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Aux termes de l’article L. 32l-17 du code de commerce dans sa version en vigueur lors de la vente, les sociétés de ventes volontaires de meubles aux enchères publiques et les officiers publics ou ministériels compétents pour procéder aux ventes judiciaires et volontaires ainsi que les experts qui procèdent à l’estimation des biens engagent leur responsabilité au cours ou à l’occasion des ventes de meubles aux enchères publiques, conformément aux règles applicables à ces ventes. Les clauses qui visent à écarter ou à limiter leur responsabilité sont interdites et réputées non écrites.
Les actions en responsabilité civile engagées à l’occasion des prisées et des ventes volontaires
et judiciaires de meuble aux enchères publiques se prescrivent par dix ans à compter de l’adjudication ou de la prisée.
Ce délai a été réduit à cinq ans par la loi du 17 juin 2008, entrée en vigueur le 19 juin 2008. Ces dispositions s’appliquent à l’action en responsabilité extracontractuelle, fondée sur les articles 1240 et 1241 du code civil, engagée par l’acquéreur d’œuvre d’art, contre une société de ventes volontaires.
_______________________________________________________________________
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE VERSAILLES
3e chambre
ARRET DU 07 OCTOBRE 2021
N° RG 20/00217 — N° Portalis DBV3-V-B7E-TWFA
AFFAIRE :
Z X
C/
S.A.S.U. C B agissant poursuites et diligences de son représentant légal, domicilié en cette qualité audit siège
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 07 Novembre 2019 par le Tribunal de Grande Instance de NANTERRE
N° Chambre : 1re
N° RG : 17/03805
LE SEPT OCTOBRE DEUX MILLE VINGT ET UN,
La cour d’appel de Versailles, a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :
Monsieur Z X
de nationalité Française
[…]
[…]
Représentant : Me Martine DUPUIS de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 625 – N° du dossier 2063144
APPELANT
****************
S.A.S.U. C B
[…]
[…]
[…]
Représentant : Me Oriane DONTOT de la SELARL JRF & ASSOCIES, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 617 – N° du dossier 20200094 –
Représentant : Me Marlène BARTHOLOMOT, Plaidant, avocat au barreau de HAUTS-DE-SEINE, vestiaire : 415
INTIMEE
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 17 Juin 2021 les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Madame Marie-José BOU, Président chargé du rapport et Madame Françoise BAZET, conseiller,
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Marie-José BOU, Président,
Madame Françoise BAZET, Conseiller,
Madame Caroline DERNIAUX, Conseiller,
Greffier, lors des débats : Madame Claudine AUBERT,
FAITS ET PROCEDURE,
Lors d’une vente publique organisée par la société de ventes volontaires de meubles aux enchères publiques C B le 21 octobre 2005, M. Z X a acquis, au prix de 18 500 euros augmenté de 3 76l,42 euros de frais d’acheteur (soit la somme totale de 22 261,42 euros), un tableau référencé sous le lot n°44 bis figurant au catalogue de la vente et décrit de la manière suivante : ’44 bis J H I (1848-1892) Ecole américaine Nature morte aux prunes
Huile sur toile signée, située et datée München, 1881 en bas à droite 28 x 38 cm 15 000/20 000 euros’.
A l’occasion d’une vente aux enchères dédiée aux oeuvres de l’école américaine qui devait avoir lieu à New York le 5 avril 2012, la maison de ventes aux enchères internationale Sotheby’s a accepté de présenter le tableau acquis par M. X, pour un prix estimé entre 25 000 et 35 000 dollars américains et un prix de réserve de 20 000 dollars américains.
Par lettre du 21 novembre 2012, la maison Sotheby’s a indiqué à M. X que le tableau n’avait pu être inclus ‘dans la vente en conformité avec nos conditions de garantie telles qu’imprimées dans nos catalogues’.
Estimant que l’attribution du tableau au peintre J H I lors de la vente du 21 octobre 2005 constituait une erreur sur une qualité substantielle de l’oeuvre de nature à vicier son
consentement et en conséquence à entraîner la nullité de la vente, M. X, par courriers des 20
septembre et 30 novembre 2016, a sollicité de la société C B qu’elle reprenne le tableau et
lui en restitue le prix d’acquisition.
La société C B estimant que la vente ne pouvait être annulée qu’avec le consentement du
vendeur, tout en indiquant qu’elle ne considérait pas l’avis de Sotheby’s comme une expertise
susceptible d’établir que le tableau n’était pas authentique, a identifié le vendeur, par lettre du 5 janvier 2017, comme étant la société Art Limited SA, ayant son siège social […]
[…], immatriculée au registre du commerce du Luxembourg sous le numéro 85.165,
représentée par M. Y, société qui s’est avérée avoir été radiée du registre du commerce et des
sociétés du Luxembourg le 25 mars 2010.
Par courrier en date du 6 février 2017, Me B a écrit à M. Y afin de lui demander si, eu égard
au fait que la société Art Limited n’avait plus d’existence légale, ce dernier serait prêt, en tant que ‘gérant principal’ de Art Limited ou au nom de sa nouvelle société European Evaluators, à prendre en charge la reprise du tableau et la restitution de son prix.
Par acte du 3 avril 2017, M. X a assigné la société C B devant le tribunal de grande
instance de Nanterre en nullité de la vente, et à titre subsidiaire, en dommages-intérêts.
Suivant exploits des 8 et 11 septembre 2017, la société C B a assigné en intervention
forcée la SELAFA MJA en qualité de liquidateur de la société G A, cabinet d’expertise en
objets d’art placé en liquidation judiciaire par jugement du 7 février 2013 (les opérations de
liquidation ayant été clôturées pour insuffisance d’actifs par jugement du 1er septembre 2015), et la société Generali devant le même tribunal aux fins que cette dernière, en qualité d’assureur du cabinet d’expertise G A pour son activité d’expertise jusqu’au 21 mars 2011, la garantisse de toutes condamnations qui pourraient être prononcées à son encontre.
Par ordonnance du l1 décembre 2017, la jonction des deux instances a été ordonnée.
Suivant jugement du 7 novembre 2019, le tribunal a :
— déclaré irrecevable pour défaut de qualité à défendre l’action en nullité de la vente de tableau ayant eu lieu le 21 octobre 2005 engagée par M. Z X à l’encontre de la société C
B, ainsi que toutes les demandes subséquentes,
— déclaré irrecevable comme prescrite l’action en responsabilité de la vente de tableau ayant eu lieu le 21 octobre 2005 engagée par M. Z X à l’encontre de la société C B, ainsi que
toutes les demandes subséquentes,
— constaté que l’action en garantie de la société C B à l’encontre de la SELAFA MJA et de
son assureur la société Generali lARD est sans objet,
— rejeté les demandes des parties au titre des frais irrépétibles,
— condamné M. Z X à supporter les entiers dépens de l’instance qui seront recouvrés conformément à l’article 699 du code de procédure civile.
Selon déclaration du 14 janvier 2020, M. X a interjeté appel du jugement à l’encontre de la société C B et prie la cour, par dernières conclusions du 25 mai 2021, de :
— confirmer le jugement en ce qu’il a déclaré non prescrite l’action en nullité de la vente introduite par l’appelant contre la Maison B,
— infirmer le jugement en ce qu’il a :
déclaré irrecevable pour défaut de qualité à défendre l’action en nullité de la vente du tableau ayant eu lieu le 21 octobre 2005 engagée par l’appelant contre la Maison B et toutes les demandes subséquentes,
♦ déclaré irrecevable car prescrite l’action en responsabilité engagée par l’appelant contre la Maison B relative à la vente du tableau ayant eu lieu le 21 octobre 2005 et toutes les demandes subséquentes,
♦ rejeté la demande de l’appelant au titre des frais irrépétibles et condamné l’appelant aux dépens,
♦ statuant à nouveau :
— déclarer recevable l’action en nullité de la vente du tableau ayant eu lieu le 21 octobre 2005 engagée par l’appelant contre la Maison B,
— constater l’existence d’une erreur sur une qualité substantielle du tableau intitulé «Nature morte aux prunes» vendu par la société C B comme étant une oeuvre de la main de l’artiste J
H I, laquelle erreur a vicié le consentement de l’acquéreur,
— constater que la société C B n’a pas rempli son obligation de fournir en temps utile les
renseignements nécessaires à l’identification certaine du vendeur dudit tableau,
en conséquence :
— juger que la vente du tableau sera annulée et que la société C B est tenue au même titre
que le vendeur du tableau à la restitution de son prix,
— condamner la société C B à régler à M. X la somme de 22 261,42 euros au titre de la
restitution du prix du tableau, sous réserve de la remise du tableau à la société C B,
à titre subsidiaire :
— condamner la société C B à régler à M. X la somme de 22 261,42 euros au titre de
dommages-intérêts sur le fondement des articles 1382 et 1383 (anciens) du code civil,
à titre infiniment subsidiaire:
— ordonner avant dire droit une mesure d’expertise en désignant l’expert qu’il plaira à la cour avec pour mission d’examiner le tableau litigieux et de déterminer s’il s’agit d’une oeuvre authentique de la main de l’artiste J H I,
dans tous les cas :
— condamner la société C B à régler la somme de 5 000 euros à M. X à titre de
dommages-intérêts,
— condamner la société C B à régler la somme de 5 000 euros à M. X sur le fondement
des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
— condamner la société C B aux entiers dépens de la procédure.
Par dernières écritures du 30 mars 2021, la société C B prie la cour de :
recevant la société C B en son appel incident et l’y déclarant bien fondé,
— infirmer le jugement en ce qu’il a :
jugé que l’action en nullité de la vente du tableau engagée par M. Z X à l’encontre de la société C B n’était pas prescrite,
♦ — confirmer le jugement en ce qu’il a :
déclaré irrecevable pour défaut de qualité à défendre l’action en nullité de la vente de tableau ayant eu lieu le 21 octobre 2005 engagée par M. Z X à l’encontre de la société C B, ainsi que toutes les demandes subséquentes,
♦déclaré irrecevable comme prescrite l’action en responsabilité de la vente de tableau ayant eu lieu le 21 octobre 2005 engagée par M. Z X à l’encontre de la société C B, ainsi que toutes les demandes subséquentes,
♦ rejeté les demandes des parties au titre des frais irrépétibles,
♦ condamné M. Z X à supporter les entiers dépens de l’instance qui seront recouvrés conformément à l’article 699 du code de procédure civile,
♦ et statuant à nouveau,
à titre principal :
— juger que l’action en nullité de la vente du tableau de M. X est prescrite,
par conséquent :
— déclarer irrecevable l’action en nullité de la vente du tableau de M. X comme étant prescrite,
à titre subsidiaire :
— juger que M. X ne rapporte pas la preuve du défaut d’authenticité du tableau ni même d’un doute sérieux,
par conséquent :
— débouter M. X de l’intégralité de ses demandes,
à titre infiniment subsidiaire,
si la cour estimait nécessaire d’ordonner une mesure d’expertise judiciaire :
— désigner un expert spécialiste en peinture américaine investi de la mission suivante :
entendre les parties dans le respect du contradictoire,
♦ se faire remettre le tableau litigieux,
♦ se faire communiquer tous documents et pièces utiles,
♦ rechercher toute information sur les ventes et expertises dont il a pu faire l’objet,
♦ entendre tout sachant,
♦ fournir tout élément technique et de fait de nature à permettre de déterminer si l’oeuvre est une oeuvre authentique de J I,
♦ donner son avis ‘sur la valeur du tableau n’est pas authentique’,
♦ prendre en considération les observations des parties ou de leur conseil avant le dépôt de son rapport définitif dans les conditions de l’article 276 du code de procédure civile,
♦ à titre très infiniment subsidiaire,
sur l’action en responsabilité à l’encontre de la société C B :
— juger que la société C B n’a commis aucune faute, l’expertise et l’estimation du tableau
ayant été effectuées par le cabinet d’expertise G A,
par conséquent :
— débouter M. X de sa demande au paiement des sommes de 22 261,42 euros et de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts,
en tout état de cause :
— condamner M. X à payer à la société C B la somme de 10 000 euros par application
de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens.
La cour renvoie aux écritures des parties en application des dispositions de l’article 455 du code de procédure civile pour un exposé complet de leur argumentation.
L’ordonnance de clôture a été rendue le 10 juin 2021.
MOTIFS DE L’ARRET
Sur la recevabilité de l’action en nullité de la vente
1. Sur la fin de non-recevoir tirée de la prescription
Le tribunal a, au visa de l’article 1304 ancien du code civil, retenu que la connaissance certaine par M. X du motif du retrait du tableau ne résultait que du courriel adressé par Sotheby’s le 21 novembre 2012, remettant en question l’authenticité du tableau. Il a fixé le point de départ de la prescription quinquennale à cette date et exclu la prescription de l’action engagée le 3 avril 2017.
M. X conclut à la confirmation du jugement, réitérant que Sotheby’s n’a indiqué la raison du retrait du tableau de la vente que le 21 novembre 2012.
L’intimée fait notamment valoir que dans son assignation, M. X a indiqué que peu de temps avant la vente du 5 avril 2012, la société Sotheby’s a décidé de retirer le tableau et l’a informé que selon l’avis des experts consultés, le tableau n’était pas de la main du peintre J H I. Elle
ajoute que cette société ne peut avoir averti par écrit son client d’un problème d’authenticité
uniquement huit mois après la vente programmée.
***
Le jugement déféré repose sur des motifs exacts et pertinents que la cour adopte et, en l’absence de moyens nouveaux et de nouvelles preuves, il convient de le confirmer.
De plus, à supposer même qu’il soit déduit de l’assignation que M. X ait eu connaissance du défaut d’authenticité ‘peu de temps avant la vente’, il n’est pas établi avec la certitude requise que cette connaissance soit intervenue plus de cinq ans avant l’assignation. L’expression précitée est imprécise.
La société C B formule une simple hypothèse lorsqu’elle affirme que M. X a été
informé plus de deux jours avant la vente, programmée le 5 avril 2012, soit avant le 3 avril 2012, cette allégation n’étant étayée par aucun élément de preuve, alors qu’il lui incombe de prouver les faits nécessaires au soutien de la fin de non-recevoir tirée de la prescription qu’elle invoque.
Celle-ci doit être rejetée. Le jugement, qui a omis de statuer sur ce point dans son dispositif, sera complété en ce sens.
2. Sur la fin de non-recevoir fondée sur le défaut de qualité
Le tribunal a énoncé que l’action en nullité de la vente pour erreur sur la substance n’a vocation à être dirigée que contre le vendeur du tableau ou ses ayants droit, ce que n’est pas la société de ventes volontaires agissant en qualité de mandataire du propriétaire du bien, et qui n’est liée par aucun contrat avec l’acquéreur dont le co-contractant est le propriétaire mais qu’il est permis à l’acquéreur aux enchères d’agir en nullité contre le commissaire-priseur qui refuse de révéler, à condition d’être interrogé, le nom du véritable vendeur, se comportant ainsi comme le vendeur apparent du bien.
Il a rappelé que la société C B a indiqué à M. X, par courriel du 5 janvier 2017 en réponse à sa réclamation du 30 novembre 2016, le nom de son mandant, à savoir la société Art Limited, ainsi que le nom de son représentant légal M. Y, et qu’informée de la cessation de1’activité de cette société intervenue en février 2010, elle a directement fait part à son gérant, exerçant sous une autre forme sociale, de la réclamation de M. X par courrier du 6 février 2017 resté sans réponse. Il a retenu qu’en révélant ainsi le nom de son mandant, la société de ventes volontaires s’est conformée à son obligation, l’identification du vendeur, même tardive, obligeant l’acquéreur à le mettre en cause dans toute procédure d’annulation de la vente et la circonstance de la disparition de la société venderesse ne pouvant être assimilée à un refus d’identification. Il a estimé en outre que les informations données par le commissaire-priseur sont corroborées par la copie de la réquisition de vente signée de la société Art Limited versée aux débats par la société C B qui certes concerne en tout 9 tableaux et prévoit des honoraires de 8 %, mais sans que ces élément suffisent, à eux seuls, à faire présumer que le mandant dissimule le nom du ou des véritable (s) propriétaire (s).
Après avoir listé les pièces, notamment les décisions de justice, produites par M. X au soutien de son argumentation visant à démontrer que la société Art Limited n’était pas le véritable vendeur du tableau litigieux, il a relevé qu’aucune d’entre elles ne fait état de la vente en débat pour les analyser ensuite.
Il a noté que si sont avérées les relations étroites dont fait état M. X entre la société C
B et les sociétés dirigées par M. Y, il n’est pas établi que ces dernières aient servi de
sociétés écrans derrière lesquelles se serait dissimulée la société C B, dont la qualité de
prête-nom n’a, par ailleurs, pas été reconnue en justice, quand bien même une sanction a été
prononcée pour manque de vigilance. Il a observé qu’aucune confusion de patrimoine entre les sociétés concernées par la procédure devant le tribunal de commerce n’a été judiciairement constatée.
Dans ces conditions, il a retenu que si les interrogations de M. X quant à l’identité véritable de son vendeur peuvent être considérées comme légitimes, les éléments recueillis, tous relatifs à d’autres ventes, et contredits par l’apparente régularité des mandats produits en défense sont insuffisants pour en déduire un refus de révéler l’identité du vendeur permettant à l’acquéreur d’agir directement en nullité de la vente contre la société de ventes volontaires, action qu’il a par suite déclarée irrecevable.
M. X soutient au contraire que son action est recevable, le commissaire-priseur n’ayant pas
identifié le véritable vendeur du tableau, ce qui se déduit d’un faisceau d’indices résultant notamment de diverses décisions de justice. Il reproche au tribunal d’avoir méconnu le principe selon lequel la preuve peut être rapportée par tout moyen. Il relève que s’agissant d’une société de fait entre la Maison B, le cabinet d’expertise G A et M. Y, la seule apparence d’une telle société est une preuve suffisante à l’égard de tiers. Il reproche encore au tribunal d’avoir méconnu la règle suivant laquelle une partie ne peut être tenue d’apporter la preuve impossible d’un fait négatif, soit que la société Art Limited n’était pas le véritable vendeur du tableau. Il invoque notamment qu’à la suite de sa sommation de communiquer, la société C B a produit l’intégralité des listes de lots confiés par les sociétés Art Limited et European Evaluators démontrant qu’entre 2004 et 2008, la société Art Limited lui a confié 95 lots pour plus de 3,5 millions d’euros. Il estime qu’un tel volume d’activité caractérise une relation durable et continue, plus compatible avec un rôle d’apporteur d’affaires que celui de simple vendeur. Enfin, il souligne que l’ancien gérant d’Art Limited, sommé de confirmer qu’il était le vendeur du tableau litigieux, ne l’a point confirmé, ni fourni l’identité du vendeur.
La société C B conclut à la confirmation du jugement dès lors qu’elle a communiqué,
dans les temps, les coordonnées du vendeur. Elle fait valoir qu’il incombait à M. X de solliciter la désignation d’un mandataire ad’hoc de la société Art Limited en vue de la nullité de la vente, qu’elle n’est pas responsable de la liquidation de cette société et que M. Y, en sa qualité d’actionnaire unique et de représentant légal, aurait pu être appelé à la cause si M. X avait agi dès qu’il avait eu connaissance du problème d’authenticité. Elle conteste que la société Art Limited soit une société écran détenue en fait par elle et M. A et la confusion de patrimoines alléguée entre ces sociétés. Elle fait siens les motifs du jugement et ajoute en particulier que le nombre de lots confiés à la vente par les sociétés Art Limited et European Evaluators entre 2004 et 2012 est insignifiant par rapport au nombre de tableaux modernes vendus à cette époque par elle, soit entre 1 500 et 2 500 chaque année.
***
Au soutien de son appel et pour l’essentiel, M. X développe les mêmes moyens qu’en première
instance et se fonde sur les mêmes éléments de preuve. C’est par des motifs pertinents tant en fait qu’en droit et une exacte analyse, que la cour approuve, des éléments de la cause soumis à son appréciation et à nouveau débattus en cause d’appel que le tribunal a écarté les moyens de M. X.
Les éléments nouveaux invoqués par M. X, même appréciés globalement avec ceux déjà connus des premiers juges, ne sont pas de nature à remettre en cause l’appréciation du tribunal et à justifier d’un refus du commissaire-priseur de révéler le nom du véritable vendeur.
Il convient de relever, pour compléter les énonciations du tribunal, que les arrêts de la cour d’appel de Versailles des 2 février 2012 et 3 décembre 2015 ne concernent nullement la société Art Limited.
En outre, la circonstance que la SELAFA MJA en qualité de liquidateur de la société Cabinet
d’expertise G A et la société European Evaluators aient saisi le tribunal de commerce pour
voir reconnaître qu’il a existé une société de fait entre elles et la société C B est insuffisante à caractériser celle-ci, et même la seule apparence de celle-ci. Il importe de souligner
que le jugement du 22 novembre 2016 du tribunal de commerce de Nanterre produit devant les premiers juges est une simple décision avant dire droit visant à la communication de pièces, que celui du 24 janvier 2019 est un jugement d’incompétence et que la société Art Limited n’a pas été partie aux instances ayant abouti à ce jugement d’incompétence.
Les listes de lots confiés par les sociétés Art Limited et European Evaluators annexées au courriel du 1er août 2012 de M. B par lequel il demandait à MM. Y et A de lui faire savoir si ces lots étaient la propriété de ces sociétés ou d’autres vendeurs et, dans ce cas, de lui faire connaître l’identité du vendeur, listes complètes produites après sommation de communiquer, révèlent certes un nombre non négligeable de lots ainsi confiés entre 2004 et 2008. Cependant, il n’est produit aucun élément objectif contredisant que ce nombre était très faible au regard des ventes du même type que la société C B réalisait à l’époque. En toute hypothèse, ces listes, sur lesquelles figure le tableau litigieux, même prises en compte avec les autres pièces produites, confirment indubitablement les relations étroites entre la société C B et les sociétés dirigées par M. Y mais ne permettent pas d’établir le rôle de société écran de la société Art Limited. Elles ne permettent pas davantage d’établir, ni même de faire présumer son rôle d’apporteur d’affaires dans la vente faisant l’objet du présent litige et une dissimulation du nom du véritable propriétaire, les éléments versés aux débats étant trop généraux.
Enfin, il sera observé qu’il n’est ni justifié, ni prétendu qu’à la suite du mail du 1er août 2012, M. Y ait fait part à la société C B d’une difficulté concernant la propriété du tableau
litigieux.
En conséquence, les éléments fournis sont insuffisants pour retenir un refus de la société C
B de révéler le nom du véritable vendeur, ce dont il suit que le jugement sera confirmé en ce
qu’il a déclaré l’action en nullité de la vente irrecevable pour défaut de qualité de la personne contre laquelle elle est exercée.
Sur la recevabilité de l’action en responsabilité
Le tribunal a déclaré cette action prescrite, au visa de l’article L. 321-17 du code de commerce, au motif que la vente organisée par la société C B a eu lieu le 21 octobre 2005, bien au-delà du délai de cinq ans prévu par ce texte pour engager la responsabilité professionnelle des opérateurs de ventes volontaires de meubles aux enchères publiques ainsi que des experts qui les assistent.
M. X reproche au tribunal d’avoir ainsi statué alors qu’il n’a nullement invoqué ces dispositions et que son action était fondée sur les articles 1382 et 1383 anciens du code civil.
L’intimée conclut à la confirmation du jugement.
***
Aux termes de l’article L. 32l-17 du code de commerce dans sa version en vigueur lors de la vente, les sociétés de ventes volontaires de meubles aux enchères publiques et les officiers publics ou ministériels compétents pour procéder aux ventes judiciaires et volontaires ainsi que les experts qui procèdent à l’estimation des biens engagent leur responsabilité au cours ou à l’occasion des ventes de meubles aux enchères publiques, conformément aux règles applicables à ces ventes. Les clauses qui visent à écarter ou à limiter leur responsabilité sont interdites et réputées non écrites.
Les actions en responsabilité civile engagées à l’occasion des prisées et des ventes volontaires
et judiciaires de meuble aux enchères publiques se prescrivent par dix ans à compter de
l’adjudication ou de la prisée.
Ce délai a été réduit à cinq ans par la loi du 17 juin 2008, entrée en vigueur le 19 juin 2008.
Ces dispositions s’appliquent à l’action en responsabilité extracontractuelle, fondée sur les articles 1240 et 1241 du code civil (anciennement 1382 et 1383), engagée par M. X, acquéreur, contre la société de ventes volontaires.
Le délai de prescription de dix ans a couru à compter du 21 octobre 2005, date de la vente. Le
nouveau délai de cinq ans, issu de la loi nouvelle, a commencé à courir le 19 juin 2008 pour se terminer le 19 juin 2013. En conséquence, l’action engagée en 2017 est prescrite, le jugement étant confirmé en ce sens.
Sur les dépens et l’article 700 du code de procédure civile
M. X sera condamné aux dépens de première instance et d’appel. Il n’y a pas lieu à condamnation au titre des frais irrépétibles au bénéfice de la société C B.
PAR CES MOTIFS
Statuant contradictoirement, dans les limites de l’appel :
Confirme le jugement en toutes ses dispositions ;
Le complétant :
Rejette la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l’action en nullité de la vente ;
Rejette les demandes fondées sur l’article 700 du code de procédure civile ;
Condamne M. X aux dépens d’appel.
— prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
— signé par Madame Marie-José BOU, Président et par Madame AUBERT, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le greffier
Le président