11 mai 2022 Cour d’appel de Montpellier RG n° 19/01041

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11 mai 2022 Cour d’appel de Montpellier RG n° 19/01041

Grosse + copie

délivrées le

à

COUR D’APPEL DE MONTPELLIER

1re chambre sociale

ARRET DU 11 MAI 2022

Numéro d’inscription au répertoire général :

N° RG 19/01041 – N° Portalis DBVK-V-B7D-OASM

Arrêt n° :

Décision déférée à la Cour :

Jugement du 14 JANVIER 2019 du CONSEIL DE PRUD’HOMMES – FORMATION PARITAIRE DE MONTPELLIER – N° RG F 16/01161

APPELANTE :

SAS CINNA

[Adresse 2]

[Localité 1]

Représentée par Me Doaä BENJABER, avocat au barreau de MONTPELLIER (postulant), substituant Me Valéry ABDOU, avocat au barreau de Lyon (plaidant)

INTIME :

Monsieur [G] [K]

Rés. [Adresse 8]

[Adresse 3]

[Localité 6]

Représenté par Me Christelle MARINI de la SELARL BCA – BERNIER D’ALIMONTE MARINI AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de BEZIERS, substituée par Me GRAUBNER, avocat au barreau de Montpellier

INTERVENANTE :

POLE EMPLOI OCCITANIE, Etablissement public administratif,

[Adresse 5]

[Localité 4]

Représentée par Me Sophie MIRALVES-BOUDET de la SELARL CHATEL ET ASSOCIES, avocat au barreau de MONTPELLIER

substituée par Me VAILLANT, avocat au barreau de Montpellier

Ordonnance de clôture du 16 Février 2022

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 09 MARS 2022,en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Monsieur Georges LEROUX, Président de chambre chargé du rapport et Mme Véronique DUCHARNE, Conseillère.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur Georges LEROUX, Président de chambre

Mme Véronique DUCHARNE, Conseillère

Madame Caroline CHICLET, Conseillère

Greffier, lors des débats : Mme Marie BRUNEL

ARRET :

– contradictoire

– prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile ;

– signé par Monsieur Georges LEROUX, Président de chambre, et par Mme Marie BRUNEL, Greffière.

*

**

EXPOSE DU LITIGE

M. [K] était engagé par la SAS CINNA par contrat de travail à durée indéterminée du 2 mai 2008 en qualité de vendeur, agent fonctionnel, échelon 7 coefficient 300. Il exerçait sur le magasin de [Localité 7]. Par courrier du 12 mai 2011, il était promu au poste de responsable de magasin. Un avenant à son contrat de travail était signé le 1 er novembre 2011.

En 2015, Monsieur [K] sollicitait de son employeur le versement de sa prime d’ancienneté ainsi que de sa prime du 13ème mois, ce que l’employeur lui refusait par courrier du 22 juillet 2015.

La société CINNA proposait à M. [K] un avenant à son contrat de travail, comportant une rétrogradation de ses fonctions au poste de vendeur. Elle l’informait de l’arrivée d’un nouveau responsable du magasin de [Localité 7]. M. [K] ne signait pas l’avenant.

Par courrier du 10 mars 2016, il était convoqué à un entretien préalable à un éventuel licenciement, entretien fixé au 21 mars 2016. Par courrier du 11 avril suivant, il était licencié pour insuffisance professionnelle.

M. [K] a saisi le 26 juillet 2016 le conseil de prud’hommes de Montpellier aux fins notamment de voir dire son licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse et de paiement de diverses sommes.

Par jugement du 14 janvier 2019, le Conseil de Prud’hommes a dit que l’insuffisance professionnelle n’était pas retenue et dit que le licenciement était sans cause réelle et sérieuse , a constaté l’absence de versement des primes, a condamné la société CINNA au paiement des sommes de :

– 23 009 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

– 1967,28 euros à titre de rappels de la prime d’ancienneté,

– 1121 euros à titre de rappels de prime de régularité,

– 2004,89 euros à titre de rappels de prime de 13ème mois,

– 1000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Il a débouté M. [K] du surplus de ses demandes et débouté la SAS de ses demandes

La société CINNA a interjeté appel de ce jugement le 12 février 2019.

Dans ses conclusions déposées au RPVA le 20 avril 2019, la SAS CINNA demande à la cour d’infirmer le jugement, de dire le licenciement justifié par une cause réelle et sérieuse, de débouter M. [K] de ses prétentions et de le condamner au paiement de la somme de 500 € au visa de l’article 700 du code de procédure civile.

Dans ses conclusions déposées au RPVA le 8 juillet 2019, M. [K] demande à la cour de confirmer le jugement en ce qu’il a constaté l’absence de versement des primes, dit le licenciement dénué de cause réelle et sérieuse et en ses condamnations au titre de rappels de la prime d’ancienneté, rappels de la prime de régularité et au titre de rappels de la prime de 13ème mois.

Sollicitant pour le surplus l’infirmation du jugement, il demande que l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse soit portée au montant de 38409 €, la condamnation de la SAS au paiement des sommes de 3000 € à titre de dommages intérêts pour violation de l’obligation du maintien de l’emploi et de l’adaptabilité du salarié, 5000 € à titre de dommages intérêts pour la réparation du préjudice subi du fait de l’exécution déloyale du contrat de travail et des dispositions conventionnelles, outre la somme de 1500 € sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

Pôle-emploi, partie intervenante, demande vu l’article L 1235-4 du code du travail, la condamnation de la S.A.S CINNA à lui payer à Pôle emploi la somme de 7.093,80 euros.

L’ordonnance de clôture est intervenue le 16 février 2022.

Vu l’article 455 du Code de procédure civile, pour l’exposé des moyens des parties, il sera renvoyé à leurs conclusions susvisées.

MOTIFS

Sur les primes

L’article 9 de la convention collective applicable prévoit : « Une prime d’ancienneté, s’ajoutant à la rémunération mensuelle, est versée aux agents de production, aux agents fonctionnels et aux agents d’encadrement. Cette prime évolue à chaque fois que l’intéressé change de tranche d’ancienneté, c’est-à-dire le mois suivant le 3e, le 6e, le 9e, le 12e et le 15e anniversaire de son entrée dans l’entreprise. Son montant est fixé par accord de branche et établi sur la base de la durée légale du temps de travail effectif. »

L’article 36 de la même convention prévoit : « le salaire professionnel catégoriel, pour chaque échelon hiérarchique, représente le montant en dessous duquel aucun salarié de l’échelon considéré, âgé de 18 ans et plus, ne doit être rémunéré. Pour les salariés embauchés en cours de mois, le montant du salaire professionnel catégoriel est calculé pro rata temporis. Pour vérifier si la rémunération mensuelle perçue par le salarié, pour 35 heures de travail effectif par semaine (151,67 heures par mois) est au moins égale au salaire professionnel catégoriel, il convient de prendre en compte uniquement le salaire de base. ».

M. [K] revendique le paiement de la prime d’ancienneté au regard du seuil de 3 ans d’ancienneté atteint en mai 2011, puis de 6 ans d’ancienneté atteint en mai 2014.

L’article 35 de la convention collective prévoit : « 1. Il est accordé à tout salarié une prime mensuelle de régularité proportionnelle au temps de travail effectif et calculée selon les modalités suivantes :

– cette prime s’acquiert par semaine complète de travail, à raison de 1,5 % du temps travaillé ;

– la prime est calculée sur la base du salaire réel du mois.

2. Sont considérés comme du temps de travail effectif pour lequel la prime est rémunérée intégralement :

– les congés payés ;

– les jours de RTT ;

– le droit d’expression ;

– les heures de délégation ;

– les jours fériés chômés et payés ;

– le congé de formation économique du comité d’entreprise ;

– le congé formation des membres du CHSCT ;

– la formation à l’initiative de l’employeur ;

– le DIF pendant le temps de travail ;

– les visites médicales obligatoires ;

– les absences autorisées pour assister aux commissions paritaires nationales et aux formations dans le cadre du congé de formation économique, sociale et syndicale.

3. Le temps des absences ci-après n’est pas pris en considération dans la détermination du temps capitalisé au titre de chaque mois.

Toutefois, celles-ci ne font pas perdre la capitalisation du temps de travail effectif tel que défini au paragraphe 2 du présent article pour le reste de la semaine considérée.

Ces absences sont les suivantes :

– les jours de pont ;

– les absences légales et conventionnelles pour événements personnels ;

– le repos compensateur ;

– le congé de maternité ;

– le congé parental ;

– le congé de paternité.

4. Aucune semaine au cours de laquelle s’est produite une absence pour quelque cause que ce soit (non prévue aux paragraphes 2 et 3) n’est prise en compte dans la détermination du temps capitalisé au titre de chaque mois.

5. La présente prime ne s’ajoute pas aux gratifications ou attributions de même nature, quelle qu’en soit la dénomination, accordée dans l’entreprise. »

L’article 34 de la convention collective prévoit : « Il est accordé à tout salarié ayant au moins 5 ans d’ancienneté au 31 décembre une prime correspondant à 2/52 des salaires effectifs perçus au cours de l’année civile. Cette prime est versée :

– moitié au 31 décembre, à condition d’être inscrit à l’effectif à cette date ;

– moitié au 30 juin, à condition d’être inscrit à l’effectif à cette date.»

L’employeur soutient justifier du règlement effectif de la prime en faisant valoir que le salaire a toujours été supérieur au minimum conventionnel et que dans les fiches de paie, elle est intégrée dans le brut.

Il opère renversement de la charge de la preuve en soutenant qu’il appartient au salarié de démontrer la part exacte de sa rémunération qui serait réservé uniquement à son salaire, alors que c’est à l’employeur de justifier qu’il s’est acquitté des compléments de salaire dus en plus du salaire de base au titre des dispositions conventionnelles, ce qu’il ne fait pas.

S’il en était besoin, il ne peut qu’être constaté qu’aux dates où le salarié a atteint les seuils d’ancienneté visés par les dispositions conventionnelles, il n’apparait aucune augmentation du salaire.

Constatant que le versement de ces trois primes n’apparait pas sur les bulletins de salaire, il convient en conséquence de faire droit aux demandes du salarié pour la période de juillet 2013 à juillet 2016 et de lui allouer :

-1.967,28 € au titre de la prime d’ancienneté,

-1.121 € au titre de la prime de régularité

-2.004,89 € au titre de la prime de treizième mois

Sur la demande au titre d’une exécution déloyale du contrat

Ainsi qu’il est dit à l’article L1222-1 du code du travail, le contrat de travail est exécuté de bonne foi. Un manquement de l’une ou l’autre des parties à cette obligation d’exécution de bonne foi est de nature à caractériser une exécution déloyale du contrat de travail.

La bonne foi se présumant, c’est à celui qui invoque une exécution déloyale d’établir le manquement de l’autre partie à l’exécution de bonne foi du contrat de travail.

M. [K] soutient que la société Cinna a fait preuve de résistance abusive dans la mesure où elle s’est refusé à verser les primes conventionnelles dues malgré de nombreuses demandes en ce sens.

Dans un courrier du 12 juin 2015, le salarié, faisant référence à une précédente demande du 11 juillet 2014 et à une réponse négative de l’employeur, revendiquait le paiement des primes. Par courrier du 22 juillet 2015, l’employeur refusait, soutenant à tort que la rémunération incluait l’ensemble des primes ou avantages en application de la convention collective.

L’employeur ne conclut pas sur cette demande.

Alors que l’employeur devait paiement de ces primes qui devaient figurer de manière distincte sur les bulletins de salaire, il en ressort qu’il a opposé une résistance abusive constitutive d’une exécution déloyale du contrat de travail. Le préjudice en résultant consiste en la privation pour le salarié d’une part de sa rémunération pendant plusieurs années, préjudice qui à défaut d’élément montrant des difficultés financières particulières en lien avec ce manquement, sera indemnisé par l’allocation d’une somme de 500 €.

Sur l’adaptabilité à l’emploi :

Ainsi qu’il résulte de l’article L6321-1 du code du travail, l’employeur a l’obligation d’assurer l’adaptation des salariés à leur poste de travail. Il doit veiller au maintien de leur capacité à occuper un emploi, au regard, notamment, de l’évolution des emplois, des technologies et des organisations

M. [K] fait valoir que durant 8 années, il n’a fait l’objet d’aucune formation et ce nonobstant sa promotion au poste de responsable, ce que l’employeur qui supporte la charge de la preuve de l’exécution de l’obligation, ne conteste pas.

L’argument de l’employeur selon lequel le grief n’est invoqué par le salarié que pour tenter de justifier les raisons de son insuffisance professionnelle, est parfaitement inopérant.

Par l’absence de toute formation et alors que M. [K] a été promu du poste de vendeur à celui de responsable de magasin, l’employeur a notamment privé le salarié de la possibilité d’être plus performant dans ses nouvelles fonctions, point qui lui sera précisément reproché lors de la rupture du contrat de travail.

Le préjudice en résultant sera indemnisé par l’allocation d’une somme de 2.000 €.

Sur la rupture du contrat de travail

La lettre de licenciement dont les termes fixent les limites du litige est ainsi motivée : « ‘. nous vous avons exprimé les motifs qui nous amenaient à envisager votre licenciement.

Nous avons rappelé les principaux éléments :

Depuis votre nomination en qualité de Responsable du magasin de [Localité 7], nous observons une baisse de chiffre d’affaires enregistré de 23 % (période 2011-2012/2014-20.15, par comparaison le CA enregistré des magasins sur la même période était égal) et une perte cumulée de 391 K€ sur cette même période (étant précisé que la perte sur l’exercice 2014-2015 : 77 K€ a pu être limitée par la baisse du loyer).

Depuis plusieurs années, Monsieur [O] [C] vous a fait part de ses vives préoccupations et vous a incité à réagir afin d’améliorer le chiffre d’affaires de ce magasin dont l’objectif est d’atteindre environ 700 K€. Un des principaux axes d’amélioration était de développer la vente par l’intermédiaire de prescripteurs (architectes, décorateurs,…) utilisés de plus en plus par notre cible de clientèle.

Vous n’avez pas développé cette nouvelle mission indispensable à la hausse du chiffre d’affaires en rencontrant ces prescripteurs.

Ces actions visant à redresser l’activité du magasin Cinna Lattes vous ont été présentées à de nombreuses reprises par Monsieur [C], et avaient déjà fait l’objet d’un courrier spécifique le 17 avril 2013 n’ayant entraîné aucune réaction de votre part et aucun redressement d’activité (le chiffre d’affaires enregistré de l’exercice 2012-2013 avait à nouveau diminué de 15%). Depuis, vous n’avez pas tenu compte de ces diverses observations.

Monsieur [C] vous a également reproché votre non-mise en place permanente du crédit à la consommation qui aurait pu contribuer au développement des ventes.

Le 25 juin 2015, la Direction Générale vous a adressé un courrier rappelant ses inquiétudes face à la situation de ce magasin et vous rappelant l’impérieuse nécessité d’améliorer les résultats. Les divers éléments chiffrés vous ont été rappelés lors de l’entretien.

A ce jour, nous devons constater l’absence de réaction de votre part et d’amélioration de votre implication dans le développement du magasin dont vous avez la responsabilité. Nous ne pouvons laisser perdurer cette situation au risque de devoir fermer ce magasin.

Fin février, le magasin de [Localité 7] est à nouveau en baisse de plus de 4% et la facturation en retrait par rapport à l’année précédente. Les résultats financiers à ce jour sont encore plus fortement déficitaires que l’an passé, ce qui ne peut plus être accepté sans remettre en cause la pérennité de ce magasin.

Lors de l’entretien vous n’avez pu fournir d’explications fondées au regard de vos manquements pour expliquer ces lacunes, vous contentant de critiquer les options retenues par la Direction Générale ou par Monsieur [C] pour justifier la baisse d’activité et le déficit du magasin (contestation des orientations de la Direction en matière commerciale et publicitaire).

Nous vous avons rappelé que l’ensemble des magasins de France fonctionnent de la même façon et obtiennent de meilleurs résultats.

Lors de l’entretien, nous vous avons renouvelé les termes de notre courrier du 6 janvier 2016 modifiant vos attributions en vous confiant les fonctions de vendeur et envisageant la nomination d’un nouveau responsable afin de redynamiser l’activité du magasin. Cette proposition de maintien dans l’emploi s’effectuait avec les mêmes conditions salariales, sachant que le nécessaire développement du chiffre d’affaires permettait d’envisager une hausse de votre rémunération future,

Compte tenu de ces nombreuses insuffisances dans l’accomplissement de vos fonctions de responsable engendrant des résultats déficitaires et ayant renouvelé lors de l’entretien, votre refus de notre proposition d’affectation sur un poste de vendeur, nous sommes contraints de vous notifier votre licenciement.

Votre contrat de travail prendra fin à l’issue du préavis de deux mois qui débutera à première présentation de la présente lettre’. »

Le licenciement étant contesté, le juge apprécie le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l’employeur en formant sa conviction au vu des éléments fournis par les parties, ainsi qu’il est dit à l’article L1235-1 du code du travail. Si un doute subsiste, il profite au salarié.

L’insuffisance professionnelle, qui consiste en l’inaptitude du salarié à exécuter son travail de façon satisfaisante, peut constituer une cause légitime de licenciement dès lors qu’elle repose sur des éléments concrets et non sur une appréciation purement subjective de l’employeur.

Ainsi, l’insuffisance de résultats peut constituer une cause réelle et sérieuse de licenciement en l’absence de faute du salarié et peut résulter de l’incapacité de ce dernier à atteindre les objectifs fixés en dépit de ses efforts.

Cependant, il importe que les objectifs à atteindre correspondent à des normes sérieuses et raisonnables.

L’employeur fait état de son courrier du 17 avril 2013 « actions pour redresser l’activité du magasin » où il faisait état notamment d’un objectif de 60.000 € TTC par mois et de méthodes commerciales à suivre.

Il rappelle que dans le cadre de son parcours professionnel, M. [K] l’a démarché par candidature spontanée du 13 février 2008, où il se prévalait d’un « sens commercial » et rappelait son expertise en matière de vente, fait valoir qu’à aucun moment il n’a émis la moindre réserve quant à ses compétences ou sa capacité à occuper un tel poste et que la précédente responsable ayant de lourds problèmes de santé, il assurait déjà la représentation du magasin. Il ajoute que M. [K], à chaque rappel écrit, n’a jamais émis la moindre observation en réponse, n’a jamais contesté les nombreuses remarques orales.

Il ne conteste pas qu’avant 2013, le magasin avait depuis de nombreuses années des résultats financiers dégradés, le salarié faisant valoir que le chiffre d’affaires chutait considérablement depuis plus de cinq ans.

Il soutient que M. [K] n’a pas respecté les consignes commerciales données et réitérées, de diversifier la prospection d’une part et de solliciter les prescripteurs d’autre part, affirme que le magasin de [Localité 7] était le seul à avoir une réduction d’activité et une progression aussi faible, voire négative.

Il indique que dès 2013, relancé en 2015 par écrit et à de nombreuses reprises oralement par M. [C], il a été rappelé à M. [K] la nécessité de prospecter des prescripteurs pour disposer d’un volume de vente suffisant, que M. [K] n’a à aucun moment évoqué une difficulté professionnelle, ou un défaut de formation sur les attributions exigées.

Il fait valoir que le salarié produit des sollicitations faites à des cabinets d’architectures et de promotion immobilière, ce dont il déduit qu’il n’avait besoin d’une quelconque formation en la matière. Pourtant, il ajoute que « lesdites sollicitations ne correspondaient pas aux attentes de la société », en l’absence de sollicitations postérieures et de renouvellement régulier de la prospection.

Il soutient qu’il s’agit d’une insuffisance « presque volontaire » ayant eu une incidence négative sur les résultats économique du magasin.

Il rappelle son courrier du 24 juin 2015 faisant état de la dégradation des résultats financiers : perte de chiffre d’affaire sur l’année 2012-2013 de près de 15% alors que la moyenne nationale était à 4%, perte sur l’année 2013-2014 de près de 12% alors que la moyenne nationale était positive. Il affirme qu’à la date du licenciement, la situation du magasin en avril 2016 était catastrophique, celui-ci étant classé avant dernier des 22 magasins en termes de chiffre d’affaires, avec une perte de près de 53.000 €. Il fait valoir qu’en septembre 2016, le classement demeurait le même, mais que l’évolution à la hausse du chiffre d’affaire peut déjà être constatée et qu’à partir de la clôture de mai 2017, l’entité revoyait ses résultats à la hausse. Il fait valoir son courrier du 24 juin 2015 où il rappelait avoir réduit la surface de vente et donc les loyers, « pour contribuer à l’amélioration des résultats financiers du magasin ».

Le salarié fait pertinemment valoir que la lettre de licenciement fait état d’un objectif de chiffre d’affaires de 700 K€. Ainsi qu’il le fait valoir, les courriers de l’employeur et la lettre de licenciement renvoient aux résultats de la société.

Alors que le salarié fait valoir le caractère irréalisable des objectifs, l’employeur ne démontre pas le contraire et le salarié fait valoir, sans être contredit, qu’un tel objectif n’avait pas été atteint depuis 2006-2007. Il fait état d’une baisse de chiffre d’affaires de 43,30% entre 2005/2006 et 2009/2010. Il produit un courrier du 14 septembre 2010 adressé à la TAM Montpellier dans lequel il indiquait que le magasin connaissait depuis le début des travaux de la ligne 3 du tramway une baisse de fréquentation sans précédent et fait savoir que le magasin enregistre une baisse de chiffre d’affaires de 22,65 % entre 2011/2012 et 201/2015.

M. [K] produit plusieurs propositions de communication : celle d’avril 2013 rencontrait un avis péjoratif de M. [C] qui ne formulait aucune contreproposition. Il justifie de mailings adressés à divers professionnels entre avril et octobre 2013, de contacts téléphoniques, d’échanges avec des promoteurs en mars et juin 2015, de ventes réalisées avec des décoratrices en 2013-2014.

Il fait valoir sans être contredit qu’aucun portefeuille clients ne lui avait été attribué. Il rappelle pertinemment qu’aucune clause de quota n’est insérée au contrat de travail.

S’il n’est pas contestable que les résultats du magasin sont mauvais, il doit être constaté que ceux-ci s’inscrivent dans une dégradation des résultats constatés depuis de nombreuses années avant la nomination de M. [K] comme directeur en 2011.

Surtout, il apparait que M. [K] a été nommé directeur de magasin en 2011, alors qu’il n’était que vendeur, ce qui induisait de nouvelles responsabilités notamment en termes de gestion, de prospection et de développement de l’entité.

Ainsi que le rappelle M. [K], il n’a fait l’objet d’aucune formation de présentation, ou de marketing pour améliorer ses courriels et son démarchage alors que tel aurait dû être le cas si la société s’estimait insatisfaite de son travail.

Il doit être relevé qu’au-delà de toute absence de formation, il n’est justifié d’aucun encadrement de M. [K] par la hiérarchie de l’activité de prospection : pour le seul échange à ce sujet produit dans les débats, il est constaté que l’encadrant dénigre la proposition du salarié sans formuler une quelconque contreproposition. De même, alors qu’il est fait grief au salarié de ne pas avoir effectué de relances des prospects, il doit être constaté qu’il n’a reçu aucune formation en la matière, ni aucune directive précise et qu’il n’est pas contredit quand il affirme qu’aucune fiche de fonction ne lui a été remise avec un process à respecter et qu’il ne faisait l’objet d’aucun accompagnement dans la mesure où le directeur de la société n’effectuait que de rares visites mensuelles.

Enfin, il n’est justifié de la part de l’employeur d’aucune prise en compte de l’impact des travaux du tram sur la fréquentation du magasin, ni d’aucune étude à ce sujet.

Il en résulte que l’insuffisance professionnelle reprochée au salarié est insuffisamment établie et qu’en conséquence, le licenciement doit être déclaré dénué de cause réelle et sérieuse.

M. [K] né en 1981, avait une ancienneté de près de 8 ans dans une entreprise employant au moins 11 salariés. Il indique qu’au dernier état de la relation contractuelle, il percevait un salaire mensuel brut fixe de 1.350 €, (ce qui est inférieur à un salaire à temps plein sur une base horaire de 9,63 €), un intéressement brut de 1, 30 % calculé sur le chiffre d’affaires net, une prime d’objectifs sur le chiffre d’affaires, ainsi qu’une prime annuelle attribuée en fonction de la marge brute obtenue à la clôture de chaque exercice. Il affirme qu’il est en cours de formation et à la recherche d’un emploi, ce dont il ne justifie pas, pas plus qu’il ne produit le moindre document relatif à sa situation post-licenciement. Compte tenu de ces éléments et de son salaire moyen mensuel prenant en compte les rappels de salaires alloués, l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse doit être fixée à la somme de 14.000 €.

Vu l’article L1235-4 du code du travail, il sera ordonné le remboursement par l’employeur des indemnités de chômage versées à M. [K] dans la limite de six mois d’indemnités.

Sur les frais

Il apparait équitable d’allouer à M. [K] une indemnité de 1.500 € sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, pour les frais exposés en première instance et en appel, le salarié ne demandant pas la confirmation du jugement de ce chef et sollicitant cette somme en appel.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, mis à disposition :

Confirme le jugement sauf en ses dispositions relatives au montant de l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, en ses dispositions relatives aux demandes concernant l’adaptation à l’emploi et l’exécution déloyale du contrat, et en ses dispositions relatives à l’application de l’article 700 du code de procédure civile

Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant :

Condamne la SAS Cinna à payer à M. [K] les sommes de :

-14.000 € à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

-2.000 € à titre d’indemnité pour manquement à l’obligation d’adaptabilité à l’emploi

-500 € à titre d’indemnité pour exécution déloyale du contrat

-1.500 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Ordonne le remboursement par la SAS Cinna à Pôle-emploi des indemnités de chômage payées à M. [K] du jour de son licenciement dans la limite de six mois d’indemnités, soit la somme de 7.093,80 €.

Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.

Condamne la SAS Cinna aux dépens de l’instance.

Le greffier Le président

 


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