Séquestre provisoire : 17 mars 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 22/11802

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Séquestre provisoire : 17 mars 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 22/11802
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Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 1 – Chambre 8

ARRET DU 17 MARS 2023

(n° , 5 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 22/11802 – N° Portalis 35L7-V-B7G-CGAVC

Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 17 Juin 2022 -Président du TC de PARIS – RG n° 2022014233

APPELANTE

S.A.S. SYNEHA, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège,

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par Me Belgin PELIT-JUMEL de la SELEURL BELGIN PELIT-JUMEL AVOCAT, avocat au barreau de PARIS, toque : D1119

Assistée à l’audience par Me Raphaël DANA, avocat au barreau de PARIS,

INTIMEE

S.N.C. SB ALLIANCE SNC prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège,

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentée par Me Florence GUERRE de la SELARL SELARL PELLERIN – DE MARIA – GUERRE, avocat au barreau de PARIS, toque : L0018

Assistée à l’audience par Me Charles-Henri BORINGER, avocat au barreau de PARIS, toque : K112

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 09 Février 2023, en audience publique, les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Florence LAGEMI, Président chargée du rapport et Rachel LE COTTY, Conseiller.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de:

Florence LAGEMI, Président,

Rachel LE COTTY, Conseiller,

Patrick BIROLLEAU, Conseiller,

Greffier, lors des débats : Saveria MAUREL

ARRÊT :

– CONTRADICTOIRE

– rendu publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– signé par Florence LAGEMI, Président et par Marie GOIN, Greffier présent lors de la mise à disposition.

La société SB Alliance a saisi le président du tribunal de commerce de Paris, par une première requête du 2 octobre 2020, pour solliciter le prononcé d’une mesure d’instruction sur le fondement de l’article 145 du code de procédure civile, destinée à rechercher des éléments de preuve des agissements frauduleux suspectés de la société Syneha. Cette requête a été rejetée par ordonnance du même jour.

Une seconde requête a été déposée le 23 octobre suivant, avec de nouvelles pièces. Le président du tribunal de commerce de Paris a, par ordonnance du 23 octobre 2020, fait droit à cette requête, désignant la SELARL [M]-Duhamel, huissiers de justice, avec mission, notamment, de se faire remettre ou rechercher les comptes annuels, tous éléments permettant de déterminer l’actionnariat et les personnes disposant d’un intérêt économique dans la société Syneha ainsi que les échanges entre les parties prenantes concernant, d’une part, la conclusion et l’exécution des contrats et, d’autre part, les négociations avec les fournisseurs, l’huissier de justice étant constitué séquestre des éléments recueillis.

La société Syneha, après avoir reçu notification de l’ordonnance susvisée et de la requête, a fait obstacle à l’exécution de cette mesure le 29 octobre 2020.

Par acte du 21 décembre 2020, la société Syneha a fait assigner la société SB Alliance en rétractation de l’ordonnance sur requête du 23 octobre 2020 et a été déboutée de sa demande par ordonnance du 10 juin 2021, laquelle a par ailleurs, ordonné à la SELARL [M]-Duhamel, d’exécuter l’ordonnance sur requête, sous astreinte de 5.000 euros par jour de retard pendant une durée de 30 jours renouvelable.

La mesure d’instruction a été exécutée les 23 juin et 2 juillet 2021.

Statuant sur appel interjeté par la société Syneha, cette cour a, par arrêt du 13 janvier 2022, infirmé l’ordonnance du 10 juin 2021 en toutes ses dispositions et a rétracté l’ordonnance rendue sur requête le 23 octobre 2020.

La société SB Alliance a formé un pourvoi en cassation contre cette décision le 14 janvier 2022.

Par acte du 17 mars 2022, la société SB Alliance a fait assigner la société Syneha devant le juge des référés du tribunal de commerce de Paris pour qu’il désigne un huissier de justice afin qu’il se rende à l’étude de la SELARL [M]-Duhamel et effectue la copie de tous éléments numériques et au format papier collectés par Maître [M] à l’issue de son intervention dans les locaux de la société Syneha le 2 juillet 2021 tels qu’identifiés dans le procès-verbal de constat dressé le 15 juillet 2021, et soit constitué séquestre de l’ensemble des documents copiés jusqu’au prononcé d’une décision de justice irrévocable concernant la mesure d’instruction ordonnée contre la société Syneha ou d’une décision de justice autorisant la mainlevée du séquestre et la communication à son profit des éléments recueillis.

Par ordonnance du 17 juin 2022, le premier juge a :

désigné l’étude de la SELARL [M]-Duhamel, en qualité de mandataire de justice, avec mission de :

se rendre dans l’étude de la SELARL [M]-Duhamel,

effectuer une copie de tous éléments numériques, tels qu’identifiés dans le procès verbal de constat dressé par Maître [M] le 15 juillet 2021 ;

se constituer séquestre de l’exhaustivité des éléments copiés et, ce, jusqu’au prononcé d’une décision de justice irrévocable concernant la mesure d’instruction ordonnée contre la société Syneha ou d’une décision de justice autorisant la mainlevée du séquestre et la communication des éléments recueillis à la société SB Alliance ;

fixé à 1.500 euros TTC la provision à valoir sur les honoraires de l’étude de la SELARL [M]-Duhamel, que la demanderesse devra lui verser dès sa saisine et dit que pour leur fixation définitive, il lui en sera référé ;

condamné la société Syneha à payer à la société SB Alliance la somme de 5.000 euros, au titre de l’article 700 code de procédure civile ;

rejeté toutes autres demandes  ; 

condamné en outre la société Syneha aux dépens de l’instance.  

Par déclaration du 23 juin 2022, la société Syneha a relevé appel de cette décision en critiquant l’ensemble de ses chefs de dispositif.

Dans ses dernières conclusions remises et notifiées le 5 janvier 2023, la société Syneha demande à la cour de :

infirmer la décision déférée en toutes ses dispositions ;

déclarant sa demande recevable et bien fondée et, statuant à nouveau,

débouter la société SB Alliance de toutes ses demandes ;

condamner la société SB Alliance au paiement de la somme de 15.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens de première instance et d’appel, avec faculté de recouvrement direct conformément à l’article 699 du code de procédure civile.

Dans ses dernières conclusions remises et notifiées le 23 janvier 2023, la société SB Alliance demande à la cour de :

confirmer en toutes ses dispositions l’ordonnance entreprise ;

Par conséquent,

rejeter l’appel interjeté par la société Syneha ;

la débouter de l’ensemble de ses prétentions ;

Et y ajoutant,

condamner la société Syneha à lui verser la somme de 15.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens.

La clôture de la procédure a été prononcée le 1er février 2023.

Pour un exposé plus détaillé des faits, de la procédure, des moyens et prétentions des parties, la cour renvoie expressément à la décision déférée ainsi qu’aux conclusions susvisées, conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.

SUR CE, LA COUR

Selon l’article 872 du code de procédure civile, dans tous les cas d’urgence, le président du tribunal de commerce peut, dans les limites de la compétence du tribunal, ordonner en référé toutes les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ou que justifie l’existence d’un différend.

L’article 873, alinéa 1, du même code dispose que le président du tribunal de commerce peut, dans les mêmes limites, et même en présence d’une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s’imposent, soit pour prévenir un dommage imminent soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.

Le trouble manifestement illicite désigne toute perturbation résultant d’un fait matériel ou juridique qui, directement ou indirectement, constitue une violation évidente de la règle de droit et le dommage imminent s’entend de celui qui n’est pas encore réalisé mais qui se produira sûrement si la situation dénoncée perdure.

Au cas présent, la société SB Alliance soutient que le placement sous séquestre provisoire des éléments recueillis lors de l’exécution de la mesure d’instruction est justifié et nécessaire pour prévenir le dommage imminent qui résultera de leur restitution ou destruction avant le prononcé de l’arrêt de la Cour de cassation et qui consistera, pour elle, dans la perte d’un droit. Elle estime en effet que cette restitution ou destruction la privera de toute possibilité de prendre connaissance de ces éléments et rendra inutile son pourvoi en cassation, soutenant au surplus que le placement sous séquestre est proportionné aux intérêts en présence et ne saurait être assimilé à une suspension illicite du caractère exécutoire de l’arrêt du 13 janvier 2022.

Elle fait encore valoir que le séquestre peut être ordonné à titre de mesure que justifie l’existence d’un différend sur le fondement de l’article 872 du code de procédure civile et indépendamment d’un dommage imminent, ce texte donnant au juge des référés le pouvoir d’ordonner toute mesure conservatoire comme une mise sous séquestre, qui n’emporte aucune conséquence négative, ne préjuge pas du sort du litige opposant les parties et n’entraîne pas une suspension de l’exécution de l’arrêt du 13 janvier 2022.

Cependant, le pourvoi en cassation n’étant pas suspensif d’exécution, l’arrêt du 13 janvier 2022, qui ordonne la rétractation de l’ordonnance sur requête du 23 octobre 2020 et emporte, par voie de conséquence, restitution à la société Syneha des pièces saisies en vertu de cette ordonnance, est exécutoire de plein droit.

La demande de mise sous séquestre des pièces saisies en vertu de l’ordonnance rétractée a donc pour conséquence de maintenir les effets de cette ordonnance et se heurte nécessairement à l’autorité de la chose jugée attachée à l’arrêt du 13 janvier 2022 dont l’exécution ne saurait constituer pour la société SB Alliance un dommage imminent au sens de l’article 873 du code de procédure civile.

En outre, la mise sous séquestre sollicitée dans l’attente du prononcé de l’arrêt de la Cour de cassation, ne saurait davantage s’analyser comme une mesure justifiée par l’existence d’un différend susceptible d’être ordonnée par le juge des référés en application de l’article 872 dudit code dès lors qu’il n’entre pas dans les pouvoirs de ce dernier de faire obstacle à l’exécution d’un arrêt voire d’aménager son exécution, la circonstance qu’un pourvoi en cassation soit formé contre cet arrêt étant indifférente au regard de l’effet non suspensif de cette voie de recours extraordinaire.

Ainsi, la rétractation de l’ordonnance sur requête ayant fait perdre tout fondement à la mesure d’instruction, la demande de mise sous séquestre des pièces saisies lors de l’exécution de celle-ci est elle-même dépourvue de fondement juridique et ne peut dès lors qu’être rejetée.

Il convient donc d’infirmer l’ordonnance entreprise en toutes ses dispositions.

Succombant en ses prétentions, la société SB Alliance supportera les dépens de première instance et d’appel.

Il sera alloué à la société Syneha, contrainte d’exposer des frais irrépétibles dans la présente procédure, la somme de 5.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Infirme en toutes ses dispositions l’ordonnance entreprise ;

Statuant à nouveau,

Déboute la société SB Alliance de sa demande tendant à la mise sous séquestre des pièces saisies en exécution de l’ordonnance sur requête du 23 octobre 2020 rétractée par arrêt de cette cour du 13 janvier 2022 ;

Condamne la société SB Alliance aux dépens de première instance et d’appel avec faculté de recouvrement direct conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile ;

Condamne la société SB Alliance à payer à la société Syneha la somme de 5.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Le Greffier, Le Président,

 


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