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Dans le cadre de l’organisation de spectacles vivants, soumettre des artistes bénévoles à un lien de subordination emporte requalification de la collaboration en contrat de travail (vis-à-vis de l’URSSAF). De surcroît, l’URSSAF est habilitée à s’appuyer sur la présomption de salariat de l’article L1721-3 du code du travail qui prévoit que : « Tout contrat par lequel une personne s’assure, moyennant rémunération, le concours d’un artiste du spectacle en vue de sa production, est présumé être un contrat de travail dès lors que cet artiste n’exerce pas l’activité qui fait l’objet de ce contrat dans des conditions impliquant son inscription au registre du commerce. ».
L’Urssaf a fait valoir avec succès que les bénévoles motards ayant participé aux manifestations d’une association moyennant le remboursement de leurs frais, avaient, en réalité, travaillé sous la subordination hiérarchique du président de l’association, et au profit d’une Sarl dont il était aussi le gérant. L’Urssaf a tenu le même raisonnement au sujet des danseuses qui s’étaient produites comme « pom pom girls » pendant ces spectacles.
L’Urssaf a considéré que ces pilotes n’étaient pas inscrits au registre du commerce et qu’ils devaient donc être considérés comme des artistes de spectacle au sens de l’article L311-3 du code de la sécurité sociale avec pour conséquence que le contrat liant les parties est présumé être un contrat de travail lorsque l’artiste en question n’est pas inscrit à ce titre au registre du commerce.
Pour ces motifs, l’Urssaf a considéré que toutes les participations des prétendus bénévoles aux manifestations organisées par l’association constituaient des situations de travail dissimulé, et que les sommes qui leur avaient été versées forfaitairement en remboursement de frais étaient des salaires, soumis à cotisations sociales sur le fondement de l’article L242-1 du code de la sécurité sociale et que chaque procédure de redressement était justifié.
La coexistence de l’association et de la société commerciale à la même adresse, sous la direction et le contrôle de la même personne, a permis de relever la totale perméabilité entre les deux structures (l’association avait été constituée dans le but de percevoir les subventions versées par les collectivités locales territoriales et de s’affilier à la fédération française de motocyclisme). Par cette affiliation, l’association pouvait ainsi recourir à des pilotes de moto afin de les faire intervenir à l’occasion des trois à six manifestations annuelles qu’elle organisait (à Marseille, à Carpentras, au Maroc, etc…) et qui étaient accessibles à tous publics, après une large diffusion publicitaire. Ces participations conformes à l’objet social de l’association étaient toutefois payantes pour le public et le prix des entrées était utilisé par l’association pour défrayer les participants, dits « bénévoles » de leurs frais de transport et de repas.
Le lien contractuel entre l’association et la SARL avait été matérialisé par trois conventions aux termes desquelles, l’association s’engageait, notamment, à « recruter auprès des clubs les personnels bénévoles en nombre utile et nécessaire à la bonne organisation sportive des manifestations : billetterie, restauration, commissaires de piste, etc… », à encaisser les subventions, et rembourser les indemnités kilométriques et les frais d’hébergement des bénévoles. De son côté, la société assurait la promotion des manifestations, encaissait les prix des billets et des sommes versées par les sponsors et annonceurs, et assurait la coordination de l’organisation, le déficit éventuel de l’association étant cautionné à hauteur de 20000 euros par an.
Les consignes données par la fédération française de motocyclisme, étaient pourtant très claires puisqu’il y est dit que « les clubs sont dirigés par des bénévoles ; un bénévole ne doit pas être un amateur, il doit tendre vers le professionnalisme quand on parle d’organisation » ; le cahier des charges fixe ainsi les postes à pourvoir pour les organisations de courses : un responsable de circuit, un responsable par « spéciale », des commissaires en nombre suffisant, des responsables des « emplacements-gardiennage-circulation », des personnes pour la gestion des paddocks, des personnes pour les vérifications administratives, pour les classements, pour la communication et pour le pot d’accueil, des personnes chargées des contrôles horaires dont un commissaire sportif, des personnes pour le contrôle des passages, des ouvreurs et des fermeurs, des équipes de 2 binômes de marshalls par contrôle, des personnes pour aider les commissaires techniques, un responsable sécurité et des personnes pour tenir la main courante au PC course. ». Cette liste conforte la nécessité de « recruter » des bénévoles quasiment professionnels.
Lorsqu’il intervient dans une association « à but non lucratif », le bénévole apporte un concours spontané et désintéressé, sans contrainte ni lien de subordination. Il ne peut y avoir de bénévolat si le bénévole contribue à la réalisation d’un profit pour lui-même ou pour la personne physique ou morale bénéficiaire de son intervention. L’association s’engageant à assumer le bon déroulement des manifestations était juridiquement tenue à l’égard des tiers (sponsors, annonceurs, publics etc…) et ne pouvait donc pas tolérer d’erreurs dans la gestion de son organisation, à chaque manifestation ; cette responsabilité juridique impliquait donc que le président exerce un véritable pouvoir de contrôle et de sanction.
Toute l’enquête de l’Urssaf montrait que les « bénévoles » avaient été « recrutés » pour exercer des tâches imposées, quasiment professionnelles, après une sélection faite par le président dans le respect des consignes données par la fédération, sous le contrôle et la coordination, exercés par l’animateur commun de l’association et de la société, et au profit de cette société commerciale.
Le pouvoir de sanction pouvait se concrétiser soit par un rejet des demandes de remboursement de frais en prétextant qu’elles étaient incomplètes (et elles l’étaient souvent : cf. infra), soit par le fait de ne pas retenir telle ou telle candidature pour la manifestation suivante. Les « bénévoles » imposés pour chaque manifestation accomplissaient des tâches qui auraient pu être confiés à des professionnels embauchés par des contrats de travail, soit individuels soit par l’intermédiaire d’agences d’intérim ou de sociétés spécialisées dans le gardiennage, la sécurité, la restauration , la communication, etc…
De plus, les remboursements des frais, sous forme de 248 notes, ont été considérées comme inexploitables dans la mesure où les adresses des intéressés et les lieux de destination n’étaient pas indiqués, et où les bases de calcul étaient toujours les mêmes (kilométrage, découché et repas) et sans aucun justificatif joint à ces notes. Les prétendus « remboursements » n’étaient pas justifiés par une situation de déplacements liés à une activité accomplie pour le compte de l’association.
La Cour a considéré que chaque course de moto se déroulant à grand renfort de publicité, faisant appel à un large public, dans un contexte festif et musical grâce à la participations des danseuses (« pom pom girls ») qui assuraient la transition entre les différentes épreuves, devait être qualifiée de sport-spectacle. Selon la loi du 27 novembre 2015 : « Le sportif professionnel qui participe librement, pour son propre compte, à une compétition sportive est présumé ne pas être lié à l’organisateur de la compétition par un contrat de travail. La présomption de salariat prévue à l’article L. 7121-3 du code du travail ne s’applique pas au sportif dont les conditions d’exercice sont définies au premier alinéa du présent article. ».
Toutefois, pour la période contrôlée, il existait, a contrario, une présomption de salariat par application des deux textes suivants : i) l’ article L1721-3 du code du travail qui prévoit que : « Tout contrat par lequel une personne s’assure, moyennant rémunération, le concours d’un artiste du spectacle en vue de sa production, est présumé être un contrat de travail dès lors que cet artiste n’exerce pas l’activité qui fait l’objet de ce contrat dans des conditions impliquant son inscription au registre du commerce. » ; ii) l’article L311-3-15° du code de la sécurité sociale qui prévoit que : « Sont notamment compris parmi les personnes auxquelles s’impose l’obligation prévue à l’article L. 311-2, même s’ils ne sont pas occupés dans l’établissement de l’employeur ou du chef d’entreprise, même s’ils possèdent tout ou partie de l’outillage nécessaire à leur travail et même s’ils sont rétribués en totalité ou en partie à l’aide de pourboires : (‘) 15°) les artistes du spectacle et les mannequins auxquels sont reconnues applicables les dispositions des articles L. 762-1 et suivants, L. 763-1 et L. 763-2 du code du travail. Les obligations de l’employeur sont assumées à l’égard des artistes du spectacle et des mannequins mentionnés à l’alinéa précédent, par les entreprises, établissements, services, associations, groupements ou personnes qui font appel à eux, même de façon occasionnelle ;(…) ».
Par application de ces articles L1721-3 du code du travail et L311-3-15° du code de la sécurité sociale, et à défaut de preuve que les pilotes auraient été enregistrés, pour ces activités, au registre du commerce, les juges ont appliqué la présomption de salariat, les frais remboursés étant considérés comme des salaires déguisés. Télécharger la décision