N° RG 20/03501 – N° Portalis DBV2-V-B7E-IS42
COUR D’APPEL DE ROUEN
1ERE CHAMBRE CIVILE
ARRET DU 11 JANVIER 2023
DÉCISION DÉFÉRÉE :
18/05032
Tribunal judiciaire de Rouen du 24 septembre 2020
APPELANTES :
Madame [M] [A] veuve [L]
née le 11 avril 1962 à [Localité 12]
[Adresse 9]
[Localité 4]
représentée et assistée par Me Djamel MERABET de la Scp LENGLET, MALBESIN & ASSOCIES, avocat au barreau de Rouen substitué par Me Jean-Marie MALBESIN
Madame [E] [A]
née le 19 septembre 1992 à [Localité 12]
[Adresse 3]
[Localité 5]
représentée et assistée par Me Djamel MERABET de la Scp LENGLET, MALBESIN & ASSOCIES, avocat au barreau de Rouen substitué par Me Jean-Marie MALBESIN
INTIME :
Monsieur [R] [L]
né le 13 février 1958 à [Localité 12]
[Adresse 1]
[Localité 10]
comparant à l’audience, représenté et assisté par Me Mathieu BOURDET, avocat au barreau de Rouen substitué par Me Caroline LEHEMBRE
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été plaidée et débattue à l’audience du 05 septembre 2022 sans opposition des avocats devant M. Jean-François MELLET, conseiller, rapporteur,
Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour composée de :
Mme Edwige WITTRANT, présidente de chambre
M. Jean-François MELLET, conseiller
Mme Magali DEGUETTE, conseillère
GREFFIER LORS DES DEBATS :
Mme Catherine CHEVALIER
DEBATS :
A l’audience publique du 5 septembre 2022, où l’affaire a été mise en délibéré au 9 novembre 2022, le délibéré a été prorogé au 11 janvier 2023
ARRET :
CONTRADICTOIRE
Prononcé publiquement le 11 janvier 2023, par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile,
signé par Mme WITTRANT, présidente de chambre et par Mme CHEVALIER, greffier présent lors de la mise à disposition.
*
* *
EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE
M. [Y] [L], né le 2 juillet 1927, est décédé le 22 février 2017 à [Localité 11] (27) laissant, pour lui succéder son épouse, Mme [S] [L], née le 26 février 1927, donataire de l’usufruit, et leurs enfants, [R] et [M] [L]. Mme [S] [L] née [J], née le 26 février 1927, est décédée le 16 avril 2017, laissant pour lui succéder les deux enfants du couple.
Dès 2015, M. et Mme [L] ont vécu chez leur fille Mme [M] [L] épouse [A] et leurs deux petites-filles [N] et [E] [A].
Par acte d’huissier du 10 décembre 2018, M. [R] [L] a assigné Mme [M] [L] veuve [A], Mme [E] [A] et Mme [N] [A] devant le tribunal de grande instance de Rouen afin notamment de les voir condamner in solidum à lui payer en tant que seul héritier avec sa s’ur [M], la somme de 320 138,56 euros en invoquant des recels successoraux et un enrichissement sans cause.
Par jugement du 24 septembre 2020, le tribunal judiciaire de Rouen a :
– condamné Mme [M] [A] à rapporter à la succession de M. et Mme [Y] [L] la somme de 107 768,44 euros avec intérêt au taux légal à compter du 10 décembre 2018 et dit que Mme [M] [A] n’aura pas le droit de succéder sur cette somme ;
– débouté M. [R] [L] de sa demande de condamnation in solidum pour cette somme avec Mme [M] [A] de Mesdames [E] et [N] [A] ;
– débouté M. [R] [L] de ses demandes à l’encontre de Mme [N] [A] ;
– condamné Mme [E] [A] à verser à M. [R] [L] une somme de
19 521,90 euros au titre de l’enrichissement sans cause ;
– condamné Mmes [M] [A] et [E] [A] in solidum à verser à
M. [R] [L] la somme de 3 481,50 euros au titre du remboursement de ses frais bancaires ;
– condamné in solidum Mmes [M] et [E] [A] au versement d’une somme de 4 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
– condamné in solidum Mmes [M] et [E] [A] en tous les dépens, dont distraction au profit de Me Mathieu Bourdet, avocat.
Par déclaration reçue au greffe le 30 octobre 2020, Mmes [M] et [E] [A] ont interjeté appel de la décision.
EXPOSE DES PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Par dernières conclusions notifiées le 28 janvier 2021, Mmes [M] et [E] [A], demandent à la cour, au visa des articles 778, 1303, 1303-1 et 1240 du code civil, d’infirmer le jugement entrepris et statuant de nouveau, de :
– débouter M. [R] [L] de l’intégralité de ses demandes ;
– condamner M. [R] [L] à leur payer la somme de 3 000 euros au titre des frais irrépétibles ;
– le condamner aux dépens de première instance et d’appel dont distraction au profit de la Scp Lenglet Malbesin et associés sur le fondement de l’article 699 du code de procédure civile.
Elles soutiennent en substance ce qui suit :
– la caractérisation du recel successoral nécessite la démonstration d’actes positifs de dissimulation aux autres héritiers et la preuve de l’intention frauduleuse de l’héritier poursuivi pour recel ;
– s’agissant des chèques émis pour le voyage à Tourville datés des 7 et 8 avril 2020, la constatation d’une écriture différente sur un chèque ne démontre pas la dissimulation, ni même le fait que Mme [L] n’avait pas d’intérêt à effectuer ce voyage,
– s’agissant du chèque de banque de la Caisse d’Épargne du 8 février 2017, le montant élevé du chèque ne démontre en tant que tel, ni l’intention frauduleuse, ni la dissimulation, la preuve d’un faux en écriture ou d’une usurpation d’identité n’étant pas rapportée et Mme [L] n’étant pas la bénéficiaire de ce chèque,
– l’ensemble des virements contestés par M. [L] et les retraits d’argent apparaissaient sur les comptes bancaires des défunts de sorte qu’aucune dissimulation n’est démontrée à cet égard,
– la même analyse s’applique aux mouvements de fonds émanant de l’utilisation des cartes bancaires pour le règlement d’achats et des cartes Paypal,
– il appartient à M. [L], qui se prétend victime d’un enrichissement sans cause à l’encontre de Mme [E] [A], de démontrer l’absence d’intention libérale des grands-parents, ce qu’il ne fait pas en l’espèce,
– en l’absence de recel et de faute des appelantes, il n’y a pas lieu de les condamner à indemniser le préjudice financier de M. [L] au titre des frais bancaires.
Par dernières conclusions notifiées le 23 avril 2021, M. [R] [L] demande à la cour d’appel, au visa des articles 778, 1240, 1303 et suivants du code civil, 515 à 700 du code de procédure civile, de réformer le jugement entrepris en ce qu’il l’a débouté d’une partie de ses demandes, et statuant à nouveau, de :
– condamner Mme [M] [A] à rapporter à la succession de M. et Mme [Y] [L] la somme de 243 007,42 euros avec intérêts au taux légal à compter du 10 décembre 2018 (date de l’assignation) ;
– dire que Mme [M] [A] n’aura pas le droit de succéder sur cette somme ;
– condamner Mme [E] [A] à lui payer la somme de 68 374,41 euros au titre de l’enrichissement sans cause ;
– condamner in solidum Mmes [M] et [E] [A] à lui payer la somme de 3 481,50 euros au titre du remboursement des frais bancaires ;
– condamner in solidum Mmes [M] et [E] [A] à lui payer la somme de 8 000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;
– condamner in solidum Mmes [M] et [E] [A] en tous les dépens dont distraction au profit de Me Mathieu Bourdet, avocat.
Il fait valoir pour l’essentiel que :
– du 23 janvier 2017 au 22 mai 2017, Mmes [M] et Mme [E] [A] ont procédé à des virements bancaires à partir du compte de M. et Mme [L] ouvert à la Caisse d’Épargne pour un montant total de 82 319,22 euros ;
– la dissimulation résulte du fait qu’en l’espèce, Mme [M] [A] a été bénéficiaire d’une procuration qu’elle a utilisée à des fins personnelles et que
M. [L] ne pouvait s’apercevoir des mouvements financiers réalisés au détriment de la succession ;
– le premier juge a considéré que Mmes [M] et [E] [A] n’apportaient aucune explication et n’ont retenu comme litigieux que les virements supérieurs à
1 000 euros ;
– or, l’obligation pour le mandataire de rendre compte de la gestion existe pour toutes les dépenses et non seulement pour les plus importantes d’entre elles ;
– du 30 août 2016 au 9 mai 2017, la somme de 25 560 euros a été retirée en espèces sur des bornes automatiques, soit sur une période de huit mois et demi, une moyenne de 3 007 euros par mois, Mme [M] [L] n’apportant aucune explication à cet égard ;
– M. [Y] [L] ne maîtrisant pas les nouvelles technologies, les virements par téléphone ont nécessairement été réalisés par Mme [M] [A] ou sa fille, lesquelles avaient d’ailleurs, toutes deux, procuration sur le compte ;
– s’agissant des chèques émis depuis le compte de la Caisse d’Épargne, le premier juge a inversé la charge de la preuve, les dépenses réalisées auprès de l’agence de voyage ayant servi à financer un voyage réalisé en République Dominicaine par l’appelante ;
– le chèque de 10 000 euros libellé à l’ordre d’Audi Concept a servi à financer l’acquisition du véhicule Audi Q5 de Mme [M] [A] ;
– Mme [M] [A] ne donne pas d’explications sur les nombreux paiements effectués avec la carte bancaire de ses parents, la somme de 8 413,61 euros devant être rapportée à la succession ;
– Mme [M] [A] ne démontre pas avoir effectué des paiement Paypal dans l’intérêt de ses parents, ces dépenses ne correspondant pas à la contrepartie de l’hébergement par leur fille ;
– les frais de péage doivent être rapportés à la succession dès lors qu’il s’agit d’une dépense personnelle de Mme [M] [A] ;
– du 2 octobre 2015 au 15 septembre 2016, de nombreux chèques ont été émis depuis le compte de la Société Générale pour un montant total de 84 030,69 euros qui sont manifestement destinés à payer les dépenses personnelles de Mme [M] [A] et sa fille ;
– les retraits d’espèces opérés sur le compte de la Société Générale entre le 3 août 2015 et le 11 août 2016 pour la somme de 2 870 euros, de manière injustifiée, n’ont pas été pris en compte par le premier juge ;
– Mme [E] [A] ne rapporte pas la preuve de l’intention libérale de ses grands-parents.
Il est renvoyé aux écritures des parties pour plus ample exposé des faits, des prétentions et moyens conformément à l’article 455 du code de procédure civile.
Par message électronique du 12 octobre 2022, la cour a invité les parties à conclure sur l’irrecevabilité pour défaut de qualité à agir de M. [R] [L] à titre personnel contre Mme [E] [A], l’enrichissement sans cause allégué préjudiciant, sauf meilleures observations de leur part, à la succession et non à M. [L] à titre personnel.
M. [L] soutient par note en date du 14 octobre 2022 qu’il a qualité à agir seul en qualité de coindivisaire dès lors que son action profite aux autres coindivisaires.
L’ordonnance de clôture a été rendue le 13 juillet 2022.
MOTIFS
Sur le recel successoral commis par de Mme [M] [L]
En application de l’article 778 du code civil, sans préjudice de dommages et intérêts, l’héritier qui a recelé des biens ou des droits d’une succession ou dissimulé l’existence d’un cohéritier est réputé accepter purement et simplement la succession, nonobstant toute renonciation ou acceptation à concurrence de l’actif net, sans pouvoir prétendre à aucune part dans les biens ou les droits détournés ou recelés. Les droits revenant à l’héritier dissimulé et qui ont ou auraient pu augmenter ceux de l’auteur de la dissimulation sont réputés avoir été recelés par ce dernier.
Lorsque le recel a porté sur une donation rapportable ou réductible, l’héritier doit le rapport ou la réduction de cette donation sans pouvoir y prétendre à aucune part. L’héritier receleur est tenu de rendre tous les fruits et revenus produits par les biens recelés dont il a eu la jouissance depuis l’ouverture de la succession.
Le recel s’entend de toute fraude ayant pour but de rompre l’égalité du partage entre les cohéritiers. Il peut s’exercer par l’abus d’une procuration sur un compte bancaire obtenu du défunt.
La charge de la preuve de l’élément matériel (un ou des fait(s), notamment la dissimulation d’un bien ou d’un droit faisant partie d’une succession, de nature à rompre l’égalité du partage successoral) et de l’élément intentionnel (toute fraude intentionnelle faite au détriment des autres héritiers) du recel successoral incombe à la partie qui l’invoque contre son cohéritier. La mauvaise foi s’apprécie in concreto, en recherchant ce que l’héritier savait et voulait effectivement au moment du détournement ou de la dissimulation.
Enfin, peu importe le moment où les faits constitutifs du recel ont été commis, même avant le décès si, après l’ouverture de la succession, ils n’ont pas été révélés à la succession. De plus, il n’est pas nécessaire que l’héritier prouve son préjudice ou que l’avantage recherché par le receleur se soit réalisé.
M. [Y] [L] a consenti les procurations suivantes à Mme [M] [A] :
– le 19 août 2014 sur son livret A n°30 003 0000000178500030473298 ouvert à la Société Générale,
– le 8 juillet 2016 sur le compte n°[XXXXXXXXXX02] ouvert à la Caisse d’Épargne au nom de M. et Mme [L],
Mme [S] [L] a consenti les procurations suivantes à Mme [M] [A] :
– le 26 novembre 2008 sur son livret de développement durable n°[XXXXXXXXXX06] ouvert à la Société Générale,
– le 8 octobre 2014 sur son compte personnel n°[XXXXXXXXXX08] ouvert à la Société Générale,
– le 8 octobre 2014 sur son livret A n°[XXXXXXXXXX07] ouvert à la Société Générale.
M. [L] fait valoir que sa s’ur a utilisé frauduleusement ces procurations pour effectuer des retraits en numéraire, des paiements par carte bancaire, des paiements par l’application Paypal et des virements à son profit ainsi que pour tirer des chèques en sa faveur et de celle de tiers sur chacun de ces comptes.
1- Les opérations sur le compte n°[XXXXXXXXXX02] ouvert auprès de la Caisse d’Épargne au nom de M. et Mme [L]
Au cours de l’année 2015, Mme [M] [A] a accueilli M. et Mme [L], alors âgés de 88 ans, à son domicile, et jusqu’à leur décès en 2017, intervenu à deux mois d’intervalle ; cet accueil a nécessairement entraîné des dépenses pour les frais quotidiens de soins, d’entretien et de nourriture. La procuration donnée par les époux à leur fille visait à faciliter la gestion des dépenses courantes pour deux personnes âgées qui percevaient une retraite d’un montant total de 2 630 euros.
– les virements effectués du 23 janvier 2017 au 22 mai 2017 d’un montant total de 61 454,22 euros au profit de Mme [A] et de tiers
Après avoir rappelé qu’une procuration donnée sur des comptes bancaires du défunt visait à gérer les dépenses courantes et était une aide dans la gestion du budget, sans cependant pouvoir justifier une utilisation de ces sommes à des fins personnelles, le tribunal a retenu que s’agissant des petites dépenses ou isolées, compte tenu des rentrées d’argent de M. et Mme [L] et en raison de leur accueil au domicile de Mme [A], M. [L] ne démontrait pas le recel successoral. Il n’a qualifié de recels que les virements d’un montant de 1 000 euros effectués directement au profit de Mme [A], titulaire d’une procuration, qui n’apportaient aucune explication à ces opérations.
Mme [M] et [E] [A] considèrent que l’ensemble des virements contestés par M. [L] apparaissaient sur les relevés des comptes bancaires des défunts de sorte qu’aucune dissimulation n’est démontrée à cet égard.
M. [L] fait valoir que l’obligation pour le mandataire de rendre compte de sa gestion existe pour toutes les dépenses et non uniquement pour les plus importantes d’entre elles. Dans le cadre de son appel incident, il majore en conséquence les demandes formulées à l’encontre de sa s’ur au titre des recels successoraux.
En application de l’article 1993 du code civil, tout mandataire est tenu de rendre compte de sa gestion. Le bénéficiaire d’une procuration est dès lors comptable des opérations réalisées sur le compte du défunt par son intermédiaire, ce qui consiste à justifier auprès des cohéritiers de l’utilisation des fonds prélevés quand bien même ils apparaîtraient sur les relevés de compte bancaire.
L’examen des relevés du compte de M. et Mme [L] du 8 juillet 2016 au 4 janvier 2018 démontre que :
– entre janvier et avril 2017, Mme [A] a procédé à neuf virements ponctuels à son profit, 277, 365, 300, 250, 800, 988, 860, 230 et 900 euros, soit une somme de
4 700 euros en 4 mois soit une moyenne mensuelle de 1 175 euros, ou 587,50 par personne hébergée ; ce montant est adapté à la prise en charge au titre des dépenses courantes pour l’entretien et la nourriture du couple de personnes âgées. Aucun recel n’est donc démontré pour ces opérations.
– en janvier 2017, Mme [A] a procédé à un virement de 5 000 euros et à deux virements de 1 000 euros à son profit en 5 jours. En février, elle a procédé à trois virements d’un montant total de 15 000 euros en 8 jours, étant rappelé que M. [L] est décédé le 22 février 2017. En mars, elle a procédé à un virement de 1 800 euros, en avril à deux virements de 1 000 euros en 5 jours. Mme [A] ne donne aucune explication concernant ces opérations. Leur importance et leur fréquence, pour un bénéfice personnel, justifie la qualification de recel à hauteur de 7 000 + 15 000 + 1 800 + 2 000 soit 25 800 euros.
– en avril et mai 2017, deux virements de 3 166,22 euros et 1 447 euros ont été effectués depuis le compte Caisse d’Épargne au profit de la Sas Animation Colibri pour lequel Mme [A] ne donne aucune explication. En réalité, l’ordre de virement a été donné par Mlle [A]’, également titulaire d’une procuration. Aucune indication n’est mentionnée sur le donneur d’ordre du virement pour la somme de 1 447 euros. Il n’est pas établi que Mme [M] [A] ait procédé elle-même à ces deux virements de sorte qu’aucun recel n’est retenu à son encontre.
– en mai 2017, Mme [A] a procédé à six virements à son profit de 5 000 euros chacun, alors que M. et Mme [L] étaient tous deux décédés et qu’il n’est pas justifié de dépenses en lien avec leurs obsèques. En l’absence de justification des mouvements bancaires, le recel successoral est acquis pour ces sommes à hauteur de 30 000 euros.
Il résulte de ces éléments que Mme [M] [A] a commis un recel successoral à concurrence de la somme de 55 800 euros. Elle sera privée de tous ses droits sur cette somme qu’elle devra rapporter à la succession.
– les virements effectués par internet du 16 août 2016 au 21 janvier 2017 d’un montant total de 6 115 euros au profit de Mme [A]
Le tribunal a retenu que pour les virements effectués par internet ou par mobile, il ne ressortait pas nettement des pièces jointes au dossier qu’ils aient directement profité à Mme [M] [A] de sorte que le recel successoral n’était pas caractérisé.
M. [L] fait valoir que ses parents ne maîtrisant pas l’utilisation des nouvelles technologies, les virements par internet ont nécessairement été effectués par sa s’ur qui avait procuration sur le compte.
Mmes [A] ne répliquent pas sur ce point.
La seule utilisation de technologies informatiques pour réaliser les virements litigieux ne fait pas présumer l’existence d’un recel successoral de Mme [M] [L].
En outre, les tableaux produits en pièce n°9 ne permettent pas d’identifier avec certitude les bénéficiaires de ces virements, les noms des destinataires ayant été ajoutés manuscritement, et ne sont assortis d’aucune signature, ni certification de la banque, ainsi que le relève à juste titre le premier juge.
En conséquence, le recel successoral n’est pas établi quant à ces opérations.
– les retraits en numéraire effectués du 30 août 2016 au 9 mai 2017 d’un montant total de 25 560 euros
Le premier juge a considéré que les retraits pour les sommes raisonnables, compte tenu des circonstances de l’espèce et de l’hébergement de M. et Mme [L] chez leur fille, ne devaient pas être retenus comme caractérisant l’élément matériel du recel successoral. Il a néanmoins retenu les virements d’un montant supérieur à 1 000 euros comme caractérisant le recel, soit la somme de 17 600 euros.
Mmes [A] considèrent que la dissimulation de ces sommes n’est pas démontrée, aucun recel successoral ne pouvant être retenu à cet égard.
M. [L] fait valoir que sa s’ur a retiré au distributeur automatique une somme moyenne de 3 007 euros par mois pour laquelle elle ne donne aucune explication.
Mme [A] ne conteste pas avoir utilisé la carte bancaire de ses parents pour procéder aux retraits en numéraires litigieux.
L’examen des relevés du compte de M. et Mme [L] du 8 juillet 2016 au 04 janvier 2018 démontre que :
– entre août 2016 et février 2017, Mme [A] a procédé à des retraits ponctuels d’espèces dont les montants ne dépassaient pas 600 euros (20, 80, 100, 200, 300, 440, 600), en 6 mois. Ces sommes n’excèdent pas les besoins de la vie courante pour l’hébergement de M. et Mme [L] même en tenant compte du montant examiné ci-dessus pour la période de janvier à avril 2017 à hauteur de 4 700 euros. Ces retraits ne sont pas à l’origine de recels successoraux.
– à compter du mois de février 2017, Mme [A] a, sans explication, augmenté le montant et la fréquence des retraits (février 2017 : 6 x 1 000 euros en 4 jours puis 5 x 1 000 euros en 5 jours, mars 2017 puis avril 2017 : 2 x 1 000 euros le même jour), étant rappelé que son père est décédé le 22 février 2017. Ces retraits doivent être considérées, compte tenu de leur montant important et de leur fréquence inexpliquée, comme ayant été utilisées à des fins personnelles et caractérisent donc un recel successoral à hauteur de 13 000 euros.
– Mme [A] a procédé à six retraits litigieux du 18 avril 2017 au 9 mai 2017 (600, 1 000, 1 000, 40, 500, 600), alors que M. et Mme [L] étaient tous deux décédés et qu’il n’est pas justifié de dépenses en lien avec les frais d’obsèques. Le recel successoral est donc démontré pour la totalité de ces sommes soit 3 740 euros.
Il résulte de ces éléments que Mme [A] a commis un recel successoral à concurrence de la somme de 16 740 euros. Elle sera privée de droit sur cette somme rapportée à la succession.
– les dix chèques établis du 16 novembre 2016 au 27 avril 2017 d’un montant total de 21 492,50 euros au profit de Mme [A] et de tiers
Le tribunal a retenu que le chèque de 860 euros au profit de Mme [M] [A] pouvait caractériser un don manuel ou une compensation pour les frais d’hébergement ; que s’agissant des chèques tirés sur le compte de la Caisse d’Épargne pour règlement à des tiers, la fraude n’était pas démontrée dès lors que la signature émanait de M. ou Mme [Y] [L] ; que pour les deux chèques émis pour financer des voyages d’agrément, il existait une man’uvre dolosive de Mme [A] visant à rompre l’égalité du partage, aucun justificatif de ce voyage n’étant rapporté.
Mmes [A] soutiennent qu’il n’est pas démontré que Mme [M] [A] aurait rempli et signé les chèques litigieux ; que l’absence d’intérêt de Mme [S] [L] pour le voyage financé ne peut suffire à caractériser une volonté de dissimulation des fonds.
M. [L] fait valoir que sa s’ur n’apporte aucune explication sur les chèques litigieux alors qu’il s’agit manifestement de dépenses personnelles et dépourvues de liens avec l’hébergement de leurs parents.
Les copies des chèques produites que tous les chèques litigieux ont été signés par Mme [S] [L], par comparaison avec la signature figurant sur les procurations données à sa fille en 2014. Aucune altération des facultés mentales de la signataire à la date d’émission des chèques n’est démontrée, ni même alléguée par M. [L]. En conséquence, quels que soient leur montant et leur bénéficiaire (10 000 euros en règlement à Audit Concept, 3 656 et 4 043,50 euros au profit de l’agence Jeanne d’Arc voyage), l’émission de ces chèques ne caractérise pas une fraude et peut être motivée par l’intention libérale de la mère à l’égard de sa fille.
Par ailleurs, s’agissant de l’unique chèque de 860 euros émis au profit de Mme [M] [A], au regard de son montant limité, cette somme peut être rattachée au service rendu par Mme [A] quant à l’hébergement de ses parents.
M. [L] sera débouté de ses prétentions sur ces sommes.
– les dix-huit chèques établis du 28 juillet 2016 au 13 avril 2017 d’un montant total de 3 695,36 euros au profit de tiers
Le tribunal n’a pas statué sur cette demande.
M. [L] fait valoir que ces chèques ont été établis en règlement à des tiers sans qu’il ne s’agisse du paiement des dépenses courantes de ses parents.
Mmes [A] ne répondent pas sur ce chef de demande.
Les copies des chèques produites que onze exemplaires numérotés 223, 224, 225, 226, 230, 232, 235, 236, 238, 239 et 240 sont illisibles : ils ne peuvent en conséquence être exploités pour qualifier l’opération.
Le chèque n°227 du 21 janvier 2017 de 156,99 euros, émis avant le décès de
M. [Y] [L], comporte la signature de ce dernier, par comparaison avec la signature portée sur les procurations données à sa fille. Aucune altération des facultés mentales du père des parties n’est démontrée, ni même alléguée par son fils. La preuve du recel successoral de Mme [M] [A] n’est pas rapportée concernant cette somme, au demeurant modeste.
Les chèques n°228, 229, 231, 233, 234 et 237 émis du 3 février 2017 au 28 avril 2017 sont signés par Mme [S] [L], par comparaison avec la signature figurant sur les procurations données à sa fille en 2014. Comme déjà indiqué, en l’absence d’atteinte des facultés mentales de la signataire des chèques, le recel allégué n’est pas démontré, l’intimé étant débouté de ses prétentions sur les sommes discutées.
– le chèque de banque n°0884667 de 21 078,17 euros du 8 février 2017 établi au profit de la société Bmw Financial Service
Le premier juge a retenu que le chèque de banque, émis quatorze jours avant le décès de M. [Y] [L], à défaut pour Mme [M] [L] d’apporter une explication et la somme dépassant nécessairement les besoins de la vie courante, et alors qu’il s’ajoute au chèque de 10 000 euros établi au profit de la société Audit Concept le 16 février 2017 ne pouvait être destiné aux besoins de M. et Mme [L] de sorte que le recel successoral de Mme [M] [A] était caractérisé.
Mmes [A] font valoir que le montant élevé du chèque ne démontre pas une volonté de dissimulation des fonds et reprochent au tribunal d’avoir inversé la charge de la preuve en considérant que ce chèque n’avait pas été rempli et signé en connaissance de cause par M. [Y] [L].
M. [L] rappelle que son père ne conduisait plus et considère que cette dépense excessive démontre la volonté de Mme [A] de rompre l’égalité du partage pour acquérir des biens qui ne lui ont servi qu’à des fins personnelles.
Sur le chèque de banque produit, sont portées deux signatures, celles de M. et Mme [L] et le tampon de la Caisse d’Épargne. Il n’est pas démontré que l’opération ait été réalisée sans réelle volonté de ses auteurs. M. [L] ne démontre pas la réunion des éléments constitutifs du recel successoral et doit être débouté de sa demande.
– les règlements par carte bancaire d’août 2016 à mai 2017 d’un montant total de 8 413,61 euros
La décision entreprise a admis l’existence d’un recel successoral pour les règlements effectués entre février 2017 (après le décès de M. [L]) et mai 2017 (après le décès de Mme [L]) pour la somme de 4 000 euros.
Mmes [A] font valoir que ces mouvements de fonds étaient mentionnés sur les relevés de compte bancaire de sorte qu’aucune dissimulation n’est caractérisée.
M. [L] soutient que sa s’ur n’apporte aucune explication sur les paiements effectués avec la carte bancaire de ses parents, ces dépenses n’entrant pas dans le cadre des dépenses courantes quotidiennes des deux personnes âgées.
Mme [A] ne conteste pas l’utilisation de la carte bancaire de ses parents.
L’examen des relevés de compte de M. et Mme [L] du 8 juillet 2016 au 4 janvier 2018 démontre que :
– les règlements effectués entre août 2016 et janvier 2017 (Leclerc, Darty, Orange, Darty…), en raison de leur montant limité et des besoins de M. et Mme [L] au domicile de leur fille, constituent des dépenses courantes pour eux ainsi que l’a justement retenu le premier juge ;
– à compter de mars 2017, après le décès de son père, un règlement de 405 euros est intervenu au profit de la société Jd Sports.fr sans être justifié par les dépenses courantes de Mme [L], âgée de 88 ans ; les intimés ne fournissent aucune explication sur la cause de ce paiement retenu au titre du recel successoral ;
– Mme [A] a procédé à six règlements litigieux du 18 avril 2017 au 24 mai 2017, alors que ses deux parents étaient décédés (Leclerc drive, Coiff’idis, Oogarden, Itunes, Orange) et qu’il n’est pas justifié de dépenses en lien avec les frais d’obsèques. Le recel successoral est retenu à hauteur de la somme de 1 957,31 euros.
Mme [A] a ainsi commis un recel successoral à concurrence de la somme de
2 362,31 euros sur laquelle elle sera privée de droit.
– les règlements par carte bancaire de l’application électronique Paypal du 4 août 2016 au 26 mai 2017 d’un montant total de 5 886,01 euros
Le tribunal a retenu que seules les sommes réglées à compter du mois de mai 2017, soit après le décès de Mme [L], étaient de nature à caractériser le recel successoral de sa fille.
Mmes [A] font valoir que ces mouvements de fonds étaient portés sur les relevés de compte bancaire de sorte qu’aucune dissimulation n’est caractérisée.
M. [L] soutient que l’ensemble de ces dépenses pour lesquelles Mme [A] n’apporte aucune explication ne peuvent être considérées comme des dépenses courantes, ni comme une contrepartie de l’hébergement de M. et Mme [L] au domicile de leur fille. Il s’agit au contraire de dépenses personnelles de Mme [M] [A] alors même que ses parents, âgés de 88 ans, n’utilisaient pas cette nouvelle technologie pour le règlement de leurs achats.
La seule utilisation de technologies informatiques pour réaliser les paiements litigieux ne fait pas présumer l’existence d’un recel successoral de Mme [A], la charge de la preuve pesant sur M. [L].
Les règlements par l’application électronique Paypal ont été réalisés du 4 août 2016 au 28 mars 2017 pour des montants qui ne dépassent pas la somme 200 euros et qui peuvent correspondre en conséquence à des dépenses de la vie courante des parents de M. [L] et Mme [A].
En revanche, les treize paiements effectués du 19 avril au 26 mai 2017 constituent des dépenses personnelles de Mme [A], ses parents étant alors décédés sans que des frais post-mortem les concernant ne soient justifiés.
La somme de 1779,41 euros est retenue au titre des recels successoraux.
– les six règlements par carte bancaire Sasu du 16 janvier 2017 au 13 février 2017 d’un montant total de 346,77 euros
Ces règlements ont été écartés par le premier juge en l’absence de recel successoral au regard de leur montant.
Les six règlements litigieux d’un montant total de 346,77 euros ont été effectués au profit de la Sasu Km Fact en 6 mois. Cette somme dans le cadre de paiements modestes et échelonnés ne sont pas retenues au profit de la succession.
– les règlements par carte bancaire des frais de péages du 22 novembre 2016 au 14 février 2017 d’un montant total de 37,70 euros
Le tribunal a retenu que les règlements par carte bancaire pour les frais de péage d’un montant de 37,50 euros ne relevaient pas d’un recel.
M. [L] rappelle que ses deux parents ne conduisaient plus et soutient qu’il s’agit d’une dépense personnelle de sa s’ur.
Mmes [A] ne développent pas d’argument sur ce point.
Mme [M] [A] a utilisé la carte bancaire de ses parents pour payer des frais de péage à hauteur de 37,70 euros en 4 mois. Le tribunal a considéré à juste titre que ces frais entraient dans les dépenses courantes engagés pour ses parents ayant la faculté de se déplacer en voiture conduite par leur fille. M. [L] est débouté de cette demande.
Les opérations qualifiées de recels successoraux s’élèvent ainsi à la somme de :
55 800 + 16 740 + 2 362,31 + 1 779,41 soit 76 681,72 euros.
2- Les opérations sur les comptes ouverts auprès de la Société Générale
– les chèques établis du 2 octobre 2012 au 15 septembre 2016 d’un montant total de 84 030,69 euros au profit de Mme [M] [A]
Le tribunal a omis de statuer sur cette demande.
M. [L] demande que la somme de 84 030,69 euros soit rapportée à la succession en soutenant que les chèques établis au profit de sa s’ur ou de tiers ne correspondent pas à des dépenses justifiées par le train de vie de ses parents, qu’il s’agit de dépenses personnelles ayant profité à sa s’ur ou sa nièce (assurances, locations, équitations, onglerie…) et constituent des recels à l’encontre de la succession.
Mmes [A] ne développent pas de discussion sur cette demande.
Les chèques litigieux ont été établis ont bénéfice de tiers ; les retraits d’espèces ont été signés par Mme [S] [L] ou par M. [Y] [L], par comparaison avec les signatures figurant sur les procurations données à leur fille en 2014 et 2016. En l’absence de difficultés concernant leur sanité d’esprit, les montants concernés ne seront pas intégrés aux sommes recélées. M. et Mme [L] vivaient à leur domicile entre 2012 et 2015 de sorte que les chèques établis en paiement des frais d’assurance ou de logement sont liées à leurs dépenses quotidiennes.
Deux chèques d’un montant de 500 euros et un chèque d’un montant de 2 600 euros ont été rédigés au profit de Mme [A] entre le 26 avril 2013 au 4 août 2015. Ils ont été signés par Mme [S] [L]. Bien que le montant du dernier chèque soit plus important que les autres, ces règlements ponctuels entrent dans la catégorie des dons manuels qu’une mère peut consentir à sa fille sans contestation possible, en l’absence de fraude démontrée. La demande de M. [L] est rejetée.
Deux chèques de 500 euros et un chèque de 700 euros ont été également établis au profit de Mme [A] entre le 13 avril 2016 et le 14 septembre 2016. Ils ont été signés par Mme [S] [L] sans que la preuve d’une fraude ne soit rapportée. Les prétentions de M. [L] sur ces sommes seront écartées.
– le virement de 3 000 euros effectué le 31 mars 2015 au profit de Mme [A]
Mmes [A] n’apportent pas d’explication concernant cette opération.
L’examen des relevés du compte personnel de Mme [S] [L] du 1er juillet 2015 au 25 avril 2016 révèle qu’un seul virement de 3 000 euros a été effectué le 31 mars 2015 sans que l’identité du bénéficiaire de ce virement ne soit indiquée. Aucune autre pièce n’est produite pour justifier de l’identité du bénéficiaire de ce virement de sorte qu’il n’est pas établi que Mme [A] ait profité de ce versement.
– les deux retraits en numéraire effectués le 23 juillet 2014 d’un montant total de
3 000 euros
M. [L] considère que ces deux opérations sont comme constitutives d’un recel successoral de Mme [A] qui ne rétorque pas sur ce point.
Selon la production des relevés de compte, deux retraits en numéraire d’un montant total de 3 000 euros ont été effectués le 23 juillet 2014. Ils ont été effectués alors que M. et Mme [L] vivaient à leur domicile. Si Mme [A] disposait d’une procuration sur le compte de sa mère ouvert à la Société Générale, il n’est pas établi qu’elle ait procédé au retrait, la demande de M. [L] à son encontre ne pouvant dès lors aboutir.
– les retraits en numéraire effectués du 3 août 2015 au 11 août 2016 d’un montant total de 2 870 euros
L’examen des relevés du compte personnel de Mme [S] [L] démontre que seize retraits en numéraire ont été effectués ponctuellement du 3 août 2015 au 11 août 2016 pour des montants compris entre 40 et 300, rattachés aux dépenses de la vie courante en l’absence de preuve d’éléments contraires rapportés par M. [L].
En conséquence, Mme [M] [A] a commis un recel successoral à concurrence de la somme de 76 681,72 euros, le jugement étant dès lors infirmé. Elle sera privée de tous droits sur cette somme qu’elle devra rapporter à la succession de M. et Mme [L] avec intérêts au taux légal à compter du 10 décembre 2018, conformément à la demande et à la décision entreprise.
Sur les demandes au titre de l’enrichissement sans cause contre Mme [E] [A]
En dehors des cas de gestion d’affaires et de paiement de l’indu, celui qui bénéficie d’un enrichissement injustifié au détriment d’autrui doit, à celui qui s’en trouve appauvri, une indemnité égale à la moindre des deux valeurs de l’enrichissement et de l’appauvrissement.
Au visa de l’article 122 du code de procédure civile, constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l’adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d’agir, tel le défaut de qualité.
Le premier juge a fait droit partiellement au fond à la demande de M. [L], à hauteur de la somme de 39 043,80 euros. En cause d’appel, il sollicite le paiement à son profit de la somme de 68 374,41 euros.
La cour a soulevé d’office le moyen tiré du défaut de qualité à agir de l’ayant droit à titre personnel pour obtenir une condamnation.
M. [L] soutient qu’un héritier est fondé, même sans le concours de ses coïndivisaires, à agir en cette qualité contre un tiers afin d’obtenir une décision dans l’intérêt de l’indivision ; que notamment les héritiers, saisis de plein droit des biens, droits et actions du défunt ont qualité pour exercer une action tendant à obtenir une indemnisation du préjudice ; qu’il peut donc « à titre à titre personnel » formuler des demandes contre Mme [E] [A].
Malgré l’ambiguïté de l’expression dans la note produite en délibéré, M. [L] n’agit pas en l’espèce à titre personnel en raison d’un préjudice causé par un tiers mais en qualité d’ayant droit de ses parents. Il souhaite obtenir, sur le fondement de l’enrichissement sans cause, une indemnisation au regard des sommes que Mme [A] a perçues, susceptibles d’appauvrir la masse successorale. En cette qualité, il n’est pas recevable à solliciter une condamnation pour son compte personnel.
Sa demande en condamnation visant à obtenir paiement, exclusivement à son profit personnel, de sommes revenant à la succession est irrecevable. Les fonds qui seraient obtenues ne peuvent que revenir à la succession. Aussi s’il est exact qu’il peut agir pour le compte des indivisaires, il ne peut le faire dans son seul intérêt.
M. [L] sera donc déclaré irrecevable en sa demande, le jugement étant infirmé.
Sur la demande au titre du remboursement des frais bancaires
Le tribunal a retenu que M. [L] justifiait des frais dépensés auprès de la Caisse d’Épargne et de la Société Générale au titre notamment des copies de chèques et des relevés mensuels afin d’établir la réalité des détournements commis.
Mmes [A] soutiennent qu’elles n’ont commis aucune faute de nature à engager leur responsabilité délictuelle de sorte que la demande d’indemnisation de M. [L] au titre du remboursement des frais bancaires n’est pas justifiée.
En application de l’article 1240 du code civil, tout fait quelconque qui cause un dommage à autrui oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.
Au vu des développements précédents, il a été démontré le recel successoral de Mme [L], qui constitue une faute de nature à engager sa responsabilité délictuelle.
M. [L] justifie avoir engagé des frais bancaires auprès de la Société Générale et de la Caisse d’Épargne pour la somme de 2 611,50 euros en lien avec les recherches nécessaires à la preuve de ses allégations, fondées.
Par conséquent, il convient de condamner in solidum Mme [M] [A] à payer à M. [R] [L] la somme de 2 611,50 euros au titre du remboursement des frais bancaires, par infirmation du jugement entrepris. La demande formée contre Mme [E] [A] est rejetée.
Sur les dépens et les frais irrépétibles
Les dispositions de première instance sur les dépens et les frais irrépétibles n’appellent pas de critique et seront confirmées.
Même si le recel est limité au regard des condamnations prononcées en première instance, Mme [M] [A] n’en reste pas moins coupable de recel successoral. Elle succombe ainsi en appel et sera condamnée aux dépens d’appel dont distraction au profit de Me Mathieu Bourdet, avocat et de la Scp Lenglet Malbesin et associés en application de l’article 699 du code de procédure civile.
L’équité commande de la condamner à payer à M. [R] [L] la somme de
8 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant par arrêt contradictoire, mis à disposition au greffe,
Dans les limites de l’appel,
Confirme le jugement querellé, sauf en ce qu’il a :
– condamné Mme [M] [A] à rapporter à la succession de M. et Mme [Y] [L] la somme de 107 768,44 euros,
– condamné Mme [E] [A] à verser à M. [R] [L] une somme de
19 521,90 euros au titre de l’enrichissement sans cause,
– condamné Mesdames [M] [A] et [E] [A] in solidum à verser à
M. [R] [L] la somme de 3 481,50 euros au titre du remboursement de ses frais bancaires,
L’infirme de ces trois chefs ;
Statuant à nouveau et y ajoutant,
Condamne Mme [M] [A] à rapporter à la succession de M. [Y] [L] et Mme [S] [L] la somme de 76 681,72 euros avec intérêts au taux légal à compter du 10 décembre 2018 au titre du recel successoral, Mme [M] [L] étant privée de ses droits à succéder sur ce montant ;
Déclare irrecevable la demande tendant à la condamnation de Mme [E] [A] à payer à M. [R] [L] une somme de 68 374,41 euros en indemnisation d’un enrichissement sans cause ;
Condamne Mme [M] [A] à payer à M. [R] [L] la somme de
2 611,50 euros au titre du remboursement de ses frais bancaires ;
Condamne Mme [M] [A] à payer à M. [R] [L] la somme de
8 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
Déboute les parties pour le surplus des demandes ;
Condamne Mme [M] [A] aux dépens d’appel dont distraction au profit de Me Mathieu Bourdet, Avocat et de la Scp Lenglet Malbesin et associés en application de l’article 699 du code de procédure civile.
Le greffier, La présidente de chambre,