Your cart is currently empty!
ARRÊT N° /2022
PH
DU 05 MAI 2022
N° RG 21/02281 – N° Portalis DBVR-V-B7F-E26J
Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de NANCY
F 20/00130
08 septembre 2021
COUR D’APPEL DE NANCY
CHAMBRE SOCIALE – SECTION 2
APPELANT :
Monsieur [D] [H]
[Adresse 1]
[Localité 4]
Représenté par Me Clotilde LIPP de la SCP JOFFROY LITAIZE LIPP, avocate au barreau de NANCY
INTIMÉE :
S.A.R.L. LORRAINE MONTAGE MAINTENANCE INDUSTRIELLE prise en la personne de son représentant légal pour ce domicilié au siège social
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représentée par Me Olivier VILLETTE, avocat au barreau de NANCY
COMPOSITION DE LA COUR :
Lors des débats et du délibéré,
Président :WEISSMANN Raphaël,
Conseillers : STANEK Stéphane,
[A] [W],
Greffier lors des débats :RIVORY Laurène
DÉBATS :
En audience publique du 03 Mars 2022 ;
L’affaire a été mise en délibéré pour l’arrêt être rendu le 05 Mai 2022 ; par mise à disposition au greffe conformément à l’article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile ;
Le 05 Mai 2022, la Cour après en avoir délibéré conformément à la Loi, a rendu l’arrêt dont la teneur suit :
EXPOSÉ DU LITIGE ET PRÉTENTIONS RESPECTIVES DES PARTIES
M. [D] [H] exerçait une activité de maintenance industrielle sous le nom commercial [H] MAINTENANCE 55, avec enseigne FM 55, inscrite au registre des métiers à compter du 1er janvier 2017.
Il a exécuté des prestations de sous-traitance pour le compte de la société LORRAINE MONTAGE MAINTENANCE INDUSTRIELLE (ci-après LM2I).
Le 6 avril 2018, M. [D] [H] a été victime d’un accident dans les locaux de l’entreprise EVERE, alors qu’il effectuait une opération courante de maintenance pour le compte de la société LM2I.
Depuis son accident, il est en arrêt de travail et a été reconnu travailleur handicapé le 8 avril 2019.
Par requête du 16 mars 2020, M. [D] [H] a saisi le conseil de prud’hommes de Nancy aux fins de voir requalifier le contrat de prestation de service le liant à la société LM2I en contrat de travail.
Vu le jugement du conseil de prud’hommes de Nancy rendu le 8 septembre 2021, lequel a :
– dit que le contrat de prestation de service liant M. [D] [H] à la société LORRAINE MONTAGE MAINTENANCE INDUSTRIELLE n’est pas un contrat de travail,
– dit qu’il n’y a pas lieu, en conséquence, à sa résiliation judiciaire,
– débouté M. [D] [H] de toutes ses autres demandes,
– débouté la société LORRAINE MONTAGE MAINTENANCE INDUSTRIELLE de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– laissé à chaque partie la charge de leurs dépens respectifs.
Vu l’appel formé par M. [D] [H] le 23 septembre 2021 ;
Vu l’article 455 du code de procédure civile ;
Vu les conclusions de M. [D] [H] déposées sur le RPVA le 18 janvier 2022, et celles de la société LM2I déposées sur le RPVA 10 janvier 2022 ;
Vu l’ordonnance de clôture rendue le 9 février 2022 ;
M. [D] [H] demande :
– de déclarer son appel recevable et bien fondé,
– d’infirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu le 8 septembre 2021 par le conseil de prud’hommes de Nancy,
Statuant à nouveau,
– de juger que le contrat de prestation de service le liant à la société LORRAINE MONTAGE MAINTENANCE INDUSTRIELLE est un contrat de travail depuis le 4 octobre 2016,
– de prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail liant les parties aux torts de la société LORRAINE MONTAGE MAINTENANCE INDUSTRIELLE,
– de juger que la résiliation judiciaire du contrat de travail produit les effets d’un licenciement nul ou, le cas échéant et à titre subsidiaire, les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse,
– de condamner par conséquent la société LORRAINE MONTAGE MAINTENANCE INDUSTRIELLE à lui verser les sommes suivantes :
. 20 000 euros à titre de dommages et intérêts au titre du préjudice subi du fait de la privation de ses droits,
. 5 901,25 euros brut au titre de l’indemnité compensatrice de congés payés,
. 36 583 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul ou, le cas échéant et à titre subsidiaire, l’indemnité maximale fixée par l’article L.1235-2 du code du travail fonction de l’ancienneté acquise au jour de la résiliation judiciaire,
. 8 048, 32 euros brut au titre de l’indemnité compensatrice de préavis, congés payés inclus,
. mémoire : 4 801,55 euros au titre de l’indemnité légale de licenciement telle qu’arrêtée au 4 janvier 2022,
. 21 949,98 euros au titre de l’indemnité pour dissimulation d’emploi,
. 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile au titre de la procédure de première instance,
. 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile au titre de la procédure d’appel,
– enjoindre la société LORRAINE MONTAGE MAINTENANCE INDUSTRIELLE à délivrer, sous astreinte de 50 € par jour de retard à compter de la notification de l’arrêt à venir, les documents suivants :
. les bulletins de paie couvrant la période qui s’étend du 4 octobre 2016 au jour de la résiliation,
. un certificat de travail prenant effet au 4 octobre 2016,
. une attestation Pôle emploi conforme aux dispositions de l’arrêt à venir,
. un bulletin de paie portant mention des indemnités qui seront fixées par l’arrêt à venir,
– débouter la société LORRAINE MONTAGE MAINTENANCE INDUSTRIELLE de l’intégralité de ses demandes, fins et conclusions plus amples ou contraires,
– condamner la société LORRAINE MONTAGE MAINTENANCE INDUSTRIELLE aux entiers dépens qui comprendront, le cas échéant, ceux relatifs à la procédure d’exécution.
La société LM2I demande :
Avant dire-droit :
– confirmer le jugement prud’homal du 8 septembre 2021 en ce qu’il a :
. dit et jugé que la présomption d’absence de contrat de travail n’était pas remise en cause,
. dit qu’en l’absence de contrat de travail, la juridiction saisie n’avait pas à se prononcer sur les suites de l’accident intervenu,
– en tout état de cause,
. de lui réserver, conformément à l’art 78 du code de procédure civile, le droit de conclure davantage, au fond, une fois purgé le problème d’une éventuelle requalification de contrat,
. de condamner en tout état de cause M. [H] à payer une somme de 5 000 euros au titre de la procédure abusive et une somme de 5 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers frais et dépens.
SUR CE, LA COUR
I. Sur la requalification en contrat de travail
M. [D] [H] fait valoir que ses relations avec la société LM2I ne s’inscrivent pas dans le cadre d’un contrat de sous-traitance ou de prestation de service mais dans un contrat de travail, expliquant avoir commencé à assurer des prestations pour cette société dès le mois d’octobre 2016. Il soutient qu’il venait en renfort d’une équipe de travail en charge d’opérations courantes de maintenance industrielle, et qu’il travaillait sous l’autorité du chef de chantier de la société LM2I. Il conteste les attestations produites par la société LM2I, reprochant à certaines de ne pas être conformes aux dispositions de l’article 202 du code de procédure civile.
La société LM2I rétorque que M. [D] [H] a toujours agi en qualité de sous-traitant, et qu’avant le début de leur collaboration, il travaillait déjà en sous-traitance pour un concurrent. Elle se réfère à des témoignages pour justifier des modalités des prestations de M. [D] [H].
Motivation :
L’article L.8221-6 du code du travail dispose que :
«I.- Sont présumés ne pas être liés avec le donneur d’ordre par un contrat de travail dans l’exécution de l’activité donnant lieu à immatriculation ou inscription :
1° Les personnes physiques immatriculées au registre du commerce et des sociétés, au répertoire des métiers, au registre des agents commerciaux ou auprès des unions de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d’allocations familiales pour le recouvrement des cotisations d’allocations familiales ;
(‘)
II.-L’existence d’un contrat de travail peut toutefois être établie lorsque les personnes mentionnées au I fournissent directement ou par une personne interposée des prestations à un donneur d’ordre dans des conditions qui les placent dans un lien de subordination juridique permanente à l’égard de celui-ci’ »
Ces dispositions sont applicables aux auto-entrepreneurs et la présomption édictée par ce texte est une présomption simple qui peut être renversée lorsque les faits de l’espèce permettent d’établir l’existence d’un contrat de travail.
L’existence d’une relation de travail ne dépend, ni de la volonté exprimée par les parties, ni de la dénomination qu’elles ont donné à leur convention, mais des conditions de fait dans lesquelles est exercée l’activité de travail.
Le contrat de travail se caractérise par l’existence d’un lien de subordination dont il résulte que l’activité est exercée sous l’autorité de l’employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d’en contrôler l’exécution et de sanctionner les manquements.
Il appartient à celui qui se prévaut d’un contrat de travail d’en apporter la preuve.
En l’espèce, il est constaté que l’activité de maintenance industrielle de M. [D] [H], exploitant sous l’enseigne FM 55, a débuté le 1er janvier 2017 (pièce salarié N°3).
Pour justifier de l’existence d’un contrat de travail entre lui et la société LM2I, M. [D] [H] produit notamment :
– des factures de prestations émises pour les mois de janvier, mars, avril, mai, juin août, septembre, octobre, novembre et décembre 2017, ainsi que pour les mois de mars et avril 2018 (pièces N°18) ;
– des relevés bancaires qu’il présente comme justifiant de remboursements de frais effectués par la société LM2I (pièce salarié N°21) ;
– une carte TOTAL remise par LM2I (pièce N°22) ;
– des fiches qu’il présente comme étant des pointages horaires de ses prestations réalisées sur les chantiers de [Localité 6] d’octobre 2016 et de [Localité 9] de novembre 2016 (pièce N°4) facturées en janvier 2017 ;
– une fiche de formation à la sécurité en janvier 2018 sous l’égide de la société LM2 (pièce N°19) ;
– un ordre de mission du 1er février 2018 de la société LM2I indiquant que « notre salarié M. [D] [H], né le 15 avril 1970 à [Localité 7], en sa qualité d’ouvrier qualifié effectue une intervention technique du 5 février au 23 février 2018 » à [Localité 5] (pièce salarié N°20) pour le compte de notre client CNIM (‘) » et une réservation pour un vol [Localité 8]-[Localité 5] (pièces 23 et 34).
Pour attester de la qualité de sous-traitant de M. [D] [H], la société LM2I produit notamment :
– le témoignage de M. [Y] [M] (pièce N°5), indiquant que M. [D] [H] lui avait demandé des consommables MIG pour son poste semi-automatique avec une facture à établir au nom de [H] Maintenance 55 ;
– le témoignage de M. [I] [V] (pièce N°6), qui déclare avoir eu M. [D] [H] sur son site pour la maintenance des grilles avec la société LM2I, M. [H] l’ayant informé qu’il pouvait travailler en direct pour lui ;
– le témoignage de M. [T] [R] (pièce N°7), qui indique : « En charge de l’exploitation, de la maintenance et des travaux, en 2017, nous avions fait appel à la société LM2I pour l’exécution de divers travaux d’entretiens’Pour effectuer les opérations demandées, la société LM2I m’a informé que pour répondre à notre demande, elle ferait appel à un sous-traitant : Monsieur [D] [H]. Lors de son arrivée sur site, monsieur [D] [H] s’est bien présenté comme sous-traitant de la société LM2I et a réalisé l’intervention prévue » ;
– le témoignage de M. [N] [U] (pièce N°8), salarié de la société LM2I, qui mentionne : « C’est dans les locaux que j’ai rencontré Mr. [H]. Il se comportais à l’atelier comme un Indépendant et il avait une charge de travail qu’il effectuait normalement. Dans nos discussions, Mr. [H] m’a appris qu’il était à son compte depuis quelques années et connaissait très bien le monde de l’incinération. »
Sur ce :
Il est constaté :
– que les factures produites par M. [D] [H] sont à l’entête de « [H] Maintenance 55 ». Elles sont relatives à divers chantiers et se rapportent à la facturation d’heures de travail pour le compte de la société LM2I (pièce N°18) ;
– que l’examen des relevés de compte bancaire versés par M. [H] (pièce N°21) fait ressortir que celui-ci a perçu de la société LM2I les sommes suivantes en règlements de frais :
. 161 euros le 2 mai 2017
. 31,14 euros le 18 mai 2017
. 190,74 euros le 20 juin 2017
. 82,27 euros le 20 juillet 2017
. 56,90 euros le 31 août 2017
. 108,90 euros le 23 octobre 2017
. 30,03 euros le 1er février 2018 ;
– que les heures qui ont été facturées par M. [D] [H] à la société LM2I le 11 janvier 2017 (pièce N°18) sont celles qui sont inscrites sur les fiches de pointages horaires à entête de la société LM2I (pièce N°4) ;
– que la fiche d’inscription individuelle à la formation à la sécurité de M. [D] [H] le présente, sous la rubrique « Statut professionnel », comme « non salarié » (pièce N°19) ;
– que les témoignages de MM. [Y] [M], [I] [V] et [N] [U] (pièces N°5, 6, 8), dont la rédaction dactylographiée des deux premiers n’enlève rien à leur caractère probatoire, sont sans précision sur la date des faits retracés ;
– que les déclarations de M. [R] ne sont contredites par aucun élément du dossier de M. [H] (pièce N°7).
Ces éléments ne permettent pas d’établir que M. [D] [H] était lié à la société LM2I par un lien de subordination, et que celle-ci avait sur lui le pouvoir de lui donner des ordres et des directives, d’en contrôler l’exécution et de sanctionner leurs manquements.
M. [D] [H] ne rapportant pas la preuve qu’il était lié à la société LM2I par un contrat de travail, il sera débouté en ses demandes, le jugement du conseil de prud’hommes étant confirmé en toutes ses dispositions.
II. Sur la demande de dommages et intérêts au titre de la procédure abusive
La société LM2I fait valoir que le caractère délibérément mensonger et l’attitude abusive et malveillante de M. [D] [H] justifient sa condamnation au titre de l’appel abusif.
M. [D] [H] rappelle que son action est fondée sur des textes légaux, de sorte qu’elle ne saurait être qualifiée d’abusive et de dilatoire. Il ajoute que la société LM2I ne caractérise aucun préjudice.
Motivation :
Le droit d’agir en justice, droit fondamental reconnu à toute personne titulaire de la capacité à agir, peut engager la responsabilité de son titulaire lorsqu’il est mis en ‘uvre de manière abusive ou dilatoire.
En reprochant, dans des termes généraux, à M. [D] [H] d’avoir une attitude abusive et malveillante, la société LM2I n’établit pas en quoi l’appel est abusif.
La société LM2I sera dès lors déboutée de sa demande.
III. Sur l’article 700 du code de procédure civile et les dépens
M. [D] [H] et la société LM2I seront déboutés de leurs demandes au titre des frais irrépétibles.
M. [D] [H] sera condamné aux dépens de l’instance d’appel.
PAR CES MOTIFS
La Cour, chambre sociale, statuant par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe, après débats en audience publique et après en avoir délibéré,
CONFIRME le jugement du conseil de prud’hommes de Nancy du 8 septembre 2021 en toutes ses dispositions ;
Y AJOUTANT
Déboute la société LM2I de sa demande de dommages et intérêts au titre de la procédure abusive ;
Déboute M. [D] [H] et la société LM2I de leurs demandes respectives au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
Condamne M. [D] [H] aux dépens de l’appel ;
Ainsi prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
Et signé par Monsieur Raphaël WEISSMANN, Président de Chambre, et par Madame Laurène RIVORY, Greffier.
LE GREFFIERLE PRESIDENT DE CHAMBRE
Minute en huit pages