Séquestre provisoire : 20 juin 2023 Cour d’appel de Rennes RG n° 22/07086

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Séquestre provisoire : 20 juin 2023 Cour d’appel de Rennes RG n° 22/07086
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3ème Chambre Commerciale

ARRÊT N°.

N° RG 22/07086 – N° Portalis DBVL-V-B7G-TKJH

S.A.S. COMPAGNIE MARITIME ANGLO-NORMANDE (CMAN)

C/

M. [G] [N]

Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l’égard de toutes les parties au recours

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Me Marie VERRANDO

Me Jean-paul RENAUDIN

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 20 JUIN 2023

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Président : Monsieur Alexis CONTAMINE, Président de chambre,

Assesseur : Madame Fabienne CLEMENT, Présidente de chambre,

Assesseur : Madame Olivia JEORGER-LE GAC, Conseillère,

GREFFIER :

Madame Morgane LIZEE, lors des débats et lors du prononcé

DÉBATS :

A l’audience publique du 13 Avril 2023

devant Madame Olivia JEORGER-LE GAC, magistrat rapporteur, tenant seul l’audience, sans opposition des représentants des parties et qui a rendu compte au délibéré collégial

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement le 20 Juin 2023 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l’issue des débats

****

APPELANTE :

S.A.S. COMPAGNIE MARITIME ANGLO-NORMANDE (CMAN), immatriculée au RCS de NANTES sous le n°522 554 195, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 5]

[Localité 2]

Représentée par Me Jean-paul RENAUDIN de la SCP GUILLOU-RENAUDIN, Postulant, avocat au barreau de RENNES

Représentée par Me Michel QUIMBERT, Plaidant, avocat au barreau de NANTES

INTIMÉ :

Monsieur [G] [N]

né le 18 Mai 1957 à [Localité 4] (92) (92)

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représenté par Me Marie VERRANDO de la SELARL LEXAVOUE RENNES ANGERS, Postulant, avocat au barreau de RENNES

Représenté par Me Mélanie LESOURD, Plaidant, avocat au barreau de NANTES

La société COMPAGNIE MARITIME ANGLO NORMANDE (CMAN) a été créée en 2010, par Messieurs [N] et [L].

Monsieur [F] [L] est le représentant légal (Président) de la société CMAN.

Il est également Président de la société KERSEA, laquelle détient 45 % des parts de la société CMAN.

Monsieur [G] [N] détient également 38 % des parts de cette société, dont il était Directeur Général du 1er juin 2010 au 31 décembre 2021, date à laquelle il a fait valoir ses droits à la retraite (à 65 ans).

À compter du 1er juin 2010, la société CMAN s’est vue confier par le Département de la Manche les liaisons maritimes vers les îles Anglo-Normandes, par contrat de délégation de service public.

En 2015, suite à un appel d’offres du Département de la Manche, la CMAN a, à nouveau, été choisie pour assurer les liaisons maritimes des îles Anglo-Normandes.

Monsieur [G] [N] a ainsi été reconduit dans ses fonctions.

Ce nouveau contrat qui liait la CMAN au Département de la Manche devait ainsi prendre fin en décembre 2021.

Le terme du contrat approchant, la société CMAN et le Département de la Manche se sont rapprochés pour échanger sur l’avenir de leur relation, dans le cadre de deux réunions, lesquelles se sont tenues les 11 janvier et 2 février 2021.

Le département de la Manche a lançé une procédure d’appel d’offres à laquelle la société CMAN a soumissionné.

L’appel d’offres a été remporté par une société DNO créée par deux anciens salariés de la société CMAN, Mme [O] [J] et Monsieur [V] [S].

La société CMAN soupçonne que ces salariés aient obtenu l’appel d’offres aux moyens d’informations confidentielles lui appartenant, et avec l’aide de M. [N], dont elle prétend qu’il serait lui-même actionnaire de la société DNO.

Elle a obtenu du Président du tribunal de commerce de Nantes une ordonnance du 28 avril 2022 désignant un huissier de justice pour effectuer des investigations au domicile de M. [N].

La mesure a été exécutée le 07 juillet 2022.

M. [N] a assigné la société CMAN en rétrataction.

Par ordonnance du 22 novembre 2022, le juge des référés du tribunal de commerce de Rennes a:

– jugé M. [N] recevable et bien fondé en ses demandes,

– rétracté l’ordonnance sur requête du 28 avril 2022,

– annulé les opérations d’expertise du 07 juillet 2022,

– ordonnné la restitution ou la destruction des pièces saisies dans le délai d’un mois suivant la notification de l’ordonnance sous réserve d’appel de la société CMAN,

– débouté les parties du surplus de leurs demandes,

– condamné la société CMAN à payer à M. [N] la somme de 2.500 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamné la société CMAN aux dépens.

Appelante de cette ordonnance,la société CMAN, par conclusions du 11 janvier 2023, a demandé que la cour:

– infirme l’ordonnance déférée,

– confirme le bien-fondé de l’ordonnance du 28 avril 2022 désignant huissier aux fins de saisie

– déboute Monsieur [N] pour défaut d’intérêt à agir,

– déboute Monsieur [N] de 1’ensemb1e de ses demandes,

– ordonne la levée du séquestre provisoire et ordonne que les pieces et supports saisis le 7 juillet 2022 soient consultables par la Compagnie Maritime Anglo-Normande (CMAN)

– condamne Monsieur [N] au paiement de la somme de 5 000€ au titre de l’article 700 du code de procedure civile,

– condamne Monsieur [N] aux entiers dépens.

Par conclusions du 1er février 2023, M. [G] [N] a demandé que la Cour:

– accueille les prétentions fins et conclusions de Monsieur [N] et le déclarer bien fondé en ses demandes,

– confirme en toutes ses dispositions l’Ordonnance du 22 novembre 2022 rendue par le Juge des requêtes du Tribunal de commerce de NANTES, et particulièrement en ce qu’elle a rétracté l’Ordonnance du 28 avril 2022 :

En tous cas,

– juge que la société COMPAGNIE MARITIME ANGLO-NORMANDE a

délibérément occulté des éléments importants au litige, de manière déloyale,

– rétracte l’ordonnance rendue le 28 avril 2022, en toutes ses dispositions,

– annule les opérations réalisées le 7 juillet 2022,

– juge qu’il ne pourra en survivre aucun effet,

– ordonne la restitution à Monsieur [N] de tous les documents collectés par l’huissier de justice le 7 juillet 2022, sans réserve, outre destruction de tout support qui aurait servi au transfert des données, dans un délai de 48 h à compter de la décision à intervenir,

– condamne la société COMPAGNIE MARITIME ANGLO-NORMANDE à payer à Monsieur [N] la somme de 5.000 € au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamne la société COMPAGNIE MARITIME ANGLO-NORMANDE aux entiers dépens de l’instance avec distraction au profit de l’avocat soussigné aux offres de droit.

MOTIFS DE LA DECISION:

Sur l’intérêt à agir de M. [N]:

Monsieur [N] est la personne à laquelle l’ordonnance sur requête du 28 avril 2022 a été opposée et contre laquelle ladite ordonnance a été exécutée.

Son intérêt à en demander la rétractation est certain, sans qu’il ait été besoin qu’il appelle à la cause le séquestre des pièces saisies lors de l’exécution de l’ordonnance sur requête.

Il appartient en effet audit séquestre, avant toute remise des pièces à quiconque, de se renseigner sur l’état des procédures en cours puisqu’il est précisé dans sa mission qu’il ne peut se libérer des pièces avant l’issue d’une éventuelle instance en rétractation.

Son appel à l’instance de rétractation n’était pas indispensable et n’est pas constitutif d’un défaut d’intérêt à agir de M. [N].

Le moyen tiré d’un défaut d’intérêt est rejeté.

Sur le motif légitime:

Le motif légitime pouvant appuyer une requête visant à voir ordonner de façon non contradictoire des mesures d’investigations au domicile ou au siège social d’une partie doit reposer sur des motifs ou sur des indices permettant, non pas d’apporter la démonstration des comportements délictueux que l’on cherche à démontrer, mais de démontrer l’existence de présomptions suffisantes pour que ces comportements puissent être raisonnablement soupçonnés.

Monsieur [N] a été embauché le 1er juin 2010 par la CMAN et, en 2021, en était mandataire social, exerçant les fonctions de directeur général.

Le 03 décembre 2021, il a confirmé par courrier adressé à M. [L], président de la CMN de précédents échanges quant au fait qu’il ferait valoir ses droits à la retraite à compter du 1er janvier suivant.

La requête déposée par la société CMAN devant le Président du tribunal de commerce de Nantes faisait valoir qu’elle avait découvert, courant 2021, que M. [N], ainsi que deux autres salariés, Mme [J] et M. [S], auraient agit à son insu de façon déloyale envers elle pour la concurrencer.

Ces trois salariés auraient subtilisé des données lui appartenant, en auraient supprimé d’autres, puis, auraient créé ensemble une société DNO, qui a ainsi disposé des données de la CMAN pour candidater utilement au nouvel appel d’offre du département de la Manche pour l’exploitation de la liaison maritime avec les Iles Anglo Normandes.

Ils auraient ainsi remporté l’appel d’offre.

Les pièces versées aux débats par M. [N] établissent toutefois qu’au mois de janvier 2021, lors d’une réunion avec un représentant du département de la Manche, M. [L], président de la CMAN, a indiqué ne plus vouloir soumissionner pour cette liaison (attestation du représentant du département).

Elles démontrent aussi que le 10 mai 2021, M. [L] a été avisé par Mme [J] et M. [S] de ce qu’ils souhaitaient candidater pour assurer la liaison vers les Iles.

Dans sa réponse par courriel, M. [L] ne s’est pas offusqué de cette information, n’a pas demandé aux deux salariés de démissionner immédiatement, et leur a même donné le conseil d’assurer la liaison en régie afin de bénéficier d’une meilleure protection sociale et morale.

Il a précisé qu’il ne savait pas si son groupe participerait à l’appel d’offre définitif ou pas, quoi qu’il soit établi qu’il avait déposé deux candidatures, l’une pour la société KERSEA, l’autre pour la société CMAN, ce dont ses salariés avaient connaissance.

Cet échange avec ses salariés est en effet intervenu en première phase de l’appel d’offre, celle où les sociétés devaient candidater pour pouvoir ensuite, après une première sélection, soumissionner.

En tout état de cause, M. [L] était informé de la candidature qui allait être déposée par Mme [J] et de M. [S] et n’a pas souhaité pour autant s’y opposer alors même qu’il en avait le pouvoir.

La candidature de la société DNO n’a donc pas été déposée à l’insu de la CMAN.

Les documents que la société CMAN accuse M. [N] d’avoir transmis à ces deux salariés l’ont été exactement à cette période et étaient au demeurant des documents publics comme figurant sur les rapports annuels de la CMAN, qui se trouvent sur le site du département de la Manche.

Il est exact que M. [N], au mois de mai 2021, a conseillé Mme [J] et M. [S] et signé avec eux un pacte d’associé devant être mis en oeuvre pour le cas où la société DNO, dont il n’est pas l’associé originel, remporterait l’appel d’offre.

Pour autant, ces conseils et cette signature ont été consentis à une époque à laquelle M. [L] avait affirmé par deux fois que la société CMAN n’était plus réellement intéressée par la liaison avec les iles anglo-normandes.

Il n’en résultait donc aucun comportement déloyal de M. [N] vis à vis de la société CMAN.

Ensuite, le 27 mai 2021, le département de la Manche a avisé trois sociétés, donc CMAN et DNO, que leurs candidatures étaient retenues.

La lettre d’invitation a soumissionner a été adressé le 11 juin et les offres devaient être reçues le 08 juillet.

Or, ce n’est que par un échange de courriel du 1er juillet que M. [L] a avisé son directeur général M. [N] de ce que, finalement, il soumissionnerait pour la société CMAN.

Son offre a donc été établie tardivement et après une volte-face, comme le démontre l’échange constituant la pièce numéro 13 de M. [N], qui lui répond ainsi ‘je croyais que tu voulais rendre ‘feuille blanche”’.

Il en résulte que les comportements imputés à faute à M. [N] par la société CMAN ne sont pas constitutifs d’une volonté de la concurrencer puisqu’il semblait établi qu’elle se désintéressait de la liaison avec les iles anglo-normandes.

Enfin, la CMAN n’a pas indiqué dans sa requête auprès du Président du tribunal de commerce qu’au demeurant, elle n’a pas été évincée de l’appel d’offre par la société DNO.

Elle est en effet arrivée troisième, la deuxième place ayant été prise par une société tierce, la société MAGELLAN MARITIME.

Ainsi, si même la société DNO n’avait pas existé, la société CMAN n’aurait pas remporté l’appel d’offre et ne peut ainsi se prévaloir d’aucun préjudice causé par les comportements qu’elle impute à faute.

Elle ne soutient pas en effet que M. [N] et Mme [J] (responsable administrative) ne l’ont pas loyalement aidée à constituer et à déposer son offre.

Il résulte des motifs qui précèdent d’une part, une présentation des circonstances soutenant la requête volontairement erronée, d’autre part, l’absence de présomptions sérieuses de la volonté de M. [N] de participer à une action de concurrence déloyale contre la société CMAN.

Il s’en déduit l’absence de motif légitime soutenant la requête et l’ordonnance déférée est confirmée en ce qu’elle a ordonné la rétractation de l’ordonnance sur requête.

La société CMAN, qui succombe, supporter la charge des dépens d’appel et paiera à M. [N] la somme de 5.000 euros au titre de ses frais irrépétibles d’appel.

PAR CES MOTIFS:

La Cour,

Confirme l’ordonnance déféré.

Condamne la société COMPAGNIE MARITIME ANGLO NORMANDE aux dépens d’appel.

Condamne la société COMPAGNIE MARITIME ANGLO NORMANDE à payer à M. [G] [N] la somme de 5.000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

LE GREFFIER LE PRESIDENT

 


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