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COUR D’APPEL DE BORDEAUX
PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE
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ARRÊT DU : 05 AVRIL 2023
N° RG 22/04393 – N° Portalis DBVJ-V-B7G-M4XU
[H] [N]
c/
S.A.R.L. PLANETE AIR
Nature de la décision : APPEL D’UNE ORDONNANCE DE REFERE
Grosse délivrée le :05 avril 2023
aux avocats
Décision déférée à la cour : ordonnance de référé rendue le 23 août 2022 par le Tribunal de Commerce de BORDEAUX (RG : 2022R00010) suivant déclaration d’appel du 23 septembre 2022
APPELANT :
[H] [N]
né le [Date naissance 1] 1989 à [Localité 4]
de nationalité Française, demeurant [Adresse 2]
Représenté par Me Emmanuel GAUTHIER, avocat au barreau de BORDEAUX
INTIMÉ E :
S.A.R.L. PLANETE AIR prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social [Adresse 3]
Représentée par Me Henri ARAN de la SELARL FLORENCE DASSONNEVILLE – HENRI ARAN, avocat au barreau de BORDEAUX
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 912 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 22 février 2023 en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Isabelle LOUWERSE, magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles, chargé du rapport,
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Roland POTEE, président,
Bérengère VALLEE, conseiller,
Isabelle LOUWERSE, magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles,
Greffier lors des débats : Séléna BONNET
ARRÊT :
– contradictoire
– prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile.
* * *
EXPOSE DU LITIGE.
La Sarl Planète Air, immatriculée auprès du Registre du commerce et des sociétés de Bordeaux depuis le 6 juin 2005, a pour activité, notamment la confection de filets sur mesure pour catamarans et habitations ainsi que la vente de trampolines de sport et de loisirs.
Afin de développer spécifiquement cette activité , elle a embauché en qualité de commercial, en août 2013, M. [E] [I] et en juin 2014, M. [H] [N], une clause de confidentialité figurant à son contrat de travail.
Par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 20 juin 2018, la Sarl Planète Air a procédé au licenciement de M. [E] [I] pour faute grave.
M. [H] [N] a alors quitté la société et a mis un terme à son contrat de travail dans le cadre d’une rupture conventionnelle en date du 10 août 2018. Il s’est ensuite immatriculé en tant que commerçant sous le nom commercial NETS&CO sous un statut d’EIRL immatriculée au registre du commerce et des sociétés de Bordeaux sous le n° 850 818 162, avec pour activité la vente de filets et toiles sur mesure et d’accessoires pour filets et toiles sur mesure.
Invoquant des actes de parasitisme, la Sarl Planète Air a, par requête en date du 21 octobre 2021, demandé au président du tribunal de commerce de Bordeaux, sur le fondement de l’article 145 du code de procédure civile, l’autorisation de mandater un huissier de justice afin qu’il se rende au siège social de M. [H] [N] pour effectuer diverses recherches et récupérer des fichiers sur l’ordinateur de ce dernier.
Par ordonnance en date du 2 novembre 2021, il a été fait droit à cette demande. L’ordonnance a été signifiée à M. [N] le 23 novembre 2021, la mesure ayant été exécutée le même jour.
Les pièces et documents saisis ont été séquestrés entre les mains de l’huissier instrumentaire.
Par assignation en référé du 30 décembre 2021, la Sarl Planète Air a sollicité que soit ordonnée la mainlevée du sequestre et que lui soit remise l’intégralité des documents saisis.
Par ordonnance du 23 août 2022, le juge des référés du tribunal de commerce de Bordeaux a :
– débouté M. [N] de sa demande de rétractation de l’ordonnance rendue le 2 novembre 2021,
– débouté M. [N] de l’ensemble de ses demandes,
– ordonné la mainlevée du séquestre placé au sein de l’étude de la SCP Sebastien Lenoir & Francois Tostain suite aux opérations réalisées le 23 novembre 2021 en exécution de l’ordonnance rendue le 2 novembre 2021, séquestre constitué par 35 factures fournisseurs, 1359 devis clients et 136 factures clients pour qu’ils soient remis à la société Planète Air,
– condamné M. [N] à payer à la société Planète Air la somme de 1.500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens.
Par déclaration du 23 septembre 2022, M. [N] a relevé appel de cette décision.
Par ordonnance du 18 octobre 2022, l’affaire, relevant de l’article 905 du code de procédure civile, a été fixée pour être plaidée à l’audience de plaidoiries du 22 février 2023, avec clôture de la procédure au 8 février 2023.
Aux termes de ses dernières conclusions notifiées le 17 novembre 2022, M. [N] demande à la cour, sur le fondement des articles L. 151-1 du code de commerce, 496, 497, 872 et 873 du code de procédure civile, de :
– réformer l’ordonnance de référé entreprise;
En conséquence,
– ordonner la rétractation de l’ordonnance sur requête en date du 2 novembre 2021,
– débouter la Société Planète Air de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions.
– la condamner au paiement de la somme de 2500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.
Aux termes de ses dernières conclusions notifiées le 9 décembre 2022, la Sarl Planète Air demande à la cour de :
– confirmer en toutes ses dispositions l’ordonnance de référé du 23 août 2022,
Y ajoutant,
– condamner M. [N] à verser à la Sarl Planète Air la somme de 3.500 suros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamner M. [N] aux entiers dépens d’appel.
Par application de l’article 455 du code de procédure civile, il est expréssément fait référence aux conclusions susvisées pour un exposé complet des prétentions et des moyens en fait et en droit développés par chacune des parties.
MOTIFS DE LA DÉCISION.
Sur la demande de rétractation de l’ordonnance du 2 novembre 2021.
Le président du tribunal de commerce a débouté M. [N] de sa demande reconventionnelle de rétractation de l’ordonnance sur requête du 2 novembre 2021 au motif que le juge des référés n’est pas le juge qui a rendu l’ordonnance, lui seul pouvant être saisi d’une demande en rétractation sur le fondement de l’article 496 alinéa 2 du code de procédure civile.
M. [N] conteste ce chef de décision en faisant valoir que le juge des référés est le même que celui qui a rendu l’ordonnance seul différant le mode de saisine et que l’article R.153-1 du code de commerce ne l’empêche nullement de former par voie reconventionnelle une demande de rétractation, le délai d’un mois visé par ce texte concernant uniquement la communication des pièces séquestrées et non la recevabilité de la demande de rétractation.
La Sarl Planète Air estime irrecevable la demande en rétractation laquelle ne peut selon une jurisprudence constante, être formée reconventionnellement devant le juge dans le cadre d’une instance en mainlevée du séquestre.
Aux termes de l’article R.153-1 du code de commerce dans sa version en vigueur le 14 décembre 2018, ‘Lorsqu’il est saisi sur requête sur le fondement de l’article 145 du code de procédure civile ou au cours d’une mesure d’instruction ordonnée sur ce fondement, le juge peut ordonner d’office le placement sous séquestre provisoire des pièces demandées afin d’assurer la protection du secret des affaires.
Si le juge n’est pas saisi d’une demande de modification ou de rétractation de son ordonnance en application de l’article 497 du code de procédure civile dans un délai d’un mois à compter de la signification de la décision, la mesure de séquestre provisoire mentionnée à l’alinéa précédent est levée et les pièces sont transmises au requérant.
Le juge saisi en référé d’une demande de modification ou de rétractation de l’ordonnance est compétent pour statuer sur la levée totale ou partielle de la mesure de séquestre dans les conditions prévues par les articles R. 153-3 à R. 153-10″.
L’article 496 alinéa 2 du code de procédure civile dispose :’s’il est fait droit à la requête, tout intéressé peut en référer au juge qui a rendu l’ordonnance’.
Il est de jurisprudence établie que l’instance en rétractation d’une ordonnance rendue sur requête a pour seul objet de soumettre à l’examen d’un débat contradictoire les mesures initialement ordonnées à l’initiative d’une partie en l’absence de son adversaire et qu’en conséquence, la saisine du juge de la rétractation se trouve limitée à cet objet, le juge de la rétractation n’ayant pas d’autre pouvoir que celui de modifier les mesures ordonnées ou rétracter l’ordonnance. Il en résulte que seul le juge des requêtes qui a rendu l’ordonnance peut être saisi d’une demande de rétractation de celle-ci, le juge des référés saisi à titre principal d’une demande en mainlevée du séquestre ne pouvant être saisi reconventionnellement d’une demande de rétractation de l’ordonnance ( Civ. 2ème , 19 mars 2020, pourvoi n° 19-11323 ; Com., 2 décembre 2020, pourvoi n° 18-25.197).
Ces arrêts invoqués par la Sarl Planète Air concernent des ordonnances sur requêtes rendues antérieurement à l’entrée en vigueur le 14 décembre 2018 de l’alinéa 3 de l’article R.153-1 du code de commerce qui donne désormais pouvoir au juge des référés saisi d’une demande de rétractation de statuer sur une demande de mainlevée du séquestre.
Ce texte a cependant donné au juge des référés saisi d’une demande de modification ou de rétractation d’une ordonnance sur requête le seul pouvoir de statuer sur une demande de mainlevée du séquestre mais non celui de statuer reconventionnellement sur une demande de rétractation de l’ordonnance tel que soutenu à tort par M. [N].
En conséquence , la demande de rétractation n’est pas recevable, l’ordonnance entreprise devant être confirmée en ce qu’elle a débouté M. [N] du chef de cette demande.
Sur la demande de mainlevée du séquestre.
Le président du tribunal de commerce a fait droit à la demande de mainlevée du séquestre après avoir retenu que M. [N] procédait par affirmation sans donner d’élément pouvant démontrer le caractère relevant du secret des affaires des pièces et documents saisis.
M. [N] demande que la Sarl Planète Air soit déboutée de l’ensemble de ses prétentions. S’agissant de la demande de mainlevée du séquestre, il soutient, sur le fondement de l’article L.151-1 du code de commerce, que les factures fournisseurs, les devis clients et les factures clients sont protégés au titre du secret des affaires et qu’il ne lui a été pas été donné de délai pour communiquer les éléments visés par l’article R.153-3 du code de commerce en sorte qu’il ne peut lui être reproché de ne pas donner d’éléments pouvant démontrer le caractère relevant du secret des affaires des pièces et documents saisis.
L’article L151-1 du code de commerce prévoit que ‘Est protégée au titre du secret des affaires toute information répondant aux critères suivants :
1° Elle n’est pas, en elle-même ou dans la configuration et l’assemblage exacts de ses éléments, généralement connue ou aisément accessible pour les personnes familières de ce type d’informations en raison de leur secteur d’activité ;
2° Elle revêt une valeur commerciale, effective ou potentielle, du fait de son caractère secret ;
3° Elle fait l’objet de la part de son détenteur légitime de mesures de protection raisonnables, compte tenu des circonstances, pour en conserver le caractère secret.’
Aux termes de l’article R.153-3 du code de commerce, ‘A peine d’irrecevabilité, la partie ou le tiers à la procédure qui invoque la protection du secret des affaires pour une pièce dont la communication ou la production est demandée remet au juge, dans le délai fixé par celui-ci :
1° La version confidentielle intégrale de cette pièce ;
2° Une version non confidentielle ou un résumé ;
3° Un mémoire précisant, pour chaque information ou partie de la pièce en cause, les motifs qui lui confèrent le caractère d’un secret des affaires.
Le juge peut entendre séparément le détenteur de la pièce, assisté ou représenté par toute personne habilitée, et la partie qui demande la communication ou la production de cette pièce.’
L’article R.153-6 du même code dispose: ‘Le juge ordonne la communication ou la production de la pièce dans sa version intégrale lorsque celle-ci est nécessaire à la solution du litige, alors même qu’elle est susceptible de porter atteinte à un secret des affaires.
Dans ce dernier cas, le juge désigne la ou les personnes pouvant avoir accès à la pièce dans sa version intégrale. Lorsqu’une des parties est une personne morale, il désigne, après avoir recueilli son avis, la ou les personnes physiques pouvant, outre les personnes habilitées à assister ou représenter les parties, avoir accès à la pièce.’
En l’espèce, il ressort du procès-verbal de constat du 29 novembre 2021 que dans le cadre de l’exécution de la mesure autorisée par l’ordonnance du 2 novembre 2021, ont été saisis et conservés sous séquestre :
– 35 factures fournisseurs depuis la création de la société,
– 1359 devis clients depuis la création de la société,
– 136 factures clients depuis la création de la société.
Il résulte des articles R.153-5 et R.153-6 du code de commerce que le juge refuse la communication ou la production de la pièce lorsque celle-ci n’est pas nécessaire à la solution du litige et ordonne cette communication ou production de la pièce en cause, dans sa version intégrale, lorsque celle-ci, à l’inverse, est nécessaire à la solution du litige, alors même qu’elle est susceptible de porter atteinte à un secret des affaires. Dans ce dernier cas, il désigne la ou les personnes pouvant avoir accès à la pièce dans sa version intégrale.
En l’espèce, si le pièces saisies relèvent incontestablement du secret des affaires, il doit être relevé qu’il est reproché à M. [N] des actes de parasitisme consistant notamment à utiliser pour établir ses devis, l’outil informatique créé et mis en place par la Sarl Planète Air afin de réaliser ses propres devis en appliquant sur les devis de la société Planète Air une décote de l’ordre de 1à 3 % . Les documents séquestrés, devis et factures apparaissent ainsi nécessaires à la solution du litige et, par application de l’article R153-6 du code de commerce, leur communication doit être effectuée alors même que ces pièces sont susceptibles de porter atteinte au secret des affaires.
En conséquence, la demande de mainlevée formée par la Sarl Planète Air est bien fondée.
L’ordonnance entreprise sera confirmée en ce qu’elle a ordonné la mainlevée du séquestre suite aux opérations réalisée le 23 novembre 2021 en exécution de l’ordonnance rendue le 2 novembre 2021.
Sur les mesures accessoires.
L’ordonnance est confirmée en ce qu’elle a statué sur les dépens et sur l’application de l’article 700 du code de procédure civile.
L’équité commande de faire application de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel.
PAR CES MOTIFS,
La Cour,
Confirme l’ordonnance entreprise en toutes ses dispositions,
Y ajoutant,
Condamne M. [H] [N] à payer à la Sarl Planète Air une somme de 1000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
Condamne M. [H] [N] aux dépens.
Le présent arrêt a été signé par Monsieur Roland POTEE, président, et par Madame Séléna BONNET, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le Greffier, Le Président,