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Les sociétés de ventes volontaires de meubles aux enchères publiques et les officiers publics ou ministériels compétents pour procéder aux ventes judiciaires et volontaires ainsi que les experts qui les assistent dans la description, la présentation et l’estimation des biens engagent leur responsabilité au cours ou à l’occasion des prisées et des ventes de meubles aux enchères publiques, conformément aux règles applicables à ces ventes (L.321-17 du code de commerce).
Le fait de présenter un bijou comme composé d’un matériau / d’une pierre qui en réalité n’est pas celui annoncé (exemple : un chrysobéryl qui se révèle être en quartz) engage ainsi la responsabilité du commissaire-priseur.
En la cause, les deux expertises effectuées l’une à la demande de l’acquéreur et la seconde à l’initiative des experts ont conclu à l’identification de la pierre comme étant un quartz.
Si, comme en atteste l’experte gemmologue au département joaillerie de Sotheby’s ‘le chrysobéryl oeil de chat et le quartz chatoyant sont deux pierres très similaires à l’oeil’ et qu’’il est facile de se tromper même pour quelqu’un de la profession’, la responsabilité du commissaire-priseur reste engagée.
Les experts ont soutenu, sans en établir la preuve, qu’il leur était impossible de mesurer l’indice de réfraction de la pierre, moyen technique le plus simple pour différencier le chrysobéril et le quartz, sans dessertir la pierre au risque de la détériorer, au motif qu’elle était taillée en cabochon.
Les avis donnés par les laboratoires d’analyse suisse puis français tiennent en une seule ligne et précisent pour celui du laboratoire de gemmologie français que la pierre a été examinée sertie.
Il n’est pas justifié ni de la méthode utilisée ni du coût élevé des analyses effectuées et il doit être relevé que le montant des honoraires des experts était de 6 % du prix de l’adjudication, de sorte qu’il n’était pas inenvisageable pour eux d’en assumer le coût dans le cadre de leur expertise qui justifiait leurs honoraires.
A supposer que la pratique habituelle des experts leur interdise d’effectuer ou de faire effectuer des analyses des objets dont l’expertise leur est demandée, ce qui n’est pas démontré, ils ne peuvent pas se prévaloir d’un éventuel refus de la société de ventes volontaires d’effectuer une analyse de la pierre en laboratoire alors qu’aucune demande en ce sens ne lui a été présentée et que celle-ci aurait pu, en tant que de besoin, solliciter l’accord de la venderesse.
Ils ne peuvent pas plus être exonérés de leur responsabilité en arguant d’une erreur commune sur la pierre effectuée par d’autres experts et même par l’acquéreur également professionnel.
Dès lors, les experts ont commis une faute dans le cadre de leur avis d’experts demandé par la société de ventes volontaires en n’effectuant aucune investigation autre qu’un examen à l’oeil nu d’une pierre dont ils savaient que l’erreur courante était de la confondre avec une pierre commune qu’est le quartz et leur responsabilité doit être retenue.
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS COUR D’APPEL DE PARIS Pôle 4 – Chambre 13 ARRÊT DU 04 OCTOBRE 2022 Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 20/00696 – N° Portalis 35L7-V-B7E-CBIAE Décision déférée à la Cour : Jugement du 14 novembre 2019 – Tribunal de Grande Instance de PARIS – RG n° 16//06478 APPELANTE S.A.S.U. [S] [L] [Adresse 3] [Localité 5] Représentée par Me Emmanuelle FARTHOUAT – FALEK, avocat au barreau de PARIS, toque : G097 Assistée de Me Anne LAKITS, avocat au barreau de PARIS, toque : C0765 INTIMÉS Monsieur [G] [N] né le 5 juin 1950 à [Localité 5] 17ème (75) [Adresse 4] [Localité 5] Représenté et assisté par Me Michèle TROUFLAUT, avocat au barreau de PARIS, toque : D1214 Monsieur [K] [M] né le 23 février 1953 à BOULOGNE-BILLANCOURT (92) [Adresse 1] [Localité 5] Représenté et assisté par Me Michèle TROUFLAUT, avocat au barreau de PARIS, toque : D1214 Société GROS DIFFUSION [Adresse 6] [Localité 2] BELGIQUE Représentée et assistée de Me Catherine LAUSSUCQ, avocat au barreau de PARIS, toque : D0223 COMPOSITION DE LA COUR : En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 14 juin 2022, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Mme Marie-Françoise d’ARDAILHON MIRAMON, Présidente de chambre, chargée du rapport. Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de : Mme Marie-Françoise d’ARDAILHON MIRAMON, Présidente de chambre Mme Estelle MOREAU, Conseillère Mme Claire DAVID, Magistrat honoraire juridictionnel Greffière lors des débats : Sarah-Lisa GILBERT ARRÊT : — Contradictoire — par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile. — signé par Mme Marie-Françoise d’ARDAILHON MIRAMON, Présidente de chambre et par Nora BENDERRADJ, Greffière présente lors de la mise à disposition. * * * * * Lors d’une vente aux enchères organisée par la Sasu [S] [L], société de ventes volontaires, le 27 juin 2014, un bijou décrit comme un pendentif en or serti d’un important cabochon ovale de chrysobéryl et représenté au catalogue de la vente sous le lot n°106 a été mis en vente à la requête de Mme [A] [O]. Lors de cette vente, la société [L] était assistée par la société civile [G] [N] et [K] [M], expert en joaillerie près la cour d’appel de Paris. La société de droit belge Gros Diffusion s’est portée adjudicataire du lot 106 pour un prix de 39 000 euros hors frais et a adressé un chèque en paiement du prix le 16 juillet 2014. La société [L] a versé le 23 juillet 2014 à Mme [O] la somme de 14 000 euros à titre d’avance sur encaissement du prix de vente. Le 20 octobre 2014, la société [L] a mis en demeure la société Gros Diffusion de payer le prix de l’adjudication du lot n°106, sa banque l’ayant informée du rejet du chèque présenté à l’encaissement en septembre pour défaut de provision. Le 23 octobre suivant, M. [M] a écrit à M. [L] pour l’informer que l’adjudicataire avait soumis le bijou à un laboratoire suisse en vue d’une certification et que ce dernier avait attesté que la pierre n’était pas un chrysobéryl mais un quartz de sorte que l’acheteur souhaitait annuler la vente. Le 20 novembre, M. [L] écrivait à Mme [O] pour l’en informer et lui indiquer qu’une procédure d’annulation de la vente serait à prévoir. Par lettre du 9 juin 2015, le conseil de la société [L] rappelait à Mme [O] que la pierre ne présentait pas les caractéristiques annoncées lors de la vente et la mettait en demeure de lui restituer la somme de 14 000 euros. Le conseil de Mme [O] répondait le 23 juin suivant qu’elle n’entendait pas déférer à cette mise en demeure et qu’il appartenait à la société [L] d’agir à l’encontre de l’adjudicataire en paiement du solde du prix. C’est dans ces conditions que la société [L], par acte en date du 3 mars 2016, a assigné la société Gros Diffusion, Mme [O] et la société [K] et Stephen [M] principalement en paiement du prix de vente et la société Gros Diffusion a sollicité, à titre reconventionnel, l’annulation de la vente. M. [G] [N] et M. [K] [M], anciens associés de la société civile [N]-[M], sont intervenus volontairement à l’instance, en lieu place de la société [K] et Stephen [M]. Par jugement du 14 novembre 2019, le tribunal de grande instance de Paris a : — prononcé l’annulation de la vente intervenue le 27 juin 2014, — condamné Mme [O] à payer la somme de 14 000 euros à la société [L], — condamné M. [N] et M. [M] à restituer le bijou, objet de la vente à Mme [O], — débouté Mme [O] de toutes ses autres demandes, — dit les appels en garantie formés par la société [L] à titre subsidiaire sans objet, — rejeté toute autre demande, — ordonné l’exécution provisoire, — condamné la société [L] à payer à la société Gros Diffusion la somme de 2 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, — condamné la société [L] à supporter les dépens de la société Gros Diffusion, — condamné Mme [O] à payer à la société [L] la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, — condamné Mme [O] à supporter les dépens de la société [L], — dit que M [N] et M. [M] supporteront la charge de leurs frais irrépétibles et de leurs dépens. Par déclaration du 26 décembre 2019, la société [L] a interjeté appel de ce jugement. En parallèle et le 20 décembre 2019, la société [L] a déposé une requête en rectification d’erreur matérielle et en omission de statuer au motif que le jugement aurait omis de faire référence à ses dernières conclusions et de statuer sur les demandes en indemnisation et garantie qu’elle avait formulées à l’encontre des experts. Par jugement du 27 février 2020, le tribunal judiciaire de Paris a rectifié le jugement précédent en faisant mention des conclusions notifiées par la société [L] le 12 septembre 2018 mais l’a déboutée de sa requête en omission de statuer. La société [L] a formé appel contre cette décision le 24 mars 2020. Par une première ordonnance du 20 octobre 2020, le conseiller de la mise en état a constaté le desistement partiel de la société [L] à l’encontre de Mme [A] [O]. Par une seconde ordonnance du même jour, la cour a ordonné la jonction des deux affaires. Dans ses dernières conclusions notifiées et déposées le 6 mai 2022, la Sasu [L], demande à la cour de : — la déclarer recevable et bien fondée en son appel, — infirmer le jugement en ce qu’il a dit ses appels en garantie à titre subsidiaire sans objet, rejeté toute autre demande, l’a condamnée à payer à la société Gros Diffusion la somme de 2 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et à supporter ses dépens, et statuant à nouveau, — débouter la société Gros Diffusion de ses demandes, — débouter M. [N] et M. [M] de leurs demandes, — condamner in solidum M. [N] et M. [M] à lui payer la somme de 2 000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation de son préjudice moral et celle de 3 000 euros en réparation de son préjudice matériel, — condamner in solidum M. [N] et M. [M] à le garantir de toutes condamnations qui pourraient être prononcées à son encontre en principal, intérêts et frais, — confirmer le jugement pour le surplus, — condamner in solidum M. [N] et M. [M] ou l’un à défaut de l’autre à lui payer la somme de 3 000 euros par application de l’article 700 du code de procédure civile, — les condamner in solidum en tous les dépens dont distraction au profit de Me Farthouat Falek. Dans leurs dernières conclusions notifiées et déposées le 15 avril 2022, M. [N] et M. [M] demandent à la cour de : — débouter l’appelante de son appel interjeté à l’encontre du jugement du 14 novembre 2019 comme étant irrecevable, en tous cas non fondé, — débouter l’appelante de son appel limité interjeté à l’encontre du jugement rendu le 27 février 2020, comme étant irrecevable, en tous cas non fondé, — la débouter de toutes ses demandes, fins et conclusions comme étant irrecevables, en tous cas non-fondées, — confirmer en toutes leurs dispositions les jugements entrepris, — condamner l’appelante à leur régler une somme de 6 000 euros, au titre de l’article 700 du code de procédure civile, — la condamner en tous les dépens, dont distraction au profit de Me Michèle Trouflaut. Dans ses dernières conclusions notifiées et déposées le 13 avril 2022, la société Gros Diffusion demande à la cour de : — confirmer les jugements entrepris en toutes leurs dispositions, — débouter l’appelante de toutes ses demandes, fins et conclusions qui sont mal fondées, — condamner l’appelante à lui régler la somme de 5 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile au titre de l’appel du jugement au fond et celle de 5 000 euros au titre de l’appel du jugement rectificatif, ainsi qu’en tous les dépens, dont distraction au profit de Me Catherine Laussucq. La clôture de l’instruction a été prononcée par ordonnance du 17 mai 2022. SUR CE, Sur la recevabilité des appels et des demandes Le tribunal, dans son jugement du 14 novembre 2019, a rejeté la demande reconventionnelle de Mme [O] tendant à voir reconnue la responsabilité de la société [L] en l’absence de faute de sa part et dit que les appels en garantie formés par elle à titre subsidiaire à l’encontre des experts se trouvaient sans objet. Par jugement du 27 février 2020, il a débouté la Sasu [L] de sa demande en omission de statuer, considérant qu’il avait bien statué sur les autres demandes puisqu’il avait décidé que ‘ la responsabilité de la société Joron- Derem n’étant pas retenue, les appels en garantie formés par cette société à titre subsidiaire, à l’encontre des experts et de l’acheteur sont sans objet’. L’appelante fait valoir que : — le jugement rectificatif mentionne expressément ses dernières conclusions dans lesquelles il formait une demande indemnitaire et une demande de garantie à l’encontre des experts, de sorte que leur responsabilité était expressément recherchée en première instance de manière non subsidiaire et que sa demande n’est pas nouvelle, — le tribunal n’a pas motivé sa décision quant à sa demande indemnitaire et en garantie à l’encontre des experts formée en tout état de cause, — sa déclaration d’appel vise expressément le chef du jugement qui rejette toute autre demande et par voie de conséquence le rejet de la demande en responsabilité. M. [N] et M. [M] répondent que : — dans ses conclusions notifiées le 12 septembre 2018, la société [L] n’a sollicité leur garantie que subsidiairement et dans l’hypothèse où sa propre responsabilité serait engagée, — dès lors que la responsabilité de la société [L] n’était pas retenue, le tribunal en a logiquement déduit que les appels en garantie formés par elle se trouvaient sans objet et le jugement doit être confirmé sur ce point, — la société Joron Derem ne saurait demander à la cour autre chose que ce qu’elle a demandé en première instance car il s’agirait d’une demande irrecevable pour être nouvelle en appel, — la cour n’est saisie dans la déclaration d’appel que de la demande de garantie à titre subsidiaire qui a été rejetée, non de la faute des experts qui lui aurait causé un préjudice, de sorte qu’elle ne peut statuer sur cette demande, qui au surplus n’a pas non plus été formulée en première instance et doit être déclarée irrecevable pour être nouvelle en appel. La société Gros Diffusion s’associe aux moyens développés par les experts. La cour est saisie d’un appel du jugement du 14 novembre 2019 limité en ce qu’il a dit les appels en garantie formés par elle à titre subsidiaire sans objet, rejeté toute autre demande et l’a condamnée aux dépens de la société Gros Diffusion et à lui payer la somme de 2 500 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile. Elle est également saisie d’un appel limité à l’encontre du jugement du 27 février 2020 en ce qu’il a rejeté sa demande en omission de statuer tendant à ce qu’il soit statué ‘sur sa demande de garantie, y inclus au titre de l’article 700 et indemnitaires’, à l’encontre de MM. [N] et [M]. Il s’en déduit que la cour est saisie par la société [L] des chefs du jugement tenant au rejet de sa demande de garantie, à sa condamnation aux dépens de la société Gros Diffusion et au paiement des frais irrépétibles de cette dernières mais également au rejet de sa requête en omission de statuer sur sa demande de garantie et ses demandes indemnitaires. Aucun moyen d’irrecevabilité des appels n’est invoqué et ceux-ci sont déclarés recevables. Le jugement du 27 février 2020 rectifie le jugement du 14 novemebre 2019 en ce que le tribunal était saisi des dernières conclusions de la société [L] notifiées le 12 septembre 2018, dont le dispositif mentionnait qu’elle demandait au tribunal de : ‘En tout état de cause, Vu la faute de Messieurs [N] et [M] et le préjudice subi par la société [L], Condamner in solidum Messieurs [N] et [M] à payer à la société [L] la somme de 2 000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice moral et celle de 3 000 euros en réparation du préjudice matériel, Condamner in solidum Monsieur [G] [N] et Monsieur [K] [M] à garantir la société [L] de toutes condamnations qui pourraient être prononcées à son encontre en principal, intérêts et frais, Condamner in solidum la société Gros Diffusion, Madame [A] [O] et Messieurs [G] [N] et [K] [M] ou l’un à défaut de l’autre à payer à la société [L] la somme de 3000 euros par application de l’article 700 du code de procédure civile, Les condamner in solidum en tous les dépens.’ Il s’en déduit que le tribunal était saisi, d’une part, d’une demande d’indemnisation à l’encontre de MM. [N] et [M] et, d’autre part, d’une demande de garantie par ces experts de toutes les condamnations qui pouvaient être prononcées contre la société [L], en raison de leur faute et ce, en tout état de cause, ce qui signifie que ces demandes n’étaient pas formées à titre subsidiaire. La société [L] soutient dès lors à bon droit qu’elle a agi à titre principal en responsabilité à l’encontre des experts pour leur réclamer la réparation de ses préjudices mais aussi pour la garantir des condamnations prononcées à son encontre au profit de la société Gros Diffusion. Ainsi, le jugement du 14 novembre 2019 doit être infirmé en ce qu’il a dit les appels en garantie formés par la société [L] à titre subsidiaire sans objet. De même, le tribunal a omis de statuer sur ces demandes de sorte que le jugement du 27 février 2020 doit être infirmé en ce qu’il a débouté la société [L] de sa requête en omission de statuer sur ces doubles demandes. La cour doit réparer cette omission, ces demandes indemnitaires et de garantie n’étant pas nouvelles en appel. Sur la demande de dommages et intérêts à l’encontre de MM. [M] et [N] — sur la faute La société [L] fait valoir que : — contrairement à leurs allégations, les experts ont établi le descriptif du bijou figurant dans le catalogue, — c’est par leur faute que le bijou a été décrit comme étant un chrysobéryl alors qu’il s’agissait en réalité d’un quartz, ce qui a entraîné la nullité de la vente, — ils ont reconnu dans leurs écritures de 1ère instance s’être bornés à examiner le bijou au coffre de la banque de Mme [O], alors qu’ils ne pouvaient ignorer que le quartz et le chrysobéryl présentent des ressemblances à l”il et qu’ils auraient dû pousser plus avant leurs investigations, — le coût d’une analyse en laboratoire ne peut constituer un argument valable pour s’en dispenser alors qu’il aurait constitué une part infime de l’estimation du prix de vente et aurait pu être pris en charge par la société [L], ce qui ne lui a même pas été demandé, — les honoraires des experts étaient de 6 % du prix d’adjudication et justifiaient qu’ils effectuent des investigations supplémentaires alors qu’ils étaient en possession du bijou placé sous leur garde. MM. [N] et [M] répondent que : — il n’ont commis aucune faute à ne pas avoir fait analyser la pierre, — une expertise en laboratoire aurait nécessité l’accord de la venderesse et qu’elle en supporte les frais ce qui était difficilement envisageable puisqu’elle a demandé une avance sur le produit de la vente, — il n’appartient pas à un opérateur des ventes de décider d’une expertise sur un objet qui ne lui appartient pas, — il était de tradition familiale que la pierre était un chrysobéryl et les autres intervenants, comme la société Sotheby’s, l’ont considéraient comme tel, — la société [L] a affirmé dans son catalogue que le bijou appartenait à la fille de [H] [V]. [Z], de sorte qu’elle a dû vérifier la régularité de ces précisions, — la pierre étant taillée en cabochon, il était impossible d’utiliser un réfractomètre sans dessertir la pierre, ce qui comportait des risques, — l’acheteur qui est lui-même un professionnel a considéré qu’il s’agissait d’un chrysobéryl, — une erreur de désignation n’est pas nécessairement fautive et il est avéré que la distinction était très difficile à effectuer. L’article L.321-17 du code de commerce dispose que les opérateurs de ventes volontaires de meubles aux enchères publiques mentionnés à l’article L. 321-4 et les officiers publics ou ministériels compétents pour procéder aux ventes judiciaires et volontaires ainsi que les experts qui les assistent dans la description, la présentation et l’estimation des biens engagent leur responsabilité au cours ou à l’occasion des prisées et des ventes de meubles aux enchères publiques, conformément aux règles applicables à ces ventes. Le lot n°106 est décrit comme suit dans le catalogue de vente et dans la facture de vente : ‘106 ‘ pendentif en or jaune 14 K (585 millièmes) et argent, serti d’un important cabochon ovale de chrysobéryl « ’il de chat » dans un entourage ajouré de feuillages serti de petits diamants de taille ancienne ou taillés en rose. Sur les côtés, deux petites têtes de chat aux yeux sertis de rubis, le revers appliqué de palmiers ajourés. (Manque deux très petits diamants) Fin du XIXème siècle. Poids brut : 24 g. 12 000/15 000 euros Note : selon la tradition familiale, cet exceptionnel chrysobéryl ovale de taille cabochon a été monté à la fin du XIXème siècle pour la Reine de Siam, qui plus tard a revendu le pendentif à [H] [V]. [Z]. Le propriétaire actuel l’a acquis directement de [Y] [Z] [X], fille de [H] [V]. [Z]’. Dès la première page de leurs conclusions d’appel, MM. [N] et [M] reconnaissent que l’expert de la vente était le cabinet [N]-[M] et que M. [M] avait examiné le bijou, objet du litige. De même, M. [M] a effectué une déclaration de sinistre auprès de son assureur le 23 octobre 2014 dans laquelle il indique avoir présenté et vendu le lot décrit comme un chrysobéryl oeil de chat. Or, les deux expertises effectuées l’une à la demande de l’acquéreur et la seconde à l’initiative des experts ont conclu à l’identification de la pierre comme étant un quartz. Si, comme en atteste Mme [I], experte gemmologue au département joaillerie de Sotheby’s [Localité 5], ‘le chrysobéryl oeil de chat et le quartz chatoyant sont deux pierres très similaires à l’oeil’ et qu’ ‘il est facile de se tromper même pour quelqu’un de la profession’, MM. [N] et [M], dont l’avis était sollicité par la société de ventes volontaires précisément dans le but d’effectuer des investigations suffisantes à éliminer un éventuel doute, ne justifient que d’un examen du bijou à l’oeil nu et ce, alors que le bijou a été placé sous leur garde jusqu’à la vente. Les experts soutiennent sans en établir la preuve qu’il leur était impossible de mesurer l’indice de réfraction de la pierre, moyen technique le plus simple pour différencier le chrysobéril et le quartz, sans dessertir la pierre au risque de la détériorer, au motif qu’elle était taillée en cabochon. Les avis donnés par les laboratoires d’analyse suisse puis français tiennent en une seule ligne et précisent pour celui du laboratoire de gemmologie français que la pierre a été examinée sertie. Il n’est pas justifié ni de la méthode utilisée ni du coût élevé des analyses effectuées et il doit être relevé que le montant des honoraires des experts était de 6 % du prix de l’adjudication, de sorte qu’il n’était pas inenvisageable pour eux d’en assumer le coût dans le cadre de leur expertise qui justifiait leurs honoraires. A supposer que la pratique habituelle des experts leur interdise d’effectuer ou de faire effectuer des analyses des objets dont l’expertise leur est demandée, ce qui n’est pas démontré, ils ne peuvent pas se prévaloir d’un éventuel refus de la société de ventes volontaires d’effectuer une analyse de la pierre en laboratoire alors qu’aucune demande en ce sens ne lui a été présentée et que celle-ci aurait pu, en tant que de besoin, solliciter l’accord de la venderesse. Ils ne peuvent pas plus être exonérés de leur responsabilité en arguant d’une erreur commune sur la pierre effectuée par d’autres experts et même par l’acquéreur également professionnel. Dès lors, MM. [N] et [M] ont commis une faute dans le cadre de leur avis d’experts demandé par la société de ventes volontaires en n’effectuant aucune investigation autre qu’un examen à l’oeil nu d’une pierre dont ils savaient que l’erreur courante était de la confondre avec une pierre commune qu’est le quartz et leur responsabilité doit être retenue. — sur le préjudice L’appelante fait valoir que : — ses préjudices résultent de l’annulation de la vente qui a pour unique cause la faute des experts, — elle a subi un préjudice moral et d’image car elle a perdu la confiance de sa cliente Mme [O] et qu’il s’agissait du lot estimé le plus cher, — elle a subi un préjudice matériel car elle a dû engager des frais de vente et a été privée des honoraires normalement réclamés au vendeur et à l’acheteur, — le fait d’avoir consenti une avance et d’avoir encaissé le chèque au mois de septembre 2014 sont des faits radicalement étrangers aux préjudices subis. M. [N] et M. [M] répondent que : — la société [L] dit avoir perdu la confiance de Mme [O], mais la réciproque est vraie puisque celle-ci refusait de restituer des sommes qu’elle n’était pas fondée à recevoir, — les frais de vente n’ont pas été engagés uniquement pour la vente du bijou, mais pour tous les lots, — seule l’attitude de Mme [O] est à l’origine de la procédure engagée, celle-ci refusant de rembourser l’avance consentie, — la société [L] a concouru à la réalisation du dommage dont elle demande réparation puisqu’elle a fait une avance de prix à la venderesse et n’a pas encaissé le chèque de l’acquéreur à réception, alors que si elle avait été réglée du prix, il aurait appartenu à la société Gros Diffusion d’intenter une action en nullité de la vente, — elle a accepté d’annuler la vente à l’amiable et a renoncé ainsi à formuler toute réclamation à l’encontre de qui que ce soit en émettant un nouveau bordereau d’acquisition où le bijou litigieux n’apparaissait plus. Les préjudices dont la société [L] se prévaut sont en lien de causalité directe et exclusive avec le fait que la vente a dû être annulée pour erreur sur la substance en raison de la faute commise par les experts. Les experts sont mal fondés à reprocher une quelconque faute à la société [L] pour avoir payé une avance à la venderesse sur le prix de vente en juillet 2014 avant d’encaisser le chèque reçu de la société Gros Diffusion quelques jours plus tôt et de l’avoir encaissé tardivement alors que celle-ci a accordé une avance après avoir reçu le prix de la vente et qu’elle a encaissé le chèque dans un délai raisonnable compte-tenu des congés d’été mais que sa banque l’a avertie le 15 octobre 2014 que ce chèque avait été rejeté en raison d’une insuffisance de provision, peu important que le rejet du chèque ait pour origine la fermeture de la banque émettrice. De même, il ne peut lui être reproché d’avoir intenté une action à l’encontre de la venderesse au motif que la vente aurait été annulée au seul motif qu’elle avait fait disparaître ce lot du bordereau d’adjudication de la société Gros Diffusion alors que si aux termes de l’article L.321-14 du code de commerce, à défaut de paiement par l’adjudicataire, après mise en demeure restée infructueuse, le bien est remis en vente à la demande du vendeur sur réitération des enchères et si le vendeur ne formule pas cette demande dans un délai de trois mois à compter de l’adjudication, la vente est résolue de plein droit, il convient de rappeler que la remise en vente doit être sollicitée par le vendeur, ce qui n’était pas l’intention de Mme [O] et l’annulation de la vente doit être sollicitée par l’acquéreur lorsque, comme en l’espèce, le vendeur refuse de la considérer comme nulle. Le fait que la société [L] ait édité un nouveau bordereau de vente afin d’être réglée par la société Gros Diffusion du prix d’adjudication d’un autre lot ne peut être considéré comme une annulation de la vente du cabochon, la société de ventes volontaires n’ayant aucun droit de le faire. Dans le cadre de la première instance, Mme [O] a accusé la société de ventes volontaires de collusion frauduleuse et d’incompétence et celle-ci a vu son image dépréciée du fait que l’adjudication de l’un des lots les plus prestigieux de sa vente a fait l’objet d’une annulation en justice pour erreur sur la substance. Le préjudice moral subi est indemnisé par l’octroi de la somme de 2 000 euros. De même, la société [L] justifie de frais de location de salle, d’impression du catalogue et de publicité dans la Gazette de Drouot d’un montant de 2 652,28 euros proportionnellement au prix de vente du cabochon comparé au montant total des adjudications qui sont restés à sa charge puisque la vente a été annulée. Elle a également été privée de ses honoraires de vente. Elle est donc fondée à solliciter la somme de 3 000 euros en réparation de son préjudice matériel. MM. [N] et [M] sont donc condamnés in solidum à lui payer ces sommes. Sur la condamnation au paiement des dépens et de frais irrépétibles au profit de la société Gros Diffusion La société [L] conteste sa condamnation au paiement des dépens et de la somme de 2 500 euros au profit de la société Gros Diffusion sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile aux motifs que le tribunal a dit qu’elle n’avait commis aucune faute, que la société Gros Diffusion a été déboutée de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive à son encontre et qu’elle n’avait pas d’autre choix que de prendre l’initiative d’une action en justice pour que la société Gros Diffusion soit condamnée à payer le prix de l’adjudication ou que la vente soit annulée. Elle sollicite la garantie in solidum de MM. [N] et [M], au cas où le jugement ne serait pas infirmé sur ces points. La société Gros Diffusion demande la confirmation du jugement sur ces points aux motifs que: — elle n’est pas à l’origine de la procédure et n’entendait pas assigner en annulation de vente puisqu’elle considérait que la vente avait été annulée à l’initiative de la société [L] qui avait émis un nouveau bordereau d’adjudication sans y porter la vente du bijou litigieux, — la société de ventes volontaires a pris l’initiative d’engager une action en justice pour obtenir le remboursement de l’avance faite à la venderesse, — elle a été victime de cette procédure et a dû engager des frais irrépétibles pour faire valoir ses droits et obtenir l’annulation du contrat qui la liait à la société [L]. MM. [N] et [M] s’opposent à la demande de garantie, en l’absence de faute de leur part. La société [L] soutient à bon droit que face à la volonté de Mme [O] d’obtenir le paiement intégral du prix de vente, elle n’avait pas d’autre solution que d’engager une action en paiement à l’encontre de la société adjudicataire, n’ayant pas qualité à agir en nullité de la vente. La société Gros Diffusion n’a pas fait d’appel incident concernant le rejet de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive. Enfin, aucune faute n’a été retenue à l’encontre de la société [L]. Dès lors, le tribunal l’a condamnée à tort à supporter les dépens de la société Gros Diffusion et à lui payer une somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile. Le jugement est infirmé sur ce point et la société Gros Diffusion est déboutée de ses demandes à ce titre. La société [L] qui avait fait appel aux experts afin de s’assurer de l’identification du bijou est fondée, en principe, à solliciter leur garantie pour les condamnations qui pourraient être prononcées à son encontre. Toutefois, la société Gros Diffusion étant déboutée, en appel, de ses demandes à son encontre, sa demande de garantie se trouve sans objet. Sur les dépens et les frais irrépétibles Les dépens de première instance, à l’exception de ceux mis à la charge de Mme [O], et les dépens d’appel doivent incomber in solidum à MM. [N] et [M], partie perdante. Ils sont également condamnés in solidum à payer à la société [L] la somme de 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile. La société Gros Diffusion est déboutée de sa demande en paiement de ses frais irrépétibles formée à l’encontre de la société [L]. PAR CES MOTIFS La cour, Déclare recevables les appels limités de la Sasu [S] [L], Infirme le jugement du 27 février 2020 en ce qu’il a débouté la Sasu [L] de sa requête en omission de statuer sur sa demande de condamnation à des dommages et intérêts à l’encontre de M. [G] [N] et de M. [K] [M] et sur sa demande de garantie par ces derniers de l’ensemble des condamnations prononcées à son encontre, Infirme le jugement du 14 novembre 2019 en ce qu’il a : — dit les appels en garantie formés par la Sasu [S] [L] à titre subsidiaire sans objet, — rejeté les demandes de dommages et intérêts formées par la Sasu [S] [L] à l’encontre de M. [G] [N] et M. [K] [M], — condamné la société [L] à payer à la société Gros Diffusion la somme de 2 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, — condamné la société [L] à supporter les dépens de la société Gros Diffusion, Statuant à nouveau, dans cette limite et réparant une omission de statuer, Déclare recevables les demandes de la Sasu [L] de condamnation à des dommages et intérêts à l’encontre de M. [G] [N] et de M. [K] [M] et de garantie par ces derniers de l’ensemble des condamnations prononcées à son encontre, Condamne M. [G] [N] et M. [K] [M] in solidum à payer à la Sasu [S] [L] la somme de 2 000 euros en réparation de son préjudice moral et celle de 3 000 euros en réparation de son préjudice matériel, Déboute la société Gros Diffusion de sa demande de condamnation aux dépens et au paiement d’une somme sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile formée à l’encontre de la Sasu [S] [L], Déclare en conséquence, sans objet la demande de la Sasu [S] [L] en garantie de condamnations prononcées à son encontre au profit de la société Gros Diffusion, Condamne M. [G] [N] et M. [K] [M] in solidum aux dépens de première instance, à l’exception de ceux mis à la charge de Mme [O], et aux dépens d’appel, dont distraction au profit de Me Farthouat Falek, Condamne M. [G] [N] et M. [K] [M] in solidum à payer à la Sasu [S] [L] la somme de 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile. LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE | |