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COUR D’APPEL D’ORLÉANS
CHAMBRE COMMERCIALE, ÉCONOMIQUE ET FINANCIÈRE
GROSSES + EXPÉDITIONS : le 21/09/2023
la SCP LAVAL – FIRKOWSKI
la SELARL CELCE-VILAIN
ARRÊT du : 21 SEPTEMBRE 2023
N° : 159 – 23
N° RG 22/02121
N° Portalis DBVN-V-B7G-GURA
DÉCISION ENTREPRISE : Ordonnance du Président du Tribunal de Commerce de TOURS en date du 12 Août 2022
PARTIES EN CAUSE
APPELANTE : – Timbre fiscal dématérialisé N°: 1265283487249600
S.A.S. RECIPHARM MONTS
Prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège social
[Adresse 2]
[Localité 4]
Ayant pour avocat postulant Me Olivier LAVAL, membre de la SCP LAVAL – FIRKOWSKI, avocat au barreau d’ORLEANS, et pour avocat plaidant Me Cédric GUILLON, membre de la SCP FROMONT BRIENS, avocat au barreau de PARIS
D’UNE PART
INTIMÉE : – Timbre fiscal dématérialisé N°: 1265278885213610
S.A.S. DELPHARM TOURS
Agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 13]
[Localité 3]
Ayant pour avocat postulant Me Pascal VILAIN, membre de la SELARL CELCE-VILAIN, avocat au barreau d’ORLEANS, et pour avocat plaidant Me Alexandre MEYNIEL et Me Marie-Laure CARTIER, membres du cabinet CARTIER MEYNIEL SCHNELLER, avocats au barreau de PARIS
D’AUTRE PART
DÉCLARATION D’APPEL en date du : 05 Septembre 2022
ORDONNANCE DE CLÔTURE du : 30 Mars 2023
COMPOSITION DE LA COUR
Lors des débats à l’audience publique du JEUDI 06 AVRIL 2023, à 14 heures, Madame Carole CHEGARAY, Président de la chambre commerciale à la Cour d’Appel d’ORLEANS, en charge du rapport, et Madame Fanny CHENOT, Conseiller, ont entendu les avocats des parties en leurs plaidoiries, avec leur accord, par application de l’article 805 et 907 du code de procédure civile.
Après délibéré au cours duquel Madame Carole CHEGARAY, Président de la chambre commerciale à la Cour d’Appel d’ORLEANS, et Madame Fanny CHENOT, Conseiller, ont rendu compte à la collégialité des débats à la Cour composée de :
Madame Carole CHEGARAY, Président de la chambre commerciale à la Cour d’Appel d’ORLEANS,
Madame Fanny CHENOT, Conseiller,
Monsieur Damien DESFORGES, Conseiller,
Greffier :
Madame Marie-Claude DONNAT, Greffier lors des débats et du prononcé,
ARRÊT :
Prononcé publiquement par arrêt contradictoire le JEUDI 21 SEPTEMBRE 2023 par mise à la disposition des parties au Greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
EXPOSE DU LITIGE ET DE LA PROCÉDURE :
La société Delpharm Tours est une société de fabrication de médicaments fondée en 1974, filiale de la société Delpharm Industrie dont le siège social est à [Localité 6].
La société Recipharm Monts est une filiale française du groupe suédois de laboratoires phamaceutiques fondé en 1995.
Les deux sociétés, toutes deux spécialisées dans la fabrication de médicaments liquides stériles, exercent dans le même domaine d’activité et dans le même secteur géographique (à 12 km l’une de l’autre).
S’estimant victime d’actes de concurrence déloyale commis par la société Recipharm Monts, notamment par débauchage massif de ses salariés, la société Delpharm Tours a, par requête du 8 avril 2022 réceptionnée le 13 avril suivant, saisi le président du tribunal de commerce de Tours, aux fins de voir diligentées des mesures d’investigations en application de l’article 145 du code de procédure civile.
Par ordonnance du 14 avril 2022, le président du tribunal de commerce de Tours a :
Vu la requête, les pièces produites et les motifs y exposés,
Vu le motif légitime de SAS Delpharm Tours [Adresse 13] [Localité 3] représentée par le cabinet Cartier Meyniel Schneller avocats au barreau de Paris,
Vu l’urgence,
Vu les dispositions des articles 493, 494, 495 et 874, 875, 876 du code de procédure civile,
Le demandeur ayant présenté sa requête à l’encontre de SAS Recipharm [Localité 4] [Adresse 2] [Localité 4],
– désigné la SCP Boghen-Diridollou-Gachet-[EI]-Moulin-Perrier, [Adresse 1] [Localité 5], huissier de justice, avec pour mission :
‘ demander copies des contrats de travail conclus avec :
. [OM] [LC],
. [D] [WF],
. [ZM] [H],
. [KX] [S],
. [M] [SU],
. [SX] [LB],
. [WD] [SR],
. [EH] [K],
. [CM] [L],
. [A] [F],
‘ mener des recherches dans la messagerie professionnelle de la direction générale et des ressources humaines de Recipharm Monts, notamment des boîtes professionnelles de :
. M. [HS] [ON] ([Courriel 12]),
. Mme [WA] [WH] ([Courriel 15]),
. M. [R] [ZK] ([Courriel 9]),
. Mme [ZO] [OK] ([Courriel 10]),
. Mme [N] [OJ] ([Courriel 7]),
. Mme [P] [EJ] ([Courriel 8]),
. Mme [EF] [WB] ([Courriel 11]),
. M. [HU] [KY] ([Courriel 14]),
sur une période allant du 1er juillet 2021 au jour du constat, en utilisant les mots clés suivants :
. Delpharm,
. Delpharm Tours,
. Production,
. Remplissage,
. Technicien(ne),
. Technicien(ne) de remplissage,
. Technicien(ne) de production,
. Automaticien(ne),
. Ingénieur vision,
. Chef de projet process pharmaceutique,
. Proposition sur le poste d’automaticien,
. Adjoint du responsable de production,
. Responsable équipe de production,
. [OM] [LC],
. [D] [WF],
. [ZM] [H],
. [KX] [S],
. [M] [SU],
. [SX] [LB],
. [WD] [SR],
. [EH] [K],
. [CM] [L],
. [A] [F],
. [KZ] [OI],
. [WC] [HO],
. [SS] [ED],
. [C] [ZL],
. [J] [WI],
. [B] [V],
. [OG] [AW],
. [O] [LD],
. [OL] [G],
. [SP] [EC],
. [ST] [U],
. [SW] [W],
. [HT] [I],
. [ZN] [HR],
. [WE] [WG],
. [Z] [E],
. [Z] [ZR],
. [BP] [HP],
. [HN] [OH],
. [ZP] [SZ],
. Skills Alliance,
. [EG] [X],
. [AC] [LA],
. Recrutis Agency,
. [AT] [AM],
. [Y] [CR],
. [AM] Associates,
. [T] [EE],
. JB Andrews,
et prendre copie individuellement des résultats de cette recherche,
– dit que l’huissier désigné, pourra se faire assister de la force publique, d’un serrurier et de toutes autres personnes telles que des techniciens ou experts nécessaires à l’accomplissement de leur mission à l’effet de se faire remettre ou à défaut rechercher, en vue de procéder à leur copie, tous dossiers, correspondances, documents ainsi que leurs annexes et pièces jointes, quel qu’en soit le support (papier, électronique ou autre) et établir un constat des opérations effectuées par ce dernier,
– autorisé l’huissier de justice et le technicien choisi par lui à avoir accès à l’ensemble des serveurs et postes informatiques des deux sociétés, à ceux des trois personnes précitées directement concernées par le litige – y compris téléphones mobiles, tablettes numériques et leurs ordinateurs portables, également tous ceux de leurs collaborateurs, secrétaires ou encore les personnes directement concernées par le litige, aux fins d’y rechercher les éléments nécessaires au bon accomplissement de la mission,
– autorisé l’huissier de justice et le technicien choisi par lui, à avoir accès à tous systèmes de messagerie et tous logiciels de communication de type WhatsApp, Messenger, sans que cette liste ne soit limitative, aux agendas électroniques, journaux d’appel, contacts contenus dans les boîtes de messagerie et/ou téléphones portables et/ou systèmes de communication si faire se peut et à procéder à l’enregistrement de tout message audio émanant de l’une des personnes visées ci-dessus,
– dit que les recherches s’effectueront sur tous supports informatiques y compris sur ceux renfermant les messageries personnelles, incluront également tout fichier et/ou mail effacé qui pourrait être récupéré par le technicien choisi par l’huissier au moyen d’un logiciel approprié,
– dit que seront exclus du champ de la recherche de l’huissier de justice tout document ou dossier intitulé ‘personnel’, ‘perso’ ou ‘privé’,
– dit qu’en cas de présence d’un tel document ou dossier, l’huissier de justice aura la possibilité de s’assurer du caractère réellement privé des informations qu’il contient, seulement dans l’hypothèse où une occurrence ressortirait par l’un ou plusieurs des mots clés précités tendant vers ce type de dossier,
– autorisé l’huissier de justice avec l’aide du technicien choisi par lui à installer tout logiciel ou connecter tout périphérique de recherche, lecture ou de stockage pour les besoins de opérations de recherche, de constatation ou de copie,
– autorisé l’huissier de justice, en cas de difficultés rencontrées dans l’accès aux moyens et supports informatiques ci-dessus, à prendre des photos et/ou effectuer des copies complètes des supports ou fichiers pour en extraire, de manière différée, les éléments recherchés qui seuls seront consignés dans son procès-verbal et communiqués au requérant,
– autorisé l’huissier de justice à accéder à tout local, bureau, tiroir, armoire pouvant renfermer les éléments recherchés, sans que cette liste ne soit limitative,
– autorisé l’huissier de justice à consigner toutes paroles qui seront prononcées au cours des opérations de constat, à réaliser toutes photographies et/ou toutes photocopies, copies des éléments identifiés,
– dit que l’huissier de justice devra dresser constat des diligences ainsi accomplies et des pièces appréhendées et de l’inventaire des messages identifiés au besoin par captures d’écrans et de tous éléments ou documents, incluant la description succinte des modalités techniques de leur exécution,
– dit que l’ensemble des éléments recueillis par l’huissier de justice constatant seront conservés par lui, en séquestre, sans qu’il puisse en donner connaissance au requérant,
– dit que l’huissier de justice devra remettre à la requérante et aux requis un exemplaire du constat des diligences, lequel devra mentionner, par nature d’éléments, le nombre d’éléments appréhendés dans le cadre des deux points de la mission, sauf impossibilité matérielle d’y procéder,
– dit qu’en vue de cet examen, l’huissier de justice tiendra à disposition de la partie auprès de laquelle il les aura obtenues, sur un support informatique adapté, une copie des pièces séquestrées afin que cette dernière puisse, pour les besoins de leur examen par le juge, séléctionner celles des seules pièces à la communication desquelles elle s’oppose,
– dit qu’il y a urgence,
– dit qu’une provision de 1 300 euros sera versée à l’huissier de justice sous peine de caducité,
– dit qu’à défaut de saisine de l’huissier commis dans un délais d’un mois à compter de ce jour, sa désignation sera caduque et privée d’effet,
– dit qu’à défaut pour le requérant d’engager une instance dans le délai d’un mois après la fin de l’exécution de la mission de l’huissier commis, et de l’en informer, ce dernier restituera les pièces séquestrées,
– dit qu’il nous en sera référé en cas de difficultés, conformément aux dispositions de l’article 496 du code de procédure civile,
– laissé à la charge du demandeur les frais de la présente ordonnance, liquidés et taxés en jugeant à la somme de 13,58 euros ainsi que les honoraires de l’huissier de justice.
Suivant procès-verbal de constat du 12 mai 2022, Me [SV] [EI], huissier de justice associé au sein de la SCP Boghen-Diridollou-Gachet-[EI]-Moulin-Perrier, a procédé aux opérations prescrites par l’ordonnance du 14 avril 2022.
Par actes des 3 et 7 juin 2022, la société Recipharm Monts a fait assigner la société Delpharm Tours devant le président du tribunal de commerce de Tours en rétractation de l’ordonnance sur requête rendue le 14 avril 2022 et paiement d’une indemnité au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Par ordonnance contradictoire du 12 août 2022, le juge des référés du tribunal de commerce de Tours a :
Vu les dispositions de l’article 873 du code de procédure civile,
Vu les pièces versées aux débats,
– confirmé que la SAS Delpharm Tours disposait d’un ‘motif légtime’ au sens de l’article 145 du code de procédure civile,
– confirmé que la requête et l’ordonnance caractérisaient les motifs justifiant de déroger au principe du contradictoire et par conséquent que les mesures demandées ne sont
pas disproportionnées,
– confirmé en tout point l’ordonnance sur requête rendue le 14 avril 2022 par M. le président du tribunal de commerce de céans,
– condamné la SAS Recipharm Monts à verser à la SAS Delpharm Tours la somme de 3 000 euros à titre d’indemnité sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, et l’a déboutée du surplus de sa demande,
– débouté la SAS Recipharm Monts de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– laissé à la charge de la SAS Recipharm Monts les entiers dépens liquidés et taxés concernant les frais de greffe, à la somme de 40,66 euros.
Suivant déclaration du 5 septembre 2022, la SAS Recipharm Monts a interjeté appel de l’ensemble des chefs expressément énoncés de cette ordonnance.
Dans ses dernières conclusions notifiées le 22 mars 2023, la société Recipharm Monts demande à la cour de :
Vu les articles 496 et 497 du code de procédure civile,
Vu les articles 16 et 493 du code de procédure civile,
A titre principal,
– dire la société Recipharm recevable et bien fondée en son appel,
– juger que la société Delpharm ne disposait pas d’un ‘motif légitime’ au sens de l’article 145 du code de procédure civile,
– juger que ni la requête, ni l’ordonnance, n’ont caractérisé les motifs justifiant de déroger au principe du contradictoire,
– juger que ni la requête, ni l’ordonnance, n’ont motivé certaines mesures autorisées dans le cadre de la saisie,
– juger que certaines mesures de saisie sont particulièrement disproportionnées au regard des intérêts en jeu,
En conséquence,
– annuler et en tout cas réformer l’ordonnance du 12 août 2022 en ce qu’elle a :
‘ confirmé que la SAS Delpharm Tours disposait d’un ‘motif légitime’ au sens de l’article 145 du code de procédure civile,
‘ confirmé que la requête et l’ordonnance caractérisaient les motifs justifiant de déroger au principe du contradictoire et par conséquent que les mesures demandées ne sont pas disproportionnées,
‘ confirmé en tout point l’ordonnance sur requête rendue le 14 avril 2022 par M. le président du tribunal de commerce de céans,
‘ condamné la SAS Recipharm Monts à verser à la SAS Delpharm Tours la somme de 3 000 euros à titre d’indemnité sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
‘ débouté la SAS Recipharm Monts de ses demandes de rétractation de l’ordonnance sur requête du 14 avril 2022 ainsi que de sa demande de condamnation sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
‘ laissé à la charge de la SAS Recipharm Monts les entiers dépens liquidés et taxés concernant les frais de greffe à la somme de 40,66 euros,
Statuant à nouveau,
– rétracter l’ordonnance en date du 14 avril 2022,
– ordonner la restitution des pièces séquestrées à la société Recipharm,
A titre subsidiaire, si par impossible, l’ordonnance en date du 14 avril 2022 n’était pas rétractée:
– refuser d’ordonner la levée du séquestre provisoire,
– fixer à la société Recipharm un délai minimum de 4 mois dans lequel celle-ci remettra au juge pour les pièces concernées par le secret des affaires ou dont la production n’est pas nécessaire à la solution du litige :
‘ la version confidentielle intégrale de cette pièce,
‘ une version non confidentielle ou un résumé,
‘ un mémoire précisant, pour chaque information ou partie de la pièce en cause, les motifs qui lui confèrent le caractère d’un secret des affaires,
– ordonner que l’accès aux pièces du séquestre ne soit restreint qu’aux seules personnes habilitées à assister ou représenter les parties,
En tout état de cause,
– condamner la société Delpharm à verser à la société Recipharm la somme de 5 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, outre les dépens,
– débouter la société Delpharm de toutes demandes, fin et prétentions contraires.
La société Recipharm Monts fait tout d’abord valoir qu’il appartenait à la société Delpharm Tours dans le cadre de sa requête de démontrer qu’elle justifiait d’un motif légitime de recourir à l’article 145 du code de procédure civile et donc d’apporter la preuve de faits précis, pertinents, objectifs, crédibles et vérifiables justifiant qu’elle aurait chercher à lui nuire et à la déstabiliser ; qu’en l’espèce, les éléments visés par la société Delpharm Tours sont purement hypothétiques et ne sont justifiés par aucune pièce pertinente.
Elle indique ensuite que la société Delpharm Tours ne peut raisonnablement évoquer la notion de débauchage massif alors que seulement 11 salariés sur 286 ont rejoint son entreprise sur une période de 8 mois ; que pour 4 d’entre eux, le recrutement a eu lieu à la suite de candidatures spontanées et que si les 7 autres ont fait l’objet d’un recrutement par la société Recipharm Monts, leurs comptes LinkedIn mentionnaient pour la majorité d’entre eux une ouverture à d’autres opportunités ; qu’en tout état de cause, aucune clause de non-concurrence n’a été violée et les préavis des salariés sur le départ ont été strictement respectés. Elle ajoute que la société Delpharm Tours ne justifie pas de la désorganisation qu’elle allègue ; qu’en réalité, les difficultés qu’elle rencontre dans le service ‘Unité de production’, composé de 147 salariés, sont sans lien avec les recrutements et résultent notamment des conditions de travail proposées et d’un contexte social très tendu ; qu’aucune pièce pertinente n’établit que ‘l’unité de production remplissage’ était constituée de 20 salariés -ce qui serait largement insuffisant compte tenu du nombre de lignes de production- dont 7 auraient rejoint la société Recipharm Monts.
La société Recipharm Monts soutient ainsi que la société Delpharm ne démontre pas en quoi les éléments constitutifs de la concurrence déloyale, et plus particulièrement des manoeuvres déloyales, sont caractérisés en l’espèce ; que le départ de quelques salariés ne suffit pas à démontrer sa volonté de lui nuire et de la déstabiliser, qu’aucune condition anormalement favorable d’embauche n’est établie, pas plus que la fermeture alléguée d’une ligne de production, ou le retard dans ses commandes comme conséquence du départ de ses salariés pour la société Recipharm Monts.
Au surplus, elle précise que la société Delpharm Tours a volontairement dissimulé dans sa requête certaines informations au président et notamment son courrier de réponse à la mise en demeure de la société Delpharm Tours ; que le recours au contradictoire était indispensable, alors pourtant que le président du tribunal de commerce n’a pas motivé l’ordonnance entreprise sur ce point. Elle relève que la requête et l’ordonnance sur requête ne sont pas motivées sur un certain nombre de points, notamment concernant la saisie de documents relatifs à des mots-clés qui correspondent à des noms de personnes dont il n’a pas été précisé l’identité ; que les mesures d’instruction sollicitées ne sont pas nécessaires à la détermination de la preuve des faits allégués et portent atteinte de manière disproportionnée au secret des affaires en ce qu’elles correspondent à des mots clés génériques proscrits par la jurisprudence.
A titre subsidiaire, elle se prévaut des dispositions de l’article R.153-3 du code de commerce.
Dans ses dernières conclusions notifiées le 22 mars 2023, la société Delpharm Tours demande à la cour de :
Vu l’article 145 du code de procédure civile,
Vu l’ordonnance du 14 avril 2022 rendue par le président du tribunal de commerce de Tours (RG n°2022002093),
Vu l’ordonnance du 12 août 2022 rendue par le président du tribunal de commerce de Tours (RG n°2022003244),
Vu l’article R.153-3 du code de commerce,
A titre principal,
– confirmer en toutes ses dispositions l’ordonnance du 12 août 2022 (RG n°20220033244),
En conséquence,
– débouter la société Recipharm Monts de l’intégralité de ses demandes, fins et conclusions,
– ordonner la levée du séquestre provisoire,
– ordonner pour ce faire, la transmission des pièces au juge chargé de statuer sur la levée du séquestre dans un délai qui ne saurait excéder deux mois à compter de la notification de l’arrêt à intervenir,
A titre subsidiaire, si par extraordinaire l’ordonnance du 12 août 2022 venait à être réformée,
Statuant à nouveau,
– modifier les termes de l’ordonnance du 14 avril 2022 en supprimant les mots-clés suivants :
‘Production
Remplissage
Technicien
Automaticien
Ingénieur Vision
Chef de projet process Pharmaceutique
Adjoint du responsable de production
Responsable équipe de production’
– ordonner la levée du séquestre provisoire,
– ordonner pour ce faire, la transmission des pièces au juge chargé de statuer sur la levée du séquestre dans un délai qui ne saurait excéder deux mois à compter de la notificaiton de l’arrêt à intervenir,
Enfin,
– condamner la société Récipharm Monts à verser la somme de 20 000 euros à la société Delpharm Tours au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– la condamner aux entiers dépens qui seront recouvrés par Maître Pascal Vilain conformément à l’article 699 du code de procédure civile.
La société Delpharm Tours fait valoir que les conditions de l’article 145 du code de procédure civile étaient bien réunies lors du dépôt de la requête et qu’elle est en outre libre d’apporter des éléments de preuve nouveaux devant le juge de la rétractation pour en justifier ; qu’en l’espèce, elle fait état à l’appui de sa requête de nombreuses lettres de démission, de nombreux messages LinkedIn de la part de chasseurs de tête, de nombreux appels téléphoniques de la part de chasseurs de tête, y compris sur les lignes générales du site, de courriers contenant des offres d’embauche de Recipharm à des salariés de Delpharm Tours, des attestations de salariés Delpharm Tours qui confirment la réception de multiples courriels et coups de téléphones de la part des chasseurs de Recipharm sur le site de Delpharm Tours, outre la rumeur que les salariés démissionnaires ont été embauchés par Recipharm, ce qui est suffisant à caractériser l’existence d’un motif légitime.
Elle ajoute que les éléments produits au stade de la requête visant à démontrer la déstabilisation et la désorganisation de sa société étaient largement étayés et corroborés par de multiples pièces, que la perte de chiffre d’affaires et de marge brute en résultant a depuis été confirmée par les chiffres définitifs.
Elle fait valoir que la question de savoir si débaucher 11 salariés sur 286 est massif ou non relève de l’appréciation du juge du fond, qu’il n’est de toute façon pas pertinent de rapporter le nombre de salariés débauchés au nombre global de salariés du site et encore moins à l’échelle nationale ; que le fait que les salariés débauchés représentent 50 % des effectifs du service de production constitué de 20 personnes est le référentiel pertinent et justifie l’objet et l’intérêt même de la requête.
Elle précise aussi que si la société Recipharm Monts soutient n’avoir eu recours à aucune condition anormalement favorable d’embauche, celle-ci s’abstient de produire les contrats de travail des salariés concernés, et ne saurait affirmer sans preuve que les départs des salariés seraient liés aux conditions de travail proposées par Delpharm Tours et à un contexte social tendu.
Après avoir rappelé que le débat soumis à la cour n’a pas pour objet d’apprécier si le départ des 11 salariés constituent ou non un débauchage fautif et par conséquent un acte de concurrence déloyale, elle soutient que l’objet de sa requête est précisément d’obtenir des éléments lui permettant de confirmer ou non si la société Recipharm Monts a volontairement et de manière déloyale visé les équipes de Delpharm Tours dans sa campagne de recrutement.
Elle relève que l’essentiel des échanges qu’elle a été à même d’intercepter ont été pour la plupart contenus dans des courriels dont les données et contenus sont facilement destructibles et ont en conséquence motivé le recours à une ordonnance non contradictoire.
Elle soutient par ailleurs que l’absence de communication au juge des requêtes de la réponse de la société Recipharm à sa mise en demeure -s’agissant d’une réponse non satisfaisante-, est sans incidence.
Enfin, elle expose que la requête et l’ordonnance sont suffisamment motivées, qu’il s’agisse du motif légitime, des circonstances justifiant que les mesures soient ordonnées non contradictoirement comme du choix des mots-clés, la recherche étant sur ce dernier point circonscrite à 53 mots-clés, dont 30 noms de salariés ou anciens salariés de Delpharm Tours effectivement débauchés, visés par les démarches de Recipharm Monts ou susceptibles de l’avoir été ; que le secret des affaires n’a pas été mis en péril puisque le juge des requêtes a ordonné le placement sous séquestre provisoire chez l’huissier ; que les mesures d’investigations ordonnées, limitées dans le temps et dans leur objet, sont proportionnées, obervation faite que le délai de remise du constat n’a rien d’anormalement long compte tenu de l’intervention d’un expert informatique et de la nécessité de trier les informations récoltées.
A titre subsidiaire, la société Delpharm Tours fait valoir que l’ordonnance du 14 avril 2022 peut être aménagée conformément à l’article 497 du code de procédure civile en en retirant les mots- clés ‘production, remplissage, technicien, automaticien, ingénieur vision, chef de projet process pharmaceutique, adjoint du responsable de production et responsable équipe de production’, et ce d’autant qu’ils n’ont pas été recherchés par l’expert informatique, de sorte que cela ne modifiera en rien le contenu du procès-verbal de constat et du rapport d’intervention.
En application des dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, la cour renvoie aux écritures des parties pour un plus ample exposé des faits et moyens développés au soutien de leurs prétentions respectives.
La clôture de la procédure a été prononcée par ordonnance du 30 mars 2023.
MOTIFS :
Aux termes de l’article 145 du code de procédure civile, s’il existe un motif légitime de conserver ou d’établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d’un litige, les mesures d’instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé sur requête ou en référé. L’article 493 du même code prévoit que l’ordonnance sur requête est une décision provisoire rendue non contradictoirement dans les cas où le requérant est fondé à ne pas appeler la partie adverse.
Il résulte des articles 497 et 561 du code de procédure civile que la cour d’appel, saisie de l’appel d’une ordonnance de référé statuant sur une demande en rétractation d’une ordonnance sur requête prescrivant des mesures d’instruction destinées à conserver ou à établir, avant tout procès, la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d’un litige, est investie des attributions du juge qui l’a rendue devant lequel le contradictoire est rétabli. Cette voie de contestation n’étant que le prolongement de la procédure antérieure, le juge doit statuer en tenant compte de tous les faits s’y rapportant, ceux qui existaient au jour de la requête mais aussi ceux intervenus postérieurement à celle-ci.
Sur le motif légitime :
Le juge doit apprécier l’existence du motif légitime au jour du dépôt de la requête, à la lumière des éléments de preuve produits à l’appui de la requête et de ceux produits ultérieurement devant lui.
L’application des dispositions de l’article 145 du code de procédure civile suppose que soit constaté qu’il existe un procès en germe possible et non manifestement voué à l’échec, sur la base d’un fondement juridique suffisamment déterminé, sans qu’il revienne au juge des référés de se prononcer sur le fond. Le demandeur à la mesure d’instruction n’a pas à démontrer la réalité des faits qu’il recherche précisément à établir mais seulement à justifier d’éléments les rendant crédibles.
En l’espèce, la société Delpharm Tours fait état -et justifie- dans sa requête :
– de lettres de démission de Mme [LC] du 30 septembre 2021, de Mme [WF] du 1er mars 2022, de M.[H] du 10 mars 2022, de M. [S] du 14 mars 2022, de M. [SU] du 14 mars 2022, de Mme [LB] du 30 mars 2022, de M. [SR] du 5 avril 2022, de M. [K] du 5 avril 2022, de Mme [L] du 6 avril 2022, de Mme [A] [F] du 7 avril 2022,
soit, à l’exception de Mme [LC], 9 démissions en cinq semaines ;
– d’offres d’embauche de la société Recipharm Monts à Mme [ED], M. [OI] et M. [HO], salariés de la société Delpharm Tours, datant des mois de février et mars 2022 ;
– de nombreux messages LinkedIn et appels téléphoniques, y compris sur les lignes générales du site, de la part des chasseurs de tête : M. [X] de Recruitis Agency, M. [CR] de [AM] Associates, M. [EE] de JB Andrews, Mme [SZ] de Skills Alliance à destination de M. [WI], M. [AW], M. [ZL], M. [V], salariés de la société Delpharm Tours, au mois de janvier, février, mars 2022 ;
– de courriels d’une salariée de la société Delpharm Tours confirmant la réception de multiples courriels et coups de téléphone de la part des chasseurs de la société Recipharm Monts sur le site Delpharm Tours au mois de mars 2022.
La société Delpharm Tours fait encore état, après le dépôt de la requête, de la démission de Mme [HP] le 14 avril 2022, portant à 11 le nombre de salariés démissionnaires dans un très court laps de temps dont il n’est pas contesté qu’ils aient été embauchés par la société Recipharm Monts.
Il est établi que sept de ces salariés occupaient un poste de technicien de production au sein de la société Delpharm Tours, un huitième étant engagé comme technicien de maintenance, et que leur départ a conduit à l’arrêt d’une ligne de production et de trois équipements du département concerné, la société Delpharm Tours indiquant que sur les 286 salariés du site, 20 sont dédiés aux opérations de remplissage (selon l’organigramme versé au débat), service spécialisé du département de production employant 147 salariés.
La société Delpharm Tours justifie encore d’une perte de marge brute de 3 000 000 d’euros pour 2022 qu’elle lie à la baisse de production et à l’impossibilité d’honorer les commandes dans les délais.
Le départ de plusieurs salariés, sur un laps de temps très court, par le biais de multiples recruteurs, l’arrêt de lignes de production et la perte de marge brute sont autant d’éléments tangibles qui ne relèvent pas du domaine de l’hypothétique ou de l’imaginaire, comme le soutient à tort l’appelante, et rendent crédibles les accusations de la société Delpharm Tours de débauchage massif en vue de la désorganiser.
Il est manifeste que la mesure d’instruction sollicitée permettra, en plus de vérifier les conditions d’embauche par la société Recipharm Monts des salariés démissionnaires, d’approfondir la stratégie de recrutement mise en place par celle-ci, de rechercher si le départ des salariés de la société Delpharm Tours a été orchestré de manière déloyale et de réunir des éléments de preuve dont pourra dépendre la solution d’un éventuel procès en concurrence déloyale à intenter devant les juges du fond.
La société Delpharm Tours justifie ainsi d’un motif légitime à l’appui de sa demande d’une mesure d’instruction in futurum.
Sur la dérogation au principe du contradictoire :
Le juge doit également rechercher si la mesure sollicitée exigeait une dérogation au principe du contradictoire. Les circonstances justifiant cette dérogation doivent être caractérisées dans la requête ou l’ordonnance qui y fait droit.
En l’espèce, l’ordonnance sur requête du 14 avril 2022 renvoie à ‘la requête, les pièces produites et les motifs y exposés’.
La requête est motivée de ce chef, pages 17 et 18, par le risque de dépérissement des pièces compte tenu de leur nature et la nécessité de procéder par effet de surprise. Il y est mentionné que ‘les échanges que Delpharm a été à même d’intercepter ont été pour la plupart tenus par courriels dont les données et contenus peuvent être supprimés et sont extrêmement facilement destructibles. Pour cette raison, seule une mesure unilatérale sur requête permettra peut-être d’appréhender ces échanges, si ceux-ci n’ont pas d’ores et déjà été détruits ; de même, seul un effet de surprise permettra d’anticiper le risque de dépérissement de la preuve’.
Ainsi la nécessité de déroger au principe du contradictoire qui se nourrit en outre de la nature même des faits de concurrence déloyale expressément dénoncés apparaît suffisamment justifiée par renvoi à la requête motivée de manière circonstanciée et aux pièces annexées.
Il sera ajouté qu’il importe peu que la société Delpharm Tours n’ait pas communiqué au juge des requêtes la réponse de la société Recipharm Monts du 28 mars 2022 à sa mise en demeure, celle-ci n’apportant pas d’éléments significatifs susceptibles de remettre en cause la décision du juge des requêtes, comme il a pu être constaté à la suite de sa communication devant le juge de la rétractation.
Sur la proportionnalité de la mesure ordonnée :
Il résulte de l’article 145 du code de procédure civile que constituent des mesures légalement admissibles des mesures d’instruction circonscrites dans le temps et dans leur objet et proportionnées à l’objectif poursuivi. Il incombe, dès lors, au juge de vérifier si la mesure ordonnée était nécessaire à l’exercice du droit de la preuve du requérant et proportionnée aux intérêts antinomiques en présence (2è Civ., 25 mars 2021, n° 20-14.309, n° 19-22.965, n° 19-20.156).
Il apparaît que les investigations de l’huissier ont été circonscrites dans le temps ‘sur une période allant du 1er juillet 2021 au jour du constat’, soit jusqu’au 12 mai 2022, et dans leur objet, les éléments à saisir étant en lien avec les faits de débauchage dénoncés dans la requête au moyen de mots-clés en relation directe avec ces faits, à savoir :
* 2 mots-clés correspondant aux noms de la société requérante visée par les recrutements,
* 2 mots-clés correspondant à l’activité touchée par les départs (‘production’ et ‘remplissage’),
* 9 mots-clés constitués de groupes de mots relatifs aux fonctions touchées par les départs (‘technicien(ne)’, ‘technicien(ne) de remplissage’, ‘technicien(ne) de production’, ‘automaticien(ne)’, ‘ingénieur vision’, ‘chef de projet process pharmaceutique’, ‘proposition sur le poste d’automaticien’, ‘adjoint du responsable de production’, ‘responsable équipe de production’),
* 11 mots-clés correspondant aux noms des salariés partis chez Récipharm,
* 3 mots-clés correspondant aux noms de salariés ayant reçu des promesses d’embauche de Recipharm,
* 10 mots-clés relatifs aux agences de chasseurs de tête et aux chasseurs identifiés par la requérante,
autant de mots clés dont la pertinence n’est pas contestable au vu des éléments à rechercher en rapport avec les faits litigieux.
Quant aux mots clés restants correspondant à des noms de personnes dont la société Recipharm Monts indique tout ignorer, il s’agit de l’identité de salariés de la société Delpharm Tours faisant partie de la vingtaine potentiellement approchée par la société Recipharm Monts, comme l’explique la société Delpharm Tours dans ses écritures. Le fait de ne pas l’avoir précisé explicitement dans la requête, alors qu’il était aisé de le déduire des faits de débauchage dénoncés en particulier dans un secteur d’activité précis, ne saurait asseoir le grief avancé par la société Recipharm Monts de défaut motivation de la requête et de l’ordonnance sur requête.
En outre, une mesure de séquestre des éléments recueillis a été prévue afin de préserver, le cas échéant, le secret des affaires et l’huissier s’y est conformé, si bien que les difficultés soulevées par la société Recipharm Monts quant à une éventuelle saisie trop large de ses données ou susceptible de porter atteinte au secret des affaire seront réglées dans le cadre de l’instance en levée de séquestre intervenant ultérieurement.
Enfin, aucune conséquence ne peut être tirée du délai de remise du constat aux parties par l’huissier le 9 juin 2022, avec en annexe le rapport de l’expert informatique daté du 31 mai 2022, pour des opérations effectuées le 12 mai, dès lors que l’expert informatique a du procéder à un tri des éléments saisis ayant nécessité plusieurs jours, sans qu’un tel délai ne puisse être considéré comme anormalement long.
Il en résulte que la mesure ordonnée est utile et proportionnée au regard du but poursuivi et ne porte pas d’atteinte illégitime aux droits de l’appelante.
En conséquence, il convient de confirmer l’ordonnance de référé du 12 août 2022 qui a rejeté la demande de la société Recipharm Monts en rétractation de l’ordonnance sur requête du 14 avril 2022.
Sur la levée du séquestre provisoire :
L’article R.153-1 du code de commerce dispose que ‘lorsqu’il est saisi sur requête sur le fondement de l’article 145 du code de procédure civile ou au cours d’une mesure d’instruction ordonnée sur ce fondement, le juge peut ordonner d’office le placement sous séquestre provisoire des pièces demandées afin d’assurer la protection du secret des affaires.
Si le juge n’est pas saisi d’une demande de modification ou de rétractation de son ordonnance en application de l’article 497 du code de procédure civile dans un délai d’un mois à compter de la signification de la décision, la mesure de séquestrre provisoire mentionnée à l’alinéa précédent est levée et les pièces sont transmises au requérant.
Le juge saisi en référé d’une demande de modification ou de rétractation de l’ordonnance est compétent pour statuer sur la levée totale ou partielle de la mesure de séquestre dans les conditions prévues par les articles R.153-3 à R.153-10″.
En application de l’article R.153-3 du même code, ‘à peine d’irrecevabilité, la partie ou le tiers à la procédure qui invoque la protection du secret des affaires pour une pièce dont la communication ou la production est demandée remet au juge, dans le délai fixé par celui-ci :
1°) la version confidentielle intégrale de cette pièce ;
2°) une version non confidentielle ou un résumé ;
3°) un mémoire précisant, pour chaque information ou partie de la pièce en cause, les motifs qui lui confèrent le caractère d’un secret des affaires.
Le juge peut entendre séparément le détenteur de la pièce, assisté ou représenté par toute personne habilitée, et la partie qui demande la communication ou la production de cette pièce’.
En l’espèce, l’ordonnance sur requête du 14 avril 2022 a prévu que l’ensemble des éléments recueillis par l’huissier de justice constatant soient conservés par lui, en séquestre, sans qu’il puisse en donner connaissance au requérant.
La demande de mainlevée du séquestre en exécution de l’ordonnance sur requête relève des attributions du juge des référés.
La société Delpharm Tours sollicite la levée du séquestre provisoire pour la première fois devant la cour.
La société Recipharm Monts invoque à cet égard le secret des affaires couvrant un certain nombre de documents saisis et demande l’application de la procédure de protection instaurée par l’article R.153-3 du code de commerce.
Dès lors, il convient de renvoyer les parties devant le premier juge pour les opérations de levée de séquestre dans les conditions prévues par les articles R.153-3 à R.153-10 du code de commerce, la question du délai de transmission des pièces concernées par le secret des affaires au juge chargé de statuer sur la levée du séquestre en vue de leur examen devant être tranchée par celui-ci.
Sur les demandes accessoires :
Le sort des dépens et de l’indemnité de procédure a été exactement réglé par le premier juge.
La société Recipharm Monts, qui succombe, supportera la charge des dépens d’appel et sera condamnée à verser à la société Delpharm Tours la somme de 6 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
Confirme l’ordonnance du 12 août 2022 du juge des référés du tribunal de commerce de Tours en toutes ses dispositions,
Y ajoutant,
Renvoie les parties devant le premier juge pour les opérations de levée de séquestre dans les conditions prévues par les articles R.153-3 à R.153-10 du code de commerce,
Condamne la société Recipharm Monts aux dépens d’appel, lesquels pourront être directement recouvrés par Pascal Vilain, avocat, dans les conditions de l’article 699 du code de procédure civile,
Condamne la société Recipharm Monts à payer à la société Delpharm Tours la somme de 6 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.
Arrêt signé par Madame Carole CHEGARAY, Président de la chambre commerciale à la Cour d’Appel d’ORLEANS, présidant la collégialité et Madame Marie-Claude DONNAT , Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT