12 mai 2022 Cour d’appel de Nancy RG n° 21/02007

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12 mai 2022 Cour d’appel de Nancy RG n° 21/02007

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

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COUR D’APPEL DE NANCY

DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE

ARRÊT N° /22 DU 12 MAI 2022

Numéro d’inscription au répertoire général :

N° RG 21/02007 – N° Portalis DBVR-V-B7F-E2LJ

Décision déférée à la Cour :

jugement du Tribunal de proximité de SAINT DIE DES VOSGES, R.G. n° 11.20.000143, en date du 30 avril 2021,

APPELANTS :

Monsieur [D] [B]

né le 15 Décembre 1969 à CAYIRALAN, demeurant 72 rue Aristide Briand – 88110 RAON L ETAPE

Représenté par Me Emilia GRECO, avocat au barreau D’EPINAL

Madame [P] [B] née [J]

née le 10 Mars 1976 à CAYIRALAN, demeurant 72 rue Aristide Briand – RAON L ETAPE

Représentée par Me Emilia GRECO, avocat au barreau d’EPINAL

INTIMÉES :

S.E.L.A.R.L. SBCMJ mandataires judiciaires, ayant son siège 30-32 rue Gambetta – 50200 COUTANCES prise en la personne de Maitre [G] [M]

Es qualité de Mandataire liquidateur de la SASU MANCHE ERNEGIES RENOUVELABLES,

régulièrement saisi par exploit d’huissier du 28 septembre 2021 à personne habilitée et n’ayant pas constitué avocat

S.A. CA CONSUMER FINANCE anciennement dénommée SOFINCO prise en la personne de son représentant légal pour ce domicilié au siège social 1 rue Victor Basch – CS 70001 – 91068 MASSY CEDEX inscrite au registre du commerce et de l’industrie d’Evry sous le numéro 542 097 522

Représentée par Me Raoul GOTTLICH de la SCP SCP D’AVOCATS RAOUL GOTTLICH PATRICE LAFFON, avocat au barreau de NANCY

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 786 et 907 du Code de Procédure Civile, l’affaire a été débattue le 31 Mars 2022, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Monsieur Francis MARTIN, Président et Madame Fabienne GIRARDOT, conseillère ;

chargée du rapport ;

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Monsieur Francis MARTIN, Président de chambre, ,

Madame Fabienne GIRARDOT, Conseillère,

Madame Nathalie BRETILLOT, Conseillère

Greffier, lors des débats : Monsieur Ali ADJAL.

A l’issue des débats, le Président a annoncé que la décision serait rendue par mise à disposition au greffe le 12 Mai 2022, en application du deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile ;

ARRÊT : réputé contradictoire, rendu par mise à disposition publique au greffe le 12 Mai 2022, par Monsieur Ali ADJAL, greffier, conformément à l’article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile ;

signé par Monsieur Francis MARTIN, Président de la deuxième chambre civile, Président de chambre, et par Monsieur Ali ADJAL, Greffier ;

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Copie exécutoire délivrée le à

Copie délivrée le à

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EXPOSE DU LITIGE

Suivant bon de commande n°7156 signé le 7 mai 2019, M. [D] [B] a sollicité auprès de la SASU Manche Energie Renouvelable (ci-après SASU MER) agissant sous le nom commercial de ‘ Direct Habitat ‘, dans le cadre d’un démarchage à domicile, la fourniture et l’installation d’une pompe à chaleur air-air avec chauffe-eau thermodynamique pour un montant de 24 800 euros TTC, financé au moyen d’un contrat de prêt consenti à M. [D] [B] et Mme [P] [J] épouse [B] par la SA Financo suivant offre préalable signée le même jour, prévoyant un remboursement au taux de 3,9% l’an sur une durée de 125 mois. La date limite de livraison du bien et d’exécution de la prestation de services a été fixée au ‘ maximum de trois mois à compter de la date de signature du bon de commande ‘.

Le 22 mai 2019, M. [D] [B] a signé un document intitulé ‘ attestation de fin de travaux ‘, indiquant que ‘ l’installation -soit la livraison et la pose- est terminée à ce jour, et correspond au bon de commande n°7156 datant du 7 mai 2019 ‘, et qu’il prononce ‘ la réception des travaux, sans réserve, avec effet en date du 22 mai 2019 ‘, et a coché les croix confirmant notamment que le matériel avait été mis en service en sa présence, qu’il fonctionnait correctement, que le fonctionnement lui avait été expliqué et qu’il avait reçu le manuel d’utilisation du matériel.

Le 22 mai 2019, M. [D] [B] a signé une demande de financement certifiant que le bien et/ou la prestation de service financés avait été livrés et exécutés conformément au bon de commande et/ou à la facture, et a demandé que le prêteur procède au financement du crédit.

Par courrier en date du 4 juin 2019, la SA Sofinco a confirmé à M. [D] [B] et Mme [P] [J] épouse [B] les caractéristiques du financement souscrit prévoyant son remboursement en 120 échéances de 282,88 euros du 5 décembre 2019 au 5 novembre 2029.

Par courriers recommandés des 19 novembre 2019 et 30 novembre 2019, M. [D] [B] a informé le vendeur de l’absence de fonctionnement du chauffage à l’étage et a demandé des explications sur les aides évoquées lors de la signature du contrat.

Par courrier du 9 décembre 2019, l’association de consommateurs UFC Que choisir agissant au nom des emprunteurs a signalé au prêteur que le prêt avait été accepté après l’exécution des travaux et que des problèmes affectaient l’installation.

Une procédure de liquidation judiciaire a été ouverte au bénéfice de la SASU MER le 4 février 2020 et la SELARL SBCMJ, prise en la personne de Me [G] [M], a été nommée en qualité de liquidateur judiciaire.

***

Par actes d’huissier signifiés le 15 juin 2020 et le 20 juillet 2020, M. [D] [B] et Mme [P] [J] épouse [B] ont fait assigner devant le juge des contentieux de la protection du tribunal de proximité de Saint Dié des Vosges la SELARL SBCMJ, ès qualités, et la SA CA Consumer Finance, anciennement dénommée Sofinco, afin de voir prononcer l’annulation des contrats de vente et de crédit affecté en application de leur droit à rétractation, et subsidiairement, la caducité du contrat de vente. Plus subsidiairement, ils ont sollicité l’annulation des contrats de vente et de crédit affecté en raison de l’irrégularité du bon de commande et de leur consentement vicié par le dol ou l’erreur, et de voir la SA CA Consumer Finance privée de sa créance de restitution du capital emprunté et condamnée à leur rembourser les mensualités versées.

La SA CA Consumer Finance a conclu à titre principal à l’irrecevabilité des demandes de M. [D] [B] et Mme [P] [J] épouse [B] pour défaut de déclaration de créance à la procédure collective de la SASU MER, et a sollicité à titre reconventionnel la résolution judiciaire du contrat de crédit et la condamnation de M. [D] [B] et Mme [P] [J] épouse [B] à lui verser la somme de 21 791 euros.

La SELARL SBCMJ, es qualités, n’a pas été représentée.

Par jugement en date du 30 avril 2021, le juge des contentieux de la protection du tribunal de proximité de Saint Dié des Vosges a :

– déclaré recevable l’action de M. [D] [B] et Mme [P] [J] épouse [B],

– débouté M. [D] [B] et Mme [P] [J] épouse [B] de leur demande de nullité du contrat de vente souscrit sur le fondement de leur droit à rétractation,

– prononcé la nullité du contrat conclu entre M. [D] [B] et Mme [P] [J] épouse [B] et la SAS MER le 7 mai 2019 en raison de l’inobservation des dispositions de l’article L. 111-1 du code de la consommation,

– prononcé la nullité du contrat de prêt affecté liant M. [D] [B] et Mme [P] [J] épouse [B] à la SA CA Consumer Finance en date du 7 mai 2019,

– débouté M. [D] [B] et Mme [P] [J] épouse [B] de leur demande de condamnation de la SA CA Consumer Finance au remboursement des sommes versées en vertu du contrat de crédit,

– condamné M. [D] [B] et Mme [P] [J] épouse [B] solidairement à payer à la SA CA Consumer Finance la somme de 21 791 euros au titre du contrat de crédit conclu le 7 mai 2019,

– débouté les parties du surplus de leurs demandes,

– condamné la SELARL SBCMJ, ès qualités de liquidateur de la SA MER, à payer à M. [D] [B] et Mme [P] [J] épouse [B] la somme de 1 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamné in solidum la SA CA Consumer Finance et la SELARL SBCMJ, ès qualités, à supporter les dépens,

– rappelé que la présente décision est assortie de l’exécution provisoire.

Le premier juge a constaté que les demandes de M. [D] [B] et Mme [P] [J] épouse [B] n’étaient pas concernées par le principe d’interdiction des poursuites et la nécessité de déclaration de créance à la procédure collective du vendeur. Il a prononcé la nullité du contrat de vente tirée de l’irrégularité du bon de commande (pour absence de la marque du chauffe eau et de la raison sociale du vendeur) et la nullité subséquente du contrat de crédit affecté, et a jugé que la SA CA Consumer Finance avait commis une faute la privant de sa créance de restitution du capital emprunté au regard de l’irrégularité du bon de commande. Il a également relevé l’existence d’une faute dans le déblocage des fonds, en ce que l’établissement de crédit, ‘ partenaire habituel de la SASU MER et en conséquence averti du déroulement d’une opération d’installation de matériel de pompe à chaleur et d’un chauffe-eau thermodynamique, se devait de s’interroger sur le délai particulièrement bref séparant la signature du contrat (le 7 mai 2019) de cette attestation de livraison (le 22 mai 2019), soit moins d’un mois, et ce compte tenu également de l’existence d’un délai de rétractation ‘. Il a constaté que M. [D] [B] et Mme [P] [J] épouse [B] ne justifiaient pas de l’existence d’un préjudice en lien avec les fautes du prêteur.

***

Par déclaration reçue le 10 août 2021, M. [D] [B] et Mme [P] [J] épouse [B] ont interjeté appel du jugement du 30 avril 2021 en ce qu’il les a déboutés de leur demande en remboursement des sommes versées au titre du contrat de prêt et du surplus de leurs demandes, et les a solidairement condamnés à payer la somme de 21 791,20 euros.

Dans leurs dernières conclusions transmises le 23 septembre 2021, auxquelles il convient de se reporter pour l’exposé détaillé de leurs prétentions et moyens, M. [D] [B] et Mme [P] [J] épouse [B], appelants, demandent à la cour sur le fondement des articles L. 221-18 2, L. 221-20, L. 242-1 et L. 111-1 et suivants du code de la consommation, ainsi que des articles 1304-6, 1132, 1133, 1135, 1137 et 1169 du code civil, outre de l’article L546-1 du code monétaire et financier et de l’article 514 du code de procédure civile :

– de dire et juger leur appel recevable et bien fondé,

– de réformer la décision entreprise en date du 30 avril 2021 du tribunal de proximité de Saint Dié des Vosges, en ce que la juridiction de première instance les a déboutés de leur demande de condamnation de la SA CA Consumer Finance au remboursement des sommes versées en vertu du contrat de prêt et du surplus de leurs demandes, et les a solidairement condamnés à payer à la SA CA Consumer Finance la somme de 21 791,20 euros au titre du contrat de crédit conclu le 7 mai 2019,

Et statuant à nouveau,

– de prononcer la nullité du bon de commande et du contrat de crédit accessoire,

– de prononcer la nullité du contrat de vente conclu le 7 mai 2019 avec la SASU MER,

– de prononcer la nullité du contrat de prêt affecté à cette vente,

– de constater la faute de la banque Sofinco,

– de constater que la faute de la banque leur a causé un préjudice dont ils apportent la preuve,

En conséquence,

– de dire et juger que la SA CA Consumer Finance sera privée de l’intégralité de sa créance de restitution,

– d’ordonner le remboursement par la SA CA Consumer Finance des mensualités qu’ils ont versées,

– de condamner ‘ solidairement ‘ (sic) la SELARL SBCMJ, prise en la personne de Me [G] [M], liquidateur de la SASU MER, à leur payer la somme de 1500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

– de condamner solidairement la SELARL SBCMJ, prise en la personne de Me [G] [M], liquidateur de la SASU MER ‘ Sofinco’ (sic) aux entiers dépens de l’instance.

Au soutien de leurs demandes, M. [D] [B] et Mme [P] [J] épouse [B] font valoir en substance :

– qu’ils sollicitent la nullité du contrat principal de vente en raison du manquement du bon de commande aux règles impératives du droit de la consommation ; que le bon de commande ne fait aucune référence au modèle de la pompe à chaleur et du chauffe-eau s’agissant d’une caractéristique essentielle, qu’il ne fait pas de distinction entre le prix des matériaux et de la main d’oeuvre et ne comporte aucune mention de durée ou de modalités pratiques des travaux, qu’il ne mentionne pas l’identité de l’entreprise sous la forme de sa raison sociale employant le nom commercial de ‘ Direct Habitat ‘, de même que l’identité de l’assureur garant en responsabilité civile professionnelle et éventuellement en garantie décennale ; que les conditions générales ne sont pas lisibles ni compréhensibles ; que la seule mention de prise de connaissance des conditions générales rappelant les dispositions du code de la consommation (non en vigueur à la date du contrat) ne saurait valoir connaissance du vice, de sorte que l’acceptation de livraison n’a pas pour effet de couvrir les irrégularités du bon de commande ;

– qu’ils sollicitent la nullité du contrat principal de vente pour vice du consentement par dol ou erreur ; que l’absence de mentions essentielles au bon de commande, l’utilisation de l’image d’EDF et la présentation du projet sur la plaquette publicitaire (mentionnant une constitution du dossier avant commande) caractérisent des signes extérieurs démontrant la volonté du démarcheur de faire croire à un partenariat pour tromper le consommateur, précisant qu’ils sont de nationalité turque et ne parlent pas parfaitement la langue française ; que le commercial a délibéremment menti sur les économies d’énergie possibles ainsi que sur les primes ou crédits d’impôt ; qu’ils ont contracté afin de bénéficier d’une véritable contrepartie caractérisée par l’autofinancement de l’installation par les économies d’énergie permettant de financer le coût de l’opération alors que l’installation est ruineuse dans la mesure où aucun bénéfice n’est possible ; que l’objectif de rendement, voire de rentabilité et d’autofinancement est entré dans le champ contractuel au regard de la plaquette publicitaire détaillée et précise ayant influencé leur consentement ;

– que la banque a commis une faute en débloquant les fonds au profit du vendeur alors que le contrat n’avait pas été formé, à défaut d’acceptation du crédit formulée dans les sept jours, s’agissant d’une condition suspensive (ce qui leur aurait permis de rétracter dans le délai de 14 jours), et avant même la pose de l’installation, dans la mesure où la facture du 23 mai 2019 (lendemain de l’installation) porte la mention ‘ payée ‘ ; que le ballon thermodynamique mentionné à la facture est de marque Ariston 250 litres alors que le bon de commande mentionne la marque Atlantic ou thermor de 127 litres, et que le ballon posé est de 244 litres ; que l’attestation de livraison ne présume pas de l’exécution totale et complète du contrat de vente et de service, et que l’exemplaire communiqué ressemble à un montage avec le bon de commande, M. [B] n’ayant pas souvenir d’avoir rédigé une telle attestation ; que la banque n’a effectué aucune vérification de la régularité du bon de commande ;

– que la clause du contrat prévoyant que le déblocage des fonds sera versé directement à l’intermédiaire ‘ dès le 8ème jour à compter de l’acceptation du contrat par l’emprunteur sous réserve de la livraison et/ou de l’installation éventuelle, conforme à la commande, ou de la fourniture de la prestation ‘, est abusive et doit être réputée non écrite, en ce que la SA CA Consumer Finance aurait dû leur verser les fonds ; que cette demande nouvelle est recevable en ce qu’elle constitue un complément nécessaire aux prétentions soumises au premier juge ;

– que la banque n’a pas vérifié que le commercial justifiait d’une formation et d’une immatriculation ;

– que la SA CA Consumer Finance a sciemment accordé son concours à une opération ruineuse et manqué à ses obligations de surveillance, conseil et mise en garde ; qu’elle n’a pas vérifié l’existence d’une étude thermique obligatoire, ni leur solvabilité avant le paiement de Direct Habitat ;

– que le ballon installé est inutilisable, tel que ressortant d’une facture d’intervention et d’une attestation de professionnels, corroborées par un constat d’huissier du 31 mai 2021 ; qu’ils ne peuvent faire fonctionner la pompe à chaleur compte tenu du coût engendré par son fonctionnement ; que leur préjudice matériel correspond à l’intégralité du montant du prêt et non à une perte de chance dans la mesure où le contrat de crédit n’aurait pas commencé à recevoir exécution en cas de respect par la banque de ses obligations ;

– que la faute de la SA CA Consumer Finance portant sur l’absence de mention au bon de commande d’informations sur l’assureur garantie décennale les a privés du droit de recourir à ses services, et le prêteur est responsable de ce manque de vigilance aux termes de l’article L. 312-27 du code de la consommation ;

– qu’il subissent un préjudice moral lié à la procédure judiciaire éprouvante.

Dans ses dernières conclusions transmises le 3 novembre 2021, auxquelles il convient de se reporter pour l’exposé détaillé de ses prétentions et moyens, la SA CA Consumer Finance anciennement dénommée Sofinco, intimée, demande à la cour :

– de confirmer en toutes ses dispositions le jugement de première instance rendu par le juge des contentieux de la protection du tribunal de proximité de Saint Dié des Vosges en ce qu’il a condamné solidairement M. [D] [B] et Mme [P] [J] épouse [B] à lui payer la somme en principal de 21 791,21 euros au titre du contrat de crédit conclu le 7 mai 2019,

Y ajoutant,

– de condamner solidairement M. [D] [B] et Mme [P] [J] épouse [B] à lui régler à une somme de 1 000 euros à titre de dommages et intérêts, outre une somme de 1 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile,

– de condamner solidairement M. [D] [B] et Mme [P] [J] épouse [B] aux entiers dépens.

Au soutien de ses demandes, la SA CA Consumer Finance fait valoir en substance :

– qu’aucune déclaration de créance à la procédure collective du vendeur n’est versée aux débats ;

– que le prêteur ne peut être tenu pour responsable de la non conformité du bon de commande au code de la consommation ; que le bon de commande a été signé en connaissance de cause ;

– que l’attestation de fin de travaux a une date précise et est particulièrement détaillée ;

que le contrat de crédit mentionne les biens et services concernés par le bon de commande ; qu’il ne lui appartenait pas dans ce contexte de vérifier la mise en service de l’installation ;

– que les aides financières et subventions de l’Etat ne font pas partie de la prestation financée, et qu’elle n’a pas été informée du caractère éventuellement déterminant de ces démarches pour leur engagement contractuel ;

– qu’elle n’a pas à apprécier le montant de la prestation facturée par le vendeur ;

– que M. [D] [B] et Mme [P] [J] épouse [B] ont engagé en toute connaissance de cause une procédure abusive.

***

Régulièrement assignée par acte d’huissier délivré à personne se déclarant habilitée à le recevoir le 28 septembre 2021, la SELARL SBCMJ, es qualités de mandataire liquidateur de la SASU MER, n’a pas constitué avocat.

La clôture de l’instruction a été prononcée le 2 février 2022.

MOTIFS DE LA DECISION

Il y a lieu de constater que par l’effet dévolutif de la déclaration d’appel des époux [B], et en l’absence d’appel incident la SA CA Consumer Finance, la cour est saisie uniquement des chefs contestés du jugement tels que repris à la déclaration d’appel.

Aussi, il en résulte que la cour est saisie des chefs du jugement ayant débouté les époux [B] de leur demande en remboursement des sommes versées au titre du contrat de prêt et du surplus de leurs demandes, et les ayant solidairement condamnés à payer la somme de 21 791,20 euros.

En outre, il y a lieu de préciser que les époux [B] n’ont fait valoir aucun moyen dans leurs conclusions d’appelants concernant le ‘débouté du surplus de leurs demandes’, portant initialement sur la nullité du contrat de vente sur le fondement du droit de rétractation et sur la caducité du contrat de vente.

Dans ces conditions, les dispositions du jugement ayant déclaré l’action des époux [B] recevable, et prononcé la nullité du contrat conclu entre les époux [B] et la SAS MER le 7 mai 2019 en raison de l’inobservation des dispositions de l’article L. 111-1 du code de la consommation, ainsi que la nullité du contrat de prêt affecté liant les époux [B] à la SA CA Consumer Finance en date du 7 mai 2019, de même que prononcé la condamnation de la SELARL SBCMJ, ès qualités de liquidateur de la SA MER, à payer aux époux [B] la somme de 1 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et condamné in solidum la SA CA Consumer Finance et la SELARL SBCMJ, ès qualités, à supporter les dépens, sont devenues définitives.

Ainsi, l’effet dévolutif de l’appel porte sur les demandes indemnitaires des époux [B] liées à l’annulation des contrats de vente et de crédit affecté et les demandes en dommages et intérêts.

Sur les restitutions réciproques liées à l’annulation des contrats de vente et de prêt affecté

Les époux [B] se prévalent de fautes commises par le prêteur dans l’exécution du contrat et sollicitent à titre de dommages et intérêts la dispense de son droit à restitution du capital emprunté ainsi que le remboursement des sommes versées.

En effet, le prêteur qui commet une faute lors de la libération des fonds ne peut prétendre au remboursement du capital emprunté dès lors que l’emprunteur justifie avoir subi un préjudice en lien avec cette faute.

Il ressort des dispositions non contestées du jugement que l’irrégularité du bon de commande résulte de l’inobservation des dispositions de l’article L. 111-1 du code de la consommation, et que la SA CA Consumer Finance a commis une faute liée à l’absence de vérification de cette régularité préalablement au déblocage des fonds.

Au préalable, il y a lieu de constater que le prêteur verse aux débats les pièces originales de l’attestation de fin de travaux et de la demande de financement signées par M. [D] [B] le 22 mai 2019 à l’encre bleue, qui témoignent de l’absence de ‘ collage ‘ avec le bon de commande.

En outre, il convient de constater que les fonds ont été débloqués par le prêteur à la réception du document intitulé ‘attestation de fin de travaux’ signé par M. [D] [B] le 22 mai 2019, indiquant que ‘ l’installation -soit la livraison et la pose- est terminée à ce jour, et correspond au bon de commande n°7156 datant du 7 mai 2019 ‘, et prononçant ‘ la réception des travaux, sans réserve, avec effet en date du 22 mai 2019 ‘.

Or, dans ce document, M. [D] [B] a coché les croix confirmant notamment que le matériel avait été mis en service en sa présence, qu’il fonctionnait correctement, que le fonctionnement lui avait été expliqué et qu’il avait reçu le manuel d’utilisation du matériel.

Aussi, M. [D] [B] a signé à cette même date du 22 mai 2019 une demande de financement distincte, certifiant que le bien et/ou la prestation de service financés avait été livré et exécuté conformément au bon de commande et/ou à la facture, et a demandé que le prêteur procède au financement du crédit.

Il en résulte donc que les époux [B] ne justifient d’aucun préjudice en lien avec l’irrégularité formelle du bon de commande constatée par le premier juge concernant le défaut de mention de la marque du chauffe-eau et de la raison sociale du vendeur.

Au surplus, si le premier juge a fait état d’une faute du prêteur dans le déblocage des fonds lié au délai particulièrement bref entre la signature du contrat et de l’attestation de livraison, en revanche, les termes de l’attestation de fin de travaux, et plus précisément les informations cochées par M. [B], suffisamment précises quant à l’exécution complète du contrat principal, témoignent de l’absence de préjudice en lien avec la faute retenue.

En effet, l’installation du ballon non conforme aux règles de l’art de même que l’absence de rentabilité de la pompe à chaleur alléguées par les époux [B] ne sauraient concerner la vérification de l’exécution complète du contrat par le prêteur.

Dans ces conditions, il en résulte que les époux [B] ne rapportent pas la preuve d’un préjudice subi en lien avec un manquement du prêteur à son obligation de vigilance

quant à la régularité du bon de commande et à l’exécution complète des travaux avant le déblocage des fonds.

Dès lors, le jugement sera confirmé sur ce point.

Sur la demande en dommages et intérêts pour fautes du prêteur

Par courrier en date du 4 juin 2019, déterminant l’agrément de la personne des emprunteurs, la SA Sofinco a confirmé à M. [D] [B] et Mme [P] [J] épouse [B] les caractéristiques du financement souscrit prévoyant son remboursement en 120 échéances de 282,88 euros du 5 décembre 2019 au 5 novembre 2029.

Or, il n’est pas démontré que M. [D] [B] et Mme [P] [J] épouse [B] aient préalablement usé de leur faculté de rétractation, ni qu’ils aient formé suite à la réception du courrier du 22 mai 2019 une contestation quant au déblocage des fonds.

Au surplus, M. [D] [B] et Mme [P] [J] épouse [B] ont commencé à s’acquitter du paiement des échéances de remboursement prévues à compter du 5 décembre 2019.

Dans ces conditions, M. [D] [B] et Mme [P] [J] épouse [B] ne peuvent utilement soutenir que les fonds ont été débloqués par le prêteur avant la pose de l’installation et à défaut d’acceptation du crédit par le prêteur dans les sept jours.

Au surplus, le moyen tiré du caractère abusif de la clause du contrat de prêt prévoyant que le déblocage des fonds sera versé directement à l’intermédiaire, et non aux emprunteurs, au motif qu’il ne serait pas envisagé une éventuelle réserve de l’emprunteur, manque en fait.

En effet, il est indiqué à la FIPEN que ‘ ce montant est viré sur le compte de l’intermédiaire (…) sous réserve de la livraison et/ou de l’installation éventuelle, conforme à la commande ou de la fourniture de la prestation ‘.

Aussi, la clause contractuelle invite l’emprunteur, le cas échéant, à formuler des réserves lors de la réception des travaux.

Les époux [B] font valoir que le ballon installé est inutilisable en raison d’une installation non conforme et qu’ils ne font pas fonctionner la pompe à chaleur compte tenu du coût engendré par son fonctionnement.

Toutefois, ils ne peuvent utilement invoquer à l’encontre du prêteur un prétendu manquement du vendeur, installateur du ballon thermodynamique, aux règles de l’art, ni un prétendu manquement de ce dernier à ses obligations contractuelles concernant la rentabilité de l’installation de la pompe à chaleur.

En outre, M. [D] [B] et Mme [P] [J] épouse [B] soutiennent que la SA CA Consumer Finance a sciemment accordé son concours à une opération ruineuse et manqué à ses obligations de surveillance, conseil et mise en garde, n’ayant pas vérifié l’existence d’une étude thermique obligatoire, ni leur solvabilité avant le paiement de Direct Habitat.

Pour autant, il y a lieu de rappeler que le prêteur n’était pas tenu d’un devoir de mise en garde sur l’opportunité de conclure le contrat de vente et de service au regard des perspectives d’économies d’énergie de l’installation.

Par ailleurs, M. [D] [B] et Mme [P] [J] épouse [B] ne justifient pas d’une situation d’endettement excessif au jour de la signature du contrat de crédit, telle que ressortant des renseignements portés sur la fiche de dialogue.

En effet, ils ont indiqué être propriétaires de leur logement, avec trois enfants à charge, et percevoir des ressources mensuelles tirées du salaire de M. [D] [B] à hauteur de 2 100 euros et des prestations familiales et aides au logement à hauteur de 550 euros, pour faire face à des charges mensuelles de 401 euros (crédits à la consommation).

Or, le crédit consenti avait pour conséquence le paiement d’échéances supplémentaires de 282,88 euros.

Dans ces conditions, la situation de M. [D] [B] et Mme [P] [J] épouse [B] ne nécessitait pas la délivrance d’une mise en garde par le prêteur.

Par ailleurs, la prétendue absence de formation du démarcheur à la distribution du crédit et à la prévention du surendettement est sanctionnée par la déchéance du droit aux intérêts.

De même, M. [D] [B] et Mme [P] [J] épouse [B] ajoutent que l’absence de mention au bon de commande d’informations sur l’assureur garantie décennale constitue un manque de vigilance du prêteur qui les a privés du droit de recourir à ses services.

Pour autant, les époux [B] font état d’un préjudice purement éventuel lié à l’impossibilité de recourir aux services de l’assureur en garantie décennale.

Dans ces conditions, M. [D] [B] et Mme [P] [J] épouse [B] seront déboutés de leur demande en dommages et intérêts.

Dès lors, le jugement sera confirmé sur ce point.

Sur la demande de dommages et intérêts de la SA CA Consumer Finance

La SA CA Consumer Finance sera déboutée de sa demande en dommages et intérêts présentée à l’encontre des époux [B] à défaut de faire état d’une faute et d’un préjudice en lien avec cette faute, distinct de celui tendant au paiement du capital emprunté, déduction faite des échéances payées.

Sur les demandes accessoires

Les appelants qui succombent à hauteur de cour seront condamnés in solidum à payer les dépens d’appel.

Eu égard à la situation respective des parties, il n’y a pas lieu de faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

LA COUR, statuant par arrêt contradictoire prononcé publiquement par mise à disposition au greffe, conformément aux dispositions de l’article 450 alinéa 2 du Code de procédure civile,

CONFIRME le jugement déféré en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

DEBOUTE la SA CA Consumer Finance de sa demande en dommages et intérêts,

DEBOUTE M. [D] [B] et Mme [P] [J] épouse [B] de leur demande sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

DIT n’y avoir lieu à aplication de l’article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE M. [D] [B] et Mme [P] [J] épouse [B] in solidum aux dépens.

Le présent arrêt a été signé par Monsieur Francis MARTIN, Président de Chambre à la Cour d’Appel de NANCY, et par Monsieur Ali ADJAL, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER,LE PRÉSIDENT,

Minute en douze pages.

 


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