Sonorisation publique : pas d’exception de sampling

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Sonorisation publique : pas d’exception de sampling
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Mixer des morceaux de musique appartenant au catalogue géré par la SPRE emporte paiement de la redevance pour rémunération équitable.

La diffusion d’extraits de phonogrammes, même mixés avec des éléments de création, justifie l’assujetissement à la rémunération équitable. En effet, l’article L 214-1 du Code de la propriété intellectuelle ne distingue pas selon que la diffusion porte sur l’intégralité du phonogramme ou seulement sur des extraits.

Distinct de l’oeuvre musicale protégée par le droit d’auteur, le phonogramme constitue une fixation de sons protégée en tant que telle et non pas du fait de l’agencement de ces mêmes sons reflétant une création intellectuelle propre à l’auteur et il est admis que si un son ou un mot ne peut être protégé au titre du droit d’auteur du seul fait de son inclusion dans une oeuvre, il en va différemment de son enregistrement qui constitue un phonogramme protégeable au titre des droits voisins des droits d’auteur.

Le monopole qu’il instaure au profit de son titulaire sur les biens à caractère intellectuel peut être opposé aux autres droits fondamentaux dont la liberté d’expression et des arts.

Il s’ensuit que la nécessité d’obtention d’une licence pour pouvoir reproduire ou diffuser un extrait de phonogramme ne constitue pas une contrainte disproportionnée à la liberté des arts.

Ainsi la CJUE dans un arrêt du 29 juillet 2019 a dit que la reproduction même très brève par un utilisateur d’un échantillon sonore, prélevé d’un phonogramme, constitue en principe une reproduction de partie de ce phonogramme, de sorte qu’une telle reproduction relève du droit exclusif conféré au producteur de phonogramme.

Résumé de l’affaire

La société I.BOAT, exploitant un établissement à Bordeaux, a été assignée en justice par la SPRE pour non-paiement de la rémunération équitable due aux artistes-interprètes et producteurs de phonogrammes. Le tribunal de grande instance de Bordeaux a condamné la société à payer plusieurs sommes à la SPRE. En appel, la société I.BOAT et sa gérante demandent la réduction des sommes dues, tandis que la SPRE demande des dommages-intérêts supplémentaires. L’affaire est en attente de jugement après une audience en mai 2024.

REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

18 juin 2024
Cour d’appel de Bordeaux
RG n°
21/02077
COUR D’APPEL DE BORDEAUX

1ère CHAMBRE CIVILE

————————–

ARRÊT DU : 18 JUIN 2024

PP

N° RG 21/02077 – N° Portalis DBVJ-V-B7F-MBON

[S] [D]

S.A.R.L. I.BOAT

c/

S.C. SPRE

SCP SILVESTRI [X]

S.E.L.A.R.L. ARVA

Nature de la décision : AU FOND

Grosse délivrée le :

aux avocats

Décision déférée à la cour : jugement rendu le 19 janvier 2021 par le Tribunal Judiciaire de BORDEAUX (chambre : 1, RG : 18/03693) suivant déclaration d’appel du 08 avril 2021

APPELANTES :

[S] [D]

née le 15 Février 1973 à [Localité 6]

de nationalité Française,

demeurant [Adresse 5]

S.A.R.L. I.BOAT agissant en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social sis [Adresse 1]

représentées par Maître Philippe SOL de la SELARL SOL GARNAUD, avocat postulant au barreau de BORDEAUX, et assistées de Maître Olivier LEDRU, avocat plaidant au barreau de PARIS

INTIMÉE :

S.C. SPRE SOCIETE POUR LA PERCEPTION DE LA REMUNERATION EQUITABLE DE LA COMMUNICATION AU PUBLIC DES PHONOGRAMMES DU COMMERCE, agissant en la personne de son représentant légal, demeurant en cette qualité audit siége sis [Adresse 3]

représentée par Maître Annie TAILLARD de la SCP ANNIE TAILLARD AVOCAT, avocat postulant au barreau de BORDEAUX, et assistée de Maître Sophie BARA de la SELARL OX, avocat plaidant au barreau de PARIS

INTERVENANTES :

SCP SILVESTRI [X] prise en la personne de Me [U] [X] agissant en qualité de mandataire judiciaire de la SAS I BOAT domicilié en cette qualité au siège social [Adresse 2]

S.E.L.A.R.L. ARVA prise en la personne de Me [Z] [Y] es qualité d’administrateur judiciaire au redressement judiciaire de la société I BOAT, domicilié en cette qualité [Adresse 4]

représentées par Maître Philippe SOL de la SELARL SOL GARNAUD, avocat postulant au barreau de BORDEAUX, et assistées de Maître Olivier LEDRU, avocat plaidant au barreau de PARIS

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été examinée le 07 mai 2024 en audience publique, devant la cour composée de :

Madame Paule POIREL, Président

Mme Bérengère VALLEE, Conseiller

M. Emmanuel BREARD, Conseiller

Greffier lors des débats : Madame Véronique SAIGE

Le rapport oral de l’affaire a été fait à l’audience avant les plaidoiries.

ARRÊT :

– contradictoire

– prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

* * *

EXPOSE DU LITIGE ET DE LA PROCÉDURE

La Sarl I.BOAT exploite depuis 2011 sur une péniche amarrée Bassin à flot n°1, à Bordeaux, un établissement dénommé ‘I BOAT’ qui a notamment une activité de bar, restaurant et organisation de spectacles et concerts.

Il est constant que l’établissement est divisé en plusieurs espaces proposant des activités différentes :

– un espace bar (terrasse),

– un espace restaurant,

– un espace Club (dans la cale).

La Société pour la Perception de la Rémunération Equitable de la communication au public des phonogrammes du commerce (ci-après la SPRE) est une société civile de gestion collective des droits voisins du droit d’auteur des artistes-interprètes et des producteurs de phonogrammes.

La SPRE a pour mission légale de percevoir, sous le contrôle du ministère de la Culture, la rémunération dite équitable, prévue à l’article L. 214-1 du code de la propriété intellectuelle, due aux artistes-interprètes par les établissements qui diffusent publiquement à des fins commerciales des phonogrammes, qu’il s’agisse de musique attractive ou de sonorisation, dès lors que lesdits phonogrammes font l’objet d’une communication directe dans un lieu public ou d’une radiodiffusion. Cette rémunération perçue par la société SPRE est ensuite répartie par moitié entre les artistes-interprètes et les producteurs.

Reprochant à la société I.BOAT de ne pas avoir versé la rémunération équitable prévue pour les artistes-interprètes et producteurs de phonogrammes, la SPRE a, par acte d’huissier du 11 avril 2018, fait assigner la société I.BOAT et sa gérante, Mme [S] [D], devant le tribunal de grande instance de Bordeaux, aux fins de condamnation in solidum au paiement de plusieurs sommes au titre de la rémunération équitable impayée.

Par jugement du 19 janvier 2021, le tribunal judiciaire de Bordeaux a :

– rejeté la demande visant à écarter les décisions communiquées par note en délibéré du 12 janvier 2021,

– condamné in solidum la Sarl I. BOAT et Mme [S] [D] à payer à la Société pour la Perception de la Rémunération Equitable la somme de 2.715,44 euros au titre de la rémunération équitable due pour les activités de discothèque ou établissement similaire et bar à ambiance musicale, sur la période du 1er septembre 2011 au 30 juin 2015, avec intérêts au taux légal à compter de la décision,

– condamné in solidum la Sarl I. BOAT et Mme [S] [D] à payer à la Société pour la Perception de la Rémunération Equitable la somme de 1.195,53 euros au titre de la rémunération équitable due pour l’activité de lieu sonorisé, sur la période du 1er octobre 2013 au 30 septembre 2018, avec intérêts au taux légal à compter de la décision,

– condamné in solidum la Sarl I. BOAT et Mme [S] [D] à payer à la Société pour la Perception de la Rémunération Equitable la somme de 80.712,88 euros au titre de la rémunération équitable due pour les activités de discothèque ou établissement similaire et bar à ambiance musicale, sur la période du 1er juillet 2015 au 31 mars 2020, avec intérêts au taux légal à compter de la décision,

– ordonné la capitalisation des intérêts dus pour une année entière à compter du 31 juillet 2020, conformément aux dispositions de l’article 1343-2 du code civil,

– débouté la Société pour la Perception de la Rémunération Equitable de sa demande de dommages et intérêts complémentaires,

– condamné in solidum la Sarl I. BOAT et Mme [S] [D] à payer à la SPRE la somme de 4.500 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de Procédure Civile,

– condamné in solidum la Sarl I. BOAT et Mme [S] [D] aux dépens, avec droit de recouvrement direct au profit de Maître Laurence Barre,

– ordonné l’exécution provisoire,

– rejeté les autres demandes.

Par déclaration électronique en date du 8 avril 2021, Mme [S] [D] et la Sarl I BOAT ont interjeté appel de ce jugement en toutes ses dispositions, hormis celle ayant débouté la SPRE de sa demande de dommages et intérêts complémentaires.

Mme [D] et la société I.BOAT, ainsi que la SELARL Arva en qualité d’administrateur judiciaire et la SCP Silvestri [X] en qualité de mandataire judiciaire, dans leurs dernières conclusions déposées le 26 décembre 2023 demandent à la cour de :

Infirmer le jugement en toutes ses dispositions sauf en ce qu’il condamne la société I.BOAT à payer à la SPRE la somme de 2.715,44 euros au titre de la rémunération équitable pour les activités sur la période du 1er septembre 2011 au 30 juin 2015 et en ce qu’il déboute la SPRE de sa demande de dommages et intérêts complémentaires,

Statuant à nouveau :

– juger l’activité club de la société I.BOAT ne peut pas être assimilée à une activité de discothèque au sens des textes susvisés ;

– débouter la SPRE de ses demandes au titre d’une activité de discothèque ;

– juger que la diffusion de phonogramme du commerce dans le club de l’I.BOAT ne représente pas plus de 10 % de la programmation globale ;

– juger que l’assiette de la rémunération équitable perçus par la SPRE au titre de cette activité club doit être limitée à 10 % du chiffre d’affaires réalisé par cette activité club ;

– juger que l’activité de la société I.BOAT dans les espaces bar et restaurant de l’I.BOAT ne peut pas être assimilée à une activité de Bar ou Restaurant à Ambiance Musicale ;

– débouter la SPRE de ses demandes au titre de l’activité Bar ou Restaurant à Ambiance Musicale ;

– débouter la SPRE de sa demande en dommages et intérêts ;

– en tout état de cause, débouter la SPRE de ses demandes de condamnation in solidum de Mme [D] ;

– condamner la SPRE à payer à la société I.BOAT, à Mme [D], la somme de 7.000 euros chacun au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

– la condamner aux entiers dépens.

La Société pour la Perception de la Rémunération Equitable (SPRE), dans ses dernières conclusions déposées le 4 décembre 2023 comportant appel incident, demande à la cour de :

– au principal, confirmant le jugement intervenu en tous ses chefs de condamnation,

– à titre incident, l’infirmant en ce qu’il a débouté la SPRE de sa demande de dommages-intérêts complémentaires,

– et y ajoutant au titre de l’actualisation des sommes dues et des dépens et frais irrépétibles d’appel, en tenant compte de l’ouverture d’une procédure de redressement judiciaire à l’égard de la société I.Boat :

– juger la SPRE recevable et bien fondée à appeler la Selarl Arva Administrateurs Judiciaires Associés représentée par Maître [B] [V] en qualité de mandataire ad’hoc et la société SCP Silvestri-[X] en qualité de mandataire judiciaire à la procédure de redressement judiciaire de la société I BOAT Sarl, en intervention forcée à l’instance d’appel en cours à l’encontre de cette société, inscrite au rôle de la 1ère Chambre civile de la Cour d’appel de Bordeaux sous le numéro 21/02077 ;

– dire que l’arrêt à intervenir sera opposable à la Selarl Arva Administrateurs Judiciaires Associés représentée par Maître [B] [V] en qualité de mandataire ad’hoc et à la société SCP Silvestri-[X] en qualité de mandataire judiciaire à la procédure de redressement judiciaire de la société I. BOAT Sarl ;

– fixer au passif du redressement judiciaire de la Sarl I. BOAT :

* à titre privilégié et définitif, en vertu du privilège général prévu à l’article L.131-8 du code de la propriété intellectuelle, la créance de la SPRE représentant la rémunération équitable due et impayée par la société I. BOAT jusqu’au 5 avril 2023, pour un montant de 135.571,29€;

* à titre chirographaire, la créance de la SPRE pour un montant de 14 389,62 €, se décomposant comme suit : 4 500 € au titre de l’article 700 code de procédure civile, 7.953,60€ au titre des intérêts légaux, et 1 936,02 € au titre des dépens en vertu de (sic).

– condamner Mme [S] [D] à payer à la SPRE, à titre de dommages-intérêts au titre de sa faute détachable :

* La somme de 143 524, 89 € correspondant au préjudice subi par la SPRE à hauteur du montant de la rémunération équitable impayée jusqu’au 5 avril 2023, en capital et intérêts;

* La somme de 4.500 € correspondant au préjudice complémentaire subi par la SPRE en raison de l’atteinte aux intérêts collectifs qu’elle a pour mission de défendre ;

– condamner Mme [S] [D] à payer à la SPRE la somme de 4.500 € au titre des frais irrépétibles d’instance et de 8.000 € au titre des frais irrépétibles d’appel.

– condamner Mme [S] [D] aux entiers dépens d’instance et d’appel, en application de l’article 699 du code de procédure civile, dont soustraction pour ces derniers au profit de Maître Annie Taillard.

L’affaire a été fixée à l’audience collégiale du 7 mai 2024.

L’instruction a été clôturée par ordonnance du 23 avril 2024.

MOTIFS DE LA DÉCISION

La recevabilité de l’appel en intervention forcée délivrée par la SPRE à l’encontre des organes de la procédure de redressement judiciaire de la Sarl I.Boat ouverte par jugement en date du 5 avril 2023 n’est pas contestée et la SPRE justifie avoir déclaré sa créance entre les mains de la SCP Silvestri-[X], en sa qualité de mandataire judiciaire, le 14 avril 2024, ce qui n’est pas contesté, en sorte que la SPRE est recevable à voir fixer sa créance, née antérieurement au jugement d’ouverture, à la procédure collective de la société I-Boat.

Bien qu’ayant interjeté appel de la décision du jugement qui les ont condamnées in solidum à payer à la Société pour la Perception de la Rémunération Equitable la somme de 2.715,44 euros au titre de la rémunération équitable due pour les activités de discothèque ou établissement similaire et bar à ambiance musicale, sur la période du 1er septembre 2011 au 30 juin 2015, avec intérêts au taux légal à compter de la décision, les appelantes ne remettent finalement plus en cause cette disposition de sorte qu’il y a lieu à confirmation du jugement de ce chef.

Demeure contestée la facturation au titre des activités de discothèque et établissements similaires et bar à ambiance musicale sur la période du 1er juillet 2015 au 31 mars 2020.

Le tribunal a fait droit à la facturation sollicitée par la SPRE, ayant rappelé les dispositions des articles L 212-3 et L 213-1 du code de la propriété intellectuelle qui obligent à solliciter une autorisation des artistes interprètes et producteurs de phonogrammes pour toute reproduction ou communication au public d’un phonogramme, mais également les dispositions de l’article L 214-1 qui prévoient, à titre dérogatoire, la perception d’une redevance ‘dite rémunération équitable’ exclusive de l’autorisation des interprètes lorsque la communication directe au public de phonogrammes du commerce n’est pas utilisée dans un spectacle, observant qu’il est alors fait application d’un barème aux lieux sonorisés qui diffusent de la musique en simple fond sonore comme accessoire de l’activité commerciale distinct, du barème applicable aux bars et restaurants à ambiance musicale qui diffusent de la musique et du barème applicable aux établissements de type discothèques ou assimilés où l’on peut danser et écouter de la musique enregistrée tout en consommant.

Il a ensuite retenu que c’était à bon droit qu’une facturation avait été appliquée à la Sarl I.Boat au titre d’une activité de discothèque ou établissement similaire s’agissant de son espace Club et d’une activité de bar à ambiance musicale s’agissant de la terrasse, alors qu’elle n’a pas retenu la qualification de restaurant à ambiance musicale s’agissant de l’espace restaurant mais de simple lieu sonorisé.

La Sarl I.Boat conteste son assujetissement à la redevance au titre du barème discothèque s’agissant de l’espace club dès lors qu’elle ne diffuserait des phonogrammes de commerce que de façon marginale dans son espace club dans lequel elle permet essentiellement à des artistes de musique électronique de se produire sur scène en interprétant leurs oeuvres originales lesquelles peuvent parfois intégrer de brefs extraits d’oeuvres préexistantes selon une technique dite du ‘Sampling’ de sorte qu’elle n’aurait pas la même appréciation que la SPRE de la prestation réalisée par ses artistes sur scène dont elle soutient qu’il s’agit de véritables créations émanant de Dj qui ne se contentent pas de diffuser à la chaîne des titres préenregistrés ou phonogrammes du commerce sans aucune création, mais procèdent à un mixage créant une musique originale pouvant reproduire de manière marginale des extraits d’oeuvres préexistantes. Elle conteste également que les constatations de la SPRE permettent, en application de ses propres critères, de retenir comme établie la notion de diffusion de phonogrammes dans le cadre d’une activité de discothèque mais également de BAM/RAM.

Cependant, selon l’article L 214-1 du code de la propriété intellectuelle dans sa version applicable à l’espèce, ‘lorsqu’un phonogramme a été publié à des fins de commerce, l’artiste-interprète et le producteur ne peuvent s’opposer :

1° A sa communication directe dans un lieu public, dès lors qu’il n’est pas utilisé dans un spectacle ;

2° A sa radiodiffusion et à sa câblo-distribution simultanée et intégrale, ainsi qu’à sa reproduction strictement réservée à ces fins, effectuée par ou pour le compte d’entreprises de communication audiovisuelle en vue de sonoriser leurs programmes propres diffusés sur leur antenne ainsi que sur celles des entreprises de communication audiovisuelle qui acquittent la rémunération équitable.

Dans tous les autres cas, il incombe aux producteurs des dits programmes de se conformer au droit exclusif des titulaires de droits voisins prévu aux articles L. 212-3 et L. 213-1.

Ces utilisations des phonogrammes publiés à des fins de commerce, quel que soit le lieu de fixation de ces phonogrammes, ouvrent droit à rémunération au profit des artistes-interprètes et des producteurs.

Cette rémunération est versée par les personnes qui utilisent les phonogrammes publiés à des fins de commerce dans les conditions mentionnées aux 1° et 2° du présent article.

Elle est assise sur les recettes de l’exploitation ou, à défaut, évaluée forfaitairement dans les cas prévus à l’article L. 131-4.

Elle est répartie par moitié entre les artistes-interprètes et les producteurs de phonogrammes’.

Ainsi que l’observait justement le tribunal, l’article L 214-1 ne distingue pas selon que la diffusion porte sur l’intégralité du phonogramme ou seulement sur des extraits.

Il sera par ailleurs rappelé que, distinct de l’oeuvre musicale protégée par le droit d’auteur, le phonogramme constitue une fixation de sons protégée en tant que telle et non pas du fait de l’agencement de ces mêmes sons reflétant une création intellectuelle propre à l’auteur et il est admis que si un son ou un mot ne peut être protégé au titre du droit d’auteur du seul fait de son inclusion dans une oeuvre, il en va différemment de son enregistrement qui constitue un phonogramme protégeable au titre des droits voisins des droits d’auteur et que le monopole qu’il instaure au profit de son titulaire sur les biens à caractère intellectuel peut être opposé aux autres droits fondamentaux dont la liberté d’expression et des arts.

Il s’ensuit que la nécessité d’obtention d’une licence pour pouvoir reproduire ou diffuser un extrait de phonogramme ne constitue pas une contrainte disproportionnée à la liberté des arts.

Ainsi la CJUE dans un arrêt du 29 juillet 2019 a dit que la reproduction même très brève par un utilisateur d’un échantillon sonore, prélevé d’un phonogramme, constitue en principe une reproduction de partie de ce phonogramme, de sorte qu’une telle reproduction relève du droit exclusif conféré au producteur de phonogramme. Quant à l’arrêt de la cour de cassation du 15 mai 2015, il n’est ainsi que le relève justement la SPRE pas transposable à l’espèce dès lors qu’il est intervenu en matière de droits d’auteur et non pas de droits voisins.

Il ne s’agit d’ailleurs pas ici, ainsi que l’observait justement le tribunal, de contester la liberté pour la Sarl I.Boat de diffuser des phonogrammes mais de lui appliquer la redevance due en l’absence d’autorisation préalable de l’artiste interprète ou du producteur.

Le tribunal a justement relevé que la société I. Boat, tout en soutenant que l’activité essentielle du club consiste à accueillir des concerts et non à diffuser des phonogrammes, a admis qu’à tout le moins la diffusion de phonogrammes sans autorisation dans son établissement représentait environ 10 % de son chiffre d’affaires. Ce faisant, pour les raisons sus-exposées, elle ne peut plus valablement contester être redevable de la redevance, sans qu’il soit nécessaire de s’interroger sur la part de création résultant de ces diffusions.

Par ailleurs, le tribunal a également justement relevé qu’il résultait des différents procès-verbaux, dont les constatations ne sont pas utilement contredites, qu’un DJ diffuse dès 19H30 des phonogrammes sur la terrasse de l’établissement qui sont audibles depuis l’entrée et que le volume sonore augmente progressivement devenant très élevé à 20H45, qu’à compter de minuit est ensuite ouvert l’accès payant au club qui diffuse par un DJ de la musique enregistrée à un volume sonore très élevé, que des clients dansent sur la piste dédiée où sont projetés des jeux de lumière, que d’autres consomment au bar de la cale mais également sur la terrasse où le niveau sonore est très élevé obligeant à hausser la voix, qu’il est constaté tout au long de la soirée que l’agent [R] reconnaît les titres diffusés et que le procès verbal dressé dans la nuit du 30 août au 1er septembre 2017 fait notamment état d’une diffusion ininterrompue de phonogrammes durant au moins vingt minutes.

Il s’ensuit que s’agissant de l’espace Club, l’agent de la SPRE ne s’est pas contenté, ainsi que le soutient à tort la société I.Boat, de relever la simple présence sur scène de DJ, pour conclure à une activité de discothèque mais a relevé précisément la diffusion de phonogrammes, d’ailleurs non contestée, dont il a été rappelé plus avant qu’elle constituait un élément indispensable et suffisant, même mixés avec des éléments de création, pour justifier l’assujetissement à la rémunération équitable.

Le tribuna a par ailleurs justement déduit de ces constatations que les phonogrammes étaient employés dans l’espace club afin de permettre à la clientèle de danser et écouter de la musique préenregistrée tout en consommant, correspondant à une activité de discothèque ou établissement assimilé relevant en conséquence de l’assujetissement à la rémunération équitable et qu’ils étaient employés dans l’espace terrasse comme un élément essentiel pour attirer la clientèle en créant une ambiance festive forte, relevant en conséquence de cet assujetissement au titre du bar à ambiance musicale.

Enfin, s’il a été constaté que le 31 août 2017 les phonogrammes étaient utilisés à titre de fond sonore dans l’espace restaurant, le tribunal a, en l’absence de toute autre précision tenant notamment au volume sonore de la musique diffusée et à son importance dans l’activité commerciale du restaurant, retenu qu’il relevait de l’assujetissement selon le barème afférent aux lieux sonorisés où la musique est diffusée en simple fond sonore ne constituant qu’une composante accessoire de l’activité principale et non pas du barème afférents aux restaurant à ambiance sonore. Les appelantes ne contestant finalement pas leur condamnation à hauteur de 1 195,33 euros au titre de la redevance pour les lieux sonorisés pour la période allant du 1er octobre 2013 au 30 septembre 2018, le jugement entrepris est également confirmé de ce chef.

Sur la condamnation in solidum de Mme [D] :

Les appelantes contestent la condamnation in solidum de Mme [D] en sa qualité de gérante de la société I. Boat avec la société, contestant que Mme [D] ait commis une quelconque faute de gestion détachable de ses fonctions, alors qu’elle ne se serait pas contenter de contester tout assujetissement de la société mais se serait au contraire rapprochée dès novembre 2016 de la SPRE pour émettre des contestations dans l’intérêt de sa société, ce qui entrait dans le cadre de ses fonctions.

Cependant c’est à bon droit que le tribunal a retenu, après avoir justement observé que le non paiement de la rémunération équitable était constitutif d’un délit, que Mme [D] s’est à la suite d’un échange de courrier refusée au paiement de la rémunération équitable, tout en refusant également que soit installé aux frais de la SPRE un dispositif de reconnaissance des phonogrammes permettant de mesurer sur une durée de trois mois l’activité de la société relevant de l’assujetissement, alors même qu’elle avait reconnu par un courrier du 14 novembre 2017 être assujettie à la redevance au titre du barème RAM à hauteur de 10 % de son activité, ce dont elle n’a jamais justifié.

En outre, il résulte des pièces versées aux débats par la SPRE que dès 2015 le bien fondé de cet assujettissement était reconnu puisqu’un accord transactionnel était intervenu qui a été honoré à l’exception de son dernier terme, que si à compter de janvier 2016, la société I.Boat par l’intermédiaire de Mme [D] a brusquement fait valoir qu’elle entendait se prévaloir au regard de l’évolution de la législation d’une activité de spectacles vivants, demandant que soit reconnue la spécificité de la musique électronique du fait de son assujetissement à la CNV, elle a finalement totalement abandonné cet argument dans son courrier du 14 novembre 2017 pour reconnaître son assujetissement mais uniquement à hauteur de 10% de son activité.

Dès lors, la position soutenue par Mme [D] qui s’est toujours refusée à permettre une évaluation précise de son activité, alors même que n’était plus contesté le principe de son assujetissement, constitue une faute personnelle contraire aux intérêts de la société et partant détachable de ses fonctions.

En tout état de cause, il est admis que le dirigeant qui diffuse des phonogrammes dans son établissement sans s’acquitter de la redevance commet une faute détachable de ses fonctions, engageant sa responsabilité civile à concurrence de la rémunération équitable éludée, d’où il suit qu’est justifiée la condamnation in solidum de Mme [D] avec sa société, sous réserve de la procédure de redressement judiciaire ouverte au profit de la société I. Boat.

Le jugement qui a prononcé sa condamnation in solidum avec la société I. Boat dont elle est la gérante est en conséquence confirmé.

Sur le montant de la taxation :

Dès lors que la Sarl I.Boat relève de la redevance, elle n’est pas fondée à contester la facturation d’office qui lui a été appliquée conformément aux différents barèmes alors qu’elle s’est toujours refusée à justifier de son activité ventilée permettant d’opérer une éviction de l’assiette de la rémunération équitable d’ une partie de ses recettes, ne justifiant pas à ce jour avoir fourni les éléments nécessaires à la fixation de sa redevance.

Le tribunal a condamné in solidum la Sarl I. BOAT et Mme [S] [D] à payer à la Société pour la Perception de la Rémunération Equitable la somme de 80.712,88 euros au titre de la rémunération équitable due pour les activités de discothèque ou établissement similaire et bar à ambiance musicale, sur la période du 1er juillet 2015 au 31 mars 2020, avec intérêts au taux légal à compter de la décision.

Cependant la SPRE demande d’arrêter cette créance à la date du 5 avril 2023 à la somme de 135 571, 29 euros, ce en quoi elle est fondée en l’absence de tout paiement de la part de la Sarl I. Boat ou de toute déclaration justifiant sa sortie du régime de la facturation d’office, aucune contestation n’étant élevée par les appelantes au titre des montants facturés, seul le bien fondé de la facturation étant contesté.

S’agissant de la Sarl I.Boat, la SPRE justifie avoir déclaré sa créance pour ce montant à titre privilégiée, ce qui ne fait pas l’objet de contestation.

En conséquence, la créance de la SPRE sera fixée à la procédure collective de la Sarl I.BOAT au titre de la rémunération équitable due du 1er juillet 2015 au 5 avril 2023 à hauteur de la somme de 135 571,29 euros, à titre privilégiée.

Le jugement est en conséquence infirmé en ce qu’il a condamné in solidum la Sarl I. Boat avec Mme [D] au paiement de la somme de 80 712,88 euros.

Il sera précisé que la créance envers la société I. Boat est ainsi fixée avec intérêts au taux légal depuis le jugement à hauteur de 80 712,88 euros et à compter de l’arrêt de la cour pour le surplus.

Enfin, les demandes de la SPRE ne sont pas contestées en ce qu’elle demande en application du jugement de première instance qui est confirmé de ces chefs de fixer sa créance à titre chirographaire pour un montant de 14 389,62 €, soit 4 500 € au titre de l’article 700 code de procédure civile (première instance), 7 953,60 € au titre des intérêts légaux, et 1 936,02 € au titre des dépens de première instance.

Sur les dommages et intérêts complémentaires :

La SPRE forme appel incident et demande à la cour de l’indemniser de son préjudice complémentaire, matériel et moral, distinct de celui qui lui est compensé par l’octroi des intérêts moratoires dont elle estime avoir été déboutée à tort par le premier juge.

La Sarl I.Boat et Mme [D] qui n’ont pas fait appel de cette disposition ne s’expriment pas sur l’appel incident de la SPRE.

Cependant la SPRE demande l’octroi d’une somme de 4.500 euros de dommages et intérêts complémentaires en réparation d’un préjudice moral constitué à l’intérêt collectif des artistes interprètes qu’elle défend et d’un préjudice matériel distinct de ses frais irrépétibles correspondant à ses divers frais afférents à son service contentieux, alors que, d’une part ces derniers frais entrent précisément dans la définition des frais irrépétibles non compris dans les dépens dont elle a été indemnisée en première instance à hauteur de 4500 euros et que d’autre part, elle ne peut formuler une demande de dommages et intérêts ‘toutes causes de préjudices confondues’ sans chiffrer ses demandes au titre de chacun des préjudices qu’elle réclame, ne mettant pas la cour d’appel en mesure de statuer sur chacune d’entre elles.

Le jugement qui a débouté la SPRE de ses demandes de dommages et intérêts complémentaires est en conséquence confirmé.

Le jugement entrepris n’étant finalement pas critiqué en ce qu’il a ordonné la capitalisation des intérêts est également confirmé de ce chef.

Enfin le jugement est également confirmé en ce qu’il a alloué à la SPRE une somme de 4 500 euros au titre de ses frais irrépétibles de première instance, somme qui sera toutefois fixée à la procédure collective de la Sarl I.Boat, Mme [D] demeurant tenue in solidum au paiement de cette somme.

Succombant en leur recours, la Sarl I. Boat et Mme [D] sont tenues in solidum des dépens de celui-ci et Mme [D] condamnée au paiement d’une somme de 6 000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles d’appel.

PAR CES MOTIFS :

La cour

Statuant dans la limite de sa saisine.

Rejetant toute demande plus ample ou contraire des parties :

Confirme le jugement entrepris sauf en ce qu’il a condamné in solidum la Sarl I. Boat et Mme [S] [D] à payer à la Société pour la Perception de la Rémunération Equitable:

– la somme de 80.712,88 euros au titre de la rémunération équitable due pour les activités de discothèque ou établissement similaire et bar à ambiance musicale, sur la période du 1er juillet 2015 au 31 mars 2020, avec intérêts au taux légal à compter de la décision,

– la somme de 4.500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

– aux dépens.

Statuant à nouveau de ces chefs :

Fixe à la procédure collective de la Sarl I. Boat la créance de la Société pour la Perception de la Rémunération Equitable (SPRE) :

– à titre privilégié à hauteur de la somme de 135 571,29 euros au titre de la rémunération équitable impayée du 1er juillet 2015 au 5 avril 2023, avec intérêts au taux légal à compter du jugement à hauteur de 80 712,88 euros et du présent arrêt pour le surplus et avec capitalisation des intérêts par année entière conformément aux dispositions de l’article 1343-2 du code civil,

– à titre chirographaire à hauteur de la somme de 14 389,62 €, soit 4 500 € au titre de l’article 700 code de procédure civile en première instance, 7 953,60 € au titre des intérêts légaux, et 1 936,02 € au titre des dépens de première instance.

Condamne Mme [S] [D] in solidum avec la société I.Boat, à payer à Société pour la Perception de la Rémunération Equitable (SPRE) :

-la somme de 135 571,29 euros au titre de la rémunération équitable impayée du 1er juillet 2015 au 5 avril 2023, avec intérêts au taux légal à compter du jugement à hauteur de 80.712,88 euros et du présent arrêt pour le surplus et avec capitalisation des intérêts par année entière conformément aux dispositions de l’article 1343-2 du code civil.

– la somme de 4 500 euros au titre des frais irrépétibles de première instance.

– les dépens de première instance.

Y ajoutant :

Condamne Mme [S] [D] à payer à Société pour la Perception de la Rémunération Equitable (SPRE) la somme de 6 000 euros au titre des frais irrépétibles d’appel.

Condamne in solidum Mme [S] [D] et la Sarl Arva Administrateurs Judiciaires agissant ès qualités de mandataire ad hoc et la SCP Silvestri-[X] ès qualités de mandataire judiciaire à la procédure de redressement judiciaire de la Sarl I.Boat aux dépens du présent recours, avec distraction au profit de Maître Annie Taillard, Avocat.

Le présent arrêt a été signé par Madame Paule POIREL, président, et par Madame Véronique SAIGE, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le Greffier, Le Président,


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