Validité d’une marque internationale : le juge compétent

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Validité d’une marque internationale : le juge compétent
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Lorsque l’enregistrement d’une marque semi-figurative internationale désigne uniquement l’Autriche, l’Italie et le Maroc, il en résulte que les juridictions françaises sont incompétentes pour connaître d’un litige portant sur la validité de cette marque internationale.

Il résulte de l’article 42 du code de procédure civile que ce texte, qui désigne comme juridiction compétente celle du lieu où réside le défendeur, ne s’applique qu’à défaut de disposition contraire.

Aux termes de l’article 24, point 4), du règlement (UE) n° 1215/2012 du 12 décembre 2012 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale, sont seules compétentes, sans considération de domicile des parties, en matière de validité de marques et autres droits analogues donnant lieu à un dépôt ou à un enregistrement, que la question soit soulevée par voie d’action ou d’exception, les juridictions de l’État membre sur le territoire duquel le dépôt ou l’enregistrement a été demandé, a été effectué ou est réputé avoir été effectué aux termes d’un instrument de l’Union ou d’une convention internationale.

Ce texte constitue une « disposition contraire », au sens de l’article 42 du code de procédure civile, lequel est, en conséquence, inapplicable aux litiges en matière de validité de marques.

L’article 4, paragraphe 1, sous a), du Protocole relatif à l’Arrangement de [Localité 5] concernant l’enregistrement international des marques, adopté à [Localité 5] le 27 juin 1989, modifié le 12 novembre 2007, auquel la France est partie, prévoit qu’à partir de la date de l’enregistrement ou de l’inscription d’une demande internationale, la protection de la marque dans chacune des parties contractantes intéressées sera la même que si cette marque avait été déposée directement auprès de l’Office de cette partie contractante.

L’inscription d’une demande de marque internationale ou l’enregistrement d’une telle marque sont réputés effectués, pour la partie le concernant, dans chacun des Etats désignés dans cette demande ou cet enregistrement, et que les juridictions d’un Etat qui n’est pas désigné, fût-il celui sur le territoire duquel la demande de base ou l’enregistrement de base ont été faits, sont incompétentes pour connaître d’une demande d’annulation de tout ou partie de la marque internationale.

Résumé de l’affaire

La société [Localité 4], dirigée par Mme [D], détenait plusieurs marques, dont la marque semi-figurative internationale n° 651 307. En 2020, la commune de [Localité 4] a assigné la société et M. et Mme [D] en justice, demandant l’annulation de cette marque en raison de la spoliation du nom de la commune.

REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

4 septembre 2024
Cour de cassation
Pourvoi n°
22-13.044
Chambre commerciale financière et économique

Formation restreinte hors RNSM/NA / Publié au Bulletin /
COMM.

MB

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 4 septembre 2024

Rejet

M. VIGNEAU, président

Arrêt n° 436 F-B

Pourvois n°
G 22-13.044
V 22-16.505 JONCTION

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 4 SEPTEMBRE 2024

I- La commune de [Localité 4], dont le siège est [Adresse 3], représentée par son maire en exercice, a formé le pourvoi n° G 22-13.044 contre un arrêt n° RG 21/04359 rendu le 17 décembre 2021 par la cour d’appel de Paris (pôle 5, chambre 2), dans le litige l’opposant :

1°/ à M. [V] [D], domicilié [Adresse 1],

2°/ à la société [Localité 4], société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2],

3°/ à Mme [I] [N], épouse [D], domiciliée [Adresse 1],

défendeurs à la cassation.

II- 1°/ La société [Localité 4], société par actions simplifiée,

2°/ à M. [V] [D],

3°/ à Mme [I] [N], épouse [D],

ont formé le pourvoi n° V 22-16.505 contre le même arrêt rendu, dans le litige les opposant à la commune de [Localité 4], représentée par son maire en exercice,

défenderesse à la cassation.

La demanderesse au pourvoi n° G 22-13.044 invoque, à l’appui de son recours, trois moyens de cassation.

Les demandeurs au pourvoi n° V 22-16.505 invoquent, à l’appui de leur recours un moyen de cassation.

Les dossiers ont été communiqués au procureur général.

Sur le rapport de Mme Sabotier, conseiller, les observations de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la commune de [Localité 4], représentée par son maire en exercice, de la SCP Le Guerer, Bouniol-Brochier, avocat de la société [Localité 4] et de M. et Mme [D], après débats en l’audience publique du 4 juin 2024 où étaient présents M. Vigneau, président, Mme Sabotier, conseiller rapporteur, M. Mollard, conseiller doyen, et Mme Labat, greffier de chambre,

la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Jonction

1. En raison de leur connexité, les pourvois n° 22-13.044 et 22-16.505 sont joints.

Faits et procédure

2. Selon l’arrêt attaqué (Paris, 17 décembre 2021), la société [Localité 4], ayant pour président, jusqu’en 2010, M. [D] et, depuis cette date, Mme [D], épouse de ce dernier, était titulaire de plusieurs marques « [Localité 4] », dont la marque semi-figurative internationale n° 651 307 désignant l’Autriche, l’Italie et le Maroc, déposée le 24 avril 1995 et revendiquant la priorité de la demande française n° 94 544 784 du 16 novembre 1994. Par acte du 30 octobre 2014, elle les a cédées à Mme [D].

3. Le 24 mars 2020, soutenant que son nom constituait une indication de provenance pour certaines catégories de produits et que, depuis 1993, il faisait l’objet d’une spoliation en raison des nombreux dépôts de marque effectués par la société [Localité 4], la commune de [Localité 4] a assigné la société [Localité 4] ainsi que M. et Mme [D], aux fins d’obtenir, notamment, l’annulation de la marque internationale n° 651 307.

4. En application de l’article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n’y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens.
Sur le premier moyen du pourvoi n° 22-13.044

Enoncé du moyen

5. La commune de [Localité 4] fait grief à l’arrêt de déclarer les juridictions françaises incompétentes pour connaître de la demande de nullité de la marque internationale n° 651 307 et de la renvoyer à mieux se pourvoir s’agissant de cette demande, alors :

« 1°/ que s’il est prétendu que la juridiction saisie en première instance ou en appel est incompétente, la partie qui soulève cette exception doit, à peine d’irrecevabilité, la motiver et faire connaître dans tous les cas devant quelle juridiction elle demande que l’affaire soit portée ; que la Convention de [Localité 6] du 20 mars 1883 pour la protection de la propriété industrielle et l’Arrangement de [Localité 5] du 14 avril 1891 concernant l’enregistrement international des marques n’édictent aucune règle de compétence juridictionnelle ; qu’en l’espèce, les consorts [D] et la société [Localité 4] soulevaient un moyen d’incompétence de la juridiction française en se fondant uniquement sur les stipulations de l’article 6 de la Convention de l’Union de [Localité 6] et de l’article 6 de l’Arrangement de [Localité 5] ; qu’en faisant droit à ce moyen d’incompétence, au visa des articles 6.2 et 6.3 de l’Arrangement de [Localité 5], qui ne prévoient pourtant aucune règle de compétence juridictionnelle, la cour d’appel a violé l’article 75 du code de procédure civile, et les articles 6.2 et 6.3 de l’Arrangement de [Localité 5] par fausse application ;

2°/ que la juridiction territorialement compétente est, sauf disposition contraire, celle du lieu où demeure le défendeur ; qu’en l’espèce, il ressortait de la procédure que M. et Mme [D] et la société [Localité 4] étaient domiciliés en France ; qu’en déclarant le juge français incompétent pour connaître de la demande en nullité de l’enregistrement international n° 651 307, la cour d’appel a violé l’article 42 du code de procédure civile ;

3°/ que le juge est tenu de respecter l’objet du litige, tel qu’il ressort des prétentions des parties ; qu’en l’espèce, la commune de [Localité 4] faisait valoir dans ses conclusions que la marque internationale n° 651 307 avait été déposée sur la base du dépôt français n° 94 544 784, qu’il s’agissait de l’extension internationale de ce dépôt français, qu’en conséquence la décision qui sera rendue sur la nullité du dépôt de base français aura un impact sur la validité de l’enregistrement international n° 651 307 et que, contrairement à ce que prétendaient les appelants, l’article 6.4 a) de l’Arrangement de [Localité 5] ne distingue pas selon que l’action judiciaire a été intentée avant l’expiration d’un délai de cinq ans ; qu’en affirmant néanmoins qu’il n’est pas discuté” que l’enregistrement international litigieux n° 651 307 était devenu indépendant du dépôt français d’origine, la cour d’appel a méconnu les prétentions de la commune et violé l’article 4 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

6. Il résulte de l’article 42 du code de procédure civile que ce texte, qui désigne comme juridiction compétente celle du lieu où réside le défendeur, ne s’applique qu’à défaut de disposition contraire.

7. Aux termes de l’article 24, point 4), du règlement (UE) n° 1215/2012 du 12 décembre 2012 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale, sont seules compétentes, sans considération de domicile des parties, en matière de validité de marques et autres droits analogues donnant lieu à un dépôt ou à un enregistrement, que la question soit soulevée par voie d’action ou d’exception, les juridictions de l’État membre sur le territoire duquel le dépôt ou l’enregistrement a été demandé, a été effectué ou est réputé avoir été effectué aux termes d’un instrument de l’Union ou d’une convention internationale.

8. Ce texte constitue une « disposition contraire », au sens de l’article 42 du code de procédure civile, lequel est, en conséquence, inapplicable aux litiges en matière de validité de marques.

9. L’article 4, paragraphe 1, sous a), du Protocole relatif à l’Arrangement de [Localité 5] concernant l’enregistrement international des marques, adopté à [Localité 5] le 27 juin 1989, modifié le 12 novembre 2007, auquel la France est partie, prévoit qu’à partir de la date de l’enregistrement ou de l’inscription d’une demande internationale, la protection de la marque dans chacune des parties contractantes intéressées sera la même que si cette marque avait été déposée directement auprès de l’Office de cette partie contractante.

10. Il se déduit de ces dispositions que l’inscription d’une demande de marque internationale ou l’enregistrement d’une telle marque sont réputés effectués, pour la partie le concernant, dans chacun des Etats désignés dans cette demande ou cet enregistrement, et que les juridictions d’un Etat qui n’est pas désigné, fût-il celui sur le territoire duquel la demande de base ou l’enregistrement de base ont été faits, sont incompétentes pour connaître d’une demande d’annulation de tout ou partie de la marque internationale.

11. L’arrêt constate que l’enregistrement de la marque semi-figurative internationale n° 651 307 désigne uniquement l’Autriche, l’Italie et le Maroc.

12. Il en résulte que les juridictions françaises sont incompétentes pour connaître d’un litige portant sur la validité de cette marque internationale.

13. Par ce motif de pur droit, substitué à ceux critiqués, dans les conditions prévues par les articles 620, alinéa 1er, et 1015 du code de procédure civile, la décision se trouve légalement justifiée.

14. Par conséquent, le moyen ne peut être accueilli.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la commune de [Localité 4], représentée par son maire en exercice, aux dépens ;

En application de l’article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la commune de [Localité 4], représentée par son maire en exercice, et la condamne à payer à la société [Localité 4] ainsi qu’à M. et Mme [D] la somme globale de 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du quatre septembre deux mille vingt-quatre.


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