Séquestre provisoire : 9 juin 2022 Cour d’appel de Douai RG n° 21/05169

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Séquestre provisoire : 9 juin 2022 Cour d’appel de Douai RG n° 21/05169
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République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D’APPEL DE DOUAI

CHAMBRE 2 SECTION 1

ARRÊT DU 09/06/2022

****

N° de MINUTE : 22/

N° RG 21/05169 – N° Portalis DBVT-V-B7F-T4BL

Ordonnance n° 21/00026 rendue le 21 septembre 2021 par le tribunal de commerce d’Arras

APPELANTE

SAS Centre d’Ingénierie de Maintenance et d’Expertise d’Ouvrages ‘CIMEO’ prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège exerçant sous le nom commercial ‘CIMEO-CIMEO Rhône Alpes’

ayant son siège social 7 rue des Maraîchers – Bâtiment A3 – 69120 Vaulx-en-Velin

représentée par Me Marie-Hélène Laurent, avocat au barreau de Douai

assistée de Me Florence Passot, SELARL Abivox Avocat, avocat au barreau de Lyon

INTIMÉES

SAS Ginger CEBTP représentée par M. [I] [F] en sa qualité de directeur général

ayant son siège social ZAC Clé Saint-Pierre – 12 avenue Gay Lussac – 78990 Elancourt

représentée par Me Samuel Willemetz, avocat au barreau d’Arras

assistée de Me Philippe Rozec, avocat au barreau de Paris

SAS Ciméo Nord agissant en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

ayant son siège social 18 rue du Pont de fer – 62190 Lillers

représentée par Me Catherine Camus-Demailly, avocat au barreau de Douai

assistée de Me David Lefranc, avocat au barreau d’Arras

DÉBATS à l’audience publique du 02 mars 2022 tenue par Dominique Gilles magistrat chargé d’instruire le dossier qui, après rapport oral de l’affaire, a entendu seul les plaidoiries, les conseils des parties ne s’y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré (article 786 du code de procédure civile).

Les parties ont été avisées à l’issue des débats que l’arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Valérie Roelofs

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

Véronique Renard, présidente de chambre

Dominique Gilles, président

Pauline Mimiague, conseiller

ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 09 juin 2022 après prorogation du délibéré initialement prévu le 05 mai 2022 (date indiquée à l’issue des débats) et signé par Véronique Renard, présidente et Valérie Roelofs, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 09 février 2022

****

Vu l’ordonnance du 26 janvier 2021 du président du tribunal de commerce d’Arras, ensemble la requête de la SAS Ginger CEBTP sur laquelle cette ordonnance a été rendue, aux termes desquelles a été autorisée une mesure d’instruction au siège social de la société CIMEO Nord à Vendin-les-Béthune et à l’agence de celle-ci sise à Lillers, pour administrer la preuve d’actes de concurrences déloyales ;

Vu la contestation de cette mesure devant le juge des référés par l’assignation de la SAS Ginger CEBTP par la SAS CIMEO Nord et l’intervention volontaire de la société SAS Centre d’ingénierie de maintenance et d’expertise d’ouvrages « CIMEO » dite CIMEO Rhône-Alpes ;

Vu l’ordonnance du 21 septembre 2021 du juge des référés du tribunal de commerce d’Arras ayant :

– débouté la SAS CIMEO Nord de ses demandes,

– débouté la SAS CIMEO Rhône-Alpes de ses demandes,

– confirmé en tous points l’ordonnance du président du tribunal de commerce d’Arras du 21 janvier 2021,

– invité les parties à se pourvoir au fond aux fins de pouvoir statuer sur les opérations de levée de séquestre,

– condamné la SAS CIMEO Nord à payer 2 000 euros à la SAS Ginger CEBTP au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– débouté la SAS Ginger CEBTP du surplus de ses demandes,

– condamné la SAS CIMEO Nord aux dépens ;

Vu l’appel contre cette ordonnance, interjeté par déclaration de la SAS Centre d’ingénierie de maintenance et d’expertise d’ouvrage « CIMEO » exerçant sous le nom commerciale CIMEO-CIMEO Rhône-Alpes reçue au greffe de la Cour le 6 octobre 2021, enregistrée sous le numéro RG : 21/05169, intimant la SAS Ginger CEBTP et la SAS CIMEO Nord et critiquant chacun des chefs de l’ordonnance entreprise, en vue de la réformation ou l’annulation de celle-ci ;

Vu l’appel contre cette ordonnance, interjeté par déclaration de la SAS CIMEO Nord, reçue au greffe de la Cour le 11 octobre 2021, enregistrée sous le numéro RG : 21/05230, intimant la SAS Ginger CEBTP et la SAS CIMEO–CIMEO Rhône-Alpes et critiquant chacun des chefs de l’ordonnance entreprise qui l’a déboutée ou condamnée, en vue de la réformation ou l’annulation de celle-ci ;

Vu l’appel contre cette ordonnance, interjeté par déclaration de la SAS CIMEO Nord, reçue au greffe de la Cour le 6 octobre 2021, enregistrée sous le numéro RG : 21/05384, intimant la SAS Ginger CEBTP et la SAS CIMEO–CIMEO Rhône-Alpes et critiquant chacun des chefs de l’ordonnance entreprise l’ayant déboutée de ses demandes ou condamnée, ayant confirmé l’ordonnance présidentielle du 21 janvier 2021, invité les parties à se pourvoir au fond pour qu’il soit statué sur les opérations de levée de séquestre, en vue de la réformation ou l’annulation de cette ordonnance ;

Vu les dernières conclusions de la société CIMEO-CIMEO Rhône-Alpes déposées et notifiées par la voie électronique le 29 janvier 2022, dans chacun des dossiers n° RG : 21/05169, 21/05230 et 21/05384, demandant à la Cour de :

– vu les dispositions de l’article 328 et suivants du code de procédure civile ;

– vu les dispositions de l’article 32-1, 145 et 495 et suivants du Code de procédure civile ;

– vu les dispositions des articles 122 et suivants du code de procédure civile ;

– infirmer l’ordonnance du tribunal de commerce d’Arras du 21 septembre 2021 en toutes ses dispositions, sauf en  ce  qu’elle  a  débouté  la  société  Ginger  CEBTP  du  surplus  de  ses demandes, et donc en ce que :

. elle l’a déboutée de l’ensemble de ses demandes, 

. elle a débouté la SAS CIMEO Nord de l’ensemble de ses demandes.

– elle a confirmé en tous points l’ordonnance du président du tribunal de commerce du 21 janvier 2021.

– elle a invité à la diligence des parties de se pourvoir au fond aux fins de voir statuer sur les dispositions des opérations de levée de séquestre ;

– elle a condamné la SAS CIMEO Nord à verser à la SAS de Ginger CEBTP la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

– elle a condamné la SAS CIMEO Nord aux entiers frais et dépens de première instance, en ce compris les frais de greffe ;

– statuant à nouveau,

– déclarer la société concluante recevable en son intervention volontaire principale de première instance ;

– rétracter purement et  simplement  l’ordonnance  sur  requête  du 26 janvier 2021, avec toutes conséquences de droit et de fait ;

– en conséquence, 

– déclarer nuls et non avenus tous les actes et faits effectués en exécution de l’ordonnance précitée ;

– ordonner la restitution des éléments saisis ;

– en tout état de cause,

 – déclarer la société Ginger CEBTP irrecevable en ses demandes fondées sur les articles L 153-1 et suivants et R 153-1 à R 153-10 du code de commerce ;

 – débouter la société Ginger CEBTP de l’intégralité de ses demandes, fins et prétentions ; – condamner la société Ginger CEPTB à lui verser la somme de 10 000 euros pour procédure abusive ;

– condamner la société Ginger CEPTB à lui verser la somme de 15 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

– condamner la société Ginger CEPTB aux entiers dépens, de première instance et d’appel ;

 

Vu les dernières conclusions de la société CIMEO Nord, déposées et notifiées par la voie électronique le 4 février 2022 d’une part dans le dossier dans chacun des dossiers n° RG : 21/05169, 21/05230 et 21/05384, demandant à la Cour de :

– vu les articles 14 et s., 32-1, 122, 145, 463, 874, 905, 910-4, 954 du code de procédure civile,

– vu les articles L. 8221-1 et s. du code du travail,

– vu les articles L. 153-1, R. 153-1, R. 153-2 et suivants du code de commerce,

– vu les articles 323-1 et s. du code pénal,

– vu l’article 9, 2. de la Directive 2016/943 du 8 juin 2016,

– vu l’article 33 du Règlement général sur la protection des données (RUE n° 2016/679),

I. en vertu des pouvoirs découlant de l’article 463 du code de procédure civile et de la jurisprudence aux fins, réparer l’omission de statuer commise par le premier juge en ce qu’il ne s’est pas prononcé sur les demandes tendant àvoir la société Ginger CEBTP  déclarée irrecevable, en :

o ses  moyens  de  fond  relatifs  à  la  caractérisation  d’actes  de  concurrence déloyale ;

o sa demande de mainlevée de séquestre ;

– la déclarer recevable et bien fondée en sa requête en omission de statuer, et réparant  cette omission de :

‘ déclarer irrecevable la société Ginger CEBTP en ses arguments de fond tendant à caractériser des actes de concurrence déloyale ;

‘ déclarer irrecevable la société Ginger CEBTP en sa demande relative à un séquestre  des éléments en exécution de l’ordonnance sur requête ;

II. en tout état de cause au titre de l’appel  proprement dit et constatant que la société  concluante s’associe aux conclusions de la société Centre d’ingénierie de maintenance et d’expertise d’ouvrages « CIMEO » :

‘ infirmer les chefs critiqués du jugement contesté ci-après énoncés : déboute la SAS CIMEO NORD de l’ensemble de ses demandes ; confirme en tous points l’Ordonnance de Monsieur le Président du Tribunal de Commerce d’ARRAS en date du 21 janvier 2021 ; invite à la diligence des parties de se pourvoir au fond aux fins de pouvoir statuer sur les dispositions des opérations de levée de séquestre ; condamne la SAS CIMEO Nord à verser à la SAS Ginger CEBTP, la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ; condamne la SAS CIMEO Nord aux entiers frais et dépens de la présente instance ;

‘ confirmer le chef du jugement déféré en ce qu’il a débouté la SAS Ginger CEBTP du surplus de ses demandes ;

 et, statuant à nouveau :

‘ déclarer irrecevable la société Ginger CEBTP en ses arguments de fond tendant à caractériser des actes de concurrence déloyale ;

‘ déclarer irrecevable la société Ginger CEBTP en sa demande relative à un séquestre des éléments en exécution de l’ordonnance sur requête ;

‘ déclarer irrecevable la société Ginger CEBTP en son appel incident tendant à ce que les parties soient invitées à « saisir le juge des référés aux fins de pouvoir statuer sur les opérations de levée de séquestre » ;

‘ déclarer irrecevable la société Ginger CEBTP en ses moyens, fins, prétentions et conclusions fondés sur l’article L. 153-1 du Code de commerce ;

‘ dire que la société Ginger CEBTP a avoué judiciairement le caractère exploratoire de la mesure requise au paragraphe 37 de ses conclusions du 7 mai 2021 ;

‘ dire que la société Ginger CEBTP a renoncé par voie de conclusions à exécuter l’ordonnance sur requête en  ce  qu’elle  prévoyait  l’inventaire  des  pièces appréhendées par Maître [Z] [L] ;

‘ dire que la société Ginger CEBTP ne justifie pas :

o d’une dérogation au principe de la contradiction ;

o  d’un motif légitime à voir l’ordonnance sur requête maintenue ;

o  d’un lien suffisant entre la mesure ordonnée et la motivation alléguée ;

‘ dire que les mesures ordonnées sur requête de la société Ginger CEBTP ne sont pas légalement admissibles ;

‘ dire que la société Ginger CEBTP a commis un détournement de procédure ;

‘ dire la procédure abusive ;

 en conséquence,

‘ rétracter en totalité l’ordonnance sur requête ;

‘ annuler en totalité le procès-verbal de constat du 16 mars 2021 de Maître [Z] [L], huissier de justice à Arras ;

‘ ordonner à Maître [Z] [L] de lui restituer tous les éléments saisis selon  procès-verbal de constat dressé aux frais de la société Ginger CEBTP ;

‘ débouter la société Ginger CEBTP de l’ensemble de ses fins, moyens, prétentions et conclusions ;

‘ condamner la société Ginger CEBTP à lui payer la somme de 10 000 euros à  titre de dommages et intérêts, sur le fondement de l’article 32-1 du code de procédure civile ;

‘ condamner la société Ginger CEBTP à lui payer la somme de 20 000 euros, sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

‘ condamner la société Ginger CEBTP aux entiers dépens de première instance et d’appel avec, pour ces derniers, droit pour la SCP PROCESSUEL de se prévaloir des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile ;

 

Vu les dernières conclusions de la société Ginger CEBTP, déposées et notifiées par la voie électronique le 8 février 2022, dans chacun des dossiers n° RG : 21/05169, 21/05230 et 21/05384,  demandant à la Cour de :

– vu les articles 145, 493, 495 et 875 du code de procédure civile,

– vu l’article 1240 du code civil,

– vu les articles L.153-1, R.153-1 à R.153-10 du code de commerce,

– débouter la société CIMEO Nord de ses fins de non-recevoir ;

– confirmer l’ordonnance entreprise en ce qu’elle a débouté les société CIMEO Nord et CIMEO Rhône-Alpes de leurs demandes et confirmé en tous points l’ordonnance sur requête ;

– infirmer l’ordonnance entreprise en ce qu’elle a invité les parties à se pourvoir au fond aux fins de pouvoir statuer sur les dispositions des opérations de levée de séquestre ;

– statuant de nouveau sur ce seul dernier point :

– inviter à la diligence des parties de saisir le juge des référés aux fins de pouvoir statuer sur les dispositions des opérations de levée de séquestre ;

– en tout état de cause :

– débouter les sociétés CIMEO Nord et CIMEO Rhône-Alpes de l’ensemble de leurs demandes contraires ;

– les condamner in solidum à lui verser 15 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, dépens en sus ;

Vu l’ordonnance de clôture du 9 février 2022.

SUR CE, LA COUR,

Il est d’une bonne administration de la justice d’ordonner la jonction de la seconde et la troisième procédure à la première, plus ancienne.

La requête de la société Ginger CEBTP aux fins de mesure d’instruction et l’ordonnance sur requête contiennent les éléments essentiels qui suivent. Après une présentation de la requérante, du développement de sa compétence particulière en diagnostic structurel et des fonctions que M. [G] a exercé en son sein parmi 10 collaborateurs affectés à cette activité, ce jusqu’à la démission de celui-ci le 4 octobre 2017 à effet du 10 novembre 2017, il est fait une présentation de « CIMEO » qui mentionne la société CIMEO Nord, immatriculée au RCS d’Arras  et dont M. [G] est devenu le directeur général signataire de ses statuts, dès le 17 novembre 2017. Cette présentation mentionne également le groupe, bureau d’études techniques indépendant spécialisé dans le diagnostic des structures et la réparation ou le renforcement des bâtiments et autres ouvrages de génie civil, constitué par la société CIMEO Nord avec une autre société dénommée CIMEO Rhône-Alpes immatriculée au RCS de Lyon et dont le siège social est à Vaulx-en-Velin. Après avoir rappelé la situation de concurrence entre elle-même et le groupe CIMEO, le requérant allègue que M. [G] s’est livré à un débauchage massif et prémédité de salariés de ses agences, caractérisé par le départ de six salariés ayant rejoint CIMEO après le départ de celui-ci, fin 2017 ((MM. [U], [W], [R], [A], [P], et Mme [N]). La requérante exposait être convaincue de l’utilisation par ces anciens salariés, tous formés au diagnostic de structures par ses soins, de documents qui lui appartiennent et auxquels ils ont eu accès pendant leurs fonctions en son sein, ce en violation de leur obligation de les restituer en fin de contrat. Les motifs légitimes exposés à l’appui de la requête aux fins de mesure d’instruction non contradictoire sont :

– la préparation d’une action en concurrence déloyale contre CIMEO Nord, exigeant de recueillir les documents démontrant que la démission des salariés résulte de démarches actives de « CIMEO » ;

– la menace de disparition des preuves figurant sur des supports informatiques, tels que supports de stockage et archives de messageries électronique, ainsi que sur des supports de papier qu’il serait aisé de faire disparaître en tout ou en partie en cas d’absence d’effet de surprise ;

– la nécessité d’éviter que M. [G] et les autres salariés ne se concertent pour présenter une version déformée des faits avec suppression possible de documents.

La requête expose ne demander que des mesures limitées aux seuls éléments de preuve en rapport direct avec les actes de débauchage et d’utilisation de documents lui appartenant.

C’est ainsi que la requérante a obtenu, aux termes de l’ordonnance sur requête conforme à celle-ci, la désignation d’un huissier de justice autorisé, avec l’assistance d’un technicien et le concours de la force publique pour, en substance :

– se rendre au siège de la société CIMEO Nord à Vendin-les-Béthune et à l’agence de cette société sise à Lillers ;

– rechercher tous les emails dans les serveurs de messagerie électronique de « CIMEO Nord », dont la date d’envoi ou de réception est comprise entre le 1er octobre 2017 et la date approximative de prise de poste de chacun des salariés suivant de « CIMEO », cette dernière étant précisée pour chacun, portant sur les mots clés suivants correspondant au nom de ces salariés : « [W] », « [R] », « [A] », « [P] », « [U] », « [N] » ;

– rechercher tous les emails dans les serveurs de messagerie électronique de « CIMEO Nord », dont la date d’envoi ou de réception est comprise entre le 1er octobre 2017 et la date de l’ordonnance, portant sur les mots-clés suivant : « GINGER », « CEBTP », « NAM7 », « Arbalète », « BLOCHETS », « CODIR ELARGI », « METRO », « LMCU », « NOREADE », « PONT DE NORMANDIE » ;

– rechercher les contrats de travail des six salariés déjà mentionnés au sein de « CIMEO Nord » ;  

-rechercher le registre d’entrées et sorties de personnels de CIMEO Nord pour la période allant du 1er octobre 2017 au jour de l’ordonnance ;

– rechercher tous les fichiers, documents et correspondances existant sur les serveurs informatiques utilisés par CIMEO Nord, dont la date de création ou de modification est comprise entre le 1er octobre 2017 et la date de l’ordonnance et portants sur le mots clés déjà énumérés (« GINGER », « CEBTP », etc’) ;

– rechercher tous les fichiers, documents et correspondances existant sur les serveurs informatiques utilisés par CIMEO Nord, dont la date de création ou de modification est comprise entre le 1er octobre 2017 et la date approximative de prise de poste de chacun des salariés suivant de « CIMEO », cette dernière étant précisée pour chacun, portant sur les mots clés suivants correspondants au nom de ces salariés : « [W] », « [R] », « [A] », « [P] », « [U] », « [N] » ;

– prendre copie en deux exemplaires, l’une destinée à la requérante, l’autre restant annexée au procès-verbal ;

– se faire communiquer tout code d’accès nécessaire à l’exécution de la mission ;

– accéder à l’ensemble des supports informatiques, serveurs et postes informatiques utilisés par « CIMEO Nord », locaux et distants, et à tous autres supports (externes et internes) de données informatiques, et notamment les messageries électronique professionnelles de M. [G] et des six salariés de CIMEO Nord déjà mentionnés ;

– procéder à toute recherche sur tous supports informatiques y compris d’archivage ;

– procéder à l’extraction des disques durs du serveur et des unités centrales des ordinateurs concernés ;

– en cas de difficulté de tri, effectuer des copies complètes des fichiers concernés en rapport avec les mots clés déjà définis ;

– contrôler si des fichiers ou des éléments en rapport avec les mots clés ont été dissimulés, modifiés ou supprimés ou si des traces de telles interventions sont visibles ;

– dresser inventaire des pièces obtenues et le remettre à la personne auprès de laquelle elles auront été obtenues

– dresser procès-verbal des opérations et le remettre à la requérante.

1 S’agissant de la recevabilité de l’intervention volontaire de la société CIMEO Rhône-Alpes, qui n’est pas contestée et que le premier juge a admis implicitement, puisqu’il l’a déboutée de ses demandes, il convient de la retenir en vertu de l’article 496 du code de procédure civile, dès lors que cette société se déclare intéressée par la mesure en ce que celle-ci a concerné plusieurs de ses salariés et a appréhendé des informations qui lui appartiennent.

2 S’agissant de la demande en omission de statuer en ce que l’ordonnance entreprise ne se prononce pas sur les demandes en irrecevabilité des moyens de fond relatifs à la caractérisation d’actes de concurrence déloyale, et en ce que cette ordonnance ne se prononce pas non plus sur une irrecevabilité de la demande de mainlevée de séquestre, la Cour constate que dès lors que, ainsi que l’expose la société CIMEO Nord, le tribunal l’a déboutée au fond sans se prononcer sur les irrecevabilités soulevées, la demande en omission de statuer est sans objet et seule la voie de l’appel est ouverte pour critiquer le rejet au fond de ces prétention au moyen qu’elle sont irrecevables.

3 S’agissant de la demande en irrecevabilité des moyens de fond relatifs à la caractérisation d’actes de concurrence déloyale, il sera rappelé qu’une irrecevabilité ne peut porter que sur des prétentions et non sur des moyens et que le grief adressé à l’ordonnance entreprise pour avoir justifié la mesure d’instruction litigieuse par des moyens postérieurs à la requête et à l’ordonnance sur requête constituent des moyens de la demande en rétractation. La demande en irrecevabilité des moyens de fond relatifs à la concurrence déloyale sera donc rejetée.

4 S’agissant de la demande en irrecevabilité de l’appel incident, formée par la société CIMEO Nord, celle-ci soutient que la prétention tendant à obtenir de la Cour qu’elle réforme l’ordonnance entreprise pour désigner le juge des référés, plutôt que le juge du fond, pour statuer sur les dispositions des opérations de levée de séquestre « se heurterait nécessairement  à l’autorité de chose jugée, dès lors que l’instance en référé rétractation est précisément soumise à la Cour de céans ». Toutefois, une telle argumentation prise en réalité d’une contrariété éventuelle de décisions de justice entre le présent arrêt et la décision d’une autre juridiction non encore saisie ne constitue pas une irrecevabilité. L’irrecevabilité d’appel incident soulevée sera donc écartée.

5 S’agissant de l’irrecevabilité de la demande de mainlevée de séquestre, alors que l’ordonnance entreprise, dans son dispositif, a « invité à la diligence des parties de se pourvoir au fond aux fins de pouvoir statuer sur les dispositions des opérations de levée de séquestre », et alors que, selon l’ordonnance entreprise, la société Ginger CEBTP a demandé devant le premier juge de « renvoyer l’affaire à une audience ultérieure afin d’organiser les opérations de levée de séquestre provisoire », il est cependant établi que, dans la requête, la société Ginger CEBTP n’avait demandé aucun séquestre et que le juge qui a prononcé la mesure d’instruction n’en a pas ordonné non plus. Or, le séquestre n’a pas pu résulter de l’accord des parties, faute d’accord prouvé sur ce point. Alors qu’il était loisible aux parties de demander au juge de la requête d’ordonner le séquestre dans le cadre de l’instance en rétractation, sur le fondement de l’article 497 du code de procédure civile, elles s’en sont abstenues. Il s’ensuit que, faute de tout séquestre, les demandes relatives à la mainlevée d’un séquestre, plutôt que d’être irrecevables, sont sans objet, ce que la Cour doit constater et, en outre, les dispositions des articles L.153-1 et R.153-1 du code de commerce invoquées par la société Ginger CEBTP sont inopérantes dans le cadre de la présente instance en rétractation.

6 S’agissant de la demande en rétractation de l’ordonnance sur requête, il convient de rappeler qu’il est possible de déroger au principe de la contradiction au stade de l’obtention par la voie de l’ordonnance sur requête puis de l’exécution de la mesure d’instruction, à la condition que le destinataire de la mesure aux droits duquel cette mesure porte atteinte soit en mesure de contester celle-ci devant le juge de la rétractation et qu’il convient pour le demandeur à la mesure, en application de l’article 495 du code de procédure civile, de signifier l’ordonnance sur requête à la personne à qui elle est opposée, afin qu’il puisse en référer au juge qui l’a ordonnée. En outre, le juge de la rétractation qui connaît d’une telle demande doit apprécier l’existence d’un motif légitime au jour du dépôt de la requête initiale, à la lumière des éléments de preuve produits à l’appui de la requête et de ceux qui sont produits ultérieurement devant lui. En particulier, il doit vérifier si la mesure ordonnée était proportionnée aux intérêts antinomiques en vigueur.

Le premier moyen de rétractation de l’ordonnance de la société CIMEO Nord est pris du prétendu aveu de la société Ginger CEBTP du caractère exploratoire de la mesure et résulte du fait que celle-ci a mentionné par conclusions que les mesures qu’elle a sollicitées « visaient à obtenir l’ensemble des informations nécessaires permettant d’établir les manoeuvres déloyales de débauchages orchestrées par CIMEO Nord ». Toutefois, contrairement à ce que soutient la société CIMEO Nord, ces mentions ne démontrent nullement que la requérante ne savait pas ce qu’elle cherchait, et il n’est pas établi non plus que la demande de celle-ci visait à la faire condamner à trier les données saisies entérine cet aveu.

Le deuxième moyen de rétractation est pris de la violation du principe du contradictoire, d’abord en ce que l’effet de surprise allégué comme nécessaire en l’espèce n’était en réalité justifié ni par le risque de déperdition des preuves, ni par celui de destruction de preuves, ni par le risque de concertation. Toutefois, contrairement à ce que soutient la société CIMEO Nord sur ce point, ce n’est pas parce qu’en l’espèce la requérante n’a avancé aucun indice de travail dissimulé que le risque de dissimulation de preuves d’actes de concurrence déloyale par débauchage massif de salariés n’existe pas, peu important que les seules copies du registre du personnel puisse être obtenue par un moyen contradictoire, étant observé que le risque de dissimulation de contrats de travail est un élément contribuant à avoir légitimement justifié le caractère non contradictoire de la mesure. En outre, dès lors que le caractère légalement admissible de la mesure s’apprécie au stade de la requête et de l’ordonnance sur requête, c’est vainement que la société CIMEO Nord oppose un prétendu aveu par conclusions devant le premier juge et en appel de ce que la suspicion d’usage de documents confidentiels n’avait pas justifié la mesure. Contrairement à ce que soutient la société CIMEO Nord, le risque de disparition de preuves des faits de concurrence déloyale par débauchage de salariés et manoeuvres déloyales résultant de l’utilisation de savoirs-faire et d’informations confidentielles a été exactement pris en compte en l’espèce au regard de l’ensemble des motifs allégués de manière aussi précise que possible dans la requête et, au regard de ceux-ci, nonobstant le principe selon lequel la bonne foi est toujours présumée, le recours à une mesure non contradictoire n’était pas injustifié compte tenu de la nature des faits de concurrence déloyale.

La société CIMEO Nord, au titre de la violation du principe du contradictoire, soutient également une atteinte aux droits de la société tierce CIMEO Rhône-Alpes en plus d’une atteinte à ses propres droits, alors qu’il est constant que l’ordonnance sur requête n’a pas été signifiée à cette dernière société et qu’elle ne l’a pas prévu . Elle fait valoir que la requête désigne précisément la société CIMEO Rhône-Alpes comme étant distincte d’elle même et mentionne le numéro RCS de cette socié dont l’extrait Kbis figure en pièce n°4 à l’appui de la requête. Elle soutient que la requête présente « CIMEO » comme constituant une entité juridique formée par les deux sociétés et fait grief à la requête comme à l’ordonnance de procéder par équivoque. La société CIMEO Nord expose que MM. [W], [R] et [P], ciblés par la mesure ne sont pas ses salariés tandis que l’ordonnance prescrivant la mesure d’instruction procède indument par amalgame au sein de cette entité juridique en définissant les investigations sur les messageries électroniques de CIMEO Nord et sur les serveurs informatiques utilisés par CIMEO Nord comme devant être faite sur « chacun des salariés suivant de CIMEO », alors que tous ne sont pas les siens. La société CIMEO Nord fait valoir qu’en page 7 de la requête la société Ginger CEBTP demande la : « recherche dans le serveur de messagerie professionnelle de Monsieur [G] et des sociétés CIMEO Nord et CIMEO Rhône-Alpes  d’échanges avec les salariés de Ginger CEBTP qui ont été débauchés et ce antérieurement à leur prise de poste au sein de CIMEO Nord ». La société CIMEO Nord soutient qu’il est prouvé que l’ordonnance a autorisé l’huissier instrumentaire à prendre copie des données de deux sociétés et non d’une seule, dès lors que la requête réclame expressément le droit pour son huissier d’accéder aux serveurs de CIMEO Rhône-Alpes et alors que cette ordonnance a autorisé ce même huissier à accéder aux serveurs distants simplement utilisés par la société CIMEO Nord et à tous autres supports externes et internes de données informatiques. La société CIMEO Nord soutient que le juge de la requête a été induit en erreur par la présentation trompeuse de celle-ci qui mentionne la seule société CIMEO Nord en qualité de défendeur à la mesure. La société CIMEO Nord fait valoir que l’atteinte au principe du contradictoire qu’elle dénonce a été constituée par l’équivoque créée par la société Ginger CEBTP, acceptée implicitement par le premier juge devant lequel elle n’a pas bénéficié d’un procès équitable.

De son côté, la société CIMEO Rhône-Alpes soutient, de manière convergente avec les moyens de la société CIMEO Nord déjà présentés, que :

– la requête, non contradictoire à son égard car elle ne lui a pas été signifiée, lui impute, aux côtés de la société CIMEO Nord, des faits de concurrence déloyale, ce qui a été réitéré en première instance par conclusions (sa pièce n°7, pages 3 et 4) et n’a été opportunément ajusté qu’en appel ;

– l’ordonnance sur requête la concerne et la vise nommément jusque et y compris dans son dispositif, s’agissant des « salariés de CIMEO », et non de CIMEO Nord, alors que MM. [R], [W], et [P] sont effectivement ses propres salariés alors que seuls MM. [A], [N] et Mme [U] sont des salariés de la société CIMEO Nord ;

– la circonstance que la saisie aie lieu dans les locaux de la société CIMEO Nord ne dispensait pas le requérant de lui signifier l’ordonnance avant le début des opérations de saisie, dès lors qu’elle n’était pas un tiers à la mesure mais bien une cible des mesures d’investigation selon l’ordonnance elle-même, ce d’autant que son système d’information était directement atteint à distance par la mesure d’instruction obtenue par son concurrent indélicat sans besoin de se rendre dans ses propres locaux, par l’effet de serveurs délocalisés et à la façon d’un cheval de Troie ;

– c’est ainsi que l’ordonnance a autorisé le requérant non pas à accéder au serveur informatique de la société CIMEO Nord, mais au serveur informatique « utilisé par CIMEO Nord », avec les accès à distance les plus larges possibles pour obtenir des informations avec les mots-clés constitués par les noms de ses propres salariés.

Sur ce, la Cour retient que l’ordonnance sur requête n’a pas été opposée par la société Ginger CEBTP à la société CIMEO Rhône-Alpes au sens de l’article 495 du code de procédure civile, mais seulement à la société CIMEO Nord dans les seuls locaux de laquelle elle a été exécutée, qui en a seule supporté l’exécution au sens de l’article 503 du code de procédure civile et à laquelle il a suffi de signifier cette ordonnance pour que la mesure soit régulière. Peu important que la requête comporte des mentions de nature à faire figurer la société CIMEO Rhône-Alpes au rang de défendeur potentiel au procès en concurrence déloyale par débauchage de salariés, qu’elle permette d’appréhender à distance des informations de la société CIMEO Rhônes-Alpes ou qu’elle vise des faits de débauchage de ses propres salariés, il ne s’agit pas là de motifs de rétractation, dès lors que la protection de ses libertés fondamentales, de ses droits de la défense et de son droit au procès équitable dans le procès potentiel est suffisamment assurée par les conséquences de ce défaut de signification au stade de l’opposabilité à son égard du résultat des mesures. Pour ce qui concerne le procès devant le juge de la requête, la société CIMEO Rhône-Alpes n’est nullement fondée à se prévaloir d’une atteinte aux règles du procès équitable ayant résulté du défaut de signification de l’ordonnance sur requête.

Le troisième moyen de rétractation est pris du défaut de motif légitime. La société CIMEO Nord soutient d’abord que les pièces soumises à l’appui de la requête ne sont pas pertinentes et ne pouvaient pas établir la légitimité du motif avancé par le requérant, dès lors qu’aucun indice d’une faute quelconque n’en résulte et que les affirmations péremptoires du requérant sont gratuites, tandis que l’intégralité de ses données ont été happées par la mesure. La société CIMEO Nord soutient que les éléments exposés à l’appui de la requête ne sont pas crédibles comme en atteste le temps écoulé entre le départ de M. [G], 2017, et la date de la requête du 21 janvier 2021, alors que celui-ci n’a jamais été rémunéré au titre d’une obligation de non-concurrence et que le caractère massif du départ des salariés n’est pas prouvé, puisque seulement trois salariés ont suivi M. [G] à des dates non consécutives en 2019 et 2020, le requérant ne justifiant pas non plus à l’appui de a requête d’avoir été désorganisé par ces départs. La société CIMEO Nord expose que l’ordonnance a autorisé des investigations en direction d’un détournement de clientèle ‘ au travers des recherches avec les mots clés Arbalète, Blochets, Metro, LMCU, Noréade, Pont de Normandie – alors que rien dans la requête ne concernerait des faits de détournements de clientèle. La société CIMEO Nord souligne d’ailleurs que ses clients sont des personnes publiques et que les marchés sont soumis à des appels d’offre. La société CIMEO Nord en conclut que, de plus fort, la mesure a été ordonnée sans lien suffisant avec le motif allégué. La société CIMEO Nord expose que le fondement invoqué par le requérant dans sa requête à l’appui de la demande de mesure d’instruction est insuffisamment précis pour la légalité de la mesure, notamment en ce qu’il est mentionné l’utilisation par le défendeur d’information appartenant au requérant ou du savoir-faire que celui-ci aurait développé ou de documents lui appartenant ou de l’utilisation de « rapports et autres documents ». Dès lors qu’un savoir-faire est possiblement protégé par un droit de propriété intellectuelle, la société CIMEO Nord en déduit que la mesure qui autorise la prise de photos et ou de copies s’apparente à une saisie-contrefaçon. La société CIMEO Nord insiste sur le fait que l’huissier a reçu pouvoir de soustraire les originaux pendant 72 heures et de mettre à l’arrêt les ordinateurs pour en extraire les disques durs, occasionnant ainsi une rupture dans son exploitation. La société CIMEO Nord en conclut qu’en raison du silence entretenu sur la consistance du savoir faire et compte tenu de la nature des pouvoirs conférés à l’huissier, le requérant s’est livré à un détournement de procédure, le président du tribunal de commerce ayant été empêché de vérifier sa compétence d’attribution, dès lors que les litiges de propriété intellectuelle relèvent de la compétence exclusive des tribunaux judiciaires spécialisés. La mesure aurait ainsi constitué, selon la société CIMEO Nord, une saisie-contrefaçon déguisée. La société CIMEO Nord ajoute que la mesure a autorisé l’huissier à se faire assister d’un technicien de son choix et n’étant pas nécessairement un expert judiciaire, ce qui constitue une garantie insuffisante d’indépendance et de compétence de ce technicien, peu important qu’en l’occurrence le technicien requis ait été agréé dès lors que c’est la délégation à l’huissier du pouvoir juridictionnel qui affecte la légalité de la mesure. La société CIMEO Nord fait valoir que la mesure libellée de manière extensive constitue une perquisition civile qui excède la mission de constat matériel exclusif de tout avis qui borne l’office de l’huissier en vertu de l’article 1er de l’ordonnance du 2 novembre 1945 ; l’huissier s’est ainsi vu confier le pouvoir d’installer des logiciel sans être obligé de les désinstaller, de mettre en arrêt les ordinateurs ce qui conduit à interrompre l’exploitation de l’entreprise, ce pouvoir s’étendant à l’ensemble des serveurs et postes informatiques utilisés par la société CIMEO Nord, locaux ou distants. La société CIMEO Nord fait valoir que puisque l’huissier devait rechercher la totalité des informations comportant le mot-clé CEBPT ou Ginger, il a été investi du pouvoir d’identifier la totalité de ses marchés puisque ceux-ci annexent les curriculum vitae des membre de son équipe à destination de ses clients. En outre, il est souligné que l’huissier avait reçu pouvoir de sélectionner et de faire le tri, étant autorisé à annexer la totalité des informations à son procès-verbal. La société CIMEO Nord juge encore exorbitants car constitutifs d’une délégation de pouvoir juridictionnel la mission confiée à l’huissier pour contrôler l’existence ou de rechercher les traces d’activités suspectes non limitativement définies et susceptibles d’être en lien avec les mots-clés, ainsi que pour rechercher tous éléments relatifs à des salariés entre le 1er octobre 2017 et une « date approximative » après leur départ, laissée à la discrétion de cet huissier qui en a fixé de différentes en fonction des salariés, allant d’une dizaine de jour à 4 mois après le départ. Considérant que l’huissier avait reçu mission, loin de faire un constat, de mener une mission générale d’investigation et d’exercer un pouvoir d’enquête assimilable à une perquisition, la société CIMEO Nord en conclut que la mesure d’instruction est illégale. En outre, la société CIMEO Nord soutient que la mesure ordonnée est déloyale en ce que si elle prévoyait l’assistance d’un serrurier elle ne précise pas les locaux concernés par l’ouverture forcée, laissant la possibilité de faire déverrouiller la totalité des accès et en ce que elle ne prévoie aucune disposition au cas où les courriels identifiés seraient couverts par le secret professionnel, la confidentialité, ou émaneraient d’avocats ou de professions réglementées, au cas où ils concerneraient la vie privée des personnes concernées ou contiendraient des données de connexion à des messageries, des logiciels ou tous autres applicatifs, l’huissier étant habilité à se faire communiquer la totalité des codes d’accès et à les communiquer à son requérant puisque l’ordonnance ne l’oblige pas à masquer ces informations dans son procès-verbal alors qu’elles peuvent être contenues dans des courriels appréhendés. Selon la société CIMEO Nord, cela caractérise un risque d’intrusions informatiques au sens de l’article 323-1 du code pénal, susceptible d’être dénoncé aux autorités sur le fondement de l’article 33 du règlement général sur la protection des données. La société CIMEO Nord soutient que le requérant a trompé non seulement son juge mais encore l’huissier instrumentaire qui n’est pas fixé sur sa capacité à remettre les données saisies. En effet, explique-t-elle, si l’ordonnance prévoit qu’une copie des données est destinée à la société Ginger CEBTP, elle ne prévoit pas formellement d’obligation de remise par l’huissier. Si l’ordonnance prévoit d’annexer une copie des données au procès-verbal elle ne précise pas si s’il s’agit du second original ou au contraire de l’exemplaire annexé au rang des minutes de l’office. La société CIMEO Nord fait valoir que cette situation lui est préjudiciable et déloyale puisqu’elle ne sait pas si l’huissier instrumentaire prendra ou non la responsabilité de remettre le produit des investigations à son requérant, tandis qu’elle met à nu un concurrent au prétexte fallacieux de quatre départs échelonnés entre 2017 et 2020 et que l’absence de précaution imposée à l’huissier pourrait lui causer un préjudice excédant largement la seule connaissance intellectuelle de ses activités.

De son côté, la société CIMEO Rhône-Alpes soutient, de manière convergente avec les moyens de la société CIMEO Nord déjà présentés, que :

– la mesure n’était pas justifiée par un motif légitime au sens de l’article 145 du code de procédure civile, en l’absence de départs simultanés de salarié, de tout débauchage massif compte tenu du nombre de salariés et faute de toute désorganisation du requérant, celui-ci comptant 48 établissements secondaires et 989 salariés, seuls MM. [R] et [W] – mais non M. [P] – l’ayant rejoint après avoir démissionné de la société Ginger CEBTP, tandis que le concurrents s’opposent dans des procédures d’appel d’offre peu propices à la concurrence déloyale et alors que nulle obligation clause de non concurrence n’avait été mise à charge des salariés concernés dont la qualification n’est pas stratégique, Mme [U] occupant un poste administratif ;

– la mesure n’est justifiée par aucun indice s’agissant de l’utilisation de documents invoquée dans la requête ;

– la mesure est illicite en ce qu’elle a conféré à l’huissier des pouvoirs exorbitants pour une mission sans limite, avec des mots- clés définis mais génériques ou communs et insuffisamment discriminants pour une recherche d’éléments probants pour une prétendue concurrence déloyale, ce qui a permis d’appréhender, par les messageries, toutes les réponses à des appels d’offre au travers des mots-clés constitués notamment par le nom de ses propres salariés et la totalité de ses fichiers sur une période de trois années ;

– alors que l’ordonnance sur requête n’a pas prévu la mise sous séquestre des éléments saisis, ce qui est inhabituel et gravement attentatoire aux droits de la société cible et constitue un motif complémentaire de rétractation de l’ordonnance sur requête, la société Ginger CEBTP a elle-même reconnu ce caractère exorbitant en demandant au premier juge d’organiser la levée des opérations de séquestre, pour écarter des documents saisis qui n’auraient pas dû m’être, alors qu’aucun séquestre n’a été ordonné et que l’inventaire prévu à l’ordonnance n’a pas été dressé par l’huissier.

Sur ce, il sera rappelé que l’ordonnance sur requête, s’agissant du sort des pièces obtenues, énonce :

– que l’huissier prendra copie de toute pièce identifiée, « en deux exemplaires , l’une destinée à la requérante et l’autre qui restera annexée au procès-verbal » ;

– que l’huissier dressera un procès-verbal des opérations effectuées et en remettra copie à la société Ginger CEBTP requérante ;

– que l’huissier dressera l’inventaire de chacune des pièces obtenues et le remettra à la partie auprès de laquelle elle l’a obtenue.

Il est encore exact que cette ordonnance a laissé la faculté à l’huissier de transmettre au requérant l’ensemble des informations collectées, ainsi qu’il résulte des autres pouvoirs généraux laissés à l’huissier par l’ordonnance quant à la sélection des pièces.

Ainsi, l’ordonnance a conféré expressément pouvoir à l’huissier d’ « effectuer, en cas de difficultés dans la sélection et le tri des éléments recherchés, des copies complètes des fichiers en rapport avec les mots-clés ».

C’est donc l’ensemble de ces informations en rapport avec les mots-clés, compris de manière extensive jusque et y compris en cas de doute sur la pertinence de ces pièces au regard de l’objectif de la mesure d’instruction, que l’huissier a reçu mission de copier intégralement, d’annexer au procès-verbale et de remettre à la société requérante.

Cependant, s’il est établi que la mission dévolue à l’huissier a expressément prévu la remise à la société CIMEO Nord l’ensemble des informations obtenues, cette remise ne devait intervenir qu’au terme de l’exécution de la mesure d’instruction et seulement à l’occasion de la remise du procès-verbal. Dès lors que le juge de la requête ne s’est pas réservé les difficultés d’exécution relatives au sort des pièces, ces difficultés éventuelles avaient vocation à être réglées, le cas échéant, devant le juge de la modification de la mesure d’instruction, sans que le défaut de séquestre caractérise une illégalité entraînant la rétractation de l’ordonnance sur requête ayant autorisé la mesure. Il n’est pas valablement soutenu qu’à défaut de séquestre l’huissier, officier public et ministériel, aurait pu faire disparaître des pièces susceptible d’entraîner la nullité de la mesure entre le 16 mars 2021 et le 22 juin 2021, date des plaidoiries devant le premier juge.

Ainsi, le moyen de rétractation pris du défaut de séquestre sera rejeté.

En outre, il convient de rappeler que la mesure a été ordonnée pour permettre, selon la requête, de prouver des faits de concurrence déloyale par débauchage massif de salariés et par manoeuvres déloyales visant à utiliser le savoir-faire de la société Ginger CEBTP, des documents lui appartenant et des informations confidentielles dans le cadre des nouvelles activités de « diagnostic structurel » créées par M. [G] au sein de la société CIMEO Nord.

Il n’est pas possible d’opposer valablement à la société Ginger CEBTP, qui ne pouvait la connaître a priori, la répartition des salariés concernés entre les sociétés CIMEO Nord et CIMEO Rhône-Alpes. Le caractère sensible de ces départs dans la même région rend légitime de les évoquer comme motif d’un procès potentiel en concurrence déloyale, y compris celui de Mme [U], bien qu’elle soit de compétence administrative et non technique, eu égard à la connaissance alléguée, non contestée et probable qui était la sienne chez le requérant.

La Cour considère que le départ de ces six salariés à la suite de celui de M. [G] a rendu plausibles les faits de débauchage mentionnés dans la requête. Il n’est pas démontré aux termes du débat contradictoire que les procédures d’appel d’offres rendent impossibles les faits de concurrence déloyale sur lesquels portent la mesure d’instruction.

S’agissant des faits de détournement de clientèle qui seraient visés en réalité par certains mots-clés sans que ce soit annoncé dans la requête, la société Ginger CEBTP précise le sens de ces mots-clés et il est établi que, bien qu’avec les autres mots-clés tels que CEBTP et Ginger ils permettaient un accès à l’ensemble des marchés de la société CIMEO Nord, ils présentent un lien suffisant avec la caractérisation des faits de concurrence déloyale par débauchage de salariés pour l’activité de diagnostic de structures dont les autres manoeuvres déloyales relatives à l’utilisation de documents et aux informations confidentielles ne sont que la déclinaison imprécise de faits inconnus mais néanmoins légitimement suspectés. Le savoir-faire de l’entreprise requérante ne se limite pas à ce qui fait l’objet d’une protection par des droits de propriété intellectuelle et la mesure n’est pas illégale du seul fait de l’existence de la procédure de saisie-contrefaçon qui est sans rapport avec les présents faits de concurrence déloyale. La mesure n’est pas illégale non plus du seul fait que l’ordonnance n’a pas exigé un technicien qui soit expert. Il est d’ailleurs constant qu’en l’espèce l’huissier a choisi de recourir à un expert judiciaire agréé et la délégation prétendue de pouvoir juridictionnel à l’huissier qui avait seulement la charge de choisir un technicien indépendant n’est pas valablement soutenue. Contrairement à ce qui est soutenu, la mission dévolue à l’huissier demeure un constat avec sélection de documents en fonction de critères objectifs limités, les dispositions retenues à titre conservatoire au cas de doute n’excédant pas ce cadre. Les dispositions relatives au serrurier et aux codes d’accès ne sont nullement déloyales de ce fait et auraient pu donner lieu à intervention judiciaire en cas de difficulté d’exécution. Les dispositions invoquées pour la protection contre les risques d’intrusion informatique, seulement susceptibles d’occasionner un incident d’exécution, n’entraînent pas l’illégalité de la mesure. La mesure n’est pas déloyale non plus s’agissant des modalités de remise des documents obtenus qui sont précisées dans l’ordonnance, ainsi qu’il a déjà été dit, la circonstance d’un éventuel incident d’exécution ne portant pas atteinte à la légalité de la mesure. La prétendue délégation de pouvoir juridictionnel arbitrairement conférée à l’huissier instrumentaire chargé en réalité de faire un premier tri n’est nullement disproportionnée à l’appréhension de pièces en vue d’un procès en concurrence déloyale par débauchage de salariés et manoeuvres déloyales accessoires à ce débauchage et difficiles à préciser davantage.

S’agissant de la question du secret des correspondances d’avocats, certes non envisagé par l’ordonnance, cela constitue en effet une réserve à la communication des documents appréhendés dès lors qu’il ne peut être porté atteinte au secret des correspondances entre avocats ou entre un avocat et son client édicté par l’article 66-5 de la loi du 31 décembre 1971. Cependant, le secret des affaires et le secret professionnel ne constituent pas en eux-mêmes un obstacle à l’application de l’article 145 du code de procédure civile et, en l’absence de toute demande de communication des documents obtenus, et faute de preuve que des documents relevant des dispositions précitées aient été obtenus, cette réserve qui aurait pu être levée par un aménagement de la mesure ordonné par le juge de la requête et qui pourra être levée ultérieurement par le juge éventuellement saisi avant la remise des pièces, ne constitue pas un moyen de rétractation de l’ordonnance sur requête.

Alors que la justification de la mesure s’apprécie au stade de la requête et de l’ordonnance sur requête, ainsi qu’il résulte de ce qui précède, les allégations de débauchage déloyal de salarié et d’utilisation frauduleuse de documents par M. [G] et les salariés débauchés résultent expressément de la requête. En outre, contrairement à ce que soutient la société CIMEO Nord, les motifs du premier juge n’excèdent pas les limites de la discussion du motif légitime dans les termes contenus dans la requête et ne préjugent pas du fond.  Il en va ainsi, en particulier, de l’attendu par lequel le premier juge a indiqué que, « à la lecture des pièces présentées, il existe un motif légitime de conservation des faits dont pourrait dépendre la solution du litige en matière d’actes de débauchage de salariés de la société Ginger CEBTP et d’utilisation de documents et d’information appartenant à ladite société, faits constitutifs d’une action en concurrence déloyale exercés par d’anciens salariés de la société Ginger CEBTP aujourd’hui salariés de la société CIMEO Nord ». En dépit de l’expression incorrecte « faits constitutifs d’une action en concurrence déloyale », le premier juge n’a visé que les « faits dont pourrait dépendre la solution du litige » sans se prononcer sur le fond de ce litige. Les conclusions de la société Ginger CEBTP (dans leurs §74 et suivants) ne comprennent pas d’élément véritablement nouveau par rapport à la requête. Ainsi, la Cour est en mesure de vérifier que l’ensemble des mesures ordonnées déjà indiquées sont reliées par un lien suffisant aux motifs allégués dans la requête, si bien que le grief selon lequel les mesures ordonnées dépourvues de limites présentent un caractère exploratoire portant une atteinte disproportionnée aux droits de la société CIMEO Nord n’est pas caractérisé.

Les sociétés CIMEO Nord et CIMEO Rhône-Alpes seront donc déboutées de leur demande en rétractation.

Ces sociétés seront condamnées, en équité, à verser à la société Ginger CEBTP une somme au titre de l’article 700 du code de procédure civile, dont le montant sera précisé au dispositif de la présente décision.

PAR CES MOTIFS

Ordonne la jonction des procédures d’appel n° RG : 21/05230 et 21/05384 à la procédure d’appel n° RG : 21/05169 ;

Dit que la demande en omission de statuer est sans objet ;

Rejette la demande en irrecevabilité concernant les moyens de fond caractérisant les actes de concurrence déloyale ;

Rejette la demande en irrecevabilité de l’appel incident tendant à ce que les parties soient invitées à saisir le juge des référés aux fins de pouvoir statuer sur les opérations de levée de séquestre ;

Constate que les pièces obtenues ne font l’objet d’aucun séquestre ;

Réforme en conséquence l’ordonnance entreprise en ce qu’elle a invité les parties à se pourvoir au fond aux fins de pouvoir statuer sur les dispositions des opérations de levée de séquestre ;

Statuant de nouveau sur ce point,

Dit n’y avoir lieu pour le juge de la requête à inviter les parties à se pourvoir au fond aux fins de pouvoir statuer sur les opérations de levée de séquestre ;

Déclare sans objet les prétentions de la société Ginger CEBTP visant à demander à la Cour d’inviter les parties à saisir le juge des référés pour qu’il soit statué « sur les dispositions des opérations de levée de séquestre » ;

Pour le surplus et y ajoutant,

Confirme l’ordonnance entreprise ;

Dit que l’intervention de la société CIMEO Rhône-Alpes est recevable ;

Déboute les sociétés CIMEO Nord et CIMEO Rhône-Alpes de toutes leurs demandes ;

Condamne in solidum les sociétés CIMEO Nord et CIMEO Rhône-Alpes à payer à la société Ginger CEBTP une somme complémentaire au titre de l’article 700 du code de procédure civile en appel de 3 000 euros ;

Condamne in solidum les sociétés CIMEO Nord et CIMEO Rhône-Alpes aux dépens ;

Rejette toute prétention plus ample ou contraire.   

Le greffierLa présidente

Valérie RoelofsVéronique Renard

 


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