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Copies exécutoiresREPUBLIQUE FRANCAISE
délivrées le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 6 – Chambre 11
ARRET DU 06 SEPTEMBRE 2022
(n° , 14 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 20/05126 – N° Portalis 35L7-V-B7E-CCGRW
Décision déférée à la Cour : Jugement du 27 Novembre 2019 -Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de PARIS CEDEX 10 – RG n° F 19/02976
APPELANT
Monsieur [R] [P] [X] [Y]
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représenté par Me Frédéric LALLEMENT, avocat au barreau de PARIS, toque : P0480
INTIMEE
S.A.S. CAFAN
[Adresse 4]
[Adresse 4]
[Localité 2]
Représentée par Me Muriel DELUMEAU, avocat au barreau de PARIS, toque : B0967
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 12 Avril 2022, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame Anne HARTMANN, Présidente de chambre, chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :
Madame Anne HARTMANN, Présidente de chambre,
Madame Isabelle LECOQ-CARON, Présidente de chambre,
Madame Laurence DELARBRE, Conseillère,
Greffier, lors des débats : Madame Manon FONDRIESCHI
ARRET :
– contradictoire
– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
– signé par Madame Anne HARTMANN Présidente de chambre, et par Madame Manon FONDRIESCHI, Greffière présente lors du prononcé.
RAPPEL DES FAITS, PROCÉDURE ET MOYENS DES PARTIES
M. [R] [Y], né en 1961, a été engagé par la société SAS Cafan (sous l’enseigne Morgan), par un contrat de travail à durée indéterminée à compter du 15 avril 1999 en qualité de graphiste.
Les relations contractuelles entre les parties étaient soumises à la convention collective nationale des maisons à succursales de vente au détail d’habillement.
Par lettre du 16 janvier 2018, la SAS Cafan a proposé à M. [Y] une modification de son contrat de travail pour motif économique, consistant en un changement d’horaire d’un temps plein à un temps partiel d’une durée de 24 heures hebdomadaires avec un salaire mensuel brut ramené à 1856,19 euros, avec effet à compter du 1er mars 2018.
Par courriel en date du 28 février 2018, M. [Y] a refusé cette proposition de modification de son contrat de travail.
Par lettre datée du 8 juin 2018 remise en main propre, la société Cafan a convoqué M. [Y] à un entretien préalable à un licenciement fixé au 18 juin 2018.
Par lettre du 28 juin 2018, la société Cafan a notifié à M. [Y] son licenciement pour motif économique.
A la date du licenciement, M. [Y] avait une ancienneté de 19 ans et 3 mois et la société Cafan occupait à titre habituel plus de dix salariés.
Contestant à titre principal la validité et à titre subsidiaire la légitimité de son licenciement et réclamant diverses indemnités, M. [Y] a saisi le 10 avril 2019 le conseil de prud’hommes de Paris qui, par jugement du 27 novembre 2019, auquel la cour se réfère pour l’exposé de la procédure antérieure et des prétentions initiales des parties, a statué comme suit:
– Déboute M. [R] [Y] de l’ensemble de ses demandes,
– Déboute la SAS Cafan sous l’enseigne Morgan de sa demande fondée sur les dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile,
– Condamne M. [R] [Y] aux dépens.
Par déclaration du 29 juillet 2020, M. [Y] a interjeté appel de cette décision, notifiée par lettre du greffe adressée aux parties le 10 juillet 2020.
Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 25 février 2022, M. [Y] demande à la cour de :
– Le dire et juger bien fondé en son appel à l’encontre du jugement contradictoirement rendu en premier ressort par le Conseil de Prud’hommes de PARIS, Section Commerce, Chambre 1, le 27 novembre 2019 ,
– infirmer le jugement du Conseil de Prud’hommes de PARIS rendu le 27 novembre 2019 en toutes les dispositions faisant grief à M. [Y], en ce qu’elle l’a débouté de l’ensemble de ses demandes, ci-après rappelées, et l’a condamné aux dépens :
* Dommages et intérêts pour licenciement illicite et/ou sans cause réelle et sérieuse : 105.278,40euros
* Dommages et intérêts pour non-respect de l’obligation d’adaptation : 105.287,40euros
* Dommages et intérêts pour violation des critères de l’ordre des licenciements : 105.278,40euros
* Dommages et intérêts pour non réponse dans les délais des critères de licenciement : 35.092,80euros
* Dommages et intérêts pour préjudices distincts : 35.092,80 euros
* Dommages et intérêts pour manquements de l’employeur à ses obligations pendant l’exécution du contrat de travail et préjudices subis (pressions, harcèlement moral’) : 105.278,40euros
* Indemnité au titre de l’article 700 du Code de Procédure Civile :3.000euros
* Intérêts au taux légal à compter de la date de saisine
* et capitalisation des intérêts
* et Dépens
* Remise sous astreinte de 100euros par jour de retard pour chacun d’entre eux, à compter du prononcé du jugement à intervenir, par la société Cafan des effets personnels restant dus.
Et statuant à nouveau :
– le déclarer recevable autant que bien fondé en l’ensemble de ses demandes,
– constater que la demande de dommages et intérêts pour non-respect de l’obligation d’adaptation est une demande additionnelle incidente rattachée aux prétentions originaires par un lien suffisant,
– dire et juger que la demande de dommages et intérêts pour non-respect de l’obligation d’adaptation est également recevable comme toutes ses autres demandes,
– rejeter par conséquent la fin de non- recevoir relative à cette demande formée par la société Cafan,
Y faisant droit ;
La présente Cour ne pourra que:
– constater, dire et juger qu’il a été victime de discriminations et de harcèlement,
– constater, dire et juger qu’il a été victime de traitement différencié en raison de son âge,
– constater, dire et juger que la société Cafan a violé et détourné les dispositions légales protectrices de travail en matière de licenciement économique,
– constater, dire et juger qu’aucune des conditions ne sont réunies pour justifier son licenciement dit économique ,
– constater, dire et juger que la société Cafan n’a pas respecté son obligation de reclassement,
– constater, dire et juger que la société Cafan n’a réalisé aucun effort de formation et d’adaptation,
– constater, dire et juger que la société Cafan a eu un comportement fautif à l’origine du licenciement notifié à M. [Y],
– constater, dire et juger que le licenciement prononcé pour motif économique n’est pas fondé,
– constater, dire et juger que la société Cafan n’a pas non plus respecté son obligation d’adaptation,
– constater, dire et juger que la société Cafan n’a pas respecté l’ordre des licenciements,
– constater, dire et juger que la société Cafan n’a pas respecté le délai de réponse à la demande du salarié pour connaître les critères de l’ordre des licenciements,
– constater, dire et juger que le licenciement de M. [Y] est Nul ET En tout cas dépourvu de cause réelle et sérieuse,
– condamner la société Cafan à lui régler les sommes suivantes :
* 105.278,40 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement illicite et/ou sans cause réelle et sérieuse,
* 43.3866 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse (subsidiaire),
* 105.278, 40 euros à titre de dommages et intérêts pour non-respect de l’obligation d’adaptation,
* 105.278, 40euros à titre de dommages et intérêts pour violation des critères de l’ordre des licenciements,
* 35.092,80 euros à titre de dommages et intérêts pour non réponse dans les délais des critères de licenciement,
* 35.092,80euros à titre de dommages et intérêts pour préjudices distincts,
* 105.278,40euros à titre de dommages et intérêts pour manquements de l’employeur à ses obligations pendant l’exécution du contrat de travail et préjudices subis,
– ordonner la remise, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, par la société Cafan à M. [Y] de chacun des documents ci-après :ses effets personnels,
– condamner la société Cafan à lui régler la somme de 6.000 euros au titre des frais irrépétibles de l’article 700 du Code de Procédure civile.
– dire et juger que toutes les condamnations porteront intérêt au taux légal à compter de la date de la saisine avec capitalisation des intérêts légaux,
– débouter la société Cafan de toutes ses éventuelles demandes reconventionnelles, fins et prétentions,
– condamner la société Cafan à régler à lui les entiers dépens de première instance et d’appel, dont distraction pour ceux d’appel au profit de la SELARL BDL AVOCATS.
Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 15 février 2022, la société Cafan demande à la cour de :
– confirmer en toutes ses dispositions le jugement prononcé par le Conseil de prud’hommes en date du 27 novembre 2019,
En conséquence,
– débouter M. [Y] de l’ensemble de ses demandes, fins et prétentions,
Statuant de nouveau:
1. Sur l’irrecevabilité de la demande nouvelle :
– constater que la demande de dommages et intérêts pour non- respect de l’obligation d’adaptation est une demande nouvelle ;
– dire et juger irrecevable la demande de dommages et intérêts pour non-respect de l’obligation d’adaptation ;
2. Sur la demande de nullité du licenciement :
– constater que le licenciement pour motif économique est étranger à toute mesure discriminatoire ;
– constater que le licenciement pour motif économique est étranger à toute mesure relevant du harcèlement moral ;
– débouter M. [Y] de sa demande de nullité du licenciement.
3. Sur le bien-fondé du licenciement pour motif économique :
– constater que la société Cafan démontre avoir été confrontée à des difficultés économiques avérées et persistantes l’ayant contrainte à proposer une modification du contrat de travail de M. [Y] ;
– constater que l’ensemble du secteur d’activité de vente de prêt-à-porter du Groupe Beaumanoir est confronté à une baisse d’activité ;
En conséquence :
A titre principal :
– constater que le licenciement pour motif économique de M. [Y] est bien fondé ;
– débouter M. [Y] de l’ensemble de ses demandes, fins et prétentions.
A titre subsidiaire :
– limiter le montant des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse à la somme de 8.773,20 euros bruts,
4. Sur le respect de l’obligation de reclassement :
– constater que la société Cafan a respecté son obligation de reclassement,
– débouter en conséquence M. [Y] de sa demande formulée à ce titre.
5. Sur l’ordre des licenciements :
– constater que la société Cafan n’avait pas à arrêter d’ordre des licenciements ;
– débouter en conséquence M. [Y] de sa demande formulée à ce titre.
6. Sur le respect de l’obligation d’adaptation :
– constater que la société Cafan a respecté son obligation d’adaptation,
– débouter en conséquence M. [Y] de sa demande formulée à ce titre.
7. En tout état de cause :
– débouter M. [Y] du surplus de ses demandes ;
– condamner M. [Y] au paiement d’une somme de 4.000 euros en application des dispositions de l’article 700 du CPC ;
– condamner ce dernier aux entiers dépens.
L’ordonnance de clôture a été rendue le 30 mars 2022 et l’affaire a été fixée à l’audience du 12 avril 2022.
Pour un plus ample exposé des faits, des prétentions et des moyens des parties, la cour se réfère à leurs conclusions écrites conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.
SUR CE, LA COUR :
Il convient de rappeler à titre liminaire que par application de l’article 954, alinéa 3 du code de procédure civile, la cour ne statuera que sur les prétentions énoncées au dispositif des écritures des parties en cause d’appel, ce que ne sont pas au sens de ces dispositions des demandes visant seulement à ‘dire’ ou ‘constater’ un principe de droit ou une situation de fait.
Sur la recevabilité de la demande de dommages et intérêts pour non- respect de l’obligation d’adaptation
Tout en sollicitant la confirmation du jugement déféré, la société Cafan demande à la cour de constater que la demande de dommages intérêts pour non-respect de l’obligation d’adaptation de l’employeur est nouvelle et comme telle irrecevable.
M. [Y] a formulé sa demande d’indemnité à ce titre en demandant dans le dispositif à la cour de constater que celle-ci en tant que demande additionnelle incidente se rattache aux prétentions originaires par un lien suffisant.
Le jugement déféré a dans sa motivation déclaré irrecevable cette demande comme n’ayant pas été visée dans la saisine initiale du conseil mais sans reprendre cette disposition dans le dispositif.
Il est constant qu’aux termes de l’article 70 alinéa 1 du code de procédure civile les demandes reconventionnelles ou additionnelles ne sont recevables que si elles se rattachent aux prétentions originaires par un lien suffisant.
En l’espèce, la cour retient que la demande d’indemnité formée pour le manquement de l’employeur pour non-respect de ce dernier de l’obligation d’adaptation présente un lien suffisant avec les demandes de contestation du licenciement économique et indemnitaires initiales dès lors qu’elles étaient en outre fondées sur le même contrat de travail.
Par conséquent, ajoutant au jugement déféré, la cour rejette l’exception d’irrecevabilité de cette demande.
Sur la nullité du licenciement économique à raison de la discrimination et du harcèlement moral
Pour infirmation du jugement déféré, M. [Y] soutient que son licenciement économique est nul à raison d’une discrimination du fait de son âge et d’un harcèlement moral subi qui a dégradé ses conditions de travail, que par ailleurs le motif économique invoqué par la société Cafan n’est pas fondé et que les recherches de reclassement n’ont pas été loyales.
Pour confirmation de la décision déférée, la société Cafan réplique que le salarié est défaillant dans la charge de la preuve qui lui incombe d’établir des faits précis et concordants laissant supposer l’existence d’une discrimination et de présenter des faits laissant supposer l’existence d’un harcèlement. La société Cafan fait valoir quant à elle que le licenciement reposait sur un motif économique.
Aux termes de l’article L. 1132-1 du code du travail « aucune personne ne peut être écartée d’une procédure de recrutement ou de l’accès à un stage ou à une période de formation en entreprise, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l’objet d’une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, telle que définie à l’article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d’adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations, notamment en matière de rémunération, au sens de l’article L. 3221-3, de mesures d’intéressement ou de distribution d’actions, de formation, de reclassement, d’affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat en raison de son origine, de son sexe, de ses moeurs, de son orientation ou identité sexuelle, de son âge, de sa situation de famille ou de sa grossesse, de ses caractéristiques génétiques, de son appartenance ou de sa non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation ou une race, de ses opinions politiques, de ses activités syndicales ou mutualistes, de ses convictions religieuses, de son apparence physique, de son nom de famille, de son lieu de résidence ou en raison de son état de santé ou de son handicap ».
Au soutien de la discrimination dont il estime avoir été victime à raison de son âge, M. [Y] expose qu’il est le seul à avoir été licencié ( y compris parmi les salariés ayant le diplôme de styliste) que la société a cherché à se débarrasser de lui malgré son engagement et sa disponibilité afin de le remplacer par des salariés plus jeunes, ce qu’elle a fait en recrutant des personnes plus jeunes et que la société a utilisé à mauvais escient les critères d’ordre de licenciement.Ces éléments laissent supposer l’existence d’une discrimination.
Aux termes de l’article L. 1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. En vertu de l’article L. 1154-1 du code du travail, dans sa rédaction issue de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 applicable en la cause, lorsque survient un litige relatif à l’application des articles L. 1152-1 à L. 1152-3 et L. 1153-1 à L. 1153-4, le candidat à un emploi, à un stage ou à une période de formation en entreprise le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l’existence d’un harcèlement.Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement. Il résulte de ces dispositions que, pour se prononcer sur l’existence d’un harcèlement moral, il appartient au juge d’examiner l’ensemble des éléments invoqués par le salarié, en prenant en compte les documents médicaux éventuellement produits, et d’apprécier si les faits matériellement établis, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l’existence d’un harcèlement moral au sens de l’article L. 1152-1 du code du travail. Dans l’affirmative, il revient au juge d’apprécier si l’employeur prouve que les agissements invoqués ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
Comme faits laissant supposer l’existence d’un harcèlement moral, M. [Y] invoque :
– une distribution des projets pouvant être multiple et variée émanant de différents pôles sans ordres ni directives précises de nature à le déstabiliser,
-l’absence de réponse à ses mails de demande de validation de dessins ou de départ de projet ou des réponses tardives en fin de journée,
– le fait qu’à compter de début 2017 il n’a plus été convié aux salons professionnels indispensables pour être tenu au courant des tendances métier, notamment le stand de Design de Première Vision (malgré une invitation dans ce sens pour le compte de Morgan) ni même à certaines réunions de travail,
– le refus de certains jours de congés ou de RTT,
– le fait d’être moqué dénigré ou humilié,
– la dégradation de son état de santé du fait des agissements subis et du stress induit.
Il produit aux débats :
– différents courriels justifiant des projets multiples et variés émanant de plusieurs pôles (pièces 58 à 100) ;
– des courriels restés sans réponse ou de réponses tardives,
– des messages de congés refusés (pièces 75,92 et 101)
– un carnet de notes d’octobre 2017 février et mars 2018 dans lequel il a consigné des moqueries ou dénigrement le concernant.(pièce 107)
-les ordonnances médicales et l’ avis d’arrêt de travail du 9 janvier 2018.
La cour en déduit que M. [Y] présente des faits qui dans leur ensemble permettent de supposer l’existence d’un harcèlement moral.
La société Cafan soutient quant à elle que le licenciement reposait sur un motif économique.
La lettre de licenciement datée du 28 juin 2018 était ainsi libellée :
« (…)Au regard de l’ensemble des démarches qui ont été les nôtres pour tenter de préserver votre poste de travail.nous nous voyons contraints de vous notifier votre licenciement pour motif économique.
1) Le contexte du marché de L’HABILLEMENT
Après six années consécutives de baisse significative (en moyenne 2% de recul par an), le marché français du prêt a porter féminin s’est stabilisé depuis 2014, sans toutefois repartira la hausse.
Alors qu’une reprise des ventes était attendue en 2015. le marché a malheureusement terminé sur une tendance stable, freiné par les attentats de novembre 2015 et une météo trop clémente.
La diminution constatée du volume des ventes (-0,7% en 2015) n’ a pas pu être compensée par l’augmentation des prix de vente et les ouvertures de points de vente. aboutissant a un chiffre d’affaires proche de la stabilité.
(…)
2) Le contexte du groupe BEAUMANOIR
C’est dans ce contexte économique extrêmement détérioré, que le Groupe est contraint de remettre en cause ses organisations et ses implantations pour rester compétitif et ne pas avoir a payer demain son inaction d’aujourd’hui.
Le Groupe BEAUMANOIR, acteur sur le marché du prêt à porter, est naturellement, comme les autres groupes du secteur, affecté par cette baisse de la consommation et ce depuis plusieurs exercices.
Quelques chiffres suffisent a illustrer la réelle perte de vitesse économique que le groupe connait maintenant depuis plus de 5 ans.
Nos chiffres d’affaires. a périmètre constant diminuent chaque année depuis 2011/l2 (entre -2 et -6%). Nous constatons :
o une décroissance de plus en plus forte du trafic sur nos réseaux.
° une pression de la démarque. Nous accordons beaucoup plus de démarques sur les dernières années années à nos clientes (nos taux de démarque ont augmenté de 5 points en 5 ans] pour répondre à la demande et aux nouvelles habitudes de consommation de nos clientes.
Nos coûts d’achats augmentent sur les dernières années, avec l’augmentation du coût de la main d’oeuvre( Chine Bangladesh. Cambodge notamment) ainsi que la variation du dollar.
Tous ces éléments ainsi que rallongement des délais d’approvisionnement liés notamment à notre sourcing grand import (en Chine, Inde et Bangladesh) nous amènent aujourd’huí à revoir en profondeur notre stratégie sourcing. pour retrouver une agilité et réactivité, que l’on avait il y a une dizaine d’année, pour faire face au marché.
A ces indicateurs commerciaux déjà alarmants. s’ajoutent des frais de fonctionnement qui augmentent fortement d’année en année. A titre d’exemple, la multiplication du nombre d’implantations a conduit à une multiplication par 5 des frais de personnel et les loyers en 9 ans. alors que le chiffre d’affaires n’a pas augmenté dans les mêmes proportions.
Si le résultat opérationnel courant s’est redressé, on reste loin du niveau d’il y a deux ans. du toit notamment d’une forte baisse du chiffre d’affaires.
Cette dynamique est dangereuse, et menace nos activités et donc à plus long terme nos emplois.
La santé économique de Morgan. qui perd plus de dix millions d’euros chaque année depuis trois ans impacte évidemment les résultats du Groupe.
3) la Société CAFAN
L’exercice fiscal 2016/201 7 s’est avéré un exercice noir pour MORGAN caractérisé par une baisse des revenus et une baisse des marges a hauteur de -8%. La conséquence directe de ces facteurs est une création de valeur qui a très fortement baissé et qui ne permet plus de couvrir les salaires et autres charges (financières et exceptionnelles).
Le résultat d’exploitation est déficitaire depuis quatre exercices consécutifs :
– 2014/2015 :-11 millions d’euros :
– 2015/2016 :-9.7 millions d’euros :
– 2016/2017 :-18 millions d’euros:
– 2017/2018 :-9.5 millions d’euros.
Il est estimé sur l’exercice en cours a -7.3 millions d’euros.
Les pertes financières se sont accentuées. Sur 201612017, la société CAFAN aura perdu un peu plus de 21.6 millions d’euros soit 1,8 millions de pertes par mois (hors effet de saisonnalité). Sur 2017 :2018, elles restent lourdes, -15.3 millions d’euros. Ci-dessous le détail des pertes nettes :
– 2014/2015 :-942 .000 euros ;
– 201512016 :-14.6 millions d’euros ;
– 2016/2017 :-21.6 millions d’euros.
– 2017/2018 :- 15.8 millions d’euros.
Les difficultés économiques de ia société CAFAN sont donc bien avérées. ‘
En ce qui concerne l’exercice en cours sur 20l8/2019, le résultat net prévisionnel ne s’améliorera que très peu et restera déficitaire. estimé -14 millions d’euros.
Il est donc nécessaire de mener des actions de fond pour redresser l’entreprise :réorganisation. Amélioration de la performance.
La diminution de l’activité et les difficultés financières qui caractérisent la marque Morgan ont conduit la Direction à revoir à la baisse les besoins en infographisme.
Dès lors. pour des raisons purement d’organisation liées a notre situation économique actuelle. vous avez été informé le 16 janvier 2018 par Mme [J] [T], Directrice de l’Offre, que la société était contrainte d’envisager. une diminution du contrat horaire du poste de Graphiste que vous occupez à temps complet au sein de la société, le portant à 24 heures hebdomadaires à compter du 1er mars 2018.
Par courrier recommandé avec accusé de réception du 8 février 2018. vous avez demande un certain nombre de précisions, que nous vous avons apportées par message électronique du 22 février 2018. prolongeant dès lors votre délai de réflexion au 1er mars 2018.
Par courtier électronique du ler mors 2018, vous nous avez finalement confirmé refuser la proposition de modification de votre contrat de travail pour motif économique.
Afin d’optimiser nos recherches de reclassement et de vous proposer des .postes correspondant a vos souhaits, nous vous avons remis en main propre, le 3 mai dernier un questionnaire visant o connaître votre mobilité professionnelle et géographique. Vous nous avez indiqué n’être mobile qu’à 20 kilomètres autour de votre domicile.
Nous vous avons également remis a cette occasion l’ensemble des postes disponibles au sein du Groupe Beaumanoir.
Vous avez refusé ces offres de reclassement par courrier du IO moi 2018.
Nous vous avons ensuite soumis la liste actualisée des postes à pourvoir au sein du Groupe Beaumanoir par courrier recommandé avec accusé de réception du 25 mai 2018, postes que vous avez refusés par courrier électronique du 4 juin 2018.
Notez également que nous avons adressé le 24 mai dernier votre CV aux entreprises adhérentes de la Fédération des enseignes de l’habillement pour faciliter votre reclassement. sans que cela ne donne suite positive.
En conséquence, suite à votre refus de diminution de votre contrat horaire et nous trouvant dans l’impossibilité de vous reclasser. nous avons été contraints d”envisager votre licenciement et nous vous avons donc reçu au cours d’un entretien le 18 juin dernier.
Les postes disponibles au sein du Groupe vous ont été proposés une ultime fois et vous avez fait part de votre refus de reclassement sur les postes proposés.
En conséquence. suite ù votre refus de modifier un élément essentiel de votre contrat de travail et étant dans l’impossibilité de vous reclasser au sein de l’entreprise ou du Groupe BEAUMANOIR. nous vous informons que nous sommes contraints de procéder à votre licenciement pour motif économique.(…) ».
Aux termes de l’article L1233-3 du code du travail, dans sa version applicable au litige :
« Constitue un licenciement pour motif économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d’une suppression ou transformation d’emploi ou d’une modification, refusée par le salarié, d’un élément essentiel du contrat de travail, consécutives notamment :
1° A des difficultés économiques caractérisées soit par l’évolution significative d’au moins un indicateur économique tel qu’une baisse des commandes ou du chiffre d’affaires, des pertes d’exploitation ou une dégradation de la trésorerie ou de l’excédent brut d’exploitation, soit par tout autre élément de nature à justifier de ces difficultés.
Une baisse significative des commandes ou du chiffre d’affaires est constituée dès lors que la durée de cette baisse est, en comparaison avec la même période de l’année précédente, au moins égale à :
a) Un trimestre pour une entreprise de moins de onze salariés ;
b) Deux trimestres consécutifs pour une entreprise d’au moins onze salariés et de moins de cinquante salariés ;
c) Trois trimestres consécutifs pour une entreprise d’au moins cinquante salariés et de moins de trois cents salariés ;
d) Quatre trimestres consécutifs pour une entreprise de trois cents salariés et plus ;
2° A des mutations technologiques ;
3° A une réorganisation de l’entreprise nécessaire à la sauvegarde de sa compétitivité ;
4° A la cessation d’activité de l’entreprise.
La matérialité de la suppression, de la transformation d’emploi ou de la modification d’un élément essentiel du contrat de travail s’apprécie au niveau de l’entreprise.
Les difficultés économiques, les mutations technologiques ou la nécessité de sauvegarder la compétitivité de l’entreprise s’apprécient au niveau de cette entreprise si elle n’appartient pas à un groupe et, dans le cas contraire, au niveau du secteur d’activité commun à cette entreprise et aux entreprises du groupe auquel elle appartient, établies sur le territoire national, sauf fraude.
Pour l’application du présent article, la notion de groupe désigne le groupe formé par une entreprise appelée entreprise dominante et les entreprises qu’elle contrôle dans les conditions définies à l’article L. 233-1, aux I et II de l’article L. 233-3 et à l’article L. 233-16 du code de commerce.
Le secteur d’activité permettant d’apprécier la cause économique du licenciement est caractérisé, notamment, par la nature des produits biens ou services délivrés, la clientèle ciblée, ainsi que les réseaux et modes de distribution, se rapportant à un même marché.
Les dispositions du présent chapitre sont applicables à toute rupture du contrat de travail résultant de l’une des causes énoncées au présent article, à l’exclusion de la rupture conventionnelle visée aux articles L. 1237-11 et suivants et de la rupture d’un commun accord dans le cadre d’un accord collectif visée aux articles L. 1237-17 et suivants. ».
Il est de droit que la cause économique d’un licenciement s’apprécie au niveau de l’entreprise ou, si celle-ci fait partie d’un groupe, au niveau du secteur d’activité du groupe dans lequel elle intervient et qu’il incombe à l’employeur de démontrer, dans le périmètre pertinent, la réalité et le sérieux du motif invoqué.
Il est acquis aux débats que la société Cafan appartient au groupe Beaumanoir qui comprend tel que cela ressort des pièces versées au dossier (notamment la lettre de licenciement) en outre les sociétés, Cache Cache, Breal, Scottage, Bonobo Jeans dont il n’est pas discuté qu’elles interviennent dans le même secteur d’activité de prêt à porter.
Or si la société Cafan établit en produisant pour partie ses liasses fiscales de 2015 à 2018 avoir été confrontée à des difficultés économiques persistantes caractérisées par un résultat net d’exploitation déficitaire sur plusieurs exercices ainsi qu’une marge brute déficitaire et un excédent d’exploitation négatif dès 2015, elle se borne dans ses écritures à affirmer que l’ensemble de l’activité du groupe Beaumanoir est confronté à une baisse d’activité en affirmant que toutes les enseignes de prêt à porter du groupe ont vu leur résultat opérationnel s’effondrer sans l’établir autrement qu’en se basant sur un extrait du rapport de l’expert-comptable du comité d’entreprise sur le comptes annuels de 2017 (pièce 24 page 72) qui indique sans aucune autre pièce justificative à l’appui « En 2017, le chiffre d’affaire du groupe a baissé de -7,5% soit un peu plus de -73 M€ de revenus en moins, après une année 2016 en croissance(…) » alors même que l’appelant a été licencié le 28 juin 2018 et que les difficultés économiques doivent s’apprécier à la date de la rupture.
La cour observe ainsi que le souligne M. [Y] qu’aucun bilan comptable n’a été produit au niveau du groupe et encore moins au niveau du secteur d’activité du groupe venant corroborer les chiffres avancés dans la lettre de licenciement (faisant état en outre d’une amélioration du résultat opérationnel courant pour l’exercice 2017/2018 passant de -8,4 M€ à 10M€) et alors même que la fiche du site Beaumanoir évoquait « Au cours de l’année 2018 le Groupe a dépassé le cap des 2600 points de vente dans le monde » et surtout précisait « Avec la croissance remarquable de son CA (1,3 milliard d’euros) le groupe Beaumanoir a démontré la pertinence de son modèle, de surcroît dans un contexte de crise. » (pièce 145 , appelant).
Au constat dès lors que l’employeur a limité ses informations qu’il a produit à la situation de la société Cafan et ne démontre pas la réalité des difficultés économiques, dans les conditions édictées par l’article L.1233-3 précité, au niveau du secteur d’activité du groupe, dont elle faisait partie, à prendre en considération, il s’en déduit par infirmation du jugement déféré que le licenciement de M. [Y] ne repose pas sur une cause réelle et sérieuse, sans qu’il y ait lieu d’examiner l’autre moyen développé par le salarié quant à l’obligation de reclassement.
Il est établi que M. [Y] a été le seul licencié et qu’il n’est pas contesté par la société Cafan qu’elle a procédé à quelques recrutements en 2018 que rien ne lui interdisait, sur des postes qu’elle soutient différents de celui du salarié mais qui pourtant s’en approchaient (2 stylistes notamment pour le Pôle Style et Achats (pièce 45 CDI de Mme [H])) alors que ce dernier revendique une formation initiale de styliste (confirmée par son CV, pièce 48) même s’il a ensuite été essentiellement infographiste. La société Cafan se borne dans ses explications à considérer que le salarié n’apporte aucun élément faisant supposer l’existence d’une discrimination.
En conséquence, la société Cafan n’établit pas que sa décision repose sur des éléments pertinents objectifs étrangers à toute discrimination liée à l’âge alors même que le licenciement économique de M. [Y] a été jugé sans motif économique.
Concernant le harcèlement moral invoqué, la société Cafan réplique que l’appelant ne s’était jamais plaint de ses conditions de travail malgré la présence d’instances représentatives des salariés au sein de l’entreprise, qu’elle conteste toute man’uvre de déstabilisation précisant que les critiques légitimes qui pouvaient être faites sur son travail ne lui étaient adressés qu’à lui seul, que M. [Y] avait lui-même admis la nécessité de mieux s’organiser dans son travail, que l’invitation au salon Première Vision a été limitée aux chefs designer, qu’il ne lui a jamais été fait de difficulté pour ses congés sauf à lui rappeler la nécessité d’anticiper ses demandes et qu’il ne s’est jamais plaint de d’humiliations ou insultes de ses collègues alors même que dans ses dernières évaluations il évoquait une entente cordiale avec ces derniers et qu’il ne se fonde sur ce point que sur ses propres notes qui s’analysent comme une preuve constituée à soi-même. Elle produit à ce titre des attestations de ses collègues unanimes pour affirmer qu’il s’agit d’accusations fantaisistes qu’ils contestent. Elle indique enfin que l’arrêt de maladie de M. [Y] en janvier 2018 était justifié par un virus donc sans lien avec ses conditions de travail.
La cour retient que les échanges de courriels produits par M. [Y] ne dépassaient pas les relations normales de travail et que dans le domaine créatif caractérisé par la recherche et les tâtonnements il n’est pas anormal de revenir sur des projets aussi avancés soient-ils sans qu’il puisse être retenu une politique délibérée de déstabilisation de M. [Y] dont les évaluations dénonçaient aussi ses difficultés d’organisation. Il est justifié par l’employeur que si M. [Y] a pu être rappelé à l’ordre sur le délai précédant les demandes de congés ou leurs motifs, ceux-ci lui ont toujours été accordés et que les insultes et humiliations dont ce dernier se plaint sans les établir autrement que par ses propres notes sont contestées par ses collègues de travail dans leurs attestations produites par la société Cafan. S’il est justifié que M. [Y] n’a pas été convié au salon de design Première Vision en 2017 alors qu’il y avait participé en 2016, l’employeur justifie avoir réparti les participants des équipes en privilégiant les stylistes en poste et est légitime lorsqu’il affirme que ces manifestations occasionnent un coût pour la société. Il ressort pour finir du propre SMS de l’appelant que son absence en janvier 2018 était liée à un virus sans lien apparent avec les conditions de travail.
La cour en déduit que l’employeur démontre que les faits dénoncés par l’appelant étaient étrangers à tout fait de harcèlement moral, lequel n’est par conséquent pas établi.
Par infirmation toutefois du jugement déféré, la cour retient que le licenciement sans cause réelle et sérieuse prononcé dans un contexte de discrimination est nul.
Sur les prétentions financières
Sur les conséquences financières de la rupture
Selon l’article L. 1235-3-1 du code du travail, dans sa version issue de la loi n°2016-1088 du 8 août 2016, lorsque le juge constate que le licenciement est intervenu en méconnaissance des articles L. 1132-1, L. 1153-2, L. 1225-4 et L. 1225-5 et que le salarié ne demande pas la poursuite de son contrat de travail ou que sa réintégration est impossible, le juge octroie au salarié une indemnité, à la charge de l’employeur, qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois.
Au vu des éléments d’appréciation dont dispose la cour, et notamment de l’âge du salarié au moment de la rupture (57 ans), de son ancienneté dans l’entreprise (19 années), de sa rémunération mensuelle brute (2.924,40 euros bruts) et de l’attestation Pôle Emploi du 22 novembre 2018 établissant la perception d’une indemnité chômage d’un montant de 1.509,70 euros jusqu’au 31 octobre 2019, le préjudice résultant du licenciement nul sera fixé à 45.000 euros et le jugement sera infirmé en ce qu’il a débouté le salarié de cette prétention.
Sur le remboursement des indemnités de chômage
En application de l’article L. 1235-4 du code du travail, qui vise l’article L. 1132-4 du même code, il y a lieu d’office d’ordonner à l’employeur le remboursement à Pôle Emloi des indemnités de chômage versées au salarié licencié du jour de son licenciement dans la limite de 6 mois d’indemnités de chômage.
Sur le non respect des critères d’ordre de licenciement
Le moyen tiré du non respect des critères d’ordre des licenciements est inopérant, toute demande de dommages et intérêts pour violation de l’ordre des licenciements ne se cumulant pas avec une éventuelle indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Cette demande ne peut donc qu’être rejetée.
Sur l’indemnité pour non réponse dans les délais des critères d’ordre du licenciement
Aux termes des articles L.1233-17 et R.1233-1 du code du travail, suite à la rupture du contrat de travail, le salarié peut demander à obtenir communication des critères d’ordre des licenciements dans les 10 jours à compter de la date à laquelle il a quitté son emploi.L’employeur étant tenu de répondre dans les 10 jours de cette demande.
Au constat que M. [Y] se borne à invoquer un « préjudice moral particulier réel » pour « non réponse dans les délais des critères d’ordre de licenciement » par l’employeur sans expliciter celui-ci permettant à la cour d’en apprécier l’étendue, c’est à juste titre qu’il a été débouté de sa demande de chef.
Sur l’indemnité pour préjudices distincts
M. [Y] réclame une indemnité de 35.092,80 euros au titre des conditions vexatoires, brutales et humiliantes de la rupture évoquant un départ forcé pouvant faire croire à un congédiement pour motif personnel s’étant vu priver de l’accès à l’entreprise du jour au lendemain.
La société Cafan réplique que l’appelant n’a en rien été évincé de l’entreprise même s’il a été dispensé de l’exécution de son préavis et que l’accès de l’entreprise pour chercher ses effets personnels ne lui a pas été refusé.
Au constat que M. [Y] ne justifie pas des conditions vexatoires de son licenciement qui n’a de surcroît pas été brutal puisqu’il n’était pas sans ignorer que le fait de refuser une modification de son contrat de travail pour des raisons économiques pouvait l’exposer à une telle décision et qu’il n’établit pas que l’accès de l’entreprise lui aurait été interdit conformément aux témoignages produits par l’employeur sur ce point, c’est à bon droit qu’il a été débouté de ce chef de prétention, le jugement déféré sera confirmé sur ce point.
Sur l’indemnité pour manquements de l’employeur à ses obligations pendant l’exécution du contrat de travail
M.[Y] invoque des violations des obligations contractuelles, légales et conventionnelles et manquements de l’employeur à savoir une absence d’augmentation véritable de salaire ou de rémunération de ses créations, des mesures discriminatoires et de harcèlement moral pour réclamer une indemnité de 105.278,40 euros.
Contestant l’ensemble des manquements invoqués, la société Cafan conclut au débouté des prétentions de l’appelant.
Au constat que les faits de harcèlement moral n’ont pas été retenus, que les doléances salariales tardives de l’appelant ne font pas l’objet de demandes précises, la cour accorde à M. [Y] une somme de 2.000 euros au titre de la discrimination tenant à l’âge dont il a été victime outre le préjudice déjà indemnisé au titre de la rupture illicite du contrat de travail.
Sur la demande d’indemnité pour non-respect de l’obligation d’adaptation
M. [Y] réclame une indemnité de 105.278,40 euros en faisant valoir que la société Cafan n’a pas respecté son obligation d’adaptation en ne mettant pas en ‘uvre toutes les mesures nécessaires susceptibles d’éviter un licenciement économique.
La société Cafan s’oppose à cette demande injustifiée en fait comme en droit en exposant que l’appelant a entre juin 2012 et juin 2018 bénéficié de 73 heures de formation dont 68 heures propres à ses fonctions afin de lui permettre de s’adapter aux évolutions de son emploi.
Il est constant que l’obligation d’adaptation se différencie des obligations de formation prévue par l’article L6321- 1 du code du travail prévoyant l’obligation pour l’employeur de s’assurer, tout au long de la durée du contrat de travail, de l’adaptation des salariés à leur poste de travail en veillant au maintien de leur capacité à occuper un emploi, au regard notamment de l’évolution des emplois, des technologies et des organisations et qui vise à assurer l’employabilité des salariés.
En revanche il est constant aux termes de l’article L1233-4 du code du travail dans sa version applicable au litige que « Le licenciement pour motif économique d’un salarié ne peut intervenir que lorsque tous les efforts de formation et d’adaptation ont été réalisés et que le reclassement de l’intéressé ne peut être opéré sur les emplois disponibles, situés sur le territoire national dans l’entreprise ou les autres entreprises du groupe dont l’entreprise fait partie et dont l’organisation, les activités ou le lieu d’exploitation assurent la permutation de tout ou partie du personnel. »
Il s’en déduit que l’obligation d’adaptation est donc une modalité de l’obligation de reclassement dont la méconnaissance rend le licenciement économique sans cause réelle et sérieuse.
Au constat toutefois que M. [Y] ne justifie pas d’un préjudice distinct de celui d’ores et déjà réparé par l’octroi d’une indemnité pour licenciement économique sans cause réelle et sérieuse, jugé illicite, il sera débouté de sa demande de ce chef.
Sur les autres dispositions
Sur la remise des effets personnels
Faute d’identifier les effets personnels dont M. [Y] réclame la remise sous astreinte, il ne peut qu’être débouté de ce chef de prétention.
Sur le cours des intérêts
La cour rappelle que les créances salariales portent intérêts au taux légal à compter de la réception par l’employeur de sa convocation devant le conseil de prud’hommes tandis que les créances indemnitaires portent intérêts au taux légal à compter de la décision en fixant tout à la fois le principe et le montant, la capitalisation des intérêts étant ordonnée conformément aux dispositions de l’article 1343-2 du code civil.
Sur les frais et dépens
Partie perdante à titre principal, la société Cafan est condamnée aux dépens d’instance et d’appel (dont distraction pour ceux d’appel au profit de la SELARL BDL Avocats), le jugement déféré étant infirmé sur ce point et à verser à M. [Y] une somme de 3.000 euros par application de l’article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
CONFIRME le jugement déféré en ce qu’il a rejeté les demandes concernant le harcèlement moral et les demandes d’indemnité pour non-respect des critères d’ordre de licenciement et du délai de réponse sur ces critères de licenciement ainsi que celle pour préjudices distincts.
L’INFIRME quant au surplus.
Et statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant :
REJETTE l’exception d’irrecevabilité de la demande d’indemnité pour manquement à l’obligation d’adaptation de l’employeur.
JUGE que le licenciement économique de M. [R] [Y] est dépourvu de cause réelle et sérieuse et produit les effets d’un licenciement nul en raison de la discrimination dont ce dernier a été victime.
CONDAMNE la SAS Cafan à payer à M. [R] [Y] les sommes suivantes :
– 45.000 euros d’indemnité pour licenciement nul.
-2.000 euros d’indemnité pour manquement de l’employeur durant l’exécution du contrat de travail lié à la discrimination de M. [R] [Y].
-3.000 euros par application de l’article 700 du code de procédure civile.
DEBOUTE M. [R] [Y] de sa demande d’indemnité pour manquement à l’obligation d’adaptation de l’employeur.
ORDONNE à la SAS Cafan le remboursement à Pôle Emploi des indemnités de chômage versé au salarié licencié du jour de son licenciement dans la limite de 6 mois d’indemnités de chômage.
DEBOUTE M. [R] [Y] de sa demande de remise d’effets personnels.
RAPPELLE que les créances salariales portent intérêts au taux légal à compter de la réception par l’employeur de sa convocation devant le conseil de prud’hommes tandis que les créances indemnitaires portent intérêts au taux légal à compter de la décision en fixant tout à la fois le principe et le montant, la capitalisation des intérêts étant ordonnée conformément aux dispositions de l’article 1343-2 du code civil.
CONDAMNE la SAS Cafan aux entiers dépens d’instance et d’appel, dont distraction pour ceux d’appel au profit de la SELARL BDL Avocats.
La greffière, La présidente.