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COUR D’APPEL DE BORDEAUX
QUATRIÈME CHAMBRE CIVILE
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ARRÊT DU : 04 OCTOBRE 2023
N° RG 23/00504 – N° Portalis DBVJ-V-B7H-NC7G
S.A.S. LES POMPES FUNEBRES DU VIGNOBLE
c/
S.A. OGF
Nature de la décision : APPEL SUR ORDONNANCE DE REFERE
Grosse délivrée le :
aux avocats
Décision déférée à la Cour : ordonnance rendu le 10 janvier 2023 (R.G. 2022R00639) par le Tribunal de Commerce de BORDEAUX suivant déclaration d’appel du 31 janvier 2023
APPELANTE :
S.A.S. LES POMPES FUNEBRES DU VIGNOBLE, prise en la personne de son représentant légal, domicilié en cette qualité au siège sis, [Adresse 2]
représentée par Maître Patrick TRASSARD de la SELARL TRASSARD & ASSOCIES, avocat au barreau de BORDEAUX
INTIMÉE :
S.A. OGF, prise en la personne de son représentant légal, domicilié en cette qualité au siège sis, [Adresse 1]
représentée par Maître Romain PARROT, avocat au barreau de BORDEAUX et assistée par Maître Gabriel DUMENIL, avocat au barreau de PARIS
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 28 juin 2023 en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame Sophie MASSON, Conseiller chargé du rapport,
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Monsieur Jean-Pierre FRANCO, Président,
Madame Marie GOUMILLOUX, Conseiller,
Madame Sophie MASSON, Conseiller,
Greffier lors des débats : Monsieur Hervé GOUDOT
ARRÊT :
– contradictoire
– prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile.
EXPOSE DU LITIGE :
Madame [B] [J], Madame [W] [O] et Monsieur [Z] [K], porteurs de parts de la société par actions simplifiée Les Pompes Funèbres du Vignoble, immatriculée le 14 septembre 2021 au Registre du commerce et des société de Bordeaux, ont démissionné le 2 novembre 2021 de leur emploi salarié au sein de la société anonyme OGF.
Par ordonnance sur requête prononcée le 21 juin 2022, la présidente du tribunal de commerce de Bordeaux a, à la demande de la société OGF, autorisé la société Exacthuis, huissier de justice, à saisir des documents au siège de la société Les Pompes Funèbres du Vignoble sur le fondement de l’article 145 du code de procédure civile.
Par acte d’huissier de justice du 28 septembre 2022, la société OGF a assigné la société Les Pompes Funèbres du Vignoble devant le juge des référés du tribunal de commerce de Bordeaux aux fins d’obtenir la communication des documents recueillis le 4 août 2022 et séquestrés en l’étude de la société Exacthuis.
Par ordonnance du 10 janvier 2023, le juge des référés du tribunal de commerce a statué ainsi qu’il suit :
– recevons la société OGF en ses demandes ;
– ordonnons la mainlevée de la mesure de séquestre provisoire et la remise par la société Exacthuis à la société OGF de l’intégralité des éléments recueillis le 4 août 2022 et placés sous séquestre en son étude ;
– disons n’y avoir lieu à référé sur la demande de dommages et intérêts de la société Les Pompes Funèbres du Vignoble ;
– condamnons la société Les Pompes Funèbres du Vignoble à payer à la société OGF la somme de 1.500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
– condamnons la société Les Pompes Funèbres du Vignoble aux dépens.
La société Les Pompes Funèbres du Vignoble a relevé appel de cette décision par déclaration au greffe du 31 janvier 2023.
***
Par dernières conclusions notifiées le 20 juin 2023, la société Les Pompes Funèbres du Vignoble demande à la cour de :
Vu les articles 9 et 145 du code de procédure civile,
– déclarer recevable l’action de la société Les Pompes Funèbres du Vignoble ;
– infirmer l’ordonnance de référé rendue le 10 janvier 2023 par le tribunal de commerce de Bordeaux ;
Statuant à nouveau,
– rejeter la mainlevée de la mesure de séquestre provisoire ;
– rejeter par conséquent la demande de communication des éléments recueillis le 4 août 2022 et placés sous séquestre à l’étude de la société Exacthuis ;
– condamner la société OGF à verser à la société Les Pompes Funèbres du Vignoble des dommages et intérêts à hauteur de 50.000 euros au titre du préjudice causé par la communication des éléments ;
– condamner la société OGF à verser à la société Les Pompes Funèbres du Vignoble des dommages et intérêts à hauteur de 5.000 euros au titre de la procédure abusive ;
– condamner la société OGF à verser à la société Les Pompes Funèbres du Vignoble la somme de 10.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
– dire et juger qu’à défaut de règlement spontané des condamnations prononcées dans la décision à intervenir, l’exécution forcée devra être réalisée par l’intermédiaire d’un commissaire de justice et que le montant des émoluments retenus en application de l’article 444-32 du code de commerce devra être supporté par le débiteur en sus de l’application de l’article 700 du code de procédure civile ;
– condamner la société OGF aux entiers dépens.
***
Par dernières écritures notifiées le 23 juin 2023, la société OGF demande à la cour de :
Vu les articles 4, 5, 122, 145, 496, 497 et 546 du code de procédure civile,
Vu les articles L. 153-1 et R. 153-1 à R. 153-9 du code de commerce,
A titre liminaire et avant toute défense au fond,
– constater que la société Les Pompes Funèbres du Vignoble n’a pas d’intérêt sérieux et légitime à agir ;
– constater que les prétentions formulées par la société Les Pompes Funèbres du Vignoble sont sans objet ;
En conséquence,
– déclarer que les prétentions formulées par la société Les Pompes Funèbres du Vignoble sont irrecevables ;
– confirmer l’ordonnance rendue le 10 janvier 2023 par la présidente du tribunal de commerce de Bordeaux en toutes ses dispositions ;
A titre principal,
– constater l’absence de saisine par la société Les Pompes Funèbres du Vignoble dans le délai d’un mois imparti du juge des référés d’une action en modification ou rétractation de l’ordonnance rendue le 21 juin 2022 ;
En conséquence,
– confirmer l’ordonnance rendue le 10 janvier 2023 par la présidente du tribunal de commerce de Bordeaux en toutes ses dispositions ;
En tout état de cause,
– constater le bien-fondé de l’ordonnance rendue le 10 janvier 2023 par la présidente du tribunal de commerce de Bordeaux ;
En conséquence,
– confirmer l’ordonnance rendue le 10 janvier 2023 par la présidente du tribunal de commerce de Bordeaux en toutes ses dispositions ;
– rejeter la prétention de la société Les Pompes Funèbres du Vignoble tendant à la condamnation de la société OGF au paiement de la somme de 5.000 euros à titre de dommages et intérêts ;
– rejeter la prétention de la société Les Pompes Funèbres du Vignoble tendant à la condamnation de la société OGF au paiement d’une indemnité de 50.000 euros au titre du préjudice causé par la communication des éléments saisis ;
– condamner la société Les Pompes Funèbres du Vignoble à verser à la société OGF la somme de 4.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, outre les dépens.
Par ordonnance du 28 février 2023, le président de la chambre commerciale de la cour d’appel de Bordeaux a fixé l’affaire à bref délai à l’audience du 28 juin 2023 avec une clôture de la procédure le 14 juin 2023.
Le 12 juin 2023, cette ordonnance de clôture a été reportée au jour des plaidoiries.
Pour plus ample exposé des faits, de la procédure, des prétentions et moyens des parties, il est, par application des dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, expressément renvoyé à la décision déférée et aux dernières conclusions écrites déposées.
MOTIFS DE LA DÉCISION :
1. Selon l’article 145 du code de procédure civile, s’il existe un motif légitime de conserver ou d’établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d’un litige, les mesures d’instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé, sur requête ou en référé.
L’article R.153-1 du code de commerce dispose :
« Lorsqu’il est saisi sur requête sur le fondement de l’article 145 du code de procédure civile ou au cours d’une mesure d’instruction ordonnée sur ce fondement, le juge peut ordonner d’office le placement sous séquestre provisoire des pièces demandées afin d’assurer la protection du secret des affaires.
Si le juge n’est pas saisi d’une demande de modification ou de rétractation de son ordonnance en application de l’article 497 du code de procédure civile dans un délai d’un mois à compter de la signification de la décision, la mesure de séquestre provisoire mentionnée à l’alinéa précédent est levée et les pièces sont transmises au requérant.
Le juge saisi en référé d’une demande de modification ou de rétractation de l’ordonnance est compétent pour statuer sur la levée totale ou partielle de la mesure de séquestre dans les conditions prévues par les articles R. 153-3 à R. 153-10.»
2. Au visa de ces textes, la société Les Pompes Funèbres du Vignoble fait grief au juge des référés d’avoir ordonné la mainlevée de la mesure de séquestre provisoire et la remise par la société Exacthuis à la société OGF de l’intégralité des éléments recueillis le 4 août 2002 et placés sous séquestre en son étude.
L’appelante tend au rejet de la mainlevée de cette mesure de séquestre provisoire et de la demande de communication des éléments recueillis le 4 août 2002 en faisant valoir que la société OGF n’a apporté, au moment de sa requête, aucun élément probant de nature à démontrer une manifestation de concurrence déloyale suffisamment étayée pour fonder une saisie.
1. Sur la recevabilité de la demande
3. La société OGF lui oppose in limine litis l’irrecevabilité de ses prétentions au motif qu’elle n’a pas d’intérêt à agir.
L’intimée fait valoir que, puisque l’ordonnance entreprise est revêtue de la formule exécutoire, elle a pu prendre possession des pièces séquestrées, de sorte que le recours de la société Les Pompes Funèbres du Vignoble est sans intérêt au sens de l’article 122 du code de procédure civile.
4. L’appelante répond que, par application de l’article R.153-8 du code de commerce, son appel est suspensif puisque la décision entreprise a fait droit à la demande de production de pièces ; elle soutient que la société OGF ne pouvait donc prendre possession des pièces séquestrées et qu’elle n’est donc pas fondée à exciper d’un quelconque défaut d’intérêt à agir de la société Les Pompes Funèbres du Vignoble. Celle-ci ajoute que l’intimée ne peut lui opposer le fait que l’article R.153-8 du code de commerce n’est pas applicable en l’espèce puisqu’il est manifeste que les pièces saisies sont extrêmement confidentielles et que le secret des affaires de l’appelante doit être protégé.
5. La cour observe en premier lieu que la société Les Pompes Funèbres du Vignoble n’est pas fondée à se prévaloir de l’application de l’article R.153-8 du code de commerce.
En effet, les articles R.153-2 et suivants portent certes sur les modalités de protection du secret des affaires dans le cadre de toute demande tendant à obtenir la communication ou la production d’une pièce. Toutefois, lorsque le juge considère ab initio que les pièces dont la saisie ou la communication est demandée sont susceptibles d’être couvertes par le secret des affaires, il peut donc, conformément à l’article R.153-1 alinéa 1er du code de commerce, ordonner le placement sous séquestre provisoire ; en vertu de l’article 495 du code de procédure civile, cette ordonnance est alors exécutoire au seul vu de la minute.
Les articles R.153-2 et suivants ne sont donc applicables que dans le cadre de la procédure prévue par l’article 497 du code de procédure civile à laquelle renvoient les deuxième et troisième alinéa de l’article R.153-1 du code de commerce : si le juge est alors saisi en référé d’une demande de modification ou de rétractation de son ordonnance dans le délai d’un mois à compter de la signification, le saisi peut demander la protection du secret des affaires conformément à l’article R. 153-2 du code de commerce et le juge statue sur la levée du séquestre dans les conditions prévues aux articles R. 153- 3 à R. 153-10 du même code.
En l’espèce, il est constant que le juge n’a pas été saisi en référé d’une demande de modification ou de rétractation de son ordonnance mais a prononcé son ordonnance par application du deuxième alinéa de l’article R.153-1 du code de commerce.
Le moyen développé par l’appelante à ce titre est donc inopérant, d’une part en raison du caractère exécutoire de droit de l’ordonnance entreprise, d’autre part en raison du fait que l’article R.153-8 du code de commerce n’est pas ici applicable.
6. Néanmoins, il faut ajouter que, conformément à l’article 514 du code de procédure civile, l’ordonnance de référé dont appel bénéficie de l’exécution provisoire de droit.
Or, le recours exercé contre une décision exécutoire ne peut être déclaré irrecevable au motif que cette décision a été exécutée, l’appelant y étant contraint par l’article 524 du code de procédure civile, sous peine d’une éventuelle radiation de son appel, peu important que, en l’espèce, l’intimée ait été en mesure de prendre connaissance des documents litigieux.
La cour rejettera donc cette fin de non recevoir soutenue par la société OGF.
2. Sur l’appel principal
7. La société OGF oppose à l’appelante les dispositions de l’article R.153-1 alinéa 2 du code de commerce et soutient que, puisque la société Les Pompes Funèbres du Vignoble n’a pas saisi le juge d’une demande de modification ou de rétractation de son ordonnance dans un délai d’un mois, elle n’est pas fondée à discuter l’ordonnance du 10 janvier 2003.
8. La société Les Pompes Funèbres du Vignoble répond que, en l’absence d’une saisine du juge dans le délai d’un mois, la remise des pièces séquestrées n’est pas automatique et qu’il est de principe que la demande de rétractation doit être distinguée de la demande de mainlevée de la mesure de séquestre.
9. Toutefois, il faut rappeler que l’alinéa 2 de l’article R.153-1 du code de commerce prévoit que, si le juge n’est pas saisi d’une demande de modification ou de rétractation de son ordonnance dans un délai d’un mois à compter de la signification de la décision, la mesure de séquestre provisoire est levée et les pièces sont transmises au requérant.
Ainsi, en l’absence de recours en rétractation par le saisi dans le délai d’un mois, les pièces séquestrées sont libérées de plein droit au bénéfice du requérant.
En l’espèce, la société Les Pompes Funèbres du Vignoble ne se prévaut pas d’une saisine du juge en rétractation dans le délai d’un mois suivant le 4 août 2022, date de signification de l’ordonnance sur requête. La cour confirmera donc l’ordonnance déférée en ce qu’elle décidé la remise des documents litigieux à la société OGF.
3. Sur les demandes accessoires
10. L’article 566 du code de procédure civile dispose :
« Les parties ne peuvent ajouter aux prétentions soumises au premier juge que les demandes qui en sont l’accessoire, la conséquence ou le complément nécessaire.»
Selon l’article 1240 du code civil, tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.
11. Au visa de ces textes, la société Les Pompes Funèbres du Vignoble présente en appel une demande en indemnisation du préjudice résultant de la communication des pièces litigieuses, dont l’appelante énonce qu’elle a été illicitement obtenue par l’intimée alors que son recours contre l’ordonnance de référé était suspensif en vertu de l’article R.153-8 du code de commerce.
Toutefois, ainsi qu’il a été jugé supra, cet article R.153-8 du code de commerce n’est pas applicable à la présente procédure et la société OGF pouvait poursuivre l’exécution de l’ordonnance de référé frappée d’appel, puisque cette décision est exécutoire de droit.
La demande en dommages et intérêts de ce chef sera en conséquence rejetée.
12. L’appelante tend en appel à l’allocation de 5.000 euros de dommages et intérêts pour procédure abusive ; il apparaît que cette demande a également été présentée au premier juge mais la société Les Pompes Funèbres du Vignoble n’explicite pas en quelle mesure la procédure initiée par la société OGF devant le juge des référés serait abusive et pour quels motifs la décision de rejet en première instance devrait être critiquée, étant au surplus relevé qu’il n’était pas présenté une demande de provision mais une demande en dommages et intérêts.
La cour confirmera la décision frappée d’appel en ce qu’elle a retenu qu’il n’y avait pas lieu à référé sur cette demande en dommages et intérêts, ainsi qu’en ses chefs dispositifs relatifs aux frais irrépétibles des parties et au paiement des dépens.
13. Y ajoutant, la cour déboutera l’appelante de sa demande formée au titre de l’article 700 du code de procédure civile, la condamnera à payer les dépens de l’appel et à verser à la société OGF la somme de 3.000 euros par application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS :
La cour, statuant publiquement par arrêt contradictoire en dernier ressort,
Confirme l’ordonnance prononcée le 10 janvier 2023 par le juge des référés du tribunal de commerce de Bordeaux.
Y ajoutant,
Déboute la société Les Pompes Funèbres du Vignoble de sa demande en paiement de 50.000 euros à titre de dommages et intérêts.
Déboute la société Les Pompes Funèbres du Vignoble de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Condamne la société Les Pompes Funèbres du Vignoble à payer à la société OGF la somme de 3.000 euros par application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
Condamne la société Les Pompes Funèbres du Vignoble à payer les dépens de l’appel.
Le présent arrêt a été signé par Monsieur Jean-Pierre FRANCO, président, et par Monsieur Hervé GOUDOT, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le Greffier Le Président