11 mai 2023 Cour d’appel de Versailles RG n° 22/05260

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11 mai 2023 Cour d’appel de Versailles RG n° 22/05260

COUR D’APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 51A

14e chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 11 MAI 2023

N° RG 22/05260 – N° Portalis DBV3-V-B7G-VL2L

AFFAIRE :

[O] [T] EPOUSE [D] épouse [D]

C/

S.A. SEQENS

Décision déférée à la cour : Ordonnance rendu le 17 Septembre 2018 par le Tribunal d’Instance d’Asnières-sur-Seine

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le : 11.05.2023

à :

Me Axel MENINGAND, avocat au barreau de HAUTS-DE-SEINE

Me Chantal DE CARFORT, avocat au barreau de VERSAILLES

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE ONZE MAI DEUX MILLE VINGT TROIS,

La cour d’appel de Versailles a rendu l’arrêt suivant, après prorogation, dans l’affaire entre :

Madame [O] [T] épouse [D]

née le [Date naissance 4] 1987 à [Localité 10] (Algérie)

de nationalité Algérienne

[Adresse 3]

[Localité 9] / France

Représentant : Me Axel MENINGAND, avocat au barreau de HAUTS-DE-SEINE, vestiaire : 464

(bénéficie d’une aide juridictionnelle Totale numéro 786460022021007992 du 15/11/2021 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de VERSAILLES)

APPELANTE

****************

S.A. SEQENS

Agissant poursuites et diligences en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

N° SIRET : 582 142 816

[Adresse 2]

[Adresse 2]

[Localité 7]

Représentant : Me Chantal DE CARFORT de la SCP BUQUET-ROUSSEL-DE CARFORT, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 462 – N° du dossier 24822

Ayant pour avocat plaidant Me Fabienne BALADINE, du barreau de Paris

INTIMEE

****************

Composition de la cour :

L’affaire a été débattue à l’audience publique du 01 Mars 2023, Madame Marietta CHAUMET, conseiller, ayant été entendu en son rapport, devant la cour composée de :

Madame Pauline DE ROCQUIGNY DU FAYEL, Conseiller faisant fonction de président,

Madame Marina IGELMAN, Conseiller,

Madame Marietta CHAUMET, Conseiller,

qui en ont délibéré,

Greffier, lors des débats : Mme Elisabeth TODINI

EXPOSE DU LITIGE

La société France Habitation a donné à bail à [B] [J] un logement situé [Adresse 1]. [B] [J] est décédé le [Date décès 5] 2017 en Algérie.

Par courrier du 15 mai 2017, Mme [O] [T] épouse [D] a demandé à la société France Habitation le transfert du contrat de bail de son oncle à son profit, en produisant une attestation d’hébergement signée par ce dernier et datée du 31 octobre 2016.

Par acte d’huissier de justice délivré le 1er mars 2018, la société d’HLM France Habitation a fait assigner en référé Mme [D] aux fins d’obtenir principalement :

– d’ordonner l’expulsion de la défenderesse des lieux du logement n°129845 situé [Adresse 1] avec le concours de la force publique si nécessaire, ainsi que la séquestration du mobilier garnissant les locaux, aux frais, risques et périls de la partie expulsée,

– de la condamner au paiement de la somme provisionnelle de 3 366,81 euros au titre des loyers impayés, charges et indemnités au 5 février 2018 avec intérêts de droit à compter de l’assignation ainsi qu’au paiement d’une indemnité mensuelle d’occupation égale au montant du loyer et des charges jusqu’à la libération effective des lieux,

– sa condamnation au paiement de 1 000 euros an titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens.

Par ordonnance réputée contradictoire rendue le 17 septembre 2018, le juge des référés du tribunal d’instance d’Asnières a :

– ordonné à Mme [D] de quitter le logement n° 12984 situé [Adresse 1] et ses dépendances (cave, stationnement, autres) au plus tard deux mois après un commandement de quitter les lieux délivré conformément à l’article L. 412-1 du code des procédures civiles d’exécution,

– passé ce délai, autorisé l’expulsion de Mme [D] ainsi que celle de tous occupants de son chef, avec l’assistance de la force publique et d’un serrurier si besoin est, dans les conditions visées aux articles L. 411-1 et suivants du code des procédures civiles d’exécution, ainsi que la séquestration du mobilier garnissant les locaux aux frais et risques du défendeur sous réserve des

dispositions des articles L. 433-1 et suivants du code des procédures civiles d’exécution,

– fixé l’indemnité mensuelle d’occupation au montant du loyer et des charges et condamné Mme [D] en son paiement jusqu’à la libération effective des lieux,

– condamné Mme [D] à payer à la société d’HLM France habitation la somme de 5 247,19 euros au titre des loyers impayés arrêtés à la date du 30 juin 2018 inclus, avec intérêts au taux légal à compter de l’assignation,

– condamné Mme [D] à payer à la société d’HLM France habitation la somme de 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– rejeté toute autre demande,

– rappelé que l’exécution provisoire est de droit,

– condamné Mme [D] aux entiers dépens.

Cette décision a été signifiée par PV 659 du code de procédure civile le 25 septembre 2018.

Par déclaration reçue au greffe le 7 août 2022, Mme [D] a interjeté appel de cette ordonnance en tous ses chefs de disposition.

Dans ses dernières conclusions déposées le 8 février 2023 auxquelles il convient de se reporter pour un exposé détaillé de ses prétentions et moyens, Mme [D] demande à la cour, au visa des articles 14 de la loi du 6 juillet 1989 et 484, 659, 700 et 911-1 du code de procédure civile, de :

‘- adjuger à Mme [D] le bénéfice de ses présentes conclusions, la dire recevable en son appel et juger son action bien fondée ;

– juger que la signification de l’ordonnance de référé du 17 septembre 2018 rendue par le tribunal d’instance d’Asnières-sur-Seine est nulle ;

– en conséquence, rejeter la demande d’irrecevabilité de la déclaration d’appel du 8 août 2022 ;

– infirmer l’ordonnance de référé du 17 septembre 2018 rendue par le tribunal d’instance d’Asnières-sur-Seine en toutes ses dispositions ;

– juger qu’il existe des contestations sérieuses quant aux demandes de la société Seqens ;

– en conséquence, juger irrecevables les demandes de la société Seqens devant le juge des référés ;

– débouter la société Seqens de toutes ses demandes, fins et conclusions ;

– en tout état de cause, compte tenu de la disparité de situation économique entre les parties, ne pas prononcer de condamnation à l’encontre de Mme [D] au titre de l’article 700 du code de procédure civile’.

Dans ses dernières conclusions déposées le 31 janvier 2023 auxquelles il convient de se reporter pour un exposé détaillé de ses prétentions et moyens, la société Seqens demande à la cour, au visa des articles 122, 127, 490, 527, 640, 659, 848, 849 et 911-1 du code de procédure civile et 14 de la loi du 6 juillet 1989, de :

‘in limine litis,

– déclarer irrecevable la déclaration d’appel régularisée à l’encontre de la société Seqens le 7 août 2022 ;

– déclarer irrecevables les conclusions signifiées à l’encontre de la société Seqens le 18 octobre 2022 ;

– déclarer irrecevable l’appel dirigé par Mme [D] contre la société Seqens ;

à titre subsidiaire,

– débouter Mme [D] de toutes ses demandes, fins et conclusions ;

– confirmer l’ordonnance de référé rendue le 17 septembre 2018 par le tribunal d’instance d’Asnières sur Seine en toutes ses dispositions ;

en conséquence :

– juger que Mme [D] était occupante sans droit ni titre du logement situé [Adresse 1] du7 mai 2017 au 7 mai 2019 ;

– ordonner l’expulsion de Mme [D] du logement situé [Adresse 1] ;

– condamner Mme [D] au paiement d’une indemnité d’occupation égale au montant du loyer et des charges jusqu’à la libération des lieux, avec indexation, soit du [Date décès 5] 2017 au 7 mai 2019 ;

– condamner Mme [D] au paiement de la somme provisionnelle de 5 247,19 euros au titre de l’arriéré d’occupation due au 30 juin 2018, avec intérêts au taux légal à compter de l’assignation ;

– condamner Mme [D] au paiement de la somme de 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles de première instance ;

y ajoutant :

– juger que la société Seqens a procédé à la reprise des lieux le 7 mai 2019 ;

– condamner Mme [D] à payer à la société Seqens la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles d’appel ;

– condamner Mme [D] aux entiers dépens de première instance et d’appel’.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 14 février 2023.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

1) Sur la recevabilité de l’appel

La société Seqens soulève in limine litis l’irrecevabilité de la déclaration d’appel du 8 août 2022 formée par Mme [D].

Elle expose que le premier appel de Mme [D] daté du 6 avril 2022 a été déclaré irrecevable par arrêt de la cour d’appel de Versailles du 1er décembre 2022 au motif d’avoir attrait à l’instance la société Seqens Accession, alors que l’ordonnance entreprise mentionne bien la société France Habitation, devenue société Seqens depuis le 1er octobre 2019 suite à une fusion.

L’intimée soutient que la deuxième déclaration d’appel de Mme [D] doit également être jugée irrecevable sur le fondement de l’article 911-1 du code de procédure civile.

Elle ajoute que cette seconde déclaration d’appel, intervenue hors délai, n’est pas susceptible de régulariser l’irrecevabilité originaire de la première déclaration et que les deux déclarations d’appel sont en tout état de cause tardives au regard des articles 490 et 640 du code de procédure civile.

La société Seqens fait valoir que l’ordonnance déférée a été signifiée le 5 décembre 2018 conformément aux dispositions de l’article 659 du code de procédure civile à l’adresse des lieux donnés à bail par la société Seqens et à laquelle l’appelante avait expressément déclaré résider par courrier du 15 mai 2017, ayant produit une attestation d’hébergement par son oncle et sans avoir notifié un changement d’adresse depuis cette date.

Elle estime que l’huissier instrumentaire a effectué les diligences requises par les dispositions de l’article précité, en procédant aux recherches sur les pages jaunes, ainsi qu’en rencontrant les voisins, et que le retour de la lettre recommandée adressée à Mme [D] conformément à l’article précité démontre qu’elle a bien été avisée et n’a pas réclamé le pli.

Elle ajoute que Mme [D] a été destinataire de la dénonciation du procès-verbal de saisie-attribution le 3 juillet 2020 signifiée à sa personne et qu’elle a néanmoins attendu deux ans pour relever appel de l’ordonnance querellée.

Mme [D] entend au contraire se prévaloir de la recevabilité de son recours.

Elle soutient ainsi que son premier appel formé le 6 avril 2022 a été dirigé contre la société SA Seqens et que l’irrecevabilité prévue à l’article 911-1 du code de procédure civile ne peut pas être retenue, l’instance en cours n’étant pas engagée à l’encontre de la même partie.

Elle fait valoir par ailleurs que la signification de l’ordonnance entreprise est frappée de nullité, ce qui a empêché le délai de recours à courir, rendant sa déclaration d’appel recevable.

Au soutien de sa prétention, Mme [D] expose que l’huissier chargé de la signification de l’ordonnance déférée n’a pas accompli les diligences requises pour la retrouver, alors que ses domiciles respectifs à [Localité 8] jusqu’au 9 novembre 2017 puis à [Localité 9], étaient connus de tous, et notamment des services fiscaux, pôle emploi, Enedis, la CAF, la CPAM et la mairie.

Elle affirme ne pas avoir été destinataire de la lettre recommandée avec accusé de réception portant acte de signification de l’ordonnance de référé, pas plus qu’elle n’a été touchée par l’acte introductif d’instance, ayant découvert l’existence du litige à l’occasion d’une saisie attribution sur son compte bancaire dénoncée par acte du 3 juillet 2020 à son domicile à [Localité 9].

Sur ce,

Aux termes de l’article 911-1 du code de procédure civile, la partie dont la déclaration d’appel a été frappée de caducité en application des articles 902,905-1,905-2 ou 908 ou dont l’appel a été déclaré irrecevable n’est plus recevable à former un appel principal contre le même jugement et à l’égard de la même partie.

Il résulte de la combinaison des articles 490 et 640 du code de procédure civile que le délai d’appel à l’encontre d’une ordonnance de référé est de 15 jours et que ce délai court à compter de sa notification.

L’article 659 du même code dispose: ‘Lorsque la personne à qui l’acte doit être signifié n’a ni domicile, ni résidence, ni lieu de travail connus, l’huissier de justice dresse un procès-verbal où il relate avec précision les diligences qu’il a accomplies pour rechercher le destinataire de l’acte.

Le même jour ou, au plus tard, le premier jour ouvrable suivant, à peine de nullité, l’huissier de justice envoie au destinataire, à la dernière adresse connue, par lettre recommandée avec demande d’avis de réception, une copie du procès-verbal, à laquelle est jointe une copie de l’acte objet de la signification.’

En l’espèce, si la cour d’appel de Versailles a déclaré irrecevable l’appel formé par Mme [D] le 6 avril 2022 à l’encontre de la société Seqens Accession, force est de constater que l’appel en date du 7 août 2022 n’est pas formé à l’encontre de la même partie car est attraite à l’instance la société Seqens, personne morale distincte, la violation de l’article 911-1 du code de procédure civile sus-visé ne pouvant ainsi être retenue.

Il est de jurisprudence constante que le procès-verbal de signification effectuée sur le fondement de l’article 659 du code de procédure civile doit mentionner précisément les diligences accomplies par l’huissier de justice pour rechercher le destinataire de l’acte, de même que le juge est tenu de vérifier si les diligences mentionnées au procès-verbal sont suffisantes et si l’adresse du destinataire n’aurait pas pu être obtenue selon le moyen indiqué par les conclusions.

Mme [D] verse aux débats, notamment, les pièces suivantes établies à son nom et adressées au [Adresse 3] :

– un courrier LogiRep daté du 31 octobre 2017 annonçant la signature du contrat de location d’un appartement situé [Adresse 3] à compter du 9 novembre 2017 ;

– son avis d’impôt sur le revenu 2018 ;

– un courrier d’ESSOR( emploi, service, solidarité, réseau) daté du 29 novembre 2018 ;

– courrier du pôle emploi du 28 novembre 2018 ;

– une lettre d’ENEDIS du 21 mars 2018 ;

– un courrier de la CAF du 30 janvier 2018 ;

– une lettre de la mairie de [Localité 9] du 12 avril 2018 ;

– des courriers de l’assurance maladie des 4 mars et 21 décembre 2018 ;

– une lettre de relance du centre des finances publiques du 20 décembre 2018.

L’acte de signification effectuée au [Adresse 1] constate que le nom de Mme [D] ne figure nulle part à cette adresse et porte mention de recherches sur les pages jaunes demeurées vaines.

Ce même acte indique de façon laconique que toutes les autres recherches entreprises sont restées infructueuses, sans préciser leur nature exacte et leurs modalités.

Or, il résulte des pièces précitées qu’au moment de la signification de l’ordonnance entreprise en date du 5 décembre 2018, le domicile de Mme [D] était établi depuis 9 novembre 2017 au [Adresse 3] à [Localité 9] et était connu des services de la mairie, des finances publiques, de la société Enedis, du pôle emploi, de la CAF et de l’assurance maladie.

Force est de constater que les recherches sur les pages jaunes, base de données des professionnels, ne sauraient être qualifiées de suffisantes au regard des exigences qui découlent de l’application de l’article 659 du code de procédure civile, l’huissier instrumentaire étant tenu de procéder à d’autres investigations, particulièrement auprès des services sus-mentionnés, et relater avec précision sur le procès-verbal de signification les diligences par lui accomplies en vue d’établir le domicile effectif de Mme [D].

En conséquence, il y a lieu de prononcer la nullité de l’acte de signification du 5 décembre 2018 et partant, à défaut pour l’intimée d’avoir fait procéder à une signification régulière de l’ordonnance querellée et fait courir les délais de recours, déclarer recevable l’appel formé par Mme [D] le 8 août 2022, sans qu’il soit nécessaire d’examiner les autres moyens exposés.

2) Sur les demandes de la société Seqens

L’ensemble de l’argumentaire de l’appelante vise à faire reconnaître l’existence de contestations réelles et sérieuses faisant obstacle aux demandes de la société Seqens, particulièrement en ce qui concerne le versement d’une provision au titre d’indemnité d’occupation et de l’arriéré d’occupation.

Mme [D] soutient ainsi qu’elle n’a jamais occupé le logement litigieux situé au [Adresse 1].

Elle fait valoir qu’elle justifie avoir occupé de façon stable et notoire :

– un appartement sis [Adresse 6] à [Localité 8] jusqu’au 9 novembre 2017 ;

– un appartement sis [Adresse 3] à [Localité 9] depuis le 9 novembre 2017 et jusqu’à ce jour

Elle expose que suite au refus du bailleur de transférer le bail à son nom consécutivement au décès de son oncle qu’elle a assisté en fin de vie, elle a restitué au gardien de la résidence le jeu de clefs en sa possession et ajoute avoir déposé plainte pour usurpation d’identité.

Elle conteste être redevable d’une quelconque somme à ce titre et sollicite l’infirmation de l’ordonnance entreprise.

La société Seqens sollicite quant à elle, la confirmation de l’ordonnance du premier juge au motif que Mme [D] était bien occupante du logement de son oncle pour lequel elle a par ailleurs produit une attestation d’hébergement datée du 31 octobre 2016.

Elle fait valoir que les lieux n’ont été repris qu’à l’issue de la procédure d’expulsion selon le procès-verbal du 7 mais 2019 et qu’elle a procédé à la liquidation du compte locataire du 1er juillet 2019, concluant au bien-fondé de ses demandes en l’absence de toute contestation sérieuse.

Sur ce,

L’article 835 alinéa 2 du code de procédure civile prévoit que le président du tribunal judiciaire ou le juge des contentieux de la protection dans les limites de sa compétence peuvent dans les cas où l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable, accorder une provision au créancier.

Ce texte impose donc au juge une condition essentielle avant de pouvoir accorder une provision : celle de rechercher si l’obligation n’est pas sérieusement contestable.

Il sera retenu qu’une contestation sérieuse survient lorsque l’un des moyens de défense opposé aux prétentions du demandeur n’apparaît pas immédiatement vain et laisse subsister un doute sur le sens de la décision qui pourrait éventuellement intervenir par la suite sur ce point si les parties entendaient saisir les juges du fond.

À l’inverse, sera écartée une contestation qui serait à l’évidence superficielle ou artificielle.

Le montant de la provision allouée n’a alors d’autre limite que le montant non sérieusement contestable de la créance alléguée.

Aux termes de l’article 1353 du code civil, c’est à celui qui réclame l’exécution d’une obligation de la prouver et à celui qui se prétend libéré de justifier le paiement ou le fait qui a produit l’extinction de son obligation.

En l’espèce, Madame [D] verse aux débats, notamment, les pièces suivantes établies à son nom :

– la facture de restauration scolaire du 25 janvier 2018 concernant les prestations de décembre 2017 ;

– une lettre de relance du centre des finances publiques du 18 octobre 2017 ;

– une attestation de la CAF datée du 9 septembre 2017 ;

– deux courriers de la Banque postale des 4 février 2016 et 9 août 2017 ;

– une attestation de l’assurance maladie du 11 juillet 2017 ;

– un courrier de la mairie d'[Localité 8] du 29 janvier 2016 ;

– deux avis d’imposition au titre des années 2016 et 2017,

l’ensemble de ces documents ayant été expédié à l’adresse [Adresse 6].

Aux termes du contrat de location, la société France Habitation a donné à bail à M. [B] [J], seul titulaire de celui-ci, le logement litigieux à compter du 18 janvier 2016.

Selon l’extrait des registres des actes de décès, M. [J] est décédé le [Date décès 5] 2017.

La société Seqens verse aux débats une attestation d’hébergement établi par M.[J] au profit de Mme [D] datée du 31 octobre 2016 et un courrier adressé à France Habitation par l’appelante confirmant qu’elle est ainsi hébergée par son oncle depuis le 31 octobre 2016 et sollicitant l’attribution du logement suite à son décès, arguant ne pas avoir d’autre endroit où aller.

Si ces documents sont visiblement destinés à obtenir l’attribution du logement situé [Adresse 1], force est de constater que Mme [D] justifie par les pièces ci-dessus mentionnées, ainsi que celles indiquées au point précédent, avoir eu pour domicile stable et continu deux appartements successifs sur la période concernée, l’un situé au [Adresse 6] et l’autre au [Adresse 3] à [Localité 9].

Au contraire, la société Seqens ne démontre pas avoir donné une quelconque suite à la requête de Mme [D] afin de se voir attribuer la location du logement litigieux, ni s’être préoccupée du sort de l’appartement à la suite du décès du locataire en titre.

En outre, le procès-verbal d’expulsion du 7 mai 2019 constate l’occupation du logement litigieux par M. [I] avec son épouse et ses enfants, déclarant en être sous-locataire, sans évoquer l’éventuelle participation de Mme [D] dans cette situation.

Dans ces conditions, il n’est pas établi avec l’évidence requise en matière de référé que Mme [D] a été occupante sans droit ni titre du logement situé [Adresse 1] et qu’elle serait à ce titre redevable d’indemnité d’occupation, les demandes de la société Seqens se heurtant ainsi à l’existence de contestations réelles et sérieuses.

L’ordonnance critiquée sera en conséquence infirmée en toutes ses dispositions et il sera dit n’y avoir lieu à référé de ces chefs.

Sur les demandes accessoires :

L’ordonnance sera infirmée en ses dispositions relatives aux dépens et aux frais irrépitibles.

Partie perdante, la société Seqens ne saura prétendre à l’allocation de frais irrépitibles et sera par ailleurs condamnée aux dépens de première instance et d’appels.

PAR CES MOTIFS,

La cour statuant par arrêt contradictoire,

Déclare recevable l’appel formé le 8 août 2022 par Mme [O] [T] épouse [D] à l’encontre de la société Seqens,

Infirme l’ordonnance rendue le 17 septembre 2018 en toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Dit n’y avoir lieu à référé sur les demandes de la société Seqens,

Condamne la société Séqens aux dépens de première instance et d’appel,

Rejette toute autre demande.

Arrêt prononcé par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile, signé par Madame Pauline DE ROCQUIGNY DU FAYEL, Conseiller faisant fonction de Président et par Madame Elisabeth TODINI, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier, Le président,

 


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