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14 juin 2023
Cour d’appel de Paris
RG n°
21/02626
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 5 – Chambre 6
ARRET DU 14 JUIN 2023
(n° , 11 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 21/02626 – N° Portalis 35L7-V-B7F-CDCXT
Décision déférée à la Cour : Jugement du 17 Décembre 2020 -Tribunal de Commerce de PARIS RG n° 2019061492
APPELANTE
CAISSE REGIONALE DU CREDIT AGRICOLE MUTUEL DE [Localité 5] ET D’ILE-DE-FRANCE
[Adresse 2]
[Localité 4]
N° SIRET : 775 665 615
Représentée par Me Jean-philippe GOSSET de la SELEURL CABINET GOSSET, avocat au barreau de PARIS, toque : B0812
INTIMEE
S.A.R.L. ALHAMBRA THEATRE MUSIC HALL SHOW
[Adresse 1]
[Localité 3] France
N° SIRET : 440 72 7 6 91
Représentée par Me Sylvain PAVILLET de la SELARL SHUBERT COLLIN ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : C1990
COMPOSITION DE LA COUR :
L’affaire a été débattue le 09 Mai 2023, en audience publique, devant la Cour composée de :
M. Marc BAILLY, Président de chambre
M. Vincent BRAUD, Président
Mme Pascale SAPPEY-GUESDON, Conseillère
qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l’audience par M. Vincent BRAUD, Président dans les conditions prévues par l’article 804 du code de procédure civile.
Greffier, lors des débats : Madame Anaïs DECEBAL
ARRET :
– CONTRADICTOIRE
– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
– signé par M. Vincent BRAUD, Président et par Anaïs DECEBAL,Greffière, présente lors de la mise à disposition.
*
* *
La société Alhambra Théâtre Music Hall Show (ci-après Alhambra) exerce son activité dans l’organisation de spectacles vivants.
La Caisse régionale du crédit agricole mutuel de [Localité 5] et d’Île-de-France est une banque.
La société Softwing 2B exerce son activité dans l’organisation de spectacles vivants. La société Softwing 2B était titulaire d’un compte ouvert dans les livres de la Caisse régionale du crédit agricole mutuel de [Localité 5] et d’Île-de-France.
En exécution d’un contrat de réservation de salle les liant, la société Softwing 2B a remis, en 2019, à Alhambra un chèque de réservation de 120 000 euros, tiré sur la Caisse régionale du crédit agricole mutuel de [Localité 5] et d’Île-de-France.
Alhambra a été informée par sa banque que ledit chèque avait été retourné impayé le 17 juillet 2019, pour provision insuffisante. Alhambra a obtenu une ordonnance du juge de l’exécution en date du 22 juillet 2019, et une somme de 36 000 euros a été saisie. Le chèque a été à nouveau présenté à l’encaissement le 30 juillet 2019, sans succès.
Un certificat de non-paiement du chèque litigieux a été établi en date du 16 août 2019.
Par lettre recommandée avec accusé de réception du 19 août 2019, Alhambra a mis la Caisse régionale du crédit agricole mutuel de [Localité 5] et d’Île-de-France en demeure de lui faire connaître le montant de la provision du compte de Softwing 2B à la date de la première présentation du chèque, et de lui payer certaines sommes.
Par jugement du 22 août 2019, le tribunal de commerce de Paris a ouvert une procédure de liquidation judiciaire de la société Softwing 2B. Un jugement du 26 février 2020 a prononcé la clôture de la procédure.
Le 14 octobre 2019, Alhambra a assigné la Caisse régionale du crédit agricole mutuel de [Localité 5] et d’Île-de-France devant le tribunal de commerce de Paris.
Par jugement contradictoire en date du 17 décembre 2020, le tribunal de commerce de Paris :
Condamne la CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL DE [Localité 5] ET D’ÎLE DE FRANCE à payer à la société ALHAMBRA THEATRE MUSIC HALL SHOW la somme de 69 690,24 euros à titre de dommages et intérêts, avec intérêts au taux légal à compter de la présente décision et anatocisme,
Déboute la CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL DE [Localité 5] ET D’ÎLE DE FRANCE de toutes ses demandes,
Condamne la CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL DE [Localité 5] ET D’ÎLE DE FRANCE aux dépens, dont ceux à recouvrer par le greffe, liquidés à la somme de 74,50 € dont 12,20 € de TV,
Condamne la CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL DE [Localité 5] ET D’ÎLE DE FRANCE à payer à la société ALHAMBRA THEATRE MUSIC HALL SHOW la somme de 4 O00 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
Ordonne l’exécution provisoire du jugement.
***
Par déclaration en date du 8 février 2021, la Caisse régionale du crédit agricole mutuel de [Localité 5] et d’Île-de-France a interjeté appel du jugement.
Dans ses conclusions en date du 5 janvier 2022, la société coopérative à capital variable Caisse régionale du crédit agricole mutuel de [Localité 5] et d’Île-de-France fait valoir :
A titre principal, sur l’absence de responsabilité du CREDIT AGRICOLE IDF :
Que l’alinéa 3 de l’article L. 131-37 du Code monétaire et financier dispose que si la provision est inférieure au montant du chèque, le porteur a le droit d’exiger le paiement jusqu’à concurrence de la provision,
Que cette disposition suppose que le porteur exprime directement sa demande auprès de la banque tirée, ce qui n’est pas le cas en l’espèce où la société ALHAMBRA n’a jamais informé le CREDIT AGRICOLE de son intention d’être payée partiellement au titre du chèque,
Que si un courriel émane de Me [K] en date du 16 juillet 2019, rien ne permettait au CREDIT AGRICOLE de certifier qu’il était en droit d’intervenir au nom et pour le compte de la société ALHAMBRA dans la mesure où le mandat ad litem n’est applicable que dans le cadre d’une procédure judiciaire et que dans les autres cas, l’avocat doit justifier d’un mandat écrit,
Que dans le cas d’espèce, aucun mandat n’a été communiqué, ni aucun accusé de réception prouvant une quelconque réception par le CREDIT AGRICOLE de sorte qu’il ne peut être considéré que la société ALHAMBRA THEATRE ait valablement exprimé une demande auprès du CREDIT AGRICOLE IDF,
Qu’en l’absence de demande du porteur, la BANQUE n’est pas tenue d’informer celui-ci de l’existence d’une provision partielle et n’a pas l’obligation d’honorer le chèque au moins a due concurrence de la provision existante.
A titre subsidiaire sur le quantum erroné du préjudice de la société ALHAMBRA retenu à l’encontre du CREDIT AGRICOLE IDF par le tribunal de commerce :
Que si le CREDIT AGRICOLE IDF devait être reconnu responsable, le quantum retenu par le tribunal de commerce est erroné,
Que dans le cas d’espèce, le tribunal s’est fixé à la date de première présentation du chèque litigieux de 120 000 euros au 9 juillet 2019 pour évaluer le montant de la provision disponible alors que c’est à la date du 16 juillet 2019 que la société ALHAMBRA prétend s’être rapprochée du CREDIT AGRICOLE,
Que la provision disponible au 16 juillet 2019 n’était que de 58 606,75 € et non de 69 690,24 euros,
Que la banque tirée ne peut donc engager sa responsabilité que si elle ne bloque pas l’éventuelle provision partielle d’un chèque existante à la date de sa présentation au paiement, qui est dans le cas d’espèce le 16 juillet 2019,
Que par conséquent, le préjudice de la société ne peut être que de 58 606,75 euros,
et demande à la cour de :
« RECEVOIR le CREDIT AGRICOLE IDF en ses conclusions, l’y déclarant bienfondé’,
INFIRMER le Jugement du 17 décembre 2020 rendu par le Tribunal de Commerce de PARIS (RG N°2019061492) en ce qu’il a :
– condamne’ la CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL DE [Localité 5] ET D’ILE-DE-FRANCE a’ payer a’ la société ALHAMBRA THEATRE MUSIC HALL SHOW la somme de 69.690,24 € a’ titre de dommages et intérêts, avec intérêts aux taux légal a’ compter de la présente décision et anatocisme,
– débouté la CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL DE [Localité 5] ET D’ILE-DE-FRANCE de toutes ses demandes,
– condamne’ la CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL DE [Localité 5] ET D’ILE-DE-FRANCE aux dépens, dont ceux a’ recouvrer par le greffe, liquidés a’ la somme de 74,50 € dont 12,20 € de TVA,
– condamne’ la CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL DE [Localité 5] ET D’ILE-DE-FRANCE a’ payer a’ la société’ ALHAMBRA THEATRE MUSIC HALL SHOW la somme de 4.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
En conséquence, statuant a’ nouveau :
A titre principal :
JUGER que le CREDIT AGRICOLE IDF n’a pas engagé’ sa responsabilité’ en particulier sur le fondement de l’article L.131-37 alinéa 3 du Code monétaire et financier,
DEBOUTER en conséquence la société’ ALHAMBRA THEATRE de l’ensemble de ses demandes, fins et prétentions,
A titre subsidiaire et si par extraordinaire le principe de la responsabilité’ du CREDIT AGRICOLE IDF était retenu par la Cour :
JUGER que le Tribunal de Commerce a fait une m
auvaise application de l’article L.131-37 alinéa 3 du Code monétaire et financier en évaluant le préjudice de la société’ ALHAMBRA THEATRE a’ la somme de 69.690,24 €,
JUGER en conséquence que le quantum du préjudice de la société’ ALHAMBRA THEATRE ne saurait être supérieur à’ 58.606,75 € au titre du chèque litigieux et fixer ainsi éventuellement un tel préjudice a’ hauteur de cette somme,
En tout état de cause :
CONDAMNER la société’ ALHAMBRA THEATRE a’ verser au CREDIT AGRICOLE IDF la somme de 4.000 € au titre des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile,
La CONDAMNER aux entiers dépens. »
Dans ses conclusions en date du 7 octobre 2021, la société à responsabilité limitée Alhambra Théâtre Music Hall Show demande, outre la confirmation du jugement, sa réformation en ce qu’il l’a déboutée du surplus de ses demandes et fait valoir :
Sur le défaut d’information par le CREDIT AGRICOLE de l’existence d’une provision partielle au jour de la présentation du chèque :
Que l’article L. 131-37 et L. 131-70 du Code monétaire et financier ainsi que la jurisprudence retiennent que le tiré est responsable s’il rejette un chèque sans informer le porteur de l’existence d’une provision partielle car elle ne le met pas en mesure d’exercer son droit d’exiger le paiement jusqu’à due concurrence de cette provision, dont il résulte une faute génératrice d’un préjudice pour le porteur du chèque,
Que du fait de cette faute d’informer le porteur de l’existence d’une provision partielle, la banque doit être condamnée à payer un montant équivalent à celui du chèque de l’endossataire,
Qu’en l’espèce, le CREDIT AGRICOLE a dissimulé les provisions figurant sur le compte de la société Softwing 2B et a refusé d’informer le porteur du montant des provision, ce qui engage sa responsabilité,
Que le CREDIT AGRICOLE n’a par ailleurs pas immobilisé la provision partielle et a refusé de communiquer le solde progressif du compte et ce, en se réfugiant à tort derrière le secret bancaire,
Que l’abstention fautive du CREDIT AGRICOLE engage sa responsabilité.
Sur le mandat de Me [K] :
Que le CREDIT AGRICOLE fait valoir le défaut de mandat rendant la demande de Me [K] irrégulière et inopposable mais qu’il a indiqué que la demande a été transmise au service habilité,
Que la preuve du mandat verbal entre la société ALHAMBRA et Me [K] est rapportée au cas d’espèce par attestation,
Que par conséquent, le CREDIT AGRICOLE a engagé sa responsabilité à l’encontre la société ALHAMBRA et doit réparer dans son intégralité le préjudice subi qui ne saurait être inférieur au montant du chèque litigieux soit 120.000 euros.
Sur le caractère abusif de l’appel interjeté par la CREDIT AGRICOLE :
Que l’obligation de blocage du solde pesant sur le CREDIT AGRICOLE au jour de la présentation du chèque n’est pas contestable et la motivation du jugement est fondée, claire et non équivoque,
Que par conséquent, l’appel interjeté par le CREDIT AGRICOLE est abusif et elle doit être condamné à la somme de 10.000 euros pour procédure abusive,
et demande à la cour de :
« DIRE ET JUGER que la socie’te’ ALHAMBRA THEATRE MUSIC HALL SHOW est recevable et bien fonde’e en ses demandes ;
CONFIRMER le jugement rendu le 17 de’cembre 2020 par le Tribunal de commerce de Paris en ce qu’il
« Condamne la CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL DE [Localité 5] ET D’ILE DE FRANCE a’ payer a’ la socie’te’ ALHAMBRA THEATRE MUSIC HALL SHOW la somme de 69.690,24 euros a’ titre de dommages et inte’rêts au taux le’gal a’ compter de la pre’sente de’cision et anatocisme,
De’boute la CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL DE [Localité 5] ET D’ILE DE France de toutes ses demandes,
Condamne la CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL DE [Localité 5] ET D’ILE DE FRANCE aux de’pens, dont ceux recouvre’s par le greffe, liquide’s a’ la somme de 74,50 € dont 12,20 € de TVA,
Condamne la CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL DE [Localité 5] ET D’ILE DE FRANCE a’ payer a’ la socie’te’ ALHAMBRA THEATRE MUSIC HALL SHOW la somme de 4.000 euros au titre de l’article 700 du Code de proce’dure civile,
Ordonne l’exe’cution provisoire du pre’sent jugement ».
REFORMER le jugement rendu le 17 de’cembre 2020 par le Tribunal de commerce de Paris en ce qu’il de’boute la socie’te’ ALHAMBRA THEATRE MUSIC HALL SHOW du surplus de ses demandes.
En conse’quence et statuant a’ nouveau :
ENJOINDRE la CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL DE [Localité 5] ET D’ILE DE FRANCE de communiquer les releve’s de compte de la socie’te’ SOTWING 2B ouvert dans ses livres couvrant la pe’riode du 6 juillet 2019 a’ la date du 16 aou’t 2019 inclus sous astreinte de 500€ par jour de retard et, si besoin est, prendre connaissance seul de cette pie’ce ;
DIRE ET JUGER qu’en refusant de communiquer a’ l’ALHAMBRA le montant des sommes figurant au cre’dit du compte de Softwing 2B au 6 juillet 2019, le CREDIT AGRICOLE n’a pas permis a’ l’ALHMABRA d’exercer ses droits ;
DIRE ET JUGER que le refus de la CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL DE [Localité 5] ET D’ILE DE FRANCE de payer au moins partiellement le che’que re’gulie’rement assigne’ sur ses caisses alors que le compte de Softwing 2B e’tait provisionne’ est fautif ;
DIRE ET JUGER que la responsabilite’ de’lictuelle de la CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL DE [Localité 5] ET D’ILE DE FRANCE est engage’e a’ l’encontre de la socie’te’ ALHAMBRA THEATRE MUSIC HALL SHOW ;
CONDAMNER la CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL DE [Localité 5] ET D’ILE DE France a’ payer a’ ALHAMBRA THEATRE MUSIC HALL SHOW la somme de 120.000 euros, sauf a’ parfaire, en re’paration du pre’judice subi, augmente’e des inte’rêts au taux le’gal a’ compter du jugement a’ intervenir ;
ORDONNER la capitalisation desdits inte’rêts le’gaux dans les conditions de l’article 1343- 2 du Code civil ;
EN TOUTE HYPOTHESE :
DEBOUTER la CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL DE [Localité 5] ET D’ILE DE FRANCE de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;
CONDAMNER la CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL DE [Localité 5] ET D’ILE DE FRANCE au paiement de la somme de 10.000 euros pour proce’dure abusive;
CONDAMNER la CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL DE [Localité 5] ET D’ILE DE FRANCE au paiement de la somme de 8.000 euros au titre de l’article 700 du Code de proce’dure civile ;
CONDAMNER la CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL DE [Localité 5] ET D’ILE DE FRANCE aux entiers de’pens de l’instance ».
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens et des prétentions des parties, il est expressément renvoyé au jugement déféré et aux dernières conclusions écrites déposées en application de l’article 455 du code de procédure civile.
Aux termes de messages électroniques du 8 octobre 2021 et du 5 janvier 2022, la Caisse régionale du crédit agricole mutuel de [Localité 5] et d’Île-de-France a relevé l’irrecevabilité des conclusions de l’intimée au regard de l’article 909 du code de procédure civile.
L’ordonnance de clôture a été rendue le 14 mars 2023 et l’audience fixée au 9 mai 2023.
CELA EXPOSÉ,
Sur la recevabilité des conclusions de l’intimé :
Aux termes de l’article 909 du code de procédure civile, l’intimé dispose, à peine d’irrecevabilité relevée d’office, d’un délai de trois mois à compter de la notification des conclusions de l’appelant prévues à l’article 908 pour remettre ses conclusions au greffe et former, le cas échéant, appel incident ou appel provoqué.
La Caisse régionale du crédit agricole mutuel de [Localité 5] et d’Île-de-France a notifié ses conclusions par la voie électronique le 7 mai 2021.
La société Alhambra Théâtre Music Hall Show a remis ses conclusions au greffe le 7 octobre 2021, soit après le 7 août 2021. Ses conclusions et pièces sont par suite irrecevables comme tardives.
Aux termes de l’article 954 in fine du code de procédure civile, la partie qui ne conclut pas ou qui, sans énoncer de nouveaux moyens, demande la confirmation du jugement est réputée s’en approprier les motifs.
Sur la demande principale :
Sur la responsabilité du tiré :
Selon les motifs du jugement attaqué, la société Alhambra Théâtre Music Hall Show demandait au tribunal de condamner la Caisse régionale du crédit agricole mutuel de [Localité 5] et d’Île-de-France à lui payer le montant du chèque litigieux et, à tout le moins, de réparer le préjudice subi au motif que le manquement de la Caisse régionale du crédit agricole mutuel de [Localité 5] et d’Île-de-France à informer la société Alhambra Théâtre Music Hall Show immédiatement après la présentation du chèque du montant de la provision présente au compte de la société Softwing 2B n’a pas permis à la société Alhambra Théâtre Music Hall Show d’exercer ses droits et lui a causé un préjudice. Elle demandait encore au tribunal de dire et juger que la Caisse régionale du crédit agricole mutuel de [Localité 5] et d’Île-de-France avait engagé sa responsabilité délictuelle à son égard en refusant de lui communiquer le montant des sommes figurant au crédit du compte de Softwing 2B au 6 juillet 2019, et en refusant de payer au moins partiellement le chèque régulièrement assigné sur ses caisses, alors que le compte de Softwing 2B était provisionné.
Aux termes de l’article 1240 du code civil, tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.
Aux termes de l’article L. 131-37, alinéa 3, du code monétaire et financier, si la provision est inférieure au montant du chèque, le porteur a le droit d’exiger le paiement jusqu’à concurrence de la provision.
Toutefois, en l’absence de demande du porteur en payement partiel, la banque n’a pas l’obligation d’honorer le chèque au moins à due concurrence de la provision partielle existante (Com., 8 mars 2005, no 02-20.348).
Le tribunal a jugé qu’en n’informant pas la société Alhambra Théâtre Music Hall Show de l’existence d’une provision partielle au jour de la présentation du chèque, la Caisse régionale du crédit agricole mutuel de [Localité 5] et d’Île-de-France ne l’a pas mise en mesure d’exercer son droit d’exiger le paiement jusqu’à concurrence de cette provision, ce dont il résulte qu’elle avait commis une faute génératrice d’un préjudice pour la société Alhambra Théâtre Music Hall Show, surtout que la société Alhambra Théâtre Music Hall Show a demandé à la Caisse régionale du crédit agricole mutuel de [Localité 5] et d’Île-de-France, par courriel du16 juillet 2019, de lui communiquer le montant de la provision disponible.
Devant la cour, l’appelante prétend pour sa défense que la société Alhambra Théâtre Music Hall Show ne l’a jamais informée de son intention d’être payée partiellement au titre du chèque en cause.
Quoique la société Alhambra Théâtre Music Hall Show ait versé aux débats un courriel en ce sens du 16 juillet 2019 adressé par son avocat, maître [K], à la Caisse régionale du crédit agricole mutuel de [Localité 5] et d’Île-de-France, l’appelante objecte que :
‘maître [K] devait justifier d’un mandat écrit, conformément à l’article 6.2 du règlement interne national de la profession d’avocat ;
‘ le message électronique du 16 juillet 2019 n’était accompagné d’aucun mandat écrit de la société Alhambra Théâtre Music Hall Show ;
‘ ledit courriel n’est pas non plus accompagné d’un accusé de réception.
Il convient pour la cour d’examiner les fautes invoquées par la société Alhambra Théâtre Music Hall Show contre la Caisse régionale du crédit agricole mutuel de [Localité 5] et d’Île-de-France et retenues par les premiers juges :
‘ La banque n’aurait pas informé la société Alhambra Théâtre Music Hall Show de l’existence d’une provision ;
‘ La banque aurait refusé de lui communiquer le montant de la provision.
Sur la première faute, il ressort du courriel susdit du 16 juillet 2019, par lequel le conseil de la société Alhambra Théâtre Music Hall Show sollicitait de la Caisse régionale du crédit agricole mutuel de [Localité 5] et d’Île-de-France l’application de l’article L. 131-37 précité relatif aux demandes de paiement partiel de provisions de chèques (pièce no 7 de l’Alhambra citée par l’appelante), que la société Alhambra Théâtre Music Hall Show était informée de l’existence d’une provision insuffisante. Il n’est toutefois pas établi, ni même soutenu par la Caisse régionale du crédit agricole mutuel de [Localité 5] et d’Île-de-France, que la société Alhambra Théâtre Music Hall Show en ait été informée avant la date du 16 juillet 2019.
Or, il n’est pas discuté en cause d’appel que la date de première présentation du chèque soit le 9 juillet 2019 ainsi que l’a jugé le tribunal.
En informant tardivement la société Alhambra Théâtre Music Hall Show de l’existence d’une provision partielle au jour de la présentation du chèque, la Caisse régionale du crédit agricole mutuel de [Localité 5] et d’Île-de-France ne l’a pas mise en mesure d’exercer son droit d’exiger le paiement jusqu’à concurrence de cette provision, ce dont il résulte qu’elle a commis une faute génératrice d’un préjudice pour la société Alhambra Théâtre Music Hall Show (Com., 8 janv. 1991, no 89-16.752).
Sur la seconde faute, encore que l’appelante dénie avoir reçu le message électronique envoyé le 16 juillet 2019 par l’avocat de la société Alhambra Théâtre Music Hall Show, il est constant que, par courrier en date du 1er août 2019, maître [K] a mis en demeure la Caisse régionale du crédit agricole mutuel de [Localité 5] et d’Île-de-France de lui faire connaître le montant des provisions sur le compte courant de la société Softwing 2B à la date de la première présentation du chèque
Ce n’est qu’à la demande du tribunal de commerce de Paris que les relevés de compte bancaire supplémentaires sollicités par la société Alhambra Théâtre Music Hall Show ont été communiqués par la Caisse régionale du crédit agricole mutuel de [Localité 5] et d’Île-de-France (pièces no 1 A – B – C de l’appelante).
En n’informant pas la société Alhambra Théâtre Music Hall Show du montant de la provision partielle au jour de la présentation du chèque, la Caisse régionale du crédit agricole mutuel de [Localité 5] et d’Île-de-France ne l’a pas mise en mesure d’exercer pleinement son droit d’exiger le paiement jusqu’à concurrence de cette provision, ce dont il résulte qu’elle a commis une faute génératrice d’un préjudice pour la société Alhambra Théâtre Music Hall Show.
Sur l’indemnisation du porteur :
Selon les motifs du jugement attaqué, la société Alhambra Théâtre Music Hall Show demandait au tribunal de condamner la Caisse régionale du crédit agricole mutuel de [Localité 5] et d’Île-de-France à lui payer le montant du chèque litigieux et, à tout le moins, de réparer le préjudice subi.
L’appelante critique le jugement en ce qu’il retient, pour liquider le préjudice de l’intimée, le solde disponible à la date de première présentation, soit le 9 juillet 2019, au lieu du solde disponible à la date de la demande de payement partiel, soit le 16 juillet 2019.
Le délai écoulé entre le 9 juillet 2019 et la demande de payement partiel n’est pas imputable à la négligence du porteur, mais au retard fautif avec lequel le tiré lui a fourni les informations nécessaires à l’exercice de son droit d’exiger le payement à due concurrence de la provision. La Caisse régionale du crédit agricole mutuel de [Localité 5] et d’Île-de-France n’est donc pas fondée en sa critique.
Le jugement querellé sera confirmé en toutes ses dispositions.
Sur les dépens et les frais irrépétibles :
Aux termes de l’article 696, alinéa premier, du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge d’une autre partie. L’appelante en supportera donc la charge.
En application de l’article 700 du code de procédure civile, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer :
1o À l’autre partie la somme qu’il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
2o Et, le cas échéant, à l’avocat du bénéficiaire de l’aide juridictionnelle partielle ou totale une somme au titre des honoraires et frais, non compris dans les dépens, que le bénéficiaire de l’aide aurait exposés s’il n’avait pas eu cette aide. Dans ce cas, il est procédé comme il est dit aux alinéas 3 et 4 de l’article 37 de la loi no 91-647 du 10 juillet 1991 .
Dans tous les cas, le juge tient compte de l’équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d’office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu’il n’y a pas lieu à ces condamnations.
Les parties peuvent produire les justificatifs des sommes qu’elles demandent.
La somme allouée au titre du secundo ne peut être inférieure à la part contributive de l’État majorée de 50 %.
La Caisse régionale du crédit agricole mutuel de [Localité 5] et d’Île-de-France sera déboutée de sa demande sur ce fondement.
LA COUR,
PAR CES MOTIFS,
DÉCLARE les conclusions et pièces déposées le 7 octobre 2021 par la société Alhambra Théâtre Music Hall Show irrecevables comme tardives ;
CONFIRME le jugement ;
Y ajoutant,
DÉBOUTE la Caisse régionale du crédit agricole mutuel de [Localité 5] et d’Île-de-France de sa demande sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNE la Caisse régionale du crédit agricole mutuel de [Localité 5] et d’Île-de-France aux entiers dépens.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,