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COUR D’APPEL DE BORDEAUX
1ère CHAMBRE CIVILE
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ARRÊT DU : 14 NOVEMBRE 2023
PP
N° RG 19/05863 – N° Portalis DBVJ-V-B7D-LJUK
[L] [X] veuve [R] (décédée)
[Y] [R]
[O] [R]
SA LA MEDICALE DE FRANCE
c/
[U] [A]
CAISSE NATIONALE MILITAIRE DE SECURITE SOCIALE (CNMSS)
[Y] [R]
[O] [R]
Nature de la décision : AU FOND
Grosse délivrée le :
aux avocats
Décision déférée à la cour : jugement rendu le 11 septembre 2019 par le Tribunal de Grande Instance de BORDEAUX (chambre : 6, RG : 17/05642) suivant déclaration d’appel du 07 novembre 2019
APPELANTS :
[L] [X] veuve [R] prise tant à titre personnel qu’en qualité d’ayant droit de Monsieur [N] [R], son époux, décédé
née le [Date naissance 3] 1926 à [Localité 12], décédée le [Date décès 7] 2020
[Y] [R] pris en sa qualité d’ayant droit de Monsieur [N] [R], son père, décédé
né le [Date naissance 5] 1956 à [Localité 11]
de nationalité Française
demeurant [Adresse 10]
[O] [R] pris en sa qualité d’ayant droit de Monsieur [N] [R], son père, décédé
né le [Date naissance 1] 1959 à [Localité 13]
de nationalité Française
demeurant [Adresse 9]
SA LA MEDICALE DE FRANCE, agissant en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social sis [Adresse 8]
représentés par Maître Cécile FROUTE, avocat postulant au barreau de BORDEAUX et assistés de Maître Olivier LECLERE, avocat plaidant au barreau de PARIS
INTIMÉES :
[U] [A]
née le [Date naissance 2] 1941
de nationalité Française
demeurant [Adresse 4]
représentée par Maître Michel PUYBARAUD de la SELARL MATHIEU RAFFY – MICHEL PUYBARAUD, avocat postulant au barreau de BORDEAUX et assistée de Maître SADEGHIAN substituant Maître Jean-Christophe COUBRIS de la SELARL COUBRIS, COURTOIS ET ASSOCIES, avocats plaidants au barreau de BORDEAUX
CAISSE NATIONALE MILITAIRE DE SECURITE SOCIALE (CNMSS), prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social sis [Adresse 6]
représentée par Maître Julien PLOUTON de la SELAS JULIEN PLOUTON, avocat au barreau de BORDEAUX
INTERVENANTS :
[Y] [R] agissant en qualité d’ayant droit de son père [N] [R], décédé, et en qualité d’ayant droit de sa mère [L] [X] épouse [R], décédée le [Date décès 7] 2020
né le [Date naissance 5] 1956 à [Localité 11]
de nationalité Française
demeurant [Adresse 10]
[O] [R] agissant en qualité d’ayant droit de son père [N] [R], décédé, et en qualité d’ayant droit de sa mère [L] [X] épouse [R], décédée le [Date décès 7] 2020
né le [Date naissance 1] 1959 à [Localité 13]
de nationalité Française
demeurant [Adresse 9]
représentés par Maître Cécile FROUTE, avocat postulant au barreau de BORDEAUX et assistés de Maître Olivier LECLERE de l’ASSOCIATION LECLERE & Associés, avocat plaidant au barreau de PARIS
COMPOSITION DE LA COUR :
L’affaire a été examinée le 03 octobre 2023 en audience publique, devant la cour composée de :
Madame Paule POIREL, Président
Madame Bérengère VALLEE, Conseiller
Monsieur. Emmanuel BREARD, Conseiller
Greffier lors des débats : Mme Véronique SAIGE
Le rapport oral de l’affaire a été fait à l’audience avant les plaidoiries.
ARRÊT :
– contradictoire
– prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
* * *
EXPOSE DU LITIGE ET DE LA PROCÉDURE
Mme [U] [A] a bénéficié de soins de traitement des varices par sclérose dans le cabinet des docteurs [N] et [L] [R], médecins phlébologues à [Localité 11], à compter du 14 septembre 1983 et a subi 19 séances de sclérothérapie jusqu’au 16 avril 1986.
Le 6 novembre 1998, à l’occasion d’un bilan biologique prescrit par un chirurgien vers lequel son médecin traitant l’avait dirigée, la sérologie de l’hépatite C est retrouvée positive, de même que la recherche de l’ARN du virus C, avec un génotype de type 2.
Le 5 juillet 1999, un traitement par bithérapie associant Interferon et Ribavirine a été mis en place puis, stoppé le 21 décembre 1999, en raison de la disparition de l’ARN viral. Le bilan hépatique s’est normalisé par la suite et les différents contrôles de l’ARN viral ont montré la disparition du virus.
Imputant sa contamination par le virus de l’hépatite C aux soins de sclérose de varices pratiquées par les docteurs [R], Mme [U] [A] a saisi en référé le tribunal de grande instance de Bordeaux aux fins de désignation d’un expert.
Par ordonnance du 29 septembre 2008, le Juge des référés a désigné le docteur [S] [T] en qualité d’expert, lequel a déposé son rapport le 5 août 2009.
Le 17 avril 2009, M. [N] [R] est décédé.
Le 6 juillet 2011, une ordonnance de non-lieu a été rendue dans le cadre de l’information judiciaire ouverte à l’encontre des époux [R], les magistrats instructeurs ayant constaté, outre l’extinction de l’action publique à l’égard du Dr [R], que l’information n’avait pas permis de caractériser la preuve de fautes d’asepsie et d’hygiène de la part des mis en examen et que le lien de causalité entre les éventuelles fautes et la contamination de leurs patients par le virus de l’hépatite C n’était pas établi.
Par exploits d’huissier en date des 1er, 2, 6 et 9 juin 2017, Mme [U] [A] a fait assigner devant le tribunal de grande instance de Bordeaux Mme [L] [X] veuve [R], MM. [Y] et [O] [R] et la SA La Médicale de France et la Caisse Nationale Militaire de Sécurité Sociale, sur le fondement de l’article 1147 du code civil, aux fins constatation d’un lien de causalité entre les actes médicaux pratiqués par les docteurs [R] et sa contamination par le virus de l’hépatite C et de réparation de ses préjudices.
Par jugement en date du 11 septembre 2019, le tribunal de grande instance de Bordeaux a :
– dit que le lien de causalité entre les actes de sclérose de varices pratiqués par le docteur [N] [R] et la contamination de Mme [U] [A] au virus de l’hépatite C est établi, engageant la responsabilité du docteur [N] [R] sur le fondement de l’article 1147 ancien du code civil,
– dit que la SA La Médicale de France est tenue de garantir Mme [L] [X] veuve [R] et MM. [Y] et [O] [R] en leur qualité d’ayants droit du docteur [N] [R] des conséquences dommageables de la contamination par le virus de l’hépatite C dont a été victime Mme [U] [A],
– fixé les préjudices de Mme [U] [A], à la somme de 15 275 €, décomposée comme suit :
* Déficit fonctionnel temporaire (D.F.T.) : 2 275 €
* Souffrances endurées (S.E.) : 10 000 €
* Préjudice esthétique temporaire : 1 500 €
* Déficit fonctionnel permanent (D.F.P.) : rejet
* Préjudice spécifique de contamination : 1 500 €,
– condamné Mme [L] [X] veuve [R], M. [Y] [R] et M. [O] [R], in solidum avec eux la SA Médicale de France à payer à Mme [U] [A] la somme de 15 275 € en réparation de son préjudice corporel,
– condamné Mme [L] [X] veuve [R], M. [Y] [R] et M. [O] [R], in solidum avec la SA La Médicale de France à payer à Mme [A] la somme de 2.000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
– dit que l’ensemble de ces condamnations porteront intérêt au taux légal à compter du jugement,
– débouté les parties du surplus de leurs demandes,
– ordonné l’exécution provisoire,
– condamné Mme [L] [X] veuve [R], M. [Y] [R] et M. [O] [R], in solidum avec la SA La Médicale de France aux entiers dépens en ce compris les frais de référé et d’expertise,
– dit que les avocats en la cause en ayant fait la demande, pourront, chacun en ce qui le concerne, recouvrer sur la partie condamnée ceux des dépens dont ils auraient fait l’avance sans avoir reçu provision en application de l’article 699 du code de procédure civile.
Par déclaration électronique en date du 7 novembre 2019, les consorts [R] et La Médicale de France ont interjeté appel de ce jugement en toutes ses dispositions.
Mme [L] [X] veuve [R] est décédée le [Date décès 7] 2020.
La compagnie La Médicale de France et MM. [Y] et [O] [R], ès qualités d’héritiers de Mme [L] [X] veuve [R] et de M. [N] [R], Par dernières conclusions en intervention volontaire déposées le 22 mars 2021, demandent à la cour de :
Infirmer le jugement du 11 septembre 2019 en toutes ses dispositions,
I. SUR L’IMPUTABILITÉ
– constatant, le caractère contradictoire des critères retenus par l’expert qu’ils soient anamnèsiques, virologiques ou épidémiologiques,
– constatant qu’il n’existe aucune présomption grave précise et concordante permettant de rattacher les scléroses de varices à la contamination de Mme [A] par le virus de l’hépatite C,
– juger que le lien de causalité entre les scléroses de varices pratiquées par le Docteur [N] [R] et la contamination de Mme [A] par le virus de l’hépatite C fait défaut,
En conséquence,
– débouter Mme [A] de l’ensemble de ses demandes,
– condamner la demanderesse à verser à la Médicale de France et aux consorts [R] la somme de 4.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– la condamner aux entiers dépens qui seront directement recouvrés par Maître Cécile Froute, Avocat à la Cour, conformément à l’article 699 du code de procédure civile,
II. A DÉFAUT, SUR LE PRÉJUDICE
– déclarer prescrite ou, à défaut mal fondée, l’action de Mme [A] tendant à l’indemnisation de son préjudice spécifique de contamination et la débouter de cette demande,
– la débouter également de ses demandes de réparation du DFP et du préjudice esthétique temporaire,
– juger que l’indemnisation du DFTP ne saurait excéder la somme de 1 800 € et celle des souffrances endurées celle de 6 000 €,
– statuer ce que de droit sur les dépens.
Mme [U] [A] dans ses dernières conclusions en date du 1er septembre 2023 comportant appel incident sur le montant de ses préjudices, demande à la cour de :
Confirmer le jugement du tribunal de grande instance de Bordeaux en date du 11 septembre 2019 en ce qu’il a considéré établi le lien de causalité entre les actes de sclérose de varices pratiqués par le Docteur [N] [R] et la contamination de Mme [U] [A] par le virus de l’hépatite C, engageant la responsabilité des Docteurs [R] sur le fondement de l’article 1231-1 du Code Civil,
Confirmer le jugement du Tribunal de Grande Instance de Bordeaux en date du 11 septembre 2019 en ce qu’il a dit que la SA la Médicale de France est tenue de garantir Mme [L] [X], veuve [R], Messieurs [Y] et [O] [R], en leurs qualité d’ayants droit du Docteur [N] [R] des conséquences dommageables de la contamination par le virus de l’hépatite C dont a été victime Mme [U] [A],
Réformer le jugement du tribunal de grande instance de Bordeaux en date du 11 septembre 2019 quant à l’évaluation de préjudices subis par Mme [U] [A] et les fixer comme suit :
* 23.625 € au titre des préjudices extra-patrimoniaux temporaires
* 7.000 € au titre des préjudices extra-patrimoniaux permanents
* 18.000 € au titre du préjudice spécifique de contamination,
– condamner en conséquence Mr [Y] [R], Mr [O] [R] sous garantie de la Médicale de France, à verser à Mme [U] [A] les sommes ci-dessus, en réparation du préjudice subi.
– juger que ces sommes porteront intérêts de droit y afférents.
– juger que l’arrêt à intervenir sera commun à l’organisme social.
– débouter les appelants de toutes demandes contraires,
– condamner Mr [Y] [R], Mr [O] [R], sous garantie de la Médicale de France, à verser à Mme [U] [A] une somme de 3.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens.
La Caisse Nationale Militaire de Sécurité Sociale dans ses dernières conclusions en date du 29 juillet 2020, demande à la cour de :
– constater son désistement d’instance et d’action,
– dire que la Caisse Nationale Militaire de Sécurité Sociale conservera à sa charge ses propres dépens.
L’affaire a été fixée à l’audience collégiale du 3 octobre 2023.
L’instruction a été clôturée par ordonnance du 19 septembre 2023.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Il convient de constater le désistement d’instance et d’action de la Caisse Nationale Militaire de Sécurité Sociale intervenu alors qu’aucune partie n’avait encore formulé d’appel incident ou de demande reconventionnelle à son encontre, en sorte que le désistement est parfait.
Sur le fond :
I – Sur la responsabilité du Dr [R] :
Le tribunal, tout en observant que Mme [A] n’avait pas été séquencée dès lors qu’elle était guérie au moment de l’expertise a retenu un lien de causalité entre les actes de scléroses de varices pratiquées par le Dr [R] et la contamination de Mme [A] par le virus de l’hépatite C, de génotype 2, ayant retenu des présomptions précises, graves et concordantes en ce sens que:
-Mme [A] ne présentait pas de facteurs de risques,
-il existait une possibilité de contamination croisée avec d’autres patientes ayant présenté un génotype et sous génotype viral identique en regard d’un recoupement des dates de consultation de ces patientes avec celles de Mme [A],
-les mauvaises conditions d’asepsie et notamment la pratique du ‘pot commun’ permettaient de retenir un risque de contamination ressortant des pratiques du Dr [R].
Mme [A] demande la confirmation de cette décision dès lors qu’elle était exempte de facteurs de risques, qu’elle a présenté un génotype commun à celui de nombre de patientes du Dr [R] alors que par ailleurs elle a consulté le Dr [R] à des dates voisines de certaines de ses patientes également contaminées et ayant présenté un génotype identique et qu’ont été mises en évidence au sein du cabinet du Dr [R] des pratiques à risque en termes d’aseptie.
Les appelants demandent au contraire de réformer cette décision qui ayant fait fi des facteurs de risques importants présentés par Mme [A] du fait notamment d’une appendicectomie, d’une mammectomie bilatérale et d’un remplacement de prothèse mammaire, ne pouvait conclure à une possible contamination croisée par recoupement de dates entre les consultations de patientes qui n’ont pas toutes été séquencées avec celles des consultations de Mme [A] qui ne l’a pas davantage été, ne permettant pas d’isoler une source de contamination commune, alors que le seul génotype 2 dont les études ont démontré qu’il était particulièrement présent dans la région bordelaise a surtout été mis évidence auprès de patients traités au CHU de [Localité 11] et qu’enfin, les affirmations d’une pratique à risque concernant l’utilisation d’un flacon unique sont formellement contredites par les éléments du dossier et notamment les témoignages d’anciennes salariées du Dr [R] et ont été exclues par l’instruction.
Selon l’article 1147 du code civil, dans sa version antérieure à l’ordonnance du 10 février 2016, applicable au présent litige, le débiteur est condamné, s’il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts, soit à raison de l’inexécution de l’obligation, soit à raison du retard dans l’exécution, toutes les fois qu’il ne justifie pas que l’inexécution provient d’une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu’il n’y ait aucune mauvaise foi de sa part.
La contamination d’un patient par le virus de l’hépatite C à l’occasion d’une sclérose de varices, constitue, si elle est avérée, une infection nosocomiale apparue au cours ou au décours d’un acte de soin alors qu’il en était exempt antérieurement.
Le droit en vigueur à la date des soins subis par Mme [A], antérieur à la loi du 4 mars 2002, mettait à la charge du médecin, quel que soit le lieu où ces soins étaient prodigués, cabinet de ville ou établissement de soins, une obligation de sécurité de résultat, le devoir d’asepsie constituant une obligation fondamentale du médecin dont il ne pouvait se libérer qu’en rapportant la preuve d’une cause étrangère.
Reposait alors sur le patient la seule preuve du lien de causalité entre l’infection et les soins prodigués, la preuve du dommage étant insuffisante. Toutefois, la preuve du lien de causalité entre les soins et l’infection pouvait être rapportée par tous moyens et spécialement par des présomptions graves, précises et concordantes.
Sont allégués comme constitutifs d’indices graves, précis et concordants l’absence de facteurs de risques, une source commune d’infection par un génotype 2 très présent chez les patientes du Dr [R] positive au VHC, une contamination croisée avec d’autres patientes par recoupement des dates de consultations et des conditions d’asepsie à risque.
Il convient de rappeler que d’un point de vue juridique, la présomption n’est pas la preuve mais simplement la vraisemblance que l’on retire d’un événement déterminé lorsque la preuve serait très difficilement rapportable, en sorte que les consorts [R] ne sauraient reprocher aux premiers juges de n’avoir pas rapporté la preuve que Mme [A] aurait été infestée par le virus de l’hépatite C au décours de ses séances de scléroses de varices au cabinet du Dr [R] entre le 14 septembre 1983 et le 16 avril 1986.
a ) s’agissant de l’absence de facteurs risques, comme c’est le cas en matière épidémiologique, il n’est pas critiquable qu’il ne repose que sur les énonciations du sujet. Toutefois, contrairement à ce que reprochent les consorts [R], le tribunal a bien tenu compte ici notamment d’une appendicectomie subie par Mme [A] en 1951, d’une mammectomie bilatérale en 1977 pour des mastoses récidivantes avec pose prothèses, changées en février 1998, mais il a pris le soin de noter, conformément au rapport d’expertise, que ces interventions n’avaient pas donné lieu à transfusion.
Par ailleurs, le tribunal qui a écarté tous soins d’acupuncture, de masothérapie ou de pédicure, toute toxicomanie, port de tatouage ou de piercing, a suivi l’expert lorsque celui ci conclut que ‘les antécedents de Mme [A] permettent probablement d’exclure la majorité des facteurs de risques retrouvés dans la recherche de l’infection par le VHC’ et il n’a pas exclu tout facteur de risque mais a justement retenu que Mme [A] ‘ne présentait pas de facteurs de risques suffisamment sérieux et nombreux au moins équivalents à celui de la sclérose de varices pour imputer l’infection de Mme [A] par le VHC à d’autres causes que la sclérose de varices’.
Il importe peu que Mme [A] n’ait été détectée positive au virus de l’hépatique C que le 6 novembre 1998, soit 12 ans après les faits supposés de contamination tant il est constant que le virus de l’hépatite C peut demeurer très longtemps asymptomatique ou pauci-asymptomatique et d’ailleurs, les consorts [R] n’hésitent pas à considérer comme possible facteur de risque des interventions encore antérieures remontant aux années 1951 ou 1973.
Il s’y ajoute le nombre important de séances (19) ayant décuplé le facteur de risque de contamination au cabinet du Dr [R].
b ) s’agissant du génotype de type 2, il n’est effectivement pas en soi la preuve d’une source de contamination commune au cabinet du Dr [R]. En effet, si une étude épidémiologique locale a mis en évidence que sur 59 patients de la région bordelaise ayant présenté une hépatite C génotype 2 ayant subi des scléroses de varices, la moitié étaient des patients du Dr [R], l’étude portait à l’origine sur 200 patients porteurs de ce génotype dont 165 n’avaient aucun lien avec le cabinet du Dr [R], en sorte que le génotype 2 étant très présent en région Bordelaise, cet élément ne constituait pas la preuve d’une contamination commune au cabinet du Dr [R], dès lors notamment que Mme [A] n’avait pas fait l’objet d’un séquençage qui aurait permis d’identifier un sous génotype.
Cependant, Mme [A] n’est pas tenue de rapporter la preuve d’une contamination commune au cabinet du Dr [R] et force est d’observer que le génotype qu’elle a présenté, commun aux patientes ayant été infectées chez le Dr [R], ne permet pas d’exclure la possibilité d’une contamination de Mme [A] au cabinet du Dr [R], selon une probabilité demeurant très sérieuse.
c ) Le fait d’isoler un sous génotype commun pour des individus présentant un génotype identique lorsque ceux-ci ont été exposés aux mêmes facteurs de risques en même temps, en tenant compte d’une durée de survie du virus admise de 16 heures à 4 jours, permet de conclure à une très forte probabilité de contamination croisée finalement assez proche de la preuve que Mme [A] n’est toutefois pas tenue de rapporter et l’absence de séquençage de Mme [A] ne permet pas d’ exclure la possibilité d’une contamination croisée avec mesdames [Z], [P] et [G] ayant toutes trois présenté un génotype 2 et sous génotype 2c-2d et qui ont subi des soins le même jour, la veille ou deux jours avant Mme [A], ainsi que l’ont justement retenu les premiers juges.
Mme [A] observe, joignant le tableau des dates actualisées des patientes du Dr [R], lequel n’est pas en soi contesté, qu’elle a également été traitée le même jour que Mme [B] au cabinet du Dr [R], le 9 octobre 1980, et à deux reprises le lendemain ou le surlendemain après Mme [W], lesquelles n’ ont pas fait l’objet d’un séquençage mais dont le tribunal a retenu un lien d’imputabilité entre leur infection par le VHC et les scléroses de varices subies chez le Dr [R], mais en l’état il n’est pas allégué que ces condamnations sont définitives.
Quoi qu’il en soit, il s’évince de l’ensemble une probabilité sérieuse de contamination croisée répétée avec au moins trois patientes du Dr [R] soignées le même jour ou peu de temps avant elle.
d) Mme [A] a évoqué lors de son audition de très mauvaises conditions d’hygiène tenant à des tables de soins peu soignées avec la présence de sang séché sur les tables et une pratique consistant à compléter une seringue dans des flacons de liquide sclérosant entammés, dite du ‘pot commun’, qui constitue une pratique à risque.
Le fait que d’anciennes salariées du Dr [R] n’ayant plus de lien avec lui au moment de leur attestation, aient contesté avoir assisté à de telles pratiques ou que des contrôles d’hygiène menés en 1990/1992, soit plusieurs années après les faits de contamination allégués, n’aient pas mis en évidence de pratiques contraires aux règles alors en vigueur, n’est pas de nature à remettre en cause ce qui a été exprimé par Mme [A] à cette occasion, également rapporté par de nombreuses patientes, peu important que celles ci aient vu leurs propres demandes d’indemnisation rejetées.
Il résulte également du rapport d’expertise de Mme [E] (pièce 30 de l’intimée page 7) qu’en phlébologie, jusqu’en 1990/91, date de la prise en compte d’un risque de transmission virale par le sang, l’usage des séringues en verre était très répandu et même conseillé pour éviter certaines complications, que leur stérilisations se faisaient principalement avec des Poupinel qui présentaient des incertitudes de garanties en termes de stérilisation et que dans le cas du Dr [R] (page 8) celui-ci a pu prouver qu’il existait des aiguilles stériles à compter de janvier 1986 et seulement à partir d’octobre 1990 des séringues à usage unique, de sorte que Mme [A] qui a été soignée entre 1983 et avril 1986 s’est trouvé exposée à un risque majeur de contamination.
Il importe peu par ailleurs que les règles d’hygiène alors pratiquées aient été conformes à la réglementation en vigueur (seringues, aiguille, stérilisation) et qu’aucune infraction pénale n’ait pu être relevée, dès lors que le droit civil s’attache ici à la mise en évidence du seul lien de causalité entre l’intervention du praticien et le dommage lequel peut être évincé, par présomptions, de l’existence de pratiques à risque, même conformes à la réglementation alors en vigueur.
En définitive, il apparaît que Mme [A] n’a jamais été exposée à un facteur de risque au moins aussi important que celui de la sclérose de varices subie à 19 reprises au cabinet du Dr [R] entre 1983 et 1986 dans des conditions d’asepsie présentant un risque objectif majeur de contamination; qu’elle a présenté un génotype 2 retrouvé dans une proportion de 86% dans la clientèle du Dr [R] alors même que dans la moyenne française ce génotype présente une fréquence inférieure à 10% ne permettant pas d’exclure, même n’ayant pas été séquencée, une possible source de contamination commune au cabinet du Dr [R], y compris croisée, de manière répétée avec au moins trois autres patientes ayant subi des soins chez le Dr [R] à des dates suffisamment proches de celles de Mme [A], ayant présenté un sous génotype 2c-2d ou n’ayant pas été séquencées.
Il est ainsi permis d’ évincer de l’ensemble des indices graves, précis et concordants de ce que Mme [A] a été contaminée par le virus de l’hépatite C au cabinet du Dr [R] à l’occasion de 19 séances de scléroses de varices entre septembre 1983 et avril 1986.
A défaut de rapporter la preuve d’une cause étrangère exonératrice le jugement est confirmé en ce qu’il a retenu que la responsabilité du Dr [N] [R] était engagée sur le fondement des dispositions de l’article 1147 du code civil.
II – Sur l’indemnisation des préjudices de Mme [A] :
La réalité des préjudice de Mme [A] n’est pas subsidiairement contestée étant remis en cause, par l’appel des consorts [R] et de la société La Médicale l’indemnisation du préjudice spécifique de contamination jugée prescrite, le DFT et les souffrances endurées, tandis que Mme [A] remet en cause son indemnisation au titre des préjudices extra-patrimoniaux temporaire et permanent et le préjudice spécifique de contamination, étant observé qu’aucun poste de préjudice patrimonial n’a été retenu par le jugement dont appel.
I – Sur l’indemnisation des préjudices extra- patrimoniaux :
A ) Les préjudices extra-patrimoniaux temporaires (avant consolidation):
* le DFT :
Suivant le rapport d’expertise, le tribunal a fixé ce préjudice à la somme de 2 275 euros sur la base de :
-un déficit temporaire total d’une journée correspondant à une hospitalisation de 24 heures pour la réalisation d’une biopsie, soit 25 euros,
-un déficit temporaire partiel à 50 % durant 6 mois de juillet à décembre 1999, sur une base mensuelle de 750 euros, soit 2 250 euros.
Les appelants contestent le montant de ce préjudice proposant une base d’indemnisation de 600 euros par mois soit, à hauteur de 50 % sur six mois, une somme de 1 800 euros. Cependant, il convient de confirmer la décision entreprise en ce qu’elle a justement fixé ce préjudice sur une base mensuelle de 750 euros de même qu’en ce qu’elle y a ajouté la journée d’hospitalisation, comme ressortant du rapport d’expertise, sur la base de 25 euros pour une biopsie du foie pendant laquelle l’incapacité de Mme [A] a été totale.
Mme [A] conteste la décision qui a refusé l’indemnisation d’une troisième période de 6 mois à 30 %, allant de janvier à juin 2000, postérieure au traitement, pour laquelle elle se plaint des effets secondaires de celui-ci notamment sous forme d’asthénie, maux de tête ou malaises, mais alors que le tribunal relevait qu’il n’en était pas justifié et qu’au contraire il ressortait du rapport d’expertise que l’arrêt du traitement avait marqué la fin des symptômes invalidants dont elle était affectée, force est de constater la carence probatoire de Mme [A] devant la cour.
Le jugement qui a fixé son préjudice de ce chef à la somme de 2 275 euros est en conséquence confirmé.
* les souffrances endurées temporaires :
Elles ont été évaluées par 3,5/ 7 par l’expert au regard de toutes les doléances de la victime (asthénie, syndrôme grippal, prurit, céphalées, syndrôme depressif avec idée suicidaire, et le pretium doloris propre à la biopsie du foie), à l’exception des troubles cutanés pour lesquels l’expert a exclu tout lien entre le traitement et/ou la maladie hépatique et des troubles cutanés.
Il a été alloué de ce chef une somme de 10 000 euros qui est contestée de part et d’autre, Mme [A] reprochant à l’expert d’avoir sous évalué le quantum de ce préjudice et les appelants estimant qu’au regard de la ‘nomenclature Mornet’ ce préjudice ne saurait dépasser la somme de 6 000 euros.
Cependant, il est observé que tous les symptômes décrits par Mme [A] correspondent à ceux retenus par l’expert ou qui ont été écartés de manière circonstanciée et que si elle insiste sur des symptômes qu’elle aurait éprouvés avant même que ne soit décelée la maladie hépatique, il résulte du rapport d’expertise (page 17) qu’elle avait mis les difficultés de type asthénie sur le compte du traitement et qu’il n’a pas été fait état de souffrances antérieures à celui-ci qui auraient pu être mises en relation avec la maladie hépatique.
Dès lors, en fixant le montant de ce préjudice à la somme de 10 000 euros au regard de la cotation de l’expert qui apparaît avoir pris en compte les doléances de Mme [A], le tribunal a pris la juste mesure de ce préjudice, ce en quoi le jugement est confirmé.
* le préjudice esthétique temporaire :
L’expert a retenu un préjudice esthétique temporaire du fait de la chute de cheveux qu’il n’a pas chiffré mais le tribunal a fixé le montant de ce préjudice à la somme de 1500 euros.
Ce montant doit être confirmé dès lors que Mme [A] se plaint aussi d’un amaigrissement et d’un prurit pour lesquels elle ne verse cependant aux débats aucun élément permettant à la cour d’exercer son pouvoir d’appréciation et notamment aucune photographie en sorte que ses seules doléances ne sauraient suffir à évaluer ce préjudice à 3/7, la somme de 500 euros proposée en défense, apparaissant au contraire ne tenir qu’insuffisamment compte de la répercussion qu’a eu pour Mme [A] la perte de ses cheveux, même temporaire.
Le jugement est en conséquence confirmé de ce chef.
B) Les préjudices extra patrimoniaux permanents (après consolidation) :
* le déficit fonctionnel permanent :
Le tribunal a rejeté cette demande à défaut de preuve que Mme [A] conserve des séquelles que l’expert n’a pas retenues, ce que les appelants demandent de confirmer.
Mme [A] insiste au contraire sur les séquelles qu’elle conserve, malgré la consolidation, qu’elle estime en lien avec le traitement de l’hépatite C ou la maladie hépatique elle-même et produit un unique certificat de son médecin traitant en date du 8 avril 2019 mentionnant ‘Problème de digestion, douleurs hépatiques et asthénie avec bilan hépatique perturbé’. Elle précise par ailleurs qu’elle conserve depuis les faits litgieux un état dépressif.
Cependant, c’est par une juste analyse des éléments du dossier que le tribunal a débouté Mme [A] de sa demande de ce chef alors que selon le rapport d’expertise la maladie hépatique est définitivement guérie depuis l’arrêt du traitement, qu’il n’y a pas de déficit physiologique en lien avec l’hépatite C et que, s’ agissant des souffrances endurées, l’expert notait qu’à distance de l’événement il n’y avait pas de séquelles ayant modifié l’ensemble de ses activités et que Mme [A] était guérie sans séquelles.
Dans ce contexte, le certificat médical du Dr [M] du 8 avril 2019, qui se contente d’évoquer ‘un état de santé non stabilisé à ce jour’ est insuffisant pour conclure à la persistance de séquelles imputables à la maladie ou au traitement que l’expert n’avait pas constatées au jour de l’expertise, aucun élément ne venant davantage étayer ses doléances quant à l’incidence de la maladie ou du traitement sur son état psychique actuel, en sorte que le jugement est également confirmé de ce chef.
C) Sur le préjudice spécifique de contamination :
Le tribunal a exactement rappelé que ce préjudice dans le cadre de la contamination par le VHC a vocation à indemniser l’ensemble des préjudices personnels tant physiques que psychiques en lien avec la seule contamination virale et qu’à ce titre il inclut les angoisses et répercussions spécifiques en termes de craintes, y compris latentes, relativement l’espérance de vie ou la crainte des souffrances ainsi que les perturbations de tous ordres susceptibles d’en résulter dans la vie personnelle, sociale, familaile et sexuelle du sujet, mais à l’exclusion du préjudice à caractère personnel résultant du déficit fonctionnel permanent ou des souffrances endurées. Il a encore rappelé qu’à cet égard, la guérison ne fait nullement obstacle à l’indemnisation d’un tel préjudice qui se trouve alors circonscrit à la période au cours de laquelle ont été ressenties les angoisses et perturbations spécifiques liées à la contamination.
Ayant en l’espèce tenu compte de l’âge de Mme [A], ce qu’elle a eu connaissance de sa contamination par le virus de l’hépatite C en novembre 1998, qu’elle a débouté un traitement en juillet 1999 et que sa sérologie s’est avérée négative en décembre 1999 et une amélioration de son état constatée dès le 2 février 2000, avec guérison constatée le 7 février 2000, avec selon l’expert un très faible taux de rechute de 0,05 % et de son âge le tribunal a alloué à Mme [A] une somme de 1500 euros en réparation de ce préjudice.
Les appelants demandent à la cour d’infirmer le jugement entrepris de ce chef et de constater la prescription de la demande sur ce fondement en application des dispositions de l’article 2262 ancien et 2224 du code civil, le point de départ de la prescription quinquennale étant en la matière la date de la connaissance de l’exposition au risque.
Mme [A] ne conclut pas de ce chef.
Aux termes des dispositions de l’article L 1142-28 du code de la santé publique, dans sa version résultant de la loi du 5 mars 2002, ‘les actions tendant à mettre en cause la responsabilité des professionnels de santé ou des établissements de santé publics ou privés à l’occasion d’actes de prévention, de diagnostic ou de soins se prescrivent par dix ans à compter de la consolidation du dommage’.
La consolidation correspond à la fin de la maladie traumatique, c’est-à-dire la date, fixée par l’expert médical, de stabilisation des conséquences des lésions organiques et physiologiques, cette date marquant la frontière entre les préjudices à caractère temporaire et ceux à caractère définitif.
Le caractère évolutif de certaines pathologies, comme, par exemple, une contamination par le virus de l’hépatite C, peut cependant constituer un obstacle à la fixation d’une date de consolidation et conduit alors à reporter le point de départ du délai de prescription, voire à constater que le délai de prescription n’a pu commencer à courir.
La Cour de cassation a ainsi retenu que le délai de prescription ne peut commencer à courir en cas de pathologie évolutive, en l’absence de consolidation du dommage (Civ. 1ère, 12 novembre 2015, n°14-17.146).
Le Conseil d’Etat a quant à lui jugé qu’avait commis une erreur de droit une cour administrative d’appel qui avait jugé que la consolidation de l’état de santé d’une personne contaminée par le virus de l’hépatite C était acquise à la date à laquelle ses trouble s’étaient stabilisés à la suite d’un traitement, alors qu’à cette date, l’intéressée était encore porteur du virus de l’hépatite C et demeurait par suite atteinte d’une pathologie évolutive et que la disparition du virus avait été constatée sept ans après (CE, 25 octobre 2017, req. 404998).
Certains préjudices échappent néanmoins à toute idée de consolidation de la victime. Il s’agit notamment du préjudice lié à une contamination par un virus de type hépatite C.
Le préjudice de contamination est en effet un préjudice autonome à caractère essentiellement moral, qui peut exister et être indemnisé en l’absence de tout dommage corporel né de la contamination.
Il est défini comme le préjudice résultant pour une victime de la connaissance de sa contamination par un agent exogène, quelle que soit sa nature (biologique, physique ou chimique), qui comporte le risque d’apparition, à plus ou moins brève échéance, d’une pathologie mettant en jeu le caractère vital.
Existant indépendamment de toute notion de consolidation, sa prescription ne peut relever des dispositions de l’article L 1142-28 du code de la santé publique qui fixe le point de départ de celle-ci à la consolidation du dommage.
Dès lors en revanche que le préjudice de contamination naît de la connaissance de celle-ci par la victime, le point de départ de la prescription doit être fixé à la date de la révélation de la contamination à la victime, conformément aux dispositions de droit commun.
En effet, selon les dispositions de l’article 2262 du code de procédure civile dans sa rédaction antérieure à la réforme de la prescrition du 17 juin 2008, toutes les actions, tant réelles que personnelles, sont prescrites par trente ans, sans que celui qui allègue cette prescription soit obligé d’en rapporter un titre ou qu’on puisse lui opposer l’exception déduite de la mauvaise foi.
L’action en responsabilité contractuelle avant la réforme avait pour point de départ la manifestation du dommage, soit en matière de préjudice de contamination la révélation même de la contamination. L’article 2224 du code civil, né de la réforme du 17 juin 2008 entrée en vigueur le 19 juin 2008, a ramené le délai de prescription de 30 ans à 5 ans pour les actions personnelles ou mobilières.
Selon les dispositions transitoires de la loi du 17 juin 2008 (article 26-II) les délais plus courts de prescription se sont appliqués immédiatement à compter du 19 juin 2008 aux prescriptions en cours non encore acquises à cette date, sous réserve de ne pas dépasser le délai de prescription initiale. En revanche, elles ont laissé subsister le point de départ de la prescription qui est demeuré soumis à la loi ancienne.
Il est constant qu’en l’espèce la manifestation du dommage permettant d’agir se situe pour Mme [A] à la date du 6 novembre 1998 où elle a eu connaissance de sa contamination par le virus de l’hépatite C en sorte qu’elle pouvait agir jusqu’au 6 novembre 2028; qu’à la date de l’entrée en vigueur de la loi, le 19 juin 2008, alors que la prescription de son action n’était pas acquise, le délai d’action s’est trouvé réduit à 5 ans, en sorte que Mme [A] se devait d’agir en réparation de ce préjudice au plus tard le 19 juin 2013 et qu’à la date de l’assignation en justice des 1er et 9 juin 2017 son action était prescrite.
Même à supposer que Mme [A] n’ait pu agir qu’à compter du rapport de l’expert [T] en date du 5 août 2009, date à laquelle l’imputabilité de son infection au cabinet [R] était affirmée, la prescription quinquenale issue de l’article 2224 du code civil était en tout état de cause acquise à la date de la délivrance de l’acte introductif d’instance.
Il convient en conséquence d’infirmer le jugement en ce qu’il a alloué à Mme [A] une indemnisation de 1 500 euros en réparation de ce préjudice et de déclarer irrecevable comme prescrite la demande de Mme [A] au titre d’un préjudice de contamination.
Succombant pour l’essentiel en leur recours les appelants en supporteront les dépens et seront équitablement condamnés à payer à Mme [U] [A] une somme de 3 000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La Cour
Constate le désistement d’instance et d’action de la Caisse Nationale Militaire de Sécurité Sociale.
Constate le dessaisissement partiel de la cour.
Dit que la Caisse Nationale Militaire de Sécurité Sociale conserve la charge de ses propres dépens.
Confirme le jugement entrepris sauf en ce qu’il a statué sur le préjudice spécifique de contamination,
Statuant à nouveau de ce chef et y ajoutant:
Déclare irrecevable comme prescrite la demande indemnitaire de Mme [U] [A] au titre d’un préjudice spécifique de contamination.
En conséquence
Fixe le préjudice corporel de Mme [A] à la somme de 13 775 euros ainsi décomposée :
* Déficit fonctionnel temporaire (D.F.T.) : 2 275 €
* Souffrances endurées (S.E.) : 10 000 €
* Préjudice esthétique temporaire : 1 500 €
Condamne in solidum M.M. [Y] et [O] [R], en leur qualité d’ayants droit de Mme [L] [X] veuve [R] et de M. [N] [R], et la SA La Médicale de France à payer à Mme [A] une somme de 13 775 euros au titre de son préjudice corporel avec intérêt au taux légal à compter du jugement entrepris.
Condamne in solidum M.M. [Y] et [O] [R], en leur qualité d’ayants droit de Mme [L] [X] veuve [R] et de M. [N] [R], et la SA La Médicale de France à payer à Mme [A] une somme de 3 000 euros au titre de ses frais irrépétibles d’appel.
Condamne in solidum M.M. [Y] et [O] [R], en leur qualité d’ayants droit de Mme [L] [X] veuve [R] et de M. [N] [R], et la SA La Médicale de France aux dépens du présent recours.
Le présent arrêt a été signé par Madame Paule POIREL, président, et par Madame Véronique SAIGE, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le Greffier, Le Président,