11 mai 2023 Cour d’appel de Toulouse RG n° 23/00504

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11 mai 2023 Cour d’appel de Toulouse RG n° 23/00504

COUR D’APPEL DE TOULOUSE

Minute 2023/507

N° RG 23/00504 – N° Portalis DBVI-V-B7H-PNV6

O R D O N N A N C E

L’an DEUX MILLE VINGT TROIS et le 11 mai à 13h30

Nous E. VET Conseiller, magistrat délégué par ordonnance du Premier Président en date du 7 DECEMBRE 2022 pour connaître des recours prévus par les articles L. 743-21 et L.342-12, R.743-10 et suivants du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile.

Vu l’ordonnance rendue le 05 Mai 2023 à 16H41 par le juge des libertés et de la détention au tribunal judiciaire de Toulouse statuant sur la régularité du placement en rétention et ordonnant la prolongation du maintien au centre de rétention de

[F] [J]

né le 03 Juillet 1994 à [Localité 6] – GEORGIE

de nationalité Géorgienne

Vu l’appel formé le 09/05/2023 à 16 h 23 par courriel, par Me Jocelyn MOMASSO MOMASSO, avocat au barreau de TOULOUSE;

A l’audience publique du 11 mai 2023 à 10h30, assisté de P. GORDON, adjoint administratif faisant fonction de greffier, avons entendu :

[F] [J]

assisté de Me Jocelyn MOMASSO MOMASSO, avocat au barreau de TOULOUSE

qui a eu la parole en dernier ;

En l’absence du représentant du Ministère public, régulièrement avisé;

En l’absence du représentant de la PREFECTURE DE GIRONDE régulièrement avisée ;

avons rendu l’ordonnance suivante :

M. [F] [J], de nationalité géorgienne, a fait l’objet le 5 avril 2023 d’un arrêté portant obligation de quitter le territoire émanant de la préfecture de la Haute-Vienne.

Par décision du 3 mai 2023, il a fait l’objet d’un placement en rétention administrative par la préfecture de la Gironde.

Par requête du 4 mai 2023, le préfet de la Gironde a sollicité la prolongation de la rétention de M. [J] pour une durée de 28 jours.

Par requête du même jour, M. [J] a contesté la régularité de la décision de placement en rétention administrative.

Aux termes d’une ordonnance prononcée le 5 mai 2023 à 16h41, le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Toulouse a ordonné la jonction des deux requêtes, déclaré la procédure régulière et ordonné la prolongation de la mesure de rétention pour une durée de 28 jours.

M. [J] a interjeté appel de cette décision par courrier de son conseil adressé par voie électronique au greffe de la cour, le 9 mai 2023 16h23.

À l’appui de sa demande en constat de l’irrégularité de la procédure et de remise en liberté il soutient que la décision de placement en rétention administrative est entachée d’irrégularités un défaut d’examen sérieux de sa situation personnelle et pour erreur manifeste d’appréciation.

M. [J] a déclaré à l’audience qu’il avait bien indiqué au préfet résider à [Localité 3] et n’avait pas été mis en mesure de respecter l’assignation à résidence qui lui avait été faite à [Localité 5].

Le préfet de la Gironde, avisé de la date d’audience, est absent.

Le ministère public, avisé de la date d’audience, est absent et n’a pas formulé d’observations.

MOTIFS:

Sur la recevabilité de l’appel

L’appel est recevable pour avoir été interjeté dans les formes et les délais légaux.

Sur la contestation de l’arrêté de placement en rétention:

En application de l’article L741-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, l’autorité administrative peut placer en rétention, pour une durée de quarante-huit heures, l’étranger qui se trouve dans l’un des cas prévus à l’article L. 731-1 lorsqu’il ne présente pas de garanties de représentation effectives propres à prévenir un risque de soustraction à l’exécution de la décision d’éloignement et qu’aucune autre mesure n’apparaît suffisante à garantir efficacement l’exécution effective de cette décision.

Le risque mentionné au premier alinéa est apprécié selon les mêmes critères que ceux prévus à l’article L. 612-3.

Aux termes de l’article L612-3 le risque peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants :

1° L’étranger, qui ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, n’a pas sollicité la délivrance d’un titre de séjour ;

2° L’étranger s’est maintenu sur le territoire français au-delà de la durée de validité de son visa ou, s’il n’est pas soumis à l’obligation du visa, à l’expiration d’un délai de trois mois à compter de son entrée en France, sans avoir sollicité la délivrance d’un titre de séjour ;

3° L’étranger s’est maintenu sur le territoire français plus d’un mois après l’expiration de son titre de séjour, du document provisoire délivré à l’occasion d’une demande de titre de séjour ou de son autorisation provisoire de séjour, sans en avoir demandé le renouvellement ;

4° L’étranger a explicitement déclaré son intention de ne pas se conformer à son obligation de quitter le territoire français ;

5° L’étranger s’est soustrait à l’exécution d’une précédente mesure d’éloignement ;

6° L’étranger, entré irrégulièrement sur le territoire de l’un des États avec lesquels s’applique l’acquis de Schengen, fait l’objet d’une décision d’éloignement exécutoire prise par l’un des États ou s’est maintenu sur le territoire d’un de ces États sans justifier d’un droit de séjour ;

7° L’étranger a contrefait, falsifié ou établi sous un autre nom que le sien un titre de séjour ou un document d’identité ou de voyage ou a fait usage d’un tel titre ou document ;

8° L’étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, notamment parce qu’il ne peut présenter des documents d’identité ou de voyage en cours de validité, qu’il a refusé de communiquer les renseignements permettant d’établir son identité ou sa situation au regard du droit de circulation et de séjour ou a communiqué des renseignements inexacts, qu’il a refusé de se soumettre aux opérations de relevé d’empreintes digitales ou de prise de photographie prévues au 3° de l’article L. 142-1, qu’il ne justifie pas d’une résidence effective et permanente dans un local affecté à son habitation principale ou qu’il s’est précédemment soustrait aux obligations prévues aux articles L. 721-6 à L. 721-8, L. 731-1, L. 731-3, L. 733-1 à L. 733-4, L. 733-6, L. 743-13 à L. 743-15 et L. 751-5.

M. [J] souligne les difficultés qu’il pouvait avoir à respecter l’arrêté d’assignation à résidence alors qu’il réside près de [Localité 3] et qu’il devait pointer au commissariat de [Localité 5] du lundi au vendredi ainsi qu’il est établi par une attestation d’hébergement établi par Mme [B].

Il conteste le risque de fuite évoqué par le préfet et relève que d’ailleurs le préfet s’est fondé sur ses garanties de représentation pour l’assigner à résidence à [Localité 5].

Il rappelle qu’il est entré en France en 2005, y réside ainsi que toute sa famille de manière continue et considère que son éloignement porterait une atteinte disproportionnée à sa vie personnelle et privée alors que par ailleurs il n’a pas de famille en Géorgie.

La cour rappelle qu’elle n’est pas saisie de l’éventuel éloignement de M. [J] mais exclusivement de son placement en rétention.

En l’espèce, l’arrêté de placement en rétention administrative indique que l’intéressé:

‘ est démuni de document de voyage en cours de validité,

‘ sans domicile fixe,

‘ sans ressources légales sur le territoire national,

‘ s’oppose à son éloignement du territoire français puisqu’il n’a pas déféré à la mesure d’éloignement prise le 5 avril 2023 par la préfecture de la Haute-Vienne, n’a pas respecté les prescriptions liées à l’arrêté d’assignation à résidence et a déclaré s’opposer à une éventuelle mesure d’éloignement,

‘ qu’en l’état son audition ne fait pas apparaître un risque particulier de vulnérabilité ou de handicap s’opposant à son placement en rétention.

Par arrêté du 5 avril 2023, il a été fait obligation à M. [J] de quitter le territoire avec interdiction de retour pour une durée de deux ans. Par décision du même jour, il a été assigné à résidence à [Localité 5].

Cet arrêté a retenu les éléments suivants:

‘ l’interpellation le 23 mars 2023 de l’intéressé pour des faits de conduite sous l’emprise de stupéfiants, défaut de permis de conduire et usurpation d’identité,

‘ qu’il présente des garanties propres à prévenir le risque de se soustraire à cette obligation puisqu’il vit de manière régulière à [Localité 4]. Cependant, il est relevé qu’il a été condamné à une peine interdiction de séjour dans le département de la Corrèze pour une durée de cinq ans par le tribunal correctionnel le 15 novembre 2019 et ne peut en conséquence être assigné dans le département de la Corrèze.

Enfin, l’arrêté relève que si l’intéressé a expliqué être entré en France en 2005 il a été convoqué par la gendarmerie aux fins de vérification de son droit séjour et qu’il a été constaté qui ne disposait d’aucun élément permettant de rester, qu’il est célibataire sans charges de famille et que bien que ses parents résident en France ses liens personnels et familiaux en France ne sont pas très anciens, intenses et stables, qu’il n’établit pas être dépourvu d’attaches familiales dans son pays d’origine dans lequel il a séjourné il y a plusieurs années et dans lequel il indique avoir une adresse à Tbilissi.

Cet arrêté portant assignation à résidence a été notifié à M. [J] le jour même ainsi que les recours qu’il pouvait exercer à son encontre.

Le 1er mai 2023, M. [J] a été interpellé alors qu’il se trouvait à [Localité 3] puis placé en garde à vue dans le cadre d’une procédure de défaut de permis de conduire, usurpation d’identité et blanchiment d’argent.

Interrogé le jour même il a indiqué qu’il vivait dans des hôtels et chez des amis et vivre de paris sportifs et de parties de poker à [Localité 3]. Il expliquait ne pas avoir de certificat d’hébergement mais pouvoir en produire d’une cousine résidant à [Localité 2].

S’il affirme avoir parfaitement informé le préfet de la Haute-Vienne de ce qu’il résidait à [Localité 2], il résulte des pièces établies par la préfecture le 5 avril 2023 qu’il avait déclaré comme adresse [Adresse 1]. D’ailleurs, l’arrêté précise « considérant en effet qu’il résulte des pièces du dossier de M. [F] [J] , qu’il vit de manière régulière [Adresse 1] ; que l’intéressé a cependant été condamné à une peine d’interdiction de séjour dans le département de la Corrèze pour une durée de cinq ans par le tribunal correctionnel de Brive-la-Gaillarde le 15 novembre 2019 ; qu’il ne peut pas être assigné à résidence dans ce département de la Corrèze ; qu’il ne dispose pas d’un passeport en cours de validité. ».

Ainsi, il résulte de ces éléments que M. [J] n’a à aucun moment évoqué un hébergement dans la région bordelaise.

Au regard de l’interdiction de séjour en Corrèze prononcée à l’encontre de M. [J], le préfet de la Haute-Vienne a choisi de l’assigner à résidence dans le département de la Haute-Vienne situé à proximité. M. [J] n’a pas contesté cet arrêté sans toutefois le respecter.

Ainsi, c’est en toute connaissance de cause que M. [J] a choisi de ne pas respecter l’assignation à résidence dont il a bénéficié exclusivement en raison d’un hébergement stable en Corrèze.

De plus, M. [J] considère que son placement en rétention porte atteinte à sa vie privée et familiale.

M. [J] est âgé de 28 ans et ne démontre pas que sa présence auprès de ses parents qui résident en Corrèze où il est interdit de séjour leur soit indispensable et ne caractérise donc pas une atteinte disproportionnée au sens de l’article 8 de la convention européenne des droits de l’homme.

Au regard de l’ensemble de ces éléments, il apparaît que le préfet a procédé sans erreur ni insuffisance à une évaluation individuelle complet de la situation de l’intéressé.

Enfin, l’attestation d’hébergement qu’il produit établi le 4 mai 2023, est postérieure à la décision de placement en rétention et il ne peut être reproché au préfet de ne pas l’avoir pris en considération.

Dès lors, la nécessité d’un placement en rétention de M. [J] s’avère suffisamment motivée et non-disproportionnée au regard de l’absence totale de respect de l’assignation à résidence dont il a bénéficié et du fait qu’il a manifesté la volonté de rester en France.

Le moyen tiré de la contestation de la régularité de la décision de placement doit en conséquence être rejeté.

Enfin, l’intéressé ne peut être considéré comme présentant toutes garanties de représentation effective propre à prévenir les risques de soustraction à l’exécution de la décision d’éloignement au sens de l’article L 741-1 du CESEDA en ce qu’il n’a pas respecté l’assignation à résidence dont il bénéficiait, l’attestation d’hébergement qu’il produit ne caractérisant pas un hébergement stable et durable alors qu’elle est contradictoire avec ses propres déclarations en garde à vue et alors qu’il n’a pas remis à l’administration un passeport en cours de validité. Il doit donc être fait droit à la requête du préfet de la Gironde de prolongation de rétention par confirmation de l’ordonnance déférée.

PAR CES MOTIFS

Statuant, au terme de débats tenus publiquement, par ordonnance mise à disposition au greffe après avis aux parties ;

REÇOIT l’appel ;

CONFIRME l’ordonnance rendue par le juge des libertés et de la détention au tribunal judiciaire de TOULOUSE le 5 mai 2023;

DIT que la présente ordonnance sera notifiée à la PREFECTURE de la Gironde, service des étrangers, à M. [F] [J], ainsi qu’à son conseil et communiquée au Ministère Public.

LE GREFFIER LE MAGISTRAT DELEGUE

P. GORDON E. VET Conseiller.

 


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