Your cart is currently empty!
Les procès se gagnent aussi sur le terrain de la procédure. Un auteur de films X a été déclaré irrecevable à agir en appel (action en contrefaçon). Dans sa déclaration d’appel, l‘intéressé a mentionné au titre de l’objet de son recours ‘ Appel nullité’, sans autres précisions. Or, les conditions requises pour former cet appel nullité n’étaient nullement remplies au cas d’espèce, l’appelant n’arguant d’aucun excès de pouvoir et le jugement querellé étant susceptible d’appel. Il n’était au demeurant nullement prétendu que l’appel tendrait à l’annulation du jugement entrepris.
Par sa déclaration d’appel, improprement qualifiée d’appel nullité, l’auteur a en conséquence entendu contester la décision déférée, sans toutefois énoncer les chefs critiqués, le dispositif de ses conclusions ne formulant pas davantage de demande d’annulation ou d’infirmation, mais reprenant l’ensemble des demandes formées devant les premiers juges.
En conséquence, en l’absence de chefs critiqués dans la déclaration d’appel, l’acte d’appel n’a opéré aucun effet dévolutif, de sorte que la cour n’était saisie d’aucun litige.
L’appel nullité, réservé à la voie de recours ouverte à l’encontre d’une décision entachée d’un excès de pouvoir lorsque la voie de l’appel est normalement fermée, ne peut tendre qu’à l’annulation du jugement déféré et non à sa réformation.
L’article 901 du code de procédure civile dispose que ‘la déclaration d’appel est faite par acte contenant, outre les mentions prescrites par les 2° et 3° de l’article 54 et par le cinquième alinéa de l’article 57, et à peine de nullité : (…) Les chefs du jugement expressément critiqués auxquels l’appel est limité, sauf si l’appel tend à l’annulation du jugement ou si l’objet du litige est indivisible. (…)’
Et en vertu de l’article 562 du même code, ‘L’appel défère à la cour la connaissance des chefs de jugement qu’il critique expressément et de ceux qui en dépendent. La dévolution ne s’opère pour le tout que lorsque l’appel tend à l’annulation du jugement ou si l’objet du litige est indivisible.’
________________________________________________________________________________________
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 5 – Chambre 1
ARRÊT DU 11 JANVIER 2022
Numéro d’inscription au répertoire général : 19/08692 – N° Portalis 35L7-V-B7D-B7ZWE
Décision déférée à la Cour : Jugement du 28 Septembre 2018 -Tribunal de Grande Instance de Paris – 3ème chambre – 3ème section – RG n° 16/13178
APPELANT
M. C-D X
Demeurant 6 allée C-Baptiste Carpeaux
92350 LE PLESSIS-ROBINSON
Représenté et assisté de Me A B, avocat au barreau de PARIS, toque C 154
(bénéficie d’une aide juridictionnelle Totale numéro 2019/007322 du 18/03/2019 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de PARIS)
INTIMÉE
S.A. EURO VIDEO INTERNATIONAL (E.V.I),
Société au capital de 2 242 52 euros
Immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de PARIS sous le numéro 562 008 722
Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés ès qualités audit siège
[…]
[…]
Représentée par Me Arnaud GUYONNET de la SCP AFG, avocat au barreau de PARIS, toque L 0044
Assistée de Me Bertrand CHABENAT, avocat au barreau de PARIS, toque D 1818
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l’article 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 17 novembre 2021, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Mme Isabelle DOUILLET, présidente de chambre et Mme Déborah BOHÉE, conseillère, chargée d’instruire l’affaire, laquelle a préalablement été entendue en son rapport.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Mme Isabelle DOUILLET, présidente
Mme Françoise BARUTEL, conseillère,
Mme Déborah BOHÉE, conseillère
Greffier, lors des débats : Mme Carole TREJAUT
ARRÊT :
Contradictoire•
• par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
• signé par Isabelle DOUILLET, Présidente de chambre et par Karine ABELKALON, Greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
EXPOSÉ DU LITIGE
M. C-D X se présente comme auteur et réalisateur de nombreux films qu’il a produit ou co-produit au travers de sa société LES FILMS JMP, et notamment comme étant l’auteur des scénarios de deux films à caractère érotique, intitulés respectivement ‘Règlement de femmes à OQ Korral’ et ‘L’arrière-train sifflera trois fois’, qu’il a mis en scène.
Il expose que M. Y Z, exploitant de salles de cinéma via sa société EUROPRODIS (aux droits de laquelle vient la société EURO VIDEO INTERNATIONAL ci – après « la société EVI
»,) a contribué au financement de ces deux films.
Plusieurs contrats ont été régularisés entre les parties.
Contrats entre M. X et la société JMP (1973)
Par deux contrats séparés du 1er octobre 1973 (enregistrés au registre public du cinéma et de l’audiovisuel, ci après RPCA), M. X, auteur des scénarios originaux, expose avoir cédé à sa société LES FILMS JMP les droits exclusifs d’exploitation des films « l’arrière-train sifflera trois fois » et « règlement de femmes à OQ KORRAL » pour le monde entier pour une durée de 25 ans.
Contrats entre les sociétés JMP et EUROPRODIS (devenue EVI) (1974)
Par contrat du 21 février 1974, la société LES FILMS JMP a cédé à la société EUROPRODIS, aux droits de laquelle vient la société EVI, les droits d’auteur ainsi que les droits d’exploitation dans le monde entier et en toutes langues et les droits dérivés portant sur le film « l’arrière-train sifflera trois fois », pour une durée de 25 ans.
Par actes du 29 avril 1974, que M. X produit mais conteste cependant avoir signés, la société LES FILMS JMP a cédé à la société EUROPRODIS, aux droits de laquelle vient la société EVI, les droits d’auteur ainsi que les droits d’exploitation dans le monde entier et en toutes langues et les droits dérivés portant sur le film « Règlements de comptes à OQ KORRAL », pour une durée illimitée.
Suivant accord du 15 septembre 1981, (enregistré au RPCA 07 juin 1982), il a été convenu que les recettes des deux films seraient partagées entre la société LES FILMS JMP et la société EUROPRODIS, aux droits de laquelle vient la société EVI.
Se fondant sur deux contrats intitulés « Cession au forfait » datés du 17 mai 1996 (enregistrés au RCPA le 10 août 2010), suivant lesquels la société EVI lui rétrocède les droits exclusifs d’exploitation cinématographique, qu’elle détient pour une durée illimitée, sur les deux films litigieux, par acte du 27 juin 2016, M. C-D X a fait assigner la société EVI devant le tribunal de grande instance de Paris pour faire constater sa qualité de propriétaire des négatifs des films précités et en contrefaçon de ses droits d’auteurs.
Par jugement du 28 septembre 2018 dont appel, le tribunal a:
– Rejeté la fin de non-recevoir tirée du défaut de qualité à agir de C-D X,
– Débouté C-D X de ses demandes relatives à la restitution des négatifs des films « L’arrière-train sifflera trois fois » et « Règlement de femmes à OQ KORRAL »,
– Débouté C-D X de son action en contrefaçon de droits d’auteur et de ses demandes subséquentes,
– Condamné C-D X à payer à la société EURO VIDÉO INTERNATIONAL, la somme de 5.000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
– Condamné C-D X aux dépens, qui seront recouvrés comme en matière d’aide juridictionnelle,
– Dit n’y avoir lieu à exécution provisoire,
– Autorisé Maître Bertrand CHABENAT, avocat, à recouvrer directement contre C-D X ceux des dépens dont il aurait fait l’avance sans en avoir reçu provision, conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.
Monsieur X a interjeté appel de ce jugement le 18 avril 2019.
Vu les dernières conclusions signifiées le 22 juillet 2019 par lesquelles Monsieur X, appelant, demande à la cour de :
– Juger que Monsieur C-D X est propriétaire des négatifs des films L’ARRIÈRE-TRAIN SIFFLERA TROIS FOIS et RÈGLEMENT DE FEMMES À OQ KORRAL – Ordonner que tout dépositaire actuel des dits films opère dans ses registres de dépôt les modifications nécessaires afin que Monsieur C-D X soit mentionné en tant que seul propriétaire des ‘uvres dont s’agit avec toutes les prérogatives que cette qualité emporte ;
– Préciser, en tant que de besoin, que la qualité de propriétaire de Monsieur C-D X vaudra sur tous les négatifs se rapportant aux ‘uvres précitées, y compris donc lorsqu’elles auront été renommées ou se seraient vu ajouter des sous-titres ;
– Condamner la société EURO VIDEO INTERNATIONAL au paiement d’une somme de 250.000 euros pour le préjudice d’exploitation subi par Monsieur C-D X sur le film L’ARRIÈRE-TRAIN SIFFLERA TROIS FOIS ;
– Condamner la société EURO VIDEO INTERNATIONAL au paiement d’une somme de 250.000 euros pour le préjudice d’exploitation subi par Monsieur C-D X sur le film RÈGLEMENT DE COMPTES À OQ KORRAL ;
– Condamner la société EURO VIDEO INTERNATIONAL au paiement d’une somme de 1.000.000 euros au titre de l’altération irréversible de RÈGLEMENT DE FEMMES À OQ KORRAL;
– Condamner la société EURO VIDEO INTERNATIONAL au paiement d’une somme de 500 000 euros pour avoir détourné le film RÈGLEMENTS DE FEMMES À OQ KORRAL en en diffusant une version modifiée sous le titre LES SEPT PARTOUZARDS DE L’OUEST ;
– Autoriser la publication du texte suivant aux frais de la société EURO VIDEO INTERNATIONAL : « Par arrêt en date du ———-, la cour d’appel de PARIS a condamné la société EURO VIDEO INTERNATIONAL à verser à titre de dommages- intérêts à Monsieur C-D X la somme de 1.500.000 euros pour avoir commis au préjudice de ce dernier des actes de contrefaçon de droits d’auteur sur le film RÈGLEMENTS DE FEMMES À OQ KORRAL exploité sous le titre LES SEPT PARTOUZARDS DE L’OUEST ».
– Se réserver la liquidation des astreintes précitées ;
– Condamner la société EURO VIDEO INTERNATIONAL à payer à Monsieur C- D X une somme de 5.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
– Condamner la société EURO VIDEO INTERNATIONAL à payer à Maître A B une somme de 5.000 euros au titre de l’article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ainsi qu’aux dépens,
Vu les dernières conclusions signifiées le 18 octobre 2019 par lesquelles la société EURO VIDEO INTERNATIONAL, intimée, demande à la cour de :
À TITRE PRELIMINAIRE :
– CONSTATER que la cour n’est saisie au titre de la déclaration d’appel d’aucune demande à l’encontre du jugement dont appel ;
En conséquence :
– CONFIRMER, en toutes ses dispositions, le jugement rendu jugement rendu le 28 septembre 2019 par la 3è chambre, 3ème section du T.G.I. de Paris.
À DEFAUT :
– DEBOUTER Monsieur C-D X de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;
– CONFIRMER, en toutes ses dispositions, le jugement rendu le 28 septembre 2018 par le TGI de PARIS.
– CONDAMNER Monsieur C-D X à payer à la société EURO VIDEO INTERNATIONAL la somme de 75.000 € à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive;
EN TOUT ETAT DE CAUSE :
– CONDAMNER Monsieur C-D X à payer à la société EURO VIDEO INTERNATIONAL la somme de 5.000 € au titre de l’article 700 du Code de procédure civile;
– CONDAMNER Monsieur C-D X aux entiers dépens de l’instance avec droit de recouvrement direct au profit de la SCP AFG.
L’ordonnance de clôture a été rendue le 22 juin 2021.
MOTIFS DE L’ARRET
En application des dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, il est expressément renvoyé, pour un exposé exhaustif des prétentions et moyens des parties, aux conclusions écrites qu’elles ont transmises, telles que susvisées.
– Sur l’absence d’effet dévolutif de l’appel:
La société EVI soutient que la cour n’est saisie d’aucune demande de la part de l’appelant puisque la déclaration d’appel du 18 avril 2019 ne fait état d’aucun chef de jugement critiqué auquel l’appel serait limité, ni de demande visant à l’annulation du jugement, l’unique mention figurant en haut de la page 2 de la déclaration étant celle « d’appel-nullité ». Or, elle expose que l’appel nullité n’est envisageable que si l’appel par la voie ordinaire n’est pas possible et ce, uniquement en cas d’excès de pouvoir, ce qui n’est pas le cas en l’espèce. Elle souligne, en outre, que l’appelant ne sollicite dans ses conclusions aucune nullité à l’encontre du jugement dont appel, le dispositif ne faisant état ni d’une demande en annulation, ni d’une demande d’infirmation du jugement.
M. X ne formule aucune observation dans ses écritures sur ce point.
L’article 901 du code de procédure civile dispose que ‘la déclaration d’appel est faite par acte contenant, outre les mentions prescrites par les 2° et 3° de l’article 54 et par le cinquième alinéa de l’article 57, et à peine de nullité : (…) Les chefs du jugement expressément critiqués auxquels l’appel est limité, sauf si l’appel tend à l’annulation du jugement ou si l’objet du litige est indivisible. (…)’
Et en vertu de l’article 562 du même code, ‘L’appel défère à la cour la connaissance des chefs de jugement qu’il critique expressément et de ceux qui en dépendent.
La dévolution ne s’opère pour le tout que lorsque l’appel tend à l’annulation du jugement ou si l’objet du litige est indivisible.’
Ainsi, en droit, en l’absence de chefs critiqués dans la déclaration d’appel, l’acte d’appel n’opère aucun effet dévolutif, de sorte que la cour d’appel n’est saisie d’aucun litige et doit le constater.
La cour rappelle, par ailleurs, que l’appel nullité, réservé à la voie de recours ouverte à l’encontre d’une décision entachée d’un excès de pouvoir lorsque la voie de l’appel est normalement fermée, ne peut tendre qu’à l’annulation du jugement déféré et non à sa réformation.
En l’espèce, M. X dans sa déclaration d’appel formé le 18 avril 2019 a mentionné au titre de l’objet de son recours ‘ Appel nullité’, sans autres précisions. Or, les conditions requises pour former cet appel nullité ne sont nullement remplies au cas d’espèce, l’appelant n’arguant d’aucun excès de pouvoir et le jugement querellé étant susceptible d’appel. Il n’est au demeurant nullement prétendu que l’appel tendrait à l’annulation du jugement entrepris.
Par sa déclaration d’appel, improprement qualifiée d’appel nullité, M. X a en conséquence entendu contester la décision déférée, sans toutefois énoncer les chefs critiqués, le dispositif de ses conclusions ne formulant pas davantage de demande d’annulation ou d’infirmation, mais reprenant l’ensemble des demandes formées devant les premiers juges.
En conséquence, en l’absence de chefs critiqués dans la déclaration d’appel par M. X, l’acte d’appel n’a opéré aucun effet dévolutif, de sorte que la cour n’est saisie d’aucun litige, ce qu’il convient de constater, la cour ne pouvant même confirmer le jugement, comme le sollicite l’intimée, faute de quoi elle outrepasserait ses pouvoirs.
– Sur les autres demandes
En l’absence d’effet dévolutif de l’appel, la cour d’appel n’est pas saisie et ne saurait statuer sur les demandes formulées par la société EVI au titre de la procédure abusive.
L’équité et la situation des parties commandent de rejeter la demande formulée par la société EVI au titre de l’article 700 du code de procédure civile, les dépens de l’instance d’appel devant être supportés par M. X, qui seront recouvrés comme en matière d’aide juridictionnelle et pourront être recouvrés directement par la SCP AFG en application de l’article 699 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
LA COUR,
Constate l’absence d’effet dévolutif de l’appel,
Dit, en conséquence, que la cour n’est saisie d’aucune demande,
Dit n’y avoir lieu à condamnation au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
Condamne M. C-D X aux dépens d’appel, dont distraction au profit de la SCP AFG, conformément à l’article 699 du code de procédure civile, qui pourront être recouvrés comme en matière d’aide juridictionnelle.
LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE