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COUR D’APPEL
d’ANGERS
Chambre Sociale
ARRÊT N°
Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 20/00326 – N° Portalis DBVP-V-B7E-EWKZ.
Jugement Au fond, origine Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire d’Angers, décision attaquée en date du 30 Juillet 2020, enregistrée sous le n° 19/00014
ARRÊT DU 30 Mars 2023
APPELANTE :
Madame [J] [D]
[Adresse 2]
49130 SAINTE GEMMES SUR LOIRE
représenté par Maître Elisabeth POUPEAU, avocat au barreau d’ANGERS – N° du dossier 418127
INTIMEE :
S.C.M. OPHTALMOLOGIE MEDICALE Prise en la personne de son représentant légal domicilé en cette qualité audit siège
[Adresse 1]
[Localité 3]
représenté par Me Stéphanie CHOUQUET-MAISONNEUVE de la SELARL VITAE AVOCAT, avocat au barreau d’ANGERS – N° du dossier 19023
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l’article 945-1 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 09 Juin 2022 à 9 H 00, en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant Madame DELAUBIER chargé d’instruire l’affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Président : Madame Estelle GENET
Conseiller : Mme Marie-Christine DELAUBIER
Conseiller : Mme Nathalie BUJACOUX
Greffier lors des débats : Madame Viviane BODIN
ARRÊT :
prononcé le 30 Mars 2023, contradictoire et mis à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
Signé par Madame DELAUBIER, conseiller faisant fonction de président, et par Madame Viviane BODIN, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
*******
FAITS ET PROCÉDURE
La société Ophtalmologie Médicale est une société civile de moyens au sein de la Clinique de l'[Localité 4] à [Localité 3] permettant la mise en commun des services administratifs et techniques facilitant l’exercice professionnel de plusieurs docteurs en ophtalmologie. Elle est composée de quatre spécialistes associés et emploie au moins onze salariés.
Mme [J] [D] a été engagée par la société Ophtalmologie Médicale suivant contrat de travail à durée indéterminée à temps partiel du 2 juin 1997 en qualité de secrétaire réceptionniste, coefficient 130 de la convention collective nationale du personnel des cabinets médicaux. Son temps de travail était fixé à 123h41 mensuelles en contrepartie d’une rémunération s’élevant à la somme de 4 690,82 francs.
Par avenant du 5 février 1998, le temps de travail mensuel de Mme [D] a été porté à 151h67, soit 35 heures hebdomadaires, et sa rémunération mensuelle brute fixée à la somme de 6 118,08 francs (1 181,57 euros).
Par un nouvel avenant du 1er novembre 1999, la société Ophtalmologie Médicale a modifié la répartition des heures de travail de Mme [D] et a réévalué sa rémunération.
Enfin, par un avenant du 13 mai 2011, la société Ophtalmologie Médicale a modifié une nouvelle fois la répartition du temps de travail de Mme [D] pour l’étendre à dix samedis matins travaillés par an. La rémunération de la salariée a été portée à la somme de 1 713,87 euros majorée d’une prime d’ancienneté de 13%.
Par courrier du 25 juillet 2018, l’employeur a reproché à la salariée d’avoir eu un ‘comportement inapproprié’ avec une patiente du docteur [F] ainsi qu’avec une pharmacienne.
La société Ophtalmologie Médicale a adressé un second courrier à Mme [D] le 17 octobre 2018 lui reprochant ‘un comportement inapproprié récurrent’ avec les patients en particulier avec une patiente du docteur [G] et d’être à l’origine de ‘l’ambiance délétère’ au sein du cabinet.
Par lettre recommandée avec avis de réception du 5 novembre 2018, Mme [D] a sollicité auprès de son employeur une copie des courriers et attestations des patients mentionnés dans les courriers des 25 juillet et 17 octobre 2018 et des plaintes écrites de ses collègues. Elle a également proposé d’ ‘étudier ensemble une rupture conventionnelle de son contrat de travail’.
Par lettre du 13 novembre 2018, la société Ophtalmologie Médicale a refusé de lui communiquer les documents sollicités et a rejeté sa demande de rupture conventionnelle.
Par courrier daté du 13 novembre et remis en main propre contre signature le 14 novembre 2018, la société Ophtalmologie Médicale a convoqué Mme [D] à un entretien préalable à une éventuelle mesure de licenciement fixée le 23 novembre 2018. Cette convocation était assortie d’une mise à pied à titre conservatoire.
Par lettre recommandée avec avis de réception du 19 novembre 2018, Mme [D] a contesté les griefs quant à son attitude au travail reprochés dans les courriers des 25 juillet et 17 octobre 2018.
Par lettre recommandée avec avis de réception du 29 novembre 2018, la société Ophtalmologie Médicale a notifié à Mme [D] son licenciement pour faute grave lui reprochant en substance son attitude inappropriée persistante à l’égard des patients du cabinet, le non-respect du protocole de rappel d’une patiente opérée la veille, des négligences sur les commandes d’implants intra-oculaires et d’avoir surveillé les faits et gestes de ses employeurs, créant alors ‘climat malsain et désagréable’ au sein du cabinet.
Par courrier du 7 décembre 2018, Mme [D] a contesté la réalité des griefs invoqués dans la lettre de licenciement ainsi que son solde de tout compte et elle a demandé réparation de son préjudice. Le 13 décembre suivant l’employeur lui a répondu maintenir la mesure disciplinaire à son encontre.
Contestant le bien fondé de son licenciement, Mme [D] a saisi le conseil de prud’hommes d’Angers le 10 janvier 2019 pour obtenir la condamnation de la société Ophtalmologie Médicale, sous le bénéfice de l’exécution provisoire, à lui verser des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, des dommages et intérêts pour préjudice moral, une indemnité compensatrice de préavis outre les congés payés afférents, un rappel de salaire au titre de la mise à pied conservatoire et une indemnité légale de licenciement. Mme [D] sollicitait encore l’annulation des avertissements notifiés les 25 juillet et 17 octobre 2018 et la condamnation de son employeur à lui verser des dommages et intérêts pour avertissements injustifiés, un rappel de prime annuelle, un rappel d’heures supplémentaires et une indemnité au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
La société Ophtalmologie Médicale s’est opposée aux prétentions de Mme [D] et a réclamé sa condamnation au paiement d’une indemnité au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Par jugement en date du 30 juillet 2020, le conseil de prud’hommes a :
– jugé que les pièces n°75, n°76 et n°77 de Mme [D] sont recevables ;
– débouté la société Ophtalmologie Médicale de sa demande d’écarter les pièces n°75, n°76 et n°77 de Mme [D] ;
– jugé que les deux lettres d’observations des 25 juillet et 17 octobre 2018 de la société Ophtalmologie Médicale adressées à Mme [D] sont justifiées ;
– débouté Mme [D] de ses demandes d’annulation des deux lettres d’observations et de dommages et intérêts pour avertissements injustifiés ;
– jugé que le licenciement de Mme [D] repose sur une cause réelle et sérieuse ;
– débouté Mme [D] de ses demandes de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ainsi que les dommages et intérêts pour préjudice moral ;
– jugé que la mise à pied à titre conservatoire de Mme [D] est justifiée ;
– débouté Mme [D] de sa demande de salaires retenus au titre de la mise à pied ;
– fixé le salaire moyen de référence à 2 258,66 euros brut ;
– condamné la société Ophtalmologie Médicale à payer à Mme [D] :
– l’indemnité de préavis à hauteur de 4 969,05 euros brut dont congés payés ;
– l’indemnité légale de licenciement à hauteur de 14 242,10 euros net ;
– débouté Mme [D] de ses demandes de rappel de prime annuelle et d’heures supplémentaires ;
– ordonné l’exécution provisoire partielle à hauteur de 4 969,05 euros brut à payer à Mme [D] au titre de l’article 515 du code de procédure civile ;
– condamné la société Ophtalmologie Médicale à verser à Mme [D] la somme de 1 800 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ;
– condamné la société Ophtalmologie Médicale aux entiers dépens ;
– débouté les parties du surplus de leurs demandes ;
Mme [D] a interjeté appel de cette décision par déclaration transmise par voie électronique au greffe de la cour d’appel le 27 août 2020, son appel portant sur l’ensemble des dispositions lui faisant grief, énoncées dans sa déclaration.
La société Ophtalmologie Médicale a constitué avocat le 7 septembre 2020.
L’ordonnance de clôture a été prononcée le 18 mai 2022.
MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
Mme [D], dans ses dernières conclusions, régulièrement communiquées, transmises au greffe le 20 novembre 2020 par voie électronique, ici expressément visées et auxquelles il convient de se référer pour plus ample exposé, demande à la cour de :
– infirmer le jugement entrepris en ce qu’il :
– a jugé que les deux lettres d’observations des 25 juillet et 17 octobre 2018 de la société Ophtalmologie Médicale à son encontre sont justifiées ;
– l’a déboutée de ses demandes d’annulation des deux lettres d’observations et de dommages et intérêts pour avertissements injustifiés ;
– a jugé que le licenciement repose sur une cause réelle et sérieuse ;
– l’a déboutée de ses demandes de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ainsi que les dommages et intérêts pour préjudice moral ;
– a jugé que sa mise à pied conservatoire est justifiée ;
– l’a déboutée de sa demande de salaires retenus au titre de la mise à pied à titre conservatoire ;
– a fixé le salaire moyen de référence à 2 258,66 euros brut ;
– a condamné la société Ophtalmologie Médicale à lui payer une indemnité de préavis pour un montant de 4 969,05 euros brut et une indemnité légale de licenciement à hauteur de 14 242,10 euros net ;
– l’a déboutée de ses demandes de rappel de prime et d’heures supplémentaires ;
– a ordonné l’exécution provisoire partielle à hauteur de 4 969,05 euros brut.
Statuer à nouveau et :
– la juger recevable en son appel et bien fondée en l’ensemble de ses demandes, fins et prétentions, y faire droit et en conséquence,
– juger que son licenciement est sans cause réelle et sérieuse ;
– dire que les courriers des 25 juillet et 17 octobre 2018 sont des avertissements au sens d’une sanction disciplinaire ;
– prononcer l’annulation des avertissements des 25 juillet et 17 octobre 2018 ;
– condamner, en conséquence, la société Ophtalmologie Médicale à lui verser les sommes suivantes :
* 39 451,20 euros net à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
* 10 000,00 euros net à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral,
* 1 500,00 euros net à titre de dommages et intérêts pour avertissements injustifiés,
* 4 931,40 euros brut à titre d’indemnité compensatrice de préavis (2 mois),
* 493,14 euros brut à titre de l’incidence des congés payés,
* 1 278,52 euros brut au titre des salaires retenus lors de la mise à pied,
* 15 616,10 euros net à titre d’indemnité légale de licenciement,
* 1 806,94 euros brut à titre de rappel de prime,
* 220,28 euros brut à titre de rappel d’heures ;
– condamner la société Ophtalmologie Médicale aux dépens ;
– confirmer la condamnation de la société Ophtalmologie Médicale à lui verser une indemnité de 1 800,00 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile au titre de la procédure devant le conseil de prud’hommes ;
– condamner la société Ophtalmologie Médicale au paiement d’une indemnité de
2 500,00 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile au titre de la procédure d’appel.
À titre liminaire, Mme [D] indique que durant ses 21 ans d’ancienneté au sein de la société Ophtalmologie Médicale, elle n’a fait l’objet d’aucun reproche pas son employeur à l’exception des courriers du 25 juillet et du 17 octobre 2018 lesquels constituent, selon elle, une sanction disciplinaire dont elle sollicite l’annulation.
La salariée souligne à ce titre, que ces courriers font état de faits écrits considérés comme fautifs par la société Ophtalmologie Médicale. Elle précise avoir contesté ces avertissements d’abord verbalement puis par lettres du 5 novembre et du 19 novembre 2018 dans lesquelles elle sollicitait la communication des attestations et plaintes des patients auprès de son employeur. Elle relève qu’il est impossible d’identifier avec certitude la ‘secrétaire’ dont se plaignent les patientes et le conseil départemental de Maine-et-Loire, étant précisé que la société Ophtalmologie Médicale emploie plus de dix salariés dont cinq secrétaires, quatre orthoptistes et une infirmière. Elle considère que ces avertissements lui ont été notifiés pour constituer un ‘antécédent disciplinaire’ à son encontre dans l’objectif de la licencier par la suite.
Mme [D] estime par ailleurs que les comptes-rendus d’entretien bi-annuels communiqués par son employeur ne reflètent pas la réalité et ne peuvent servir de fondement ni aux avertissements précités ni à son licenciement. À cet égard, elle souligne que :
-aucun comportement inadapté ou inapproprié ne lui est reproché dans le compte-rendu d’entretien de janvier 2016 et que le compte-rendu d’entretien du 3 avril 2018 est contredit par ceux des quatre autres secrétaires de la société dans lesquels aucune plainte à son encontre n’est mentionnée ;
– son employeur ne communique aucune plainte de patients la visant directement ;
– le contexte de désertification médicale contribue aux tensions entre les secrétaires médicales et les patients et permet alors d’expliquer et de relativiser les indications présentes dans les comptes-rendus d’entretien de 2016 et 2018 quant au fait de garder son calme face aux patients difficiles.
Mme [D] soutient ensuite que les manquements invoqués par son employeur pour motiver son licenciement sont abusifs et contestables.
En premier lieu, elle souligne que le grief relatif à une attitude inappropriée à l’égard des patients du cabinet et de ses collègues n’a pas été abordé lors de l’entretien préalable à son licenciement. Concernant ensuite Mme [I], la patiente du docteur [F], la salariée assure être restée bienveillante estimant en tout état de cause qu’une erreur dans l’appréciation d’une urgence médicale ne peut lui être reprochée compte tenu de ses fonctions de secrétaire réceptionniste. Elle affirme en second lieu qu’elle n’avait aucune compétence pour passer des commandes spécialisées d’implant impliquant une connaissance médicale certaine et qu’il ne peut lui être reproché des négligences fautives dans ces commandes. En dernier lieu, elle conteste avoir surveillé et dénoncé le docteur [F] auprès du Conseil de l’Ordre quant à sa venue au cabinet en présence de son remplaçant.
La salariée sollicite ensuite un rappel de salaire au titre de la prime annuelle de 110% de son salaire mensuel brut versée habituellement en juin et en décembre jusqu’en 2015 puis en juin et en novembre depuis l’année 2016. Elle fait observer qu’au titre de l’année 2018, elle n’a perçu que 30% de la prime annuelle en juin.
Enfin, Mme [D] sollicite un rappel de salaire au titre des 17 heures 40 restant sur son compte d’heures et correspondant au temps passé à des réunions ou à des jours fériés se rapportant à des jours normalement travaillés.
*
La société Ophtalmologie Médicale, dans ses dernières conclusions, régulièrement communiquées, transmises au greffe le 19 février 2021 par voie électronique, ici expressément visées et auxquelles il convient de se référer pour plus ample exposé, demande à la cour de :
– déclarer Mme [D] irrecevable et en tout cas non fondée en son appel, l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions, l’en débouter ;
– infirmer le jugement du conseil de prud’hommes en ce qu’il :
– a jugé recevables les pièces n°75, 76 et 77 de Mme [D],
– l’a déboutée de sa demande d’écarter les pièces n°75, 76 et 77 de Mme [D],
– a jugé que le licenciement de Mme [D] repose sur une cause réelle et sérieuse,
– l’a condamnée à payer les sommes suivantes :
* 4 969,05 euros brut au titre de l’indemnité de préavis, congés payés afférents inclus,
* 14 242,10 euros net au titre de l’indemnité légale de licenciement,
* 1 800,00 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile,
– l’a déboutée de sa demande de condamnation à verser à Mme [D] la somme de 2 000,00 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile,
– l’a condamnée aux entiers dépens ;
– confirmer le jugement entrepris pour le surplus ;
Y ajouter :
– ordonner que les pièces de Mme [D] n°75, 76 et 77 -pièces constituant autant de modes de preuve irrecevables en justice- soient écartées des débats ;
– juger que le licenciement intervenu le 29 novembre 2018 repose sur une faute grave;
En conséquence,
– débouter Mme [D] de ses demandes, fins et conclusions ;
– ordonner à Mme [D] de restituer la somme de 3 880,43 euros réglée au titre de l’exécution provisoire, et dans tous les cas, ordonner à tous le moins, la restitution de la somme de 555,32 euros au titre de la répétition de l’indu ;
– condamner Mme [D] à lui verser la somme de 2 000,00 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile au titre de la procédure d’appel et celle de 2 000,00 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile au titre de la procédure de première instance ;
– condamner Mme [D] aux entiers dépens ainsi que tous les frais éventuels d’exécution forcée par voie d’huissier y compris ceux visés par l’article A 444-32 du code de commerce.
À titre liminaire, la société Ophtalmologie Médicale fait valoir que les pièces n° 75 à 77 communiquées par Mme [D] sont couvertes par le secret médical et ne sont pas strictement nécessaires à l’exercice des droits de la défense.
Elle conteste d’abord n’avoir jamais fait de remarques à Mme [D] quant à son travail et ajoute produire deux comptes-rendus d’entretien annuel de 2016 et de 2018 dans lesquels elle a expressément indiqué à la salariée la nécessité d’améliorer ses relations tant à l’égard de la patientèle que de ses collègues. En tout état de cause, elle fait observer que ces recommandations n’ont pas été suivies par Mme [D] dans la mesure où celle-ci n’a pas amélioré son comportement.
L’employeur estime par ailleurs que les courriers adressés les 25 juillet et 17 octobre 2018 ne sont pas des avertissements mais de simples mises en garde justifiées par le comportement de Mme [D] sur son lieu de travail.
La société Ophtalmologie Médicale soutient ensuite que le licenciement de Mme [D] repose sur une cause réelle et sérieuse constitutive d’une faute grave. Elle reproche ainsi à la salariée :
– un comportement inapproprié et réitéré à l’égard de Mme [I], patiente du docteur [F], dans la mesure où elle n’a pas respecté le protocole d’appel au lendemain d’une chirurgie ambulatoire entraînant alors un retard dans sa prise en charge médicale ;
– des négligences fautives dans la gestion des dossiers des patients pour le bloc opératoire et notamment dans la commande d’implants intraoculaires pour Mme [M] et M. [S] ;
– le fait d’avoir surveillé et dénoncé le docteur [F] auprès du Conseil de l’Ordre pour avoir été présent au sein du cabinet alors qu’il était en congés et remplacé par un autre médecin ;
– une attitude à l’origine d’un climat délétère au sein du cabinet médical.
La société Ophtalmologie Médicale fait valoir par ailleurs que Mme [D] ne pouvait bénéficier des 80 % de sa prime annuelle dès lors qu’elle ne faisait plus partie des effectifs de la société au 31 décembre 2018.
Enfin, l’employeur indique que Mme [D] ne démontre pas avoir réalisé les heures supplémentaires invoquées.
MOTIVATION
– Sur la recevabilité des pièces n° 75 à 77 communiquées par Mme [D] :
S’il est constant que le salarié peut produire en justice, pour assurer sa défense dans le procès qui l’oppose à son employeur, des documents de l’entreprise dont il a eu connaissance à l’occasion de l’exercice de ses fonctions, toutefois, en application des articles L.1222-1 du code du travail selon lequel le contrat de travail est exécuté de bonne foi et l’article 1353 du code civil, il lui appartient de prouver que leur production présente un caractère strictement nécessaire à l’exercice de ses droits.
Il incombe alors au juge de rechercher si le salarié établit que les documents couverts par le secret professionnel en cause étaient strictement nécessaires à l’exercice des droits de sa défense dans le litige qui l’oppose à son employeur.
La société Ophtalmologie Médicale sollicite le rejet des pièces nº75, n°76 et n°77 communiquées par Mme [D] soulignant qu’elles sont couvertes par le secret médical, estimant qu’elles ne sont pas strictement nécessaires à l’exercice des droits de la défense de la salariée.
Les pièces litigieuses produites par Mme [D] sont des photographies d’extraits de dossiers médicaux de patients -fiche patient- du cabinet comportant leurs identités et adresses non anonymisées.
Il ne fait pas débat qu’elles ont été prises par Mme [D] dans l’exercice de ses fonctions.
Or, Mme [D] ne développe aucun argument dans ses écritures pouvant justifier de la stricte nécessité, pour sa défense, de produire de tels documents.
Au demeurant, la pièce n°75, qui mentionne notamment que la patiente a offert des chocolats à ‘[J]’ ([D]) n’est pas même visée par la salariée dans ses conclusions de sorte que sa production n’était aucunement nécessaire à sa défense.
Les pièces n°76 et n°77 signalent un comportement discourtois des deux patients ainsi que la réaction d’une autre salariée de la société Ophtalmologie Médicale face à une cliente mécontente. Néanmoins, Mme [D] produit d’autres pièces telles que des articles de presse ou affiches (pièces 48 à 50 et 80 à 82) et se réfère en outre à des comptes-rendus d’entretien de collègues pour établir son contexte de travail et la réalité de patients parfois difficiles suscitant l’énervement ou le manque de patience des secrétaires, en ce compris au sein du cabinet médical.
Dès lors, il apparaît que Mme [D] ne disposait pas des seules pièces litigieuses à l’appui de ses moyens et arguments.
Il s’en suit que les pièces n° 75, n°76 et n°77 communiquées par Mme [D] doivent être écartées des débats.
Le jugement du conseil de prud’hommes sera donc infirmé en ce qu’il a débouté la société Ophtalmologie Médicale de sa demande.
– Sur la demande de rappel de salaire au titre d’un ‘compteur d’heures supplémentaires’ :
Il résulte de l’article L. 3171-4 du code du travail qu’en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l’appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies afin de permettre à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l’ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires applicables. Après analyse des pièces produites par l’une et l’autre des parties, dans l’hypothèse où il retient l’existence d’heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l’importance de celles-ci et fixe les créances salariales s’y rapportant.
En l’espèce, Mme [D] soutient qu’elle disposait d’un ‘compteur d’heures’ sur lequel il restait à son départ 17 heures 40 qu’elle pouvait utiliser comme repos de remplacement correspondant aux temps passé à des réunions ou à des jours fériés tombant un jour normalement travaillé, produisant à l’appui :
– un tableau intitulé ‘heures supplémentaires des secrétaires’ pour le mois de novembre 2010 (pièce 78) ;
– trois demandes écrites de récupération d’heures supplémentaires contresignées par le médecin (pièce 72) ;
– un extrait d’agenda du jeudi 20 septembre 2018 indiquant une réunion ‘médecin/secrétaire’ à 18h ce même jour (pièce 79).
Le conseil de prud’hommes a justement relevé qu’un tableau datant de 2010 ne peut soutenir la demande de rappel d’heures supplémentaires au titre de l’année 2018.
En outre et selon l’avenant au contrat de travail du 1er novembre 1999, l’horaire de travail de Mme [D] était de 13h30 à 18h45 le jeudi de sorte que la réunion visée a eu lieu durant ses horaires de travail.
Plus généralement, les éléments présentés par Mme [D] ne sont pas suffisamment précis pour permettre à l’employeur d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments.
Le jugement sera confirmé en ce qu’il a débouté la salariée de cette demande.
– Sur la demande de rappel de salaire au titre de la prime annuelle :
Il est constant que les salariés de la société Ophtalmologie Médicale bénéficient d’une prime annuelle égale à 110% de leur salaire mensuel et versée en deux fois, à raison de 30% au mois de juin de l’année en cours et de 80% en décembre (comme en 2015) ou en novembre de la même année (comme en 2016 et 2017). Cette prime résulte d’un usage non repris au contrat de travail. Dans une lettre adressée à Mme [D] le 13 décembre 2018 (pièce 22 de la salariée), la société Ophtalmologie Médicale précisait que ‘pour pouvoir bénéficier de la prime, il convient de faire partie des effectifs du cabinet à la date de versement, ce qui n’est pas votre cas’.
Mme [D] estime être fondée à obtenir la somme de 1 806,94 euros brut correspondant à 80 % de la prime annuelle 2018, soulignant qu’elle n’a perçu que 30% de la prime annuelle en juin 2018. Elle relève que les autres salariées ont bénéficié de la prime réclamée versée au 26 novembre 2018 alors qu’à cette date, son contrat de travail n’avait pas été encore rompu.
La société Ophtalmologie Médicale fait valoir que selon cet usage, Mme [D] ne peut bénéficier des 80 % de sa prime annuelle dès lors qu’elle ne faisait plus partie des effectifs au 31 décembre 2018 pour la percevoir.
Il est constant que la rupture du contrat de travail est en date du 29 novembre 2018.
La société Ophtalmologie Médicale ne conteste pas la salariée lorsque celle-ci soutient que la seconde partie de la prime annuelle litigieuse (80%) a bien été versée aux autres salariées en novembre 2018 (et non en décembre) et plus précisément encore, le 26 novembre 2018 ainsi que le mentionne l’une de ses collègues dans un SMS.
En conséquence, Mme [D] devait se voir attribuer la somme de 1 806,94 euros brut correspondant à 80 % de la prime annuelle au titre de l’année 2018, le montant n’étant pas critiqué subsidiairement par l’employeur.
Le jugement sera infirmé de ce chef et la société Ophtalmologie Médicale condamnée à payer la somme de 1806,94 euros brut à ce titre.
– Sur la nature des courriers des 25 juillet et 17 octobre 2018 :
Aux termes de l’article L.1331-1 du code du travail, constitue une sanction toute mesure, autre que les observations verbales, prise par l’employeur à la suite d’un agissement du salarié considéré par l’employeur comme fautif, que cette mesure soit de nature à affecter immédiatement ou non la présence du salarié dans l’entreprise, sa fonction, sa carrière ou sa rémunération.
Il résulte des dispositions de l’article L.1333-1 du code du travail, qu’en cas de litige portant sur une sanction disciplinaire, le juge apprécie la régularité de la procédure suivie et si les faits reprochés au salarié sont de nature à justifier une sanction, et forme sa conviction au vu des éléments retenus par l’employeur pour prononcer la sanction et de ceux fournis par le salarié à l’appui de ses allégations. Si un doute subsiste, il profite au salarié.
En application de l’article L. 1333-2 du code du travail, le juge peut annuler une sanction irrégulière en la forme ou injustifiée ou disproportionnée à la faute commise.
Mme [D] fait valoir que les courriers du 25 juillet et du 17 octobre 2018 constituent chacun une sanction disciplinaire au sens de l’article L. 1331-1 du code du travail dès lors qu’ils contiennent de reproches écrits considérés comme fautifs par son employeur.
* Sur le courrier du 25 juillet 2018 :
Dans le courrier du 25 juillet 2018, la société Ophtalmologie Médicale fait état du ‘comportement inapproprié’ adopté par Mme [D] le 13 juin 2018 à l’encontre d’une patiente du docteur [F], Mme [O]. Cette patiente s’était plainte par courrier du 13 juin 2018 auprès du cabinet, assurant que la réceptionniste lui avait raccroché au nez sans politesse et sans lui laisser le temps de parler, ajoutant que ce n’était pas la première fois qu’elle faisait face à un tel comportement de cette secrétaire. L’employeur estimait alors que le comportement de Mme [D] était ‘inacceptable’ et lui demandait de ‘faire preuve de courtoisie et de respect à l’égard de notre patientèle’ et ‘de sang-froid en toutes circonstances’ rappelant qu’il s’agissait ‘des obligations élémentaires que [ses] fonctions de secrétaire réceptionniste [lui] imposent’.
Il mentionnait également l’existence d’une plainte déontologique déposée par une pharmacienne contre le cabinet et reprochait à Mme [D] des faits ‘d’une extrême gravité’. Il relatait que la pharmacienne avait demandé par téléphone à parler personnellement au docteur [R] afin de valider une prescription pour un enfant, que Mme [D] avait fait part de son appel à l’ophtalmologue ce, sans évoquer son souhait de lui parler personnellement et, qu’à la reprise de communication téléphonique, la salariée avait tenu des propos désobligeants.
Il invitait Mme [D] à ne pas répondre à sa place lorsqu’un confère demandait expressément à lui parler et à s’exprimer avec courtoisie et respect.
Ce courrier indique encore que ce n’était ‘pas la première fois’ que l’employeur avait ‘à déplorer de [sa] part une attitude et des propos discourtois’ mais que compte tenu de l’ancienneté de la salariée, il avait alors été fait le choix de se limiter à des ‘observations orales’.
L’employeur relevait ainsi plusieurs faits précis au regard de ses obligations contractuelles pour lesquels il mettait en garde Mme [D], lui demandant expressément ‘que de tels faits ne se reproduisent pas’ et d’en tirer les conséquences ‘pour adopter désormais un comportement conforme aux attendus du Cabinet’.
Pour autant, cette mise en garde ne révèle aucune intention de l’employeur de sanctionner les faits qui y sont rapportés, mais uniquement sa volonté d’attirer fermement l’attention de la salariée sur la nécessité de ne pas les réitérer.
Il s’en suit que le courrier du 25 juillet 2018 constitue une simple mise en garde laquelle ne présente pas la nature d’une sanction disciplinaire.
Dans ces conditions, la demande d’annulation de la sanction présentée par Mme [D] ne peut être accueillie dès lors qu’aucune sanction n’a été prononcée par cette lettre à son encontre.
Le jugement sera confirmé de ce chef.
* Sur le courrier du 17 octobre 2018 :
Dans sa lettre du 17 octobre 2018, la société Ophtalmologie Médicale fait état de remarques de mécontentement reçues de patients à l’égard de Mme [D], ‘désagréable dans ses propos et son attitude’. Plus précisément, elle indique avoir été destinataire d’un courrier d’une patiente du docteur [G] reprochant à Mme [D] d’avoir été ‘très désagréable, pas un sourire, très autoritaire , alors que nous aurions plutôt besoin de réconfort’. L’employeur assure, à juste titre, que lorsque la réceptionniste manque de courtoisie et de respect à l’égard de la patientèle, ‘c’est tout le cabinet dans son ensemble qui en pâtit en terme d’image et de réputation’. Il rappelle encore que s’il se contentait de faire des ‘observations orales’ par le passé, la réitération du comportement inapproprié de Mme [D] l’avait contraint à ‘formaliser par écrit son mécontentement’ ajoutant : ‘votre comportement est tel que nous n’avons pas d’autre choix que de vous le faire savoir par écrit’.
D’autres reproches étaient adressés à Mme [D] dans ce courrier et notamment le fait que son attitude était ‘source de tensions’ avec ses collègues de travail créant alors une ‘ambiance délétère’ mais aussi le fait qu’elle s’était permise d’enregistrer les ‘échanges lors de réunions de travail avec l’ensemble du personnel’.
La société Ophtalmologie Médicale rappelait alors à la salariée qu’une ‘relation de travail est fondée sur une confiance réciproque’ et qu’elle avait manqué ‘gravement à [son] obligation de loyauté (sans parler de la violation de la vie privée)’. Elle concluait en insistant ‘une nouvelle fois sur la nécessité impérieuse d’adopter un comportement conforme aux attendus’ du cabinet.
Il en résulte que si ce courrier d’alerte constitue une nouvelle mise en garde, certes plus insistante, de la société Ophtalmologie Médicale envers Mme [D], cependant, elle ne traduit toujours pas la volonté de l’employeur de sanctionner Mme [D].
Il s’en suit que le courrier du 17 octobre 2018 ne présente pas la nature d’une sanction disciplinaire.
Dans ces conditions, la demande d’annulation de la sanction présentée par Mme [D] ne peut être accueillie davantage dès lors qu’aucune sanction n’a été prononcée par cette lettre à son encontre.
Le jugement sera confirmé de ce chef.
– Sur la rupture du contrat de travail :
Selon l’article L. 1235-1 du code du travail, en cas de litige portant sur le licenciement, le juge, à qui il appartient d’apprécier la régularité de la procédure suivie et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l’employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties après avoir ordonné, au besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles et si un doute subsiste, il profite au salarié.
La faute grave est celle qui résulte d’un fait ou d’un ensemble de faits imputables au salarié qui constitue une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d’une importance telle qu’elle rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise.
L’employeur qui invoque la faute grave pour licencier doit en rapporter la preuve.
Il résulte des articles L.1234-1 et L.1234-9 du code du travail que, lorsque le licenciement est motivé par une faute grave, le salarié n’a droit ni à un préavis ni à une indemnité de licenciement.
En l’espèce, après rappel des observations verbales adressées à Mme [D] pour son attitude inappropriée à l’égard des patients, des entretiens annuels mentionnant la nécessité pour la salariée d’améliorer son contact avec les patients et ses collègues de travail, et enfin des courriers de rappel à l’ordre des 25 juillet et 17 octobre 2018 formalisant par écrit le mécontentement de la société Ophtalmologie Médicale, la lettre de licenciement du 29 novembre 2018 longue de six pages à laquelle il est renvoyé expressément pour une lecture exhaustive, fait état de quatre griefs qu’il convient d’examiner successivement.
Mme [D] a contesté ces manquements lors de l’entretien préalable du 23 novembre 2018 et par courriers des 19 novembre et 7 décembre 2018.
* Sur le comportement inapproprié de Mme [D] à l’égard de Mme [I], patiente du docteur [F] et le non-respect du protocole de rappel du lendemain :
La lettre de licenciement énonce ce premier motif dans les termes suivants :
‘ (…) Malgré ces deux rappels à l’ordre écrit, vous avez persisté dans votre attitude inappropriée contraire aux attendus de notre cabinet : nous avons reçu un courrier de mécontentement daté du 31 octobre 2018 d’une patiente du Docteur [F] vous reprochant un manque d’écoute dont les conséquences auraient pu être très préjudiciables pour sa santé : cette patiente a été opérée de la cataracte (oeil gauche) le 09 octobre 2018. Selon le protocole applicable, les patients sont appelés le lendemain de l’intervention chirurgicale entre 8h30 et 9h00 pour vérifier l’absence de symptômes nécessitant un rendez-vous immédiat de contrôle avec un ophtalmologiste.
Selon le planning, vous étiez en charge de rappeler tous les patients opérés à la date du 9 octobre, le lendemain de leur intervention.
Pour ce faire, notre Cabinet dispose d’une fiche préétablie recensant les questions à leur poser. À la moindre anomalie (si le patient répond défavorablement à une question de la « fiche d’appel du lendemain »), la secrétaire se doit de fixer un rendez-vous le matin même avec un médecin du cabinet.
En tout début de matinée le 10 octobre, sans attendre notre appel, la patiente constate que sa vision est opaque ; paniquée, elle appelle le service des urgences vers 7h00, lequel la renvoie vers notre cabinet pour plus de précisions ophtalmologiques.
Vers 08h30, lors de votre appel protocolisé, alors qu’elle fait état de cette opacité, vous lui répondez sèchement que « c’est normal » sans prendre la peine d’en référer à un médecin.
Vous vous permettez même de faire seule le diagnostic médical de cette vision opaque et de le consigner dans votre compte rendu d’appel (« OK mais voit floue car pupille dilatée »).
L’après-midi même, la patiente très angoissée car ne constatant aucune amélioration, rappelle le cabinet.
Vous lui répliquez « Mais Mme X, je vous ai dit ce matin qu’il fallait être patiente etc ».
Ce n’est qu’après que la patiente ait fortement insisté que vous prendrez enfin l’initiative d’en référer au Docteur [R] qui décidera de la voir immédiatement en rendez-vous. Il est 15h41.
Finalement, cette patiente a été reçue à 16h00 et il a été diagnostiqué « un oedème de la cornée très important ».
Tout acte chirurgical comporte un risque et compte tenu de votre expérience, vous le savez pertinemment.
C’est d’ailleurs la raison pour laquelle il existe un protocole très encadré et très strict au sein du cabinet pour les suivis post-opératoires.
À la moindre complication révélée par les propos du patient, sur questionnements ou pas de la secrétaire en charge de rappeler le patient, un rendez-vous doit être fixé sans délai.
Au mépris de ces règles élémentaires de suivi de la santé des patients, vous avez tardé à solliciter l’avis des Docteurs [F] et [R], ce qui a entraîné un retard de prise en charge de la patiente.
Que ce serait-il passé si notre patiente n’avait pas insisté au téléphone ‘
C’est bien votre manque d’écoute, votre manque d’empathie qui ont entraîné ce retard de prise en charge de la patiente.
C’est inacceptable car chaque heure compte dans une infection intra-oculaire.
Ce nouvel incident démontre que votre attitude porte atteinte à l’image et à la réputation de notre cabinet mais peut porter également atteinte à la santé de nos patients.
Les patients sont particulièrement sensibles à la qualité de l’écoute des secrétaires dans un cabinet médical puisque vous faites le lien entre eux et les médecins.
De notre côté, c’est une exigence professionnelle à laquelle nous tenons très particulièrement car en faisant preuve d’empathie et d’écoute, vous pouvez recueillir les informations utiles et nécessaires à une meilleure qualité de soins.
Or, depuis plusieurs mois et malgré nos mises en garde, nous déplorons de votre part un refus de vous soumettre à ces exigences.
Et plus grave encore, dans le cas de cette patiente, vous avez non seulement pris l’initiative de ne pas alerter immédiatement un médecin mais encore, vous vous êtes permise de réaliser votre propre diagnostic médical alors que cela n’est bien évidemment pas de votre responsabilité’.
La société Ophtalmologie Médicale reproche à Mme [D] de ne pas avoir respecté le 10 octobre 2018 le protocole d’rappel d’une patiente du cabinet, Mme [I], opérée la veille d’une cataracte à l’oeil gauche en s’abstenant d’alerter immédiatement le médecin et de fixer un rendez-vous de contrôle sans attendre. Elle considère également que la réceptionniste a manqué d’écoute et d’empathie à l’égard de la patiente.
Liminairement, il convient d’observer que, contrairement à ce que prétend Mme [D], ce grief a bien été évoqué lors de l’entretien préalable au licenciement le 23 novembre 2018 ainsi que le révèle le compte-rendu de cet entretien rédigé par M. [E] [N], conseiller de la salariée l’ayant assistée lors de l’entretien. De plus, ces faits datés du 10 octobre 2018 ne sauraient être considérés comme ayant déjà fait l’objet des courriers des 25 juillet et 17 octobre 2018 dès lors qu’ils ont été portés à la connaissance du cabinet par le courrier de Mme [I] du 31 octobre 2018, soit postérieurement à l’envoi des lettres précitées.
A l’appui de ce premier grief, la société Ophtalmologie Médicale communique la lettre que lui a adressée Mme [I], laquelle reprend les faits survenus le 10 octobre précédant. La patiente y relate qu’après avoir d’abord appelé les urgences ‘paniquée’ pour faire part de ses inquiétudes quant à sa vision opaque suite à son opération de la cataracte de la veille, elle a été rappelée par le cabinet Ophtalmologie Médicale dont la secrétaire lui a indiqué : ‘Mme [I], soyez patiente, c’est normal, comme indiqué sur la feuille qui vous a été remise’. Elle ajoute avoir dû rappeler le cabinet dans l’après-midi en l’absence d’amélioration, avec pour réponse : ‘mais Mme [I], je vous ai dit ce matin qu’il fallait être patiente etc etc’. Elle précise que ce n’est qu’après beaucoup d’insistance que la secrétaire lui a dit de venir dans l’immédiat voir Mme [R]. Mme [I] conclut son courrier en indiquant ‘dommage que cette personne ne soit pas suffisamment à l’écoute des patients’.
Sur la base de cette lettre, la société Ophtalmologie Médicale reproche plus précisément à Mme [D] de s’être abstenue d’aviser un médecin du cabinet dès le premier appel de la patiente malgré les anomalies que celle-ci lui décrivait, d’avoir ainsi répondu aux lieu et place du médecin, de ne pas avoir transmis la fiche de la patiente à l’ophtalmologiste et enfin d’avoir invité Mme [I] à venir immédiatement au cabinet mais ce uniquement sur insistance de la patiente.
Elle souligne que ‘cet appel du lendemain’ ne nécessitait aucune compétence médicale et que par suite il entrait dans les compétences de Mme [D] comme dans celles de toutes les autres secrétaires du cabinet. Elle communique les attestations de Mmes [U], [L] et [H], secrétaires réceptionnistes au sein du même cabinet, qui affirment qu’elles procédaient à l’appel du lendemain des patients opérés la veille, qu’il leur appartenait de poser les questions à l’aide d’un document préétabli par les médecins, de remplir ce questionnaire et surtout de prévenir ces derniers en cas de souci ou problèmes signalés par le patient.
La société Ophtalmologie Médicale verse encore aux débats le dit questionnaire, intitulé ‘fiche du lendemain’,en particulier le document rempli par Mme [D] le 10 octobre 2018 complété avec la mention : ‘OK tel aux urgences car pupille dilatée ++ – voit flou’ outre le dossier médical de Mme [I] rempli le 10 octobre par le docteur [R] à 16H36 : ‘oedème de cornée très important oeil gauche(…)’.
Enfin, la fiche ‘conseils aux opérés de la cataracte’ remise aux patients avant l’opération et produite par l’employeur mentionne en cas de ‘douleurs, d’oeil très rouge ou en cas de baisse de la vision (brouillard) (de) prévenir en urgence votre chirurgien’, avec le numéro de téléphone du cabinet en suivant.
Il est manifeste que ‘l’appel du lendemain’ instauré pour le suivi des patients opérés la veille, décrit par les secrétaires dans leur attestation, était une pratique habituelle au sein du cabinet à laquelle les médecins étaient attachés, et que cette tâche était assumée à tour de rôle par chaque secrétaire réceptionniste, que Mme [D], bien qu’ayant appelé Mme [I] opérée de la veille, et rempli le questionnaire, recevant la plainte de la patiente, n’a pas alerté particulièrement le médecin, en donnant un rendez vers 15-16H après rappel et sur insistance de Mme [I].
Pour autant, Mme [D] conteste le contenu de l’information donnée par Mme [I] affirmant que la patiente appelée au téléphone dès 8H30 le 10 octobre lui avait seulement fait part de la réponse du médecin régulateur des urgences selon laquelle ‘tout était normal et notamment la pupille dilatée à cause des collyres dilateurs de la veille et qui donnent une vision floue’, information qu’elle avait notée en marge de la fiche d’appel mise à disposition du médecin.
De fait, la mention apposée sur la fiche d’appel du lendemain par Mme [D] est en contradiction avec la vision opaque évoquée par Mme [I] dans sa lettre.
Surtout, il est constant que Mme [D] exerçait des fonctions de secrétaire réceptionniste et qu’en dernier lieu, celle-ci était classée au coefficient 205 de la convention collective nationale du personnel des cabinets médicaux . Son contrat de travail ne définit pas les dites fonctions. Mais la grille de classification des salaires minimaux au 1er janvier 2017 mentionne que le coefficient 205 correspond à des tâches ‘d’accueil, plus standard, plus traitement informatique’. De plus, les comptes-rendus d’entretien professionnel des 29 janvier 2016 et 3 avril 2018 rappellent en première page les principales missions de Mme [D] comme suit : ‘accueillir les patients, réceptionner, trier, distribuer, envoyer et assurer le suivi des messages, enregistrer les rendez-vous, gérer un agenda, saisir et mettre en forme des documents (courriers, CR opératoires…) et classer, archiver des dossiers’.
Or, il apparaît que le protocole d’appel du lendemain dans son ensemble, même exécuté au moyen d’un questionnaire prédéfini, n’entre pas dans les attributions d’une secrétaire-réceptionniste.
En effet, celui-ci emporte obligation pour la secrétaire de recueillir des informations sur l’état de santé du patient au lendemain d’une opération, et de vérifier ‘l’absence de symptômes nécessitant un rendez-vous immédiat de contrôle avec un ophtalmologiste’ ce qui relève du domaine médical.
La fiche d’appel du lendemain comporte ainsi diverses questions relatives au sommeil, aux traitements prescrits, à l’éventualité de nausées ou de maux de tête, ainsi qu’une seule question en lien avec les yeux ainsi libellée : ‘Quel est le degré de gêne oculaire : aucune/supportable= picotement ou grains de sable, sensation de corps étranger/ou insupportable’. La vision floue voire opaque n’est pas mentionnée en tant que telle de sorte qu’il revenait à Mme [D] d’apprécier si les informations reçues de la patiente constituaient ou non une anomalie, ce qui relève encore du domaine médical qui n’était pas le sien.
L’employeur rappelle dans sa lettre de licenciement qu”à la moindre complication révélée par les propos du patient, sur questionnements ou pas de la secrétaire en charge de rappeler le patient, un rendez-vous doit être fixé sans délai’, ce qui implique que la secrétaire doit apprécier l’existence ou non de ‘complications’ à partir des informations reçues de la patiente et qu’il convient de retranscrire avec exactitude et justesse.
Il est acquis aux débats que Mme [D] n’a pas suivi de formation médicale ni de formation pour exercer en qualité de secrétaire médicale et son ancienneté ne saurait suppléer cette absence de formation.
En conséquence, il ne peut être reproché à Mme [D] un manquement à une obligation qui ne relevait pas de sa qualification ni de son champ de compétence et pour laquelle elle n’avait pas été formée.
De surcroît, même à considérer que Mme [D] a failli dans les missions confiées par son employeur en omettant d’alerter le médecin malgré la plainte avérée et insistante de la patiente, ce manquement ne pourrait relever que de l’insuffisance professionnelle, laquelle ne saurait constituer une faute disciplinaire sauf à démontrer qu’elle procède d’une abstention volontaire ou d’une mauvaise volonté délibérée de la part de la salariée, ce qui n’est pas allégué en l’espèce.
Enfin, il doit être relevé que Mme [I] n’a pas entendu critiquer la réponse apportée par Mme [D] sur la forme ou le ton employé, et c’est de manière inexacte que l’employeur emploie l’adverbe ‘sèchement’ dans la lettre de licenciement, terme ne figurant pas sur l’écrit de la patiente. Les propos tenus par Mme [D] se voulaient du reste rassurants et la patiente se plaignait surtout de ne pas avoir été ‘écoutée’ compte tenu de l’inertie de la secrétaire s’abstenant d’aviser le médecin et/ou de lui donner un rendez-vous. Mais il n’est pas allégué par la patiente que celle-ci lui aurait manqué de respect ni qu’elle se serait exprimée de manière désagréable ou discourtoise.
Dès lors, les faits du 10 octobre 2018 ne révèlent aucunement la persistance de l’attitude inappropriée de Mme [D] déjà alléguée à l’occasion des courriers de mises en garde des courriers des 25 juillet et 17 octobre 2018.
Il ressort de l’ensemble de ces éléments que ce grief ne pourra être retenu comme fautif à l’encontre de Mme [D] .
* Sur les commandes d’implants intra-oculaires :
La lettre de licenciement est ainsi libellée sur ce motif :
‘Vous avez la responsabilité de commander les implants intra-oculaires. Or, à plusieurs reprises, nous avons déploré de votre part, des négligences fautives dans la gestion des dossiers pour le bloc opératoire.
La procédure est la suivante :
– le patient est vu en consultation pré-opératoire à l’occasion duquel le médecin détermine l’implant intra-oculaire qui va lui être posé le jour de l’intervention chirurgicale,
– l’ophtalmologiste concerné vous remet alors un imprimé mentionnant l’implant souhaité,
– vous retranscrivez ensuite la demande du médecin sur un imprimé que vous faxez à la Clinique.
Or :
– s’agissant de Madame [C] [M] qui a été opérée le 12 novembre 2018 par le Docteur [R] :
Le 05 octobre 2018, sans tenir compte des instructions écrites du Docteur [R], vous avez commandé le mauvais implant.
Si le Docteur [R] n’avait pas vérifié en amont les implants des patients opérés le 12 novembre, elle n’aurait pas été en possession du bon implant au bloc opératoire.
Le 09 novembre, elle s’est rendue compte de votre erreur et a immédiatement repassé une nouvelle commande.
– S’agissant de Monsieur [A] [S] qui a été opéré le 13 novembre 2018 par le Docteur [F] :
Là encore, malgré les instructions écrites du Docteur [F], aucun implant n’avait été commandé.
Le 09 novembre, il s’est rendu compte de votre oubli et une commande a dû être passée en urgence : l’implant est arrivé la veille de l’intervention.
Ces négligences fautives ne sont pas admissibles pour une personne ayant votre expérience.
Nous ne pouvons pas systématiquement passer derrière vous pour contrôler la bonne exécution de vos missions’.
La société Ophtalmologie Médicale reproche ainsi à Mme [D] des négligences fautives dans la gestion des dossiers des patients pour la préparation d’un intervention en bloc opératoire et plus précisément dans la commande d’implants intraoculaires pour deux patients.
Mme [D] conteste ce grief et affirme qu’aucune négligence fautive ne peut lui être reprochée dans la mesure où elle n’avait pas les compétences techniques et médicales pour passer des commandes spécialisées d’implants.
À l’appui de ses prétentions, l’employeur communique le dossier médical de Mme [M] et de M. [S] ainsi que l’attestation de Mme [B], collègue de travail, laquelle assure que Mme [D] ‘a fait plusieurs fois des erreurs ou des oublis de commande d’implants pour le bloc opératoire’ (pièce 5).
Le dossier médical de Mme [M] (pièces 12 et suivantes) et notamment la fiche patient, mentionnent, en conclusion de l’acte 17 du 5 octobre 2018, ‘souhait 24.5 torix xy1 AT8 5.25 100° / 26.5 toric xy 1 AT5 3.00 110°’. Il est établi qu’une commande pour un implant ‘AT4’ a été passée le 5 octobre 2018 pour la patiente Mme [M]. Compte tenu de cette erreur sur l’implant commandé, une nouvelle commande a été passée par le docteur [R] le 9 octobre 2018.
Le dossier médical de M. [S] (pièces 13 et suivantes) et notamment la fiche patient, indiquent pour l’acte 33 du 29 octobre 2018 en message ‘Fine Vision + 22.50 ODG’. L’employeur soutient qu’aucune commande n’a été réalisée par Mme [D] et qu’une commande a dû être faxée en urgence le 8 novembre 2018 pour une intervention chirurgicale le 13 novembre 2018.
Si la société Ophtalmologie Médicale rappelle la procédure pour la commande d’implants et notamment la transmission à la secrétaire d’un imprimé mentionnant l’implant souhaité, elle ne communique aucun de ces imprimés permettant de démontrer une connaissance précise de Mme [D] de l’implant à commander.
En outre, et comme cela a été considéré précédemment, Mme [D] était employée en tant que ‘secrétaire réceptionniste’ et ne possédait aucune formation médicale pour commander du matériel chirurgical spécialisé tel que des implants. Au demeurant, la salariée n’est pas critiquée lorsqu’elle indique que cette tâche incombait
auparavant à l’infirmière du bloc opératoire.
Or, si le dossier de l’employeur (pièces 40 à 43 employeur) révèle que la préparation du ‘programme bloc opératoire’ entrait dans les missions confiées aux autres secrétaires salariées au sein de la société Ophtalmologie Médicale (Mmes [P], [L], [H] et [U]), il n’est pas établi qu’il en était de même pour Mme [D].
Enfin, même à considérer que les deux erreurs relevées par l’employeur dans les commandes d’implants soient imputables à Mme [D], il ne peut qu’être rappelé comme précédemment que celles-ci relèvent tout au plus d’une insuffisance professionnelle laquelle ne saurait constituer une faute disciplinaire, en l’absence de démonstration d’une abstention volontaire ou d’une mauvaise volonté délibérée de la part de la salariée, non alléguée en l’espèce.
Il s’en suit que ce grief ne sera pas davantage retenu à l’encontre de Mme [D].
* Sur l’attitude inappropriée de Mme [D] à l’égard du docteur [F] le 25 octobre 2018 :
Ce motif est ainsi développé dans la lettre de licenciement :
‘Semaine 43, le Docteur [F] a pris des congés et s’est fait remplacer par une collègue ophtalmologiste.
Il avait informé le secrétariat qu’il passerait au cabinet récupérer quelques documents et accueillir des livreurs de mobilier de bureau le vendredi 26 octobre.
Le jeudi 25 octobre à 10h11, une de vos collègues de travail lui a adressé un SMS l’informant qu’il n’avait pas le droit de se trouver dans les locaux du Cabinet quand sa remplaçante était présente, en cas de contrôle.
À 13h46, la même secrétaire lui réadresse un nouveau SMS lui précisant que contact pris avec le Conseil de l’Ordre, il s’avérait que le Docteur [F] n’avait pas le droit de consulter ni opérer mais avait le droit de venir librement dans son cabinet.
Le Docteur [F] interloquée (par) cette manière de faire, a pris l’attache téléphonique de cette secrétaire pour comprendre ce qui pouvait justifier une telle intrusion dans la manière d’exercer son activité professionnelle.
Votre collègue lui a confirmé ce qu’elle lui avait indiqué par SMS à savoir que c’est vous qui lui avez fait part de ce que le Docteur [F] ne serait pas en droit de venir dans son cabinet quand il est remplacé, et que de ce fait, par précaution, elle s’est sentie obligée d’appeler le Conseil de l’ordre.
Or, vos fonctions ne vous autorisent pas à surveiller les faits et gestes de vos employeurs et encore moins d’inciter vos collègues à procéder à des vérifications sur la prétendue « illégalité » des actions de vos employeurs.
Ce climat de suspicion est malsain et désagréable’.
Il est fait grief à Mme [D] d’avoir eu une attitude inappropriée à l’égard du docteur [F] le 25 octobre 2018, la société Ophtalmologie Médicale prétendant que celle-ci l’a surveillé et dénoncé au Conseil de l’Ordre sa présence dans le cabinet alors qu’il était en congé et que son remplaçant était présent au sein du cabinet. Ces faits sont fermement contestés par la salariée.
Un échange de SMS entre Mme [L] et le docteur [F] du 25 octobre 2018 permet de constater que la première a informé le médecin qu’il n’avait ‘pas le droit de [se] trouver dans les locaux quand [sa] remplaçante est présente en cas de contrôle’, celle-ci ajoutant :'[J] est la demain’. Dans le second SMS, Mme [L] indiquait au docteur [F] avoir ‘appelé le conseil de l’ordre (sans donner de nom et à titre de renseignement)’ et soulignant qu’il ‘n’y a aucun souci’ à ce que le médecin soit présent dans le cabinet en même temps que son remplaçant mais qu’il n’a ‘pas le droit de consulter ou opérer’ lorsque sa remplaçante consulte pour lui. Dans ce dernier SMS, Mme [L] précise que ‘l’info venait de [J]’ (pièce 14). Pour autant cette information n’est pas suffisante pour démontrer que Mme [D] aurait pris l’initiative d’appeler le Conseil de l’Ordre. En outre, cet échange de SMS confirme que ce n’est pas Mme [D] qui a contacté le Conseil de l’Ordre mais bien Mme [L]. En tout état de cause, l’appel du Conseil de l’Ordre pour solliciter une information générale sur les droits d’un médecin, certes maladroit, ne constitue pas un comportement fautif, en l’absence d’intention malveillante caractérisée.
Enfin, la société Ophtalmologie Médicale ne démontre pas l’existence d’une surveillance du docteur [F] par Mme [D].
Ce grief sera écarté.
* Sur l’attitude inappropriée comme irrespectueuse de Mme [D] à l’égard des patients du cabinet, de ses collègues et de l’employeur à l’origine d’un climat délétère au sein du cabinet :
La lettre de licenciement énonce un dernier motif dans les termes suivants :
‘Enfin, ces manquements s’inscrivent dans une ambiance délétère dont toutes vos collègues de travail vous accusent d’être responsable et donc elles se plaignent auprès de nous.
Elles sont gênées de la manière très irrespectueuse dont vous vous comportez à l’égard des patients (par exemple, réponses à des appels téléphoniques personnels alors que des patients attendent d’être pris en charge), et la manière irrespectueuse et désobligeante dont vous parlez de nous devant elles (par exemple, en utilisant des termes comme « l’autre » ou « La [R] »).
Les patients se plaignent auprès d’elles de votre attitude désagréable et incorrecte à leur égard.
Elles vous reprochent également une attitude autoritaire et intimidante à leur égard alors même que vous ne disposez d’aucune autorité hiérarchique sur elles, ce que nous vous avons rappelé à plusieurs reprises.
Nous considérons que tous ces faits constituent une faute grave rendant impossible votre maintien même temporaire dans notre Cabinet. Votre licenciement est donc immédiat, sans préavis ni indemnité de rupture.
Votre période de mise à pied conservatoire ne vous sera pas rémunérée.
La rupture de votre contrat prendra effet à la date d’envoi du présent courrier. (…)’
À titre liminaire, Mme [D] fait valoir que lors de l’entretien préalable du 23 novembre 2018, elle n’aurait pas été entendue sur le grief relatif à une attitude inappropriée à l’égard des patients du cabinet et de ses collègues.
L’article L.1232-3 du code du travail dispose qu”au cours de l’entretien préalable, l’employeur indique les motifs de la décision envisagée et recueille les explications du salarié’.
Il résulte du compte-rendu d’entretien établi par M. [E] [N], conseiller extérieur de la salariée et non contesté par la société Ophtalmologie Médicale, qu’au cours de l’entretien du 23 novembre 2018 ont été abordés les points suivants :
– certains faits non précisés et pour lesquels M. [N] a indiqué au docteur [F] qu’ils ne pouvaient plus être mentionnés dans la procédure de licenciement compte tenu de l’absence de mise en oeuvre de procédure disciplinaire dans les deux mois suivants la connaissance des faits par l’employeur ;
– les faits relatifs à la patiente du docteur [F] et à l’origine de la mise à pied à titre conservatoire. Si la patiente n’est pas directement nommée dans le compte-rendu, M. [N] a précisé qu’il s’agissait du ‘rappel téléphonique’ ‘au lendemain d’une chirurgie de la cataracte’ ;
– les erreurs réalisées dans les commandes d’implant torique le 8 novembre 2018 et d’implant multifocal le même jour ;
– le fait que Mme [D] aurait contesté le droit du médecin de venir au cabinet médical en dehors des heures d’exercice.
La société Ophtalmologie Médicale assure que le grief relatif à l’attitude inappropriée de la salariée à l’égard des patients et de ses collègues a constitué le premier grief évoqué lors de l’entretien et qu’il s’agit de celui pour lequel M. [N] a relevé la prescription. Toutefois, en l’absence de détail permettant d’identifier le premier grief traité lors de l’entretien préalable du 23 novembre 2018, il n’est pas établi qu’il s’agissait précisément de celui relatif au comportement inadapté de Mme [D] à l’égard des patients du cabinet et de ses collègues et il n’est pas démontré que la salariée ait pu s’exprimer sur ces faits.
Cependant, le fait que certains griefs énoncés par la lettre de licenciement n’aient pas été indiqués à la salariée au cours de l’entretien préalable, caractérise une irrégularité de forme dont Mme [D] ne sollicite pas réparation et qui n’empêche pas de décider que ces griefs constituent une cause réelle et sérieuse de licenciement.
Mme [D] soutient encore qu’au regard des deux courriers des 25 juillet et 17 octobre 2018 qu’elle qualifie de sanctions disciplinaires, seuls les manquements postérieurs au 17 octobre 2018 invoqués par l’employeur doivent être analysés au titre de ce grief.
De fait, la lettre de notification du licenciement du 29 novembre 2018 débute en rappelant que ‘depuis plusieurs mois, nous avons à déplorer de votre part, entre autres, une ‘attitude inappropriée à l’égard de patients’, en précisant qu’il s’agit de ‘propos et/ou ton désagréable, irrespectueux, discourtois, insolent, pas de sourire, manque d’empathie’. Elle rappelle les observations faites sur ces points à l’occasion des échanges annuels, puis son obligation de formaliser par écrit son mécontentement par courriers des 25 juillet et 17 octobre 2018. Les faits visés expressément dans ces deux courriers n’ont pas été sanctionnés disciplinairement par l’employeur se limitant à de simples mises en garde ainsi qu’il l’indique lui-même de sorte qu’ils ne peuvent être invoqués à titre de grief à l’occasion du licenciement.
Pour autant, l’employeur est recevable à reprocher à Mme [D], dans la suite de sa lettre, la persistance de son attitude inappropriée à travers le premier grief relatif aux faits du 10 octobre 2018 examinés précédemment, et, in fine, à dénoncer son comportement irrespectueux et désagréable à l’égard des patients et de son employeur comme son attitude autoritaire et intimidante à l’égard de ses collègues ce, en se fondant sur d’autres faits précis non visés expressément par les courriers de mise en garde et dont les collègues de Mme [D] ont pu témoigner peu avant le licenciement.
En effet, la société Ophtalmologie Médicale indique que ce n’est qu’en novembre 2018 que les salariés se sont franchement ouverts auprès des médecins, en décrivant précisément ce dont ils avaient été les témoins et ce qu’ils subissaient au quotidien de sorte que ce n’est qu’à cette date, qu’elle a eu pleinement connaissance de l’ampleur et de la nature du grief, concluant à l’absence de toute prescription des faits évoqués au soutien de ce grief. Les attestations versées aux débats sont de fait datées du mois de novembre 2018 et aucun élément ne vient remettre en cause cette prise de connaissance tardive de l’employer des faits ainsi dénoncés par les salariés.
Dès lors, il convient d’examiner si ce dernier grief tel que défini est fondé ce, après avoir repris les éléments contextuels dans lequel il s’inscrit.
En premier lieu, les deux comptes-rendus d’entretien annuels du 29 janvier 2016 et du 3 avril 2018, signés des deux parties, mettaient en avant la nécessité pour la salariée d’améliorer certains points et notamment ‘les relations entre collègues de travail’ et les ‘relations avec les patients les plus difficiles’. Aux termes du compte-rendu du 29 janvier 2016, la société Ophtalmologie Médicale demandait à Mme [D] de ‘garder son calme même avec les patients les plus difficiles’ et indiquait l’existence de ‘relations parfois tendues avec les collègues de travail avec répercussions sur la cohésion du groupe’. En commentaire, la salariée avait ajouté ne pas être ‘la secrétaire ayant le plus de relations conflictuelles avec les patients’ et avoir de ‘très bonnes relations avec Mme [L]’ soulignant que ‘pour les 3 autres collègues’, elle était ‘loin d’être parfaite mais elles non plus’. Mme [D] admettait implicitement les observations tout en les nuançant.
Dans le compte-rendu du 3 avril 2018, l’employeur mentionnait ‘accueil à améliorer’ dans la section ‘qualités personnelles et comportementales’. Dans l’item relatif aux ‘relations avec les collègues de travail’, il est indiqué ‘pas de secrétaire dirigeante – ventilation des tâches – améliorer les relations avec les secrétaires remplaçantes’. En commentaire, la salariée a mentionné ‘amélioration du comportement autoritaire – problèmes de plannings avec les orthoptistes’. Enfin, l’employeur faisait état d’un nombre important de ‘plaintes des patients’ et la nécessité pour Mme [D] de présenter ‘plus d’empathie’.
En second lieu, la société Ophtalmologie Médicale communique les comptes-rendus bi-annuels de plusieurs secrétaires du cabinet et datés de 2016. Ainsi, Mme [H] faisait état d’un ‘pb relationnel avec [J]’ soulignant que celle-ci ‘souhaite gérer les agendas de tout le monde – donne des ordres – ne fait pas d’effort avec ses collègues’ (pièce 42 employeur) et, Mme [U] indiquait l’existence de ‘nombreuses critiques de [J] (humeur) (toutes concernées par ce pb)’ mettant en avant ‘la relation avec [J] par période’ dans l’item ‘difficultés rencontrées’ (pièce 43 employeur).
Le comportement inadapté de Mme [D] à l’égard des patients et des collègues a également fait l’objet de deux rappels à l’ordre par les courriers précités du 25 juillet et du 17 octobre 2018. Si ces courriers ne sont pas considérés comme une sanction disciplinaire par la cour, ils ont à tout le moins permis à Mme [D] d’être informée quant à la nécessité d’améliorer son comportement tant à l’égard de la patientèle qu’à l’égard de ses collègues.
Mme [D] conteste avoir eu un comportement inadapté tant à l’égard de ses collègues qu’à l’égard des patients du cabinet. Elle communique plusieurs attestations de patients lesquels font toutes part de son professionnalisme (pièces 26, 33 à 36, 38 à 43). La salariée produit également des échanges de SMS ou de conversations via les réseaux sociaux révélant une relation cordiale voire amicale avec certaines de ses collègues et notamment Mme [P] (pièces 27 et 46), Mme [L] (pièce 31), Mme [V] (pièce 37), Mme [U] (pièce 44) et Mme [H] (pièce 45).
Pour autant, son professionnalisme avec quelques patients et les échanges cordiaux avec ses collègues ne sont pas suffisants pour démontrer l’absence de comportement inadapté à l’égard d’autre collègues ou patients du cabinet et sont remis en cause par les attestations rédigées par les salariées du cabinet au mois de novembre 2018 afin d’informer la société Ophtalmologie Médicale de certains faits dont elles avaient été les témoins concernant Mme [D].
En effet, s’agissant de l’attitude de la salariée à l’égard de la patientèle, l’employeur évoque précisément des ‘réponses à des appels téléphoniques personnels alors que des patients attendent d’être pris en charge’, ce dont témoignent Mme [L], secrétaire, Mme [Z] orthoptiste ( ‘j’ai aussi remarqué moi-même que l’accueil des patients de Mme [D] était mauvais : elle se permettait de prendre des appels téléphoniques personnels ou de montrer des photos personnelles (vacances, chats…) à l’accueil alors que des patients attendaient d’être pris en charge’), mais aussi Mme [B], infirmière, affirmant que Mme [D] ‘fait attendre les patients qui arrivent en consultation et ne s’arrête pas de parler à ses collègues secrétaires de ses histoires personnelles ou de regarder son téléphone portable (photos, réseaux sociaux)’, comportement également constaté par Mme [Y] autre orthoptiste du cabinet. Mme [H], secrétaire, ajoute que Mme [D] ‘se permettait d’arrêter son travail pour faire ses papiers administratifs, passer des appels personnels…’.
L’attitude ‘désagréable et incorrecte’ dont se plaignent les patients et qui est mise en exergue par l’employeur est établie par Mme [Z] ayant reçu les plaintes de clients évoquant ‘le ton sec et désagréable’ ou l’agressivité de Mme [D]. Mme [B] atteste ‘lors d’une échographie des pleurs d’une patiente suite à l’accueil désagréable de Mme [D]’, clairement identifiée par la patiente (en particulier par sa couleur de cheveux et ses tatouages). Mmes [H] et [U], secrétaires, affirment que la salariée ‘se moquait et ricanait régulièrement au nez des patients pour diverses choses (retard psychologique, personnes âgées en difficulté)’, et avoir reçu des plaintes de patients au sujet de son agressivité. Mme [L] évoque même précisément un appel de Mme [D] lui signalant l’envoi de ‘l’autre taré avec qui j’ai eu un souci…’, et renouvelant l’usage de la même expression lorsque le client s’est présenté au secrétariat pour le règlement.
Enfin, Mme [H] atteste qu’il est arrivé que Mme [D] prenne ‘la décision seule de refuser des patients sans demander l’accord des médecins parce qu’ils arrivaient avec retard’.
Par ailleurs, l’attitude irrespectueuse de Mme [D] à l’égard de son employeur aussi reprochée par celui-ci dans la lettre de licenciement, en ce que celle-ci désignait auprès de ses collègues l’un des médecins en la nommant ‘la [R]’, ou ‘l’autre’, est tout aussi caractérisée par les attestations de Mmes [B] et [Z]. Cette dernière ajoute que Mme [D] l’a ‘envoyé paître et lui a mal parlé’ lorsque lors d’une consultation où elle avait sollicité son aide pour prendre des mesures.
Enfin, il est tout aussi démontré que Mme [D], qui se prévaut de son statut de secrétaire-réceptionniste, se comportait de manière autoritaire et intimidante alors qu’elle ne disposait d’aucune autorité hiérarchique, ainsi qu’en attestent notamment Mme [B] à qui Mme [D] a reproché le rangement de livres alors que selon la secrétaire, ‘nous n’avions pas à le faire, cela ne rentrait pas dans nos fonctions’ ou Mme [Y] assurant que Mme [D] se permettait ‘un droit de regard sur le planning qui ne la regardait pas’, ce qui est confirmé par Mme [B].
Les conséquences de l’attitude irrespectueuse de Mme [D] sur l’ambiance de travail au sein du cabinet sont rapportées dans les différentes attestations (Mme [H] en particulier) et l’ensemble de leurs auteurs témoigne du changement vécu sur ce point depuis le départ de la salariée, l’une d’elles évoquant une ‘meilleure cohésion et entraide’.
S’agissant de ses relations avec les patients et ses collègues, Mme [D] avait pourtant été alertée ne serait-ce qu’à l’occasion de ses entretiens professionnels sans prendre la mesure des observations reçues, assise sur une ancienneté qui ne pouvait néanmoins l’autoriser à un tel comportement.
Enfin, pour justifier le comportement reproché, Mme [D] se prévaut du ‘quotidien d’une secrétaire médicale dont le travail s’avère de plus en plus compliqué compte tenu de la forte affluence dans les cabinets d’ophtalmologie, du manque de place pour les rendez-vous et le mécontentement des patients’ et évoque le contexte lié à la pénurie de spécialistes et des incivilités répétées de la patientèle. Pour autant, il n’apparaît pas que Mme [D] ait eu à intervenir de manière désagréable en réaction à des patients particulièrement agités et en tout état de cause ce contexte ne saurait justifier l’attitude dénoncée tant à l’égard des patients, de ses collègues que de l’employeur.
En conséquence, l’ensemble de ces éléments établit l’attitude irrespectueuse de Mme [D] tant vis à vis des patients que de son employeur outre un positionnement inadapté vis à vis de ses collègues, lesquels ont contribué à la détérioration de l’ambiance générale au sein du cabinet ce, alors qu’à juste titre, la société Ophtalmologie Médicale souligne l’importance de l’accueil au sein d’un cabinet médical, assuré par le secrétariat, interface entre la patientèle et les médecins.
Dans ces conditions, il convient de considérer que ces agissements pris dans leur ensemble, caractérisent un comportement fautif constitutif d’une cause réelle et sérieuse justifiant le licenciement, sans revêtir néanmoins une importance telle qu’il rendait impossible son maintien dans l’entreprise de sorte que la faute grave ne sera pas retenue.
Le jugement sera confirmé en ce qu’il a dit que le licenciement reposait sur une cause réelle et sérieuse mais non sur une faute grave.
– Sur les conséquences financières du licenciement :
– Sur les dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et pour préjudice moral :
Le licenciement étant fondé sur une cause réelle et sérieuse, Mme [D] sera déboutée de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et pour préjudice moral.
Le jugement sera confirmé de ce chef.
– Sur le rappel de salaire au titre de la mise à pied à titre conservatoire :
La faute grave n’ayant pas été retenue par la cour, Mme [D] doit percevoir le rappel de salaire dont elle a été privée compte tenu de la mise à pied conservatoire notifiée par l’employeur et dont le montant de 1278,52 euros tel que mentionné sur son bulletin de paie de novembre 2018, n’est pas contesté subsidiairement.
Le jugement sera infirmé sur ce point et la société Ophtalmologie Médicale sera condamnée à payer à Mme [D] la somme de 1 278,52 euros brut à titre de rappel de salaire sur mise à pied conservatoire du 14 au 29 novembre 2018.
– Sur l’indemnité légale de licenciement :
Aux termes de l’article L. 1234-9 du code du travail, le salarié titulaire d’un contrat de travail à durée indéterminée, licencié alors qu’il compte 8 mois d’ancienneté ininterrompus au service du même employeur, a droit, sauf en cas de faute grave, à une indemnité de licenciement.
Les modalités de calcul de cette indemnité sont fonction de la rémunération brute dont le salarié bénéficiait antérieurement à la rupture du contrat de travail. Ce taux et ces modalités sont déterminés par voie réglementaire.
L’article R.1234-4 du même code précise que le salaire à prendre en considération pour le calcul de l’indemnité de licenciement est, selon la formule la plus avantageuse pour le salarié :
1° Soit la moyenne mensuelle des douze derniers mois précédant le licenciement, ou lorsque la durée de service du salarié est inférieure à douze mois, la moyenne mensuelle de la rémunération de l’ensemble des mois précédant le licenciement ;
2° Soit le tiers des trois derniers mois. Dans ce cas, toute prime ou gratification de caractère annuel ou exceptionnel, versée au salarié pendant cette période, n’est prise en compte que dans la limite d’un montant calculé à due proportion.
Liminairement, Mme [D] soutient que le conseil de prud’hommes n’a pas pris en compte sa prime annuelle pour le calcul de son salaire de référence et sollicite la réévaluation de celui-ci à la somme de 2 465,70 euros brut.
Il résulte des bulletins de salaire produit que la salariée a perçu une prime de 80% de son salaire brut en novembre 2017 et une prime de 30% de son salaire brut en juin 2018, soit une prime totale de 110% de son salaire brut correspondant à un montant proratisé mensuel de 207,44 euros brut (1/12ème sur l’année).
Dans ces conditions, il convient de fixer le salaire mensuel brut de Mme [D] calculé sur la moyenne mensuelle des douze derniers mois précédant le licenciement, formule la plus avantageuse pour Mme [D], à la somme de 2 465,70 euros.
Par suite, en application des articles L. 1234-9 et R.1234-1 et 2 du code du travail, Mme [D], licenciée alors qu’elle comptait 21 ans et 5 mois d’ancienneté ininterrompus au service de la société Ophtalmologie Médicale, est en droit d’obtenir, en l’absence de faute grave, une indemnité de licenciement d’un montant de 15 547,60 euros soit : (2 465,70 x 1/4 x 10 = 6 164,25 euros ) + (2 465,70 x 1/3 x 11 = 9 040,90 euros) + (2 465,70 x 1/3 x 5/12 = 342,45).
Le jugement sera infirmé à ce titre.
– Sur l’indemnité compensatrice de préavis :
Selon l’article L. 1234-5 du même code lorsque le salarié n’exécute pas le préavis, il a droit, sauf s’il a commis une faute grave, à une indemnité compensatrice, laquelle ne doit entraîner aucune diminution des salaires et avantages que le salarié aurait perçus s’il avait accompli son travail jusqu’à l’expiration du préavis, indemnité de congés payés comprise. Elle est donc égale au salaire brut, assujetti au paiement des cotisations sociales, qu’il aurait perçu s’il avait travaillé pendant la durée du préavis. Ce salaire englobe tous les éléments de rémunération auxquels le salarié aurait pu prétendre s’il avait exécuté normalement son préavis, à l’exclusion des sommes représentant des remboursements de frais.
Mme [D] est dès lors fondée à obtenir une indemnité compensatrice de préavis équivalente à deux mois de salaire au regard de son ancienneté, soit, sur la base d’un salaire mensuel brut de 2 465,70 euros, la somme de 4 931,40 euros brut outre la somme de 493,14 euros brut de congés payés afférents.
Le jugement sera infirmé quant au montant de l’indemnité compensatrice de préavis.
– Sur les frais irrépétibles et les dépens :
Le jugement sera confirmé s’agissant des dispositions relatives aux dépens et à l’application de l’article 700 du code de procédure civile.
Il est justifié d’allouer à Mme [D] la somme de 1 500,00 euros au titre des frais irrépétibles exposés en cause d’appel au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
La société Ophtalmologie Médicale, partie perdante, doit être déboutée de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile et condamnée aux entiers dépens.
PAR CES MOTIFS :
La COUR,
Statuant par arrêt contradictoire, prononcé publiquement et par mise à disposition au greffe,
INFIRME le jugement rendu par le conseil de prud’hommes d’Angers le 30 juillet 2020 en ce qu’il a :
– dit que les pièces n°75, n°76 et n°77 de Mme [D] sont recevables et débouté la SCM Ophtalmologie Médicale de sa demande de les voir écarter ;
– fixé le salaire de référence de Mme [J] [D] à la somme de 2 258,66 euros brut ;
– débouté Mme [J] [D] de sa demande de salaires retenus au titre de la mise à pied conservatoire considérée justifiée ;
– condamné la société Ophtalmologie Médicale à payer à Mme [J] [D] les sommes de 4 969,05 euros brut dont congés payés afférents à titre d’indemnité compensatrice de préavis et de 14 242,10 euros net à titre d’indemnité de licenciement ;
– débouté Mme [J] [D] de sa demande de rappel de prime annuelle au titre de l’année 2018 ;
CONFIRME le jugement pour le surplus ;
Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant :
DIT que les pièces n° 75, n°76 et n°77 communiquées par Mme [J] [D] sont irrecevables et doivent être écartées des débats ;
CONDAMNE la SCM Ophtalmologie Médicale à payer à Mme [J] [D] les sommes suivantes :
– 1 278,52 euros brut à titre de rappel de salaire sur mise à pied conservatoire du 14 au 29 novembre 2018 ;
– 15 547,60 euros à titre d’indemnité légale de licenciement ;
– 4 931,40 euros brut à titre d’indemnité compensatrice de préavis outre la somme de 493,14 euros brut de congés payés afférents ;
– 1 806,94 euros brut de rappel de prime annuelle ;
FIXE le salaire de référence de Mme [J] [D] à la somme de 2 465,70 euros brut ;
CONDAMNE la SCM Ophtalmologie Médicale à payer à Mme [J] [D] la somme de 1 500,00 euros au titre des frais exposés en cause d’appel sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
DÉBOUTE la SCM Ophtalmologie Médicale de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNE la SCM Ophtalmologie Médicale aux entiers dépens de la procédure d’appel.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,
Viviane BODIN M-C DELAUBIER