros brut), ce qui ne constituait effectivement pas en soi un événement suffisamment significatif pour conférer valeur dolosive à la situation locative telle que présentée avant contrat.

En tout état de cause, même profanes, les acquéreurs qui en conviennent ne pouvaient ignorer qu’aucun vendeur ne peut garantir pour l’avenir l’évolution d’un marché immobilier susceptible d’impacter tant la valeur d’un bien que son rendement locatif et les époux [S] ne démontrent pas que les vendeurs ou leurs mandataires connaissaient lors de la signature l’évolution défavorable qui impacterait pour l’avenir ce marché, alors que seule cette connaissance serait de nature à caractériser une éventuelle manoeuvre dolosive par réticence pour ne pas en avoir informé les acquéreurs.

Quant à l’avantage fiscal, il n’est pas contesté que les époux [S] en ont pleinement bénéficié.

De ces motifs ajoutés à ceux pertinents des premiers juges il résulte qu’il n’est pas établi que les époux [S] ont été trompés sur la valeur locative et la rentabilité de l’opération et que leur consentement s’est trouvé surpris sur ces points par des manoeuvres dolosives.

Le jugement entrepris est en conséquence confirmé en ce qu’il a débouté les époux [S] de leur demande de ce chef.

En l’absence d’annulation du contrat pour dol, le jugement est également confirmé en ce qu’il a déclaré en conséquence sans objet les demandes en résiliation du contrat de prêt à l’encontre du Crédit Immobilier de France Sofiap ou de la souscription d’assurance à l’encontre de la CNP.

B ) Sur le manquement à l’obligation d’information et de conseil:

Le tribunal a écarté tout manquement à l’obligation précontractuelle ou contractuelle d’information tenant à un manque d’information concernant l’état et le contexte du marché immobilier local, la valeur vénale du bien litigieux, le caractère ‘purement théorique’ de la rentabilité de l’opération et le risque, au motif que l’obligation de conseil n’avait pas à porter sur une information que le cocontractant n’est pas légitime à ignorer, alors qu’il n’est pas établi que le vendeur ait communiqué des informations incomplètes quant au contexte local au moment de la construction de la résidence, ni que la rentabilité de l’opération était vouée à l’échec.

Il est constant que le vendeur professionnel est tenu avant la conclusion du contrat d’une obligation précontractuelle d’information et de conseil et d’un devoir de mise en garde. Il est ainsi tenu de s’assurer de l’adéquation du produit vendu aux besoins du client et doit mettre en garde le client contre les risques du produit. Une obligation du même ordre pèse sur le conseiller en investissement agissant pour le compte du vendeur.

Ainsi que l’observent justement les époux [S], contrairement à ce qu’à retenu le tribunal, il appartient au professionnel de rapporter la preuve de ce qu’il a rempli son devoir de mise en garde et de conseil.

Ainsi, même si les appelants n’établissent pas que la simulation qu’ils versent aux débats (leur pièce n° 2), comme n’étant ni signée, ni datée, correspond à un document qui leur aurait été remis par le représentant de la société BLC, cela ne dispense pas les sociétés intimées de rapporter la preuve qu’elles ont rempli leur devoir d’information et de mise en garde.

Or, les appelants ne peuvent soutenir qu’il leur était promis au terme de la simulation un loyer hors charge annuel de 6 660 euros, outre revalorisation annuelle, soit 555 euros/ mois, alors qu’il résulte de leurs écritures que la somme de 555 euros par mois prévue à l’origine était une somme brute (comprenant les charges) et de la simulation qu’ils versent aux débats (leur pièce n° 2), que de la somme de 6 660 euros annuelle devait être déduite celle de 1 362 euros de charges locatives, soit une somme nette mensuelle de 441,50 euros, alors que les époux [S] conviennent qu’ils ont pu louer leur appartement pendant huit ans du 1er février 2009 au 31 mars 2017 pour un loyer hors charges de 510 euros, soit pour un montant finalement supérieur au loyer annoncé et qu’ils l’ont ensuite loué pendant encore un an pour un loyer hors charge de 460 euros, somme encore légèrement supérieure aux prévisions.

Par ailleurs, ils ne sauraient soutenir sur ce point que le rendement locatif avait été annoncé sans risque alors même qu’ils concluaient lors de la réservation du bien, dès le 9 août 2007, outre un contrat de gérance locative, une garantie ‘gérance sécurisée’ comprenant notamment une garantie loyers impayés mais également pour vacance locative (leur pièce n°4), ce dont il ressort qu’ils avaient été avisés du risque locatif tenant à une possible vacance de location, et donc du risque d’une évolution péjorative du marché immobilier et locatif local, et qu’ils avaient sur ce point été judicieusement conseillés.

Ainsi, il n’est pas établi que l’éventuelle perte de valeur du bien 8 ans après l’acquisition, à supposer que la seule évaluation privée versée aux débats par les appelants en rapporte la preuve, et le fait qu’à compter de 2018 le loyer ait été revu à la baisse et n’ait pas suivi la perspective de revalorisation annuelle escomptée mais non garantie, soit révélatrice d’un manquement des vendeurs ou de la société BLC à leur devoir d’information et de conseil plutôt qu’à une évolution défavorable du marché immobilier local due à la crise économique et immobilière qui n’était pas prévisible et qui ne ressortait pas du devoir d’information, aucun conseiller financier n’étant tenu de garantir son client contre un tel risque dont les époux [S] étaient avisés.

Au surplus, le préjudice résultant d’un manquement au devoir de conseil ou de mise en garde qui correspond à une perte de chance de ne pas conclure ou de conclure à de meilleures conditions, ne saurait être équivalent au montant de la perte financière déplorée, ainsi que le sollicitent les époux [S].

Le jugement entrepris est en conséquence confirmé en ce qu’il a débouté les époux [S] de leurs demandes au titre d’un manquement au devoir d’information et de conseil ainsi que de toutes autres demandes y afférentes au titre du contrat de prêt et de la couverture CNP.

Succombant en leur recours, les époux [S] en supporteront les dépens et seront équitablement condamnés à payer aux sociétés Tagerim Promotion, en qualité de mandataire ad’hoc de la SCCV Les Côteaux d’Entraygues et en son nom propre, Tagerim Promotion Immobilière et MP/A. Investissement, ensemble, une somme de 3000 euros et à la société Sofiap d’une part et aux sociétés CNP Assurances et CNP IAM, d’autre part, une somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La Cour

Infirme partiellement le jugement entrepris.

Statuant à nouveau des chefs réformés:

Déclare recevable l’action en annulation fondée sur le dol sur la valeur vénale du bien.

Au fond, déboute M. [H] [S] et Mme [X] [P] épouse [S] de leur demande de ce chef.

Confirme le jugement entrepris pour le surplus de ses dispositions non contraires au présent arrêt et y ajoutant:

Condamne M. [H] [S] et Mme [X] [P] épouse [S] à payer, au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile:

-aux sociétés Tagerim Promotion, en qualité de mandataire ad’hoc de la SCCV Les Côteaux d’Entraygues et en son nom propre, Tagerim Promotion Immobilière et MP/A. Investissement, une somme de 3 000 euros,

– à la société SOFIAP une somme de 1 500 euros,

– auxs société CNP Assurances et CNP AIM, une somme de 1 500 euros,

Condamne M. [H] [S] et Mme [X] [P] épouse [S] aux dépens du présent recours.

La présente décision a été signée par madame Paule POIREL, présidente, et madame Audrey COLLIN, greffier, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER LA PRESIDENTE

 


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