15 septembre 2022 Cour d’appel de Nîmes RG n° 20/01939

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15 septembre 2022 Cour d’appel de Nîmes RG n° 20/01939

ARRÊT N°

N° RG 20/01939 –

N° Portalis DBVH-V-B7E-HYTP

SL – NR

TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE D’AVIGNON/FRANCE

30 juin 2020

RG :17/03651

[E]

C/

POLE EMPLOI

Grosse délivrée

le 15/09/2022

à Me Jacques TARTANSON

à Me Louis-Alain LEMAIRE

COUR D’APPEL DE NÎMES

CHAMBRE CIVILE

1ère chambre

ARRÊT DU 15 SEPTEMBRE 2022

APPELANT :

Monsieur [P] [E]

né le 04 Février 1977 à [Localité 7]

[Adresse 3]

[Localité 8]/FRANCE

Représenté par Me Jacques TARTANSON, Plaidant/Postulant, avocat au barreau D’AVIGNON

INTIMÉE :

POLE EMPLOI

[Adresse 2]

[Localité 1]

Représentée par Me Louis-Alain LEMAIRE, Plaidant/Postulant, avocat au barreau D’AVIGNON

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :

Mme Séverine LEGER, Conseillère, a entendu les plaidoiries en application de l’article 805 du code de procédure civile, sans opposition des avocats, et en a rendu compte à la cour lors de son délibéré.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Mme Elisabeth TOULOUSE, Conseillère faisant fonction de Présidente

Mme Séverine LEGER, Conseillère

Nicolas MAURY, Conseiller

GREFFIER :

Mme Nadège RODRIGUES, Greffière, lors des débats et du prononcé de la décision

DÉBATS :

À l’audience publique du 13 Juin 2022, où l’affaire a été mise en délibéré au 15 Septembre 2022,

Les parties ont été avisées que l’arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d’appel ;

ARRÊT :

Arrêt contradictoire, prononcé publiquement et signé par Mme Elisabeth TOULOUSE,Conseillère faisant fonction de Présidente, le 15 Septembre 2022, par mise à disposition au greffe de la Cour

EXPOSE DU LITIGE

M. [P] [E] s’est inscrit comme demandeur d’emploi le 24 avril 2012 et a été indemnisé par l’assurance chômage à compter du 29 mai 2012.

Dans le cadre des contrôles effectués par le service prévention des fraudes, Pôle emploi a révélé que M. [E] ne lui avait pas déclaré une reprise d’activité salariée chez [4] du 3 septembre 2012 au 17 décembre 2015.

Une contrainte lui a été signifiée le 23 mars 2017 aux fins de rembourser le trop-perçu d’un montant total de 30 407,34 euros au titre d’indemnités versées du 1er septembre 2012 au 28 mai 2014.

Par courrier recommandé avec accusé de réception parvenu au tribunal judiciaire d’Avignon le 15 mai 2017, M. [E] a fait opposition à la contrainte.

Par jugement contradictoire du 30 juin 2020, le tribunal judiciaire d’Avignon a :

– déclaré l’action de Pôle emploi non prescrite,

– condamné M. [P] [E] à verser à Pôle emploi la somme de 29 818,34 euros, tenant compte de la dernière actualisation faite par Pôle emploi au titre du trop-perçu pour la période du 1er septembre 2012 au 28 mai 2014 augmenté des frais de mise en demeure,

– condamné M. [P] [E] à verser à Pôle emploi la somme de 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamné M. [P] [E] aux entiers dépens de l’instance.

Par déclaration du 6 août 2020, M. [E] a interjeté appel de cette décision.

Par conclusions d’incident notifiées par voie électronique le 10 février 2022, l’appelant a saisi le conseiller de la mise en état afin de voir déclarer prescrite 1’action en répétition de l’indu engagée par Pôle emploi pour la période antérieure au 23 mars 2014.

Par ordonnance contradictoire du 21 avril 2022, le conseiller de la mise en état s’est déclaré incompétent pour statuer sur la fin de non-recevoir tirée de la prescription, a fixé l’affaire à l’audience rapporteur du 13 juin 2022, avec clôture de la procédure au 30 mai 2022 et a réservé les demandes formulées au titre de l’article 700 du code de procédure civile et dit que les dépens de l’incident seraient joints au fond.

Dans ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 3 mai 2022 auxquelles il sera renvoyé pour un plus ample exposé de ses prétentions et moyens, l’appelant demande à la cour de :

– réformer en toutes ses dispositions le jugement dont appel,

– déclarer l’action en répétition de l’indu engagée par Pôle emploi prescrite pour la période antérieure au 23 mars 2014,

– constater l’absence de déclaration illégale effectuée par lui,

– dire l’action en répétition de l’indu de Pôle emploi non fondée,

– débouter Pôle emploi de l’intégralité de ses demandes,

– le condamner au paiement d’une somme de 2 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.

Il fait valoir que :

– l’action en répétition de l’indu pour la période antérieure au 23 mars 2014 est prescrite au regard du délai triennal prévu à l’article L 5422-5 du code du travail puisque la contrainte a été délivrée le 23 mars 2017 et qu’aucune fraude ou fausse déclaration ne lui est imputable ;

– s’il a effectivement retrouvé un nouvel emploi à compter du 3 septembre 2012, il n’a pas sollicité son actualisation mensuelle à partir de cette date de sorte qu’il aurait dû être désinscrit par Pôle emploi ;

– Pôle emploi ne rapporte pas la preuve que le virement des sommes litigieuses a été effectué à son profit.

Dans ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 6 janvier 2022 auxquelles il sera également renvoyé, l’intimé demande à la cour de :

– confirmer en toutes dispositions le jugement dont appel,

– confirmer la contrainte précédemment émise à l’encontre de M. [E],

– condamner M. [E] à lui payer la somme de 29 818,34 euros due au titre du solde du trop-perçu notifié augmenté des frais de mise en demeure avec intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure en date du 26 avril 2016 et la somme de de 2 400 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– ordonner la capitalisation des intérêts,

– débouter M. [E] de toutes ses demandes, fins et conclusions,

– le condamner aux entiers dépens de première instance et d’appel, ces derniers distraits au profit de Maître Louis Alain Lemaire, avocat aux offres de droit.

L’intimé fait valoir que :

– la prescription applicable est de 10 ans au regard de l’existence d’une fraude et fausse déclaration imputable à M. [E] qui a sollicité son indemnisation sans déclarer une reprise d’emploi à compter du 3 septembre 2012 ;

– l’action en répétition de l’indu est bien fondée au regard des obligations déclaratives à la charge du demandeur d’emploi auxquelles M. [E] ne s’est pas conformé ;

– le compte sur lequel ont été versées les prestations indues a été ouvert au nom de M. [E] et de sa compagne avec la mention de leur adresse dans le Vaucluse.

Par ordonnance contradictoire du 21 avril 2022, le conseiller de la mise en état a fixé l’affaire à l’audience rapporteur du 13 juin 2022, avec clôture de la procédure au 30 mai 2022.

L’affaire a été mise en délibéré par mise à disposition au greffe de la décision le 15 septembre 2022.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la fin de non-recevoir tirée de la prescription :

Aux termes des dispositions de l’article L5422-5 du code du travail, l’action en remboursement de l’allocation d’assurance indûment versée se prescrit par trois ans. En cas de fraude ou de fausse déclaration, elle se prescrit par dix ans. Ces délais courent à compter du jour du versement de ces sommes.

L’appelant se prévaut du délai triennal de prescription et non du délai décennal et conteste la fraude ou fausse déclaration de sa part au moyen de l’absence d’actualisation de sa situation mensuelle qui aurait dû conduire à la cessation du versement des indemnités par Pôle emploi en application des dispositions de l’article L5426-2 du code du travail.

Il conteste avoir commis un quelconque acte positif de nature à caractériser une fraude ou fausse déclaration de sa part.

L’intimé oppose qu’au regard des obligations déclaratives incombant au demandeur d’emploi, il appartenait à M. [E] de déclarer sa reprise d’emploi à compter du 3 septembre 2012, ce dont il s’est abstenu et que cet élément caractérise sa mauvaise foi et une fraude de sa part justifiant l’application du délai décennal de prescription.

En application des dispositions de l’article L5411-2 du code du travail, les demandeurs d’emploi doivent porter à la connaissance de Pôle emploi les changements affectant leur situation susceptible d’avoir une incidence sur leur inscription comme demandeurs d’emploi.

Il résulte par ailleurs des dispositions combinées des articles R5411-6 et R5411-7 qu’ils doivent signaler dans un délai de 72 heures l’exercice de toute activité professionnelle même occasionnelle ou réduite et quelle que soit sa durée.

M. [E] ne justifiant pas avoir procédé à la déclaration de sa reprise d’activité professionnelle à compter du 3 septembre 2012, il est établi qu’il a manqué à ses obligations déclaratives, ce qui caractérise l’existence de la fraude et justifie l’application du délai de prescription de dix ans, dont le point de départ doit être fixé à la date du premier versement indu soit à compter du 1er septembre 2012.

Il ne peut dès lors reprocher à Pôle emploi d’avoir continué à lui verser des prestations au moyen qu’il affirme avoir de son côté cessé de procéder à son actualisation mensuelle puisqu’il lui incombait de porter à la connaissance de Pôle emploi la modification de sa situation professionnelle de nature à impacter le maintien de ses droits à indemnisation.

La notification de la contrainte étant intervenue le 23 mars 2017, la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l’action en répétition de l’indu sera rejetée par voie de confirmation de la décision déférée sur ce point.

Sur le bien fondé de l’action en répétition de l’indu :

Pôle emploi justifie avoir adressé par lettre recommandée du 31 août 2016 une mise en demeure à M. [E] aux fins de remboursement des sommes indûment perçues par ce dernier pour la période du 1er septembre 2012 au 30 septembre 2012 à hauteur de 1 413,60 euros et pour la période du 1er octobre 2012 au 28 mai 2014 pour 28 989,06 euros en raison d’une reprise d’activité salariée chez [4] du 3 septembre 2012 au 1er mars 2016.

Pôle emploi produit une attestation, en date du 21 août 2018, de versement des allocations indues à M. [E], demeurant à [Localité 8], pour un montant total de 30 402,66 euros sur laquelle un solde reste dû à hauteur de 29 813,66 euros.

Pôle emploi produit les coordonnées du compte bancaire sur lequel les indemnités litigieuses ont été versées, compte ouvert à la [5] au nom de M. [P] [E] dont le relevé [6] permet d’établir que celui-ci a été ouvert le 14 septembre 2010 et clôturé le 14 avril 2015, ce compte mentionnant bien, depuis le 11 janvier 2013, l’adresse géographique de M. [E] située à [Localité 8] dans le Vaucluse correspondant en tous points à l’adresse de l’appelant.

Ce compte mentionne également la date de naissance de M. [E] ainsi que le nom de sa compagne en qualité de co-titulaire du compte.

Dans ces conditions, M. [E] est mal fondé en son argumentation tendant à soutenir qu’il serait totalement étranger à l’ouverture de ce compte sur lequel il n’aurait jamais sollicité le versement d’allocations alors que les pièce produites par Pôle emploi attestent du contraire puisque les références bancaires de ce compte ont été saisies le 16 mai 2012 par Pôle emploi.

Il résulte d’ailleurs de l’interrogation du fichier [6] que M. [E] et sa concubine sont également titulaires d’un autre compte ouvert le 7 novembre 2014 à la société marseillaise de crédit mentionnant non pas la date de naissance du 4 février 1977 correspondant à celle de M. [E] mais celle du 4 février 1976 à propos de laquelle Pôle emploi produit la copie d’un passeport qui a été analysé comme étant falsifié.

Les éléments de son identité n’étant nullement falsifiés s’agissant du compte ouvert en Lorraine Champagne Ardenne sur lequel les prestations litigieuses ont été versées, l’argumentation de M. [E] développée dans ses correspondances adressées à Pôle emploi fondées sur l’allégation d’une usurpation d’identité ne sont pas fondées.

La preuve des versements indus étant rapportée par Pôle emploi, la décision du premier juge sera confirmée dans l’intégralité de ses dispositions.

Sur les autres demandes :

Succombant en son appel, M. [E] sera condamné à en régler les entiers dépens en application des dispositions de l’article 696 du code de procédure civile avec recouvrement direct au profit de Maître Louis Alain Lemaire, avocat conformément à l’article 699 de ce même code.

Aucune considération d’équité ne commande de faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile au profit de Pôle emploi pour les frais exposés par ce dernier en cause d’appel mais la décision du premier juge sera confirmée en ce qu’il lui a été alloué la somme de 1 500 euros.

M. [E] sera débouté de sa prétention de ce chef en ce qu’il succombe.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Confirme le jugement déféré en ses dispositions soumises à la cour ;

Y ajoutant,

Condamne M. [P] [E] aux entiers dépens de l’appel et autorise le recouvrement direct des frais dont il aura été fait l’avance sans avoir reçu provision au profit de Maître Louis Alain Lemaire, avocat ;

Déboute les parties de leur prétention respective au titre de l’article 700 du code de procédure civile pour les frais exposés en cause d’appel.

Arrêt signé par Mme TOULOUSE, Conseillère faisant fonction de Présidente et par Mme RODRIGUES, Greffière.

LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,

 


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