Your cart is currently empty!
25 janvier 2023
Cour d’appel de Bordeaux
RG n°
20/05198
COUR D’APPEL DE BORDEAUX
CHAMBRE SOCIALE – SECTION A
————————–
ARRÊT DU : 25 JANVIER 2023
PRUD’HOMMES
N° RG 20/05198 – N° Portalis DBVJ-V-B7E-L3EF
Centre Communal d’Action Sociale de la Commune de [Localité 3] (CCAS)
c/
Madame [M] [G]
Nature de la décision : AU FOND
Grosse délivrée le :
à :
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 17 décembre 2020 (R.G. n°F 17/01235) par le Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de BORDEAUX, Section Activités Diverses, suivant déclaration d’appel du 22 décembre 2020,
APPELANTE :
Centre Communal d’Action Sociale de la Commune de [Localité 3] (CCAS), agissant poursuites et diligences de son président, Monsieur [X] [S], domicilié en cette qualité audit siège social [Adresse 1]
assisté de Me Jacques BORDERIE avocat au barreau de BORDEAUX et représenté par Me Valérie JANOUEIX de la SCP BATS – LACOSTE – JANOUEIX, avocat au barreau de BORDEAUX
INTIMÉE :
Madame [M] [G]
née le 01 Janvier 1991 à [Localité 4] de nationalité Française, demeurant [Adresse 2]
représentée par Me LOYCE CONTY avocat au barreau de BAYONNE substituant Me Pierre BLAZY de la SELARL BLAZY & ASSOCIES, avocat au barreau de BORDEAUX
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 05 décembre 2022 en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant Madame Sylvie Hylaire, présidente chargée d’instruire l’affaire et Madame Sylvie Tronche, conseillère
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Sylvie Hylaire, présidente
Madame Sylvie Tronche, conseillère
Madame Bénédicte Lamarque, conseillère
Greffier lors des débats : A.-Marie Lacour-Rivière,
ARRÊT :
– contradictoire
– prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile.
***
EXPOSÉ DU LITIGE
Madame [M] [G], née en 1991, a été engagée en qualité d’adjointe administrative par l’établissement public Centre Communal d’Action Sociale de la commune de [Localité 3] (ci après dénommé CCAS), agissant en sa qualité de gestionnaire de l’EHPAD de la commune par un premier contrat de travail à durée déterminée à temps partiel à compter du 1er juillet 2012 jusqu’au 31 décembre 2012, puis par un deuxième contrat du 1er janvier 2013 au 21 janvier 2013..
Un troisième contrat a été conclu entre les parties, à temps complet, à compter du 21 janvier 2013 pour des fonctions d’agent d’accueil de l’EHPAD de [Localité 3], les parties étant en désaccord sur ce contrat, la salariée considérant qu’il s’agit d’un contrat à durée indéterminée tandis que selon l’employeur, il s’agirait de deux contrats de droit privé à durée déterminée relevant du régime des emplois d’avenir, l’un du 21 janvier 2013 au 21 janvier 2014, l’autre du 22 janvier 2014 au 21 janvier 2016.
A également été signé par les parties un formulaire d’engagement tripartite ainsi qu’une demande d’aide d’emploi d’avenir le 22 janvier 2013, pour la période commençant à courir le 21 janvier 2013 jusqu’au 21 janvier 2014, puis le 9 janvier 2014 pour une période comprise entre le 22 janvier 2014 et le 21 janvier 2016.
En dernier lieu, la rémunération mensuelle brute moyenne de Mme [G] s’élevait à la somme de 1.457,55 euros.
Le 24 novembre 2015, Mme [G] a été convoquée à un entretien préalable , sans autre précision, fixé au 1er décembre 2015 précisant une impossibilité « pour des raisons budgétaires de pérenniser le contrat d’avenir ».
Par lettre du 7 décembre 2015, la salariée a été licenciée à compter du 10 février 2016 au motif que « le département de la Gironde [a] refusé durant plusieurs exercices successifs la création du poste d’agent d’accueil de l’EHPAD de [Localité 3] ».
Début février 2016, Mme [G] a sollicité par courrier son employeur quant à la rupture du contrat de travail ; elle n’a reçu aucune réponse.
Par jugement du 22 mars 2017, le tribunal administratif a rejeté la requête de Mme [G] tendant notamment à « l’annulation de la décision du 7 décembre 2015 par laquelle le président du centre communal d’action sociale l’a licenciée de l’établissement d’hébergement pour personnes âgées » comme portée « devant une juridiction incompétente pour en connaître », le tribunal administratif ayant considéré que :
– « le contrat de travail associé à une aide à l’insertion professionnelle attribuée au titre d’un contrat d’accompagnement dans l’emploi est un contrat de droit privé » ;
– « le litige qui oppose Mme [G] à son employeur est un litige né de la rupture de son contrat de travail prononcée par décision du 7 décembre 2015 du président du centre communal d’action sociale dont elle sollicite l’annulation (…) il incombe à l’autorité judiciaire, et alors même que l’article 8 du contrat en cause mentionne que ‘les litiges soulevés par le présent contrat relèvent de la juridiction administrative’ ainsi que le fait valoir la requérante, de se prononcer sur la qualification de ce contrat (…) ».
Le 15 mai 2017, Mme [G] a relevé appel de cette décision devant la cour administrative d’appel de Bordeaux.
Demandant la requalification de la relation contractuelle à compter du 1er juillet 2012 en contrat de travail à durée indéterminée et diverses indemnités consécutives à la rupture du contrat outre des dommages et intérêts pour procédure irrégulière, Mme [G] a saisi le 2 août 2017, le conseil de prud’hommes de Bordeaux lequel a, le 23 février 2018, ordonné un sursis à statuer dans l’attente de la décision de la cour administrative d’appel.
Par arrêt du 28 mars 2019, la cour administrative d’appel de Bordeaux a rejeté la requête de Mme [G] aux motifs suivants : « il résulte de l’instruction qu’à la suite de deux contrats de droit public, à temps partiel couvrant respectivement la période du 1er juillet au 31 décembre 2012 et du 1er janvier 2013 au 21 janvier 2013, Mme [G] a signé avec l’EHPAD de [Localité 3], représenté par le président du CCAS, un contrat à durée indéterminée portant sur 35 heures de travail hebdomadaire. Ce contrat, qui a donné lieu à une demande d’aide ’emploi d’avenir’ signée par Mme [G], l’EHPAD de [Localité 3] et la mission locale Sud Gironde, en date du 21 janvier 2013, était adossé à une convention d’engagements tripartite signée le même jour entre ces mêmes parties. (…) dans ces conditions et contrairement à ce que soutient Mme [G], le contrat de travail signé dans ce cadre, alors même qu’il indique qu’il est régi par les textes applicables aux agents non titulaires de la fonction publique territoriale, doit être regardé, en application des dispositions précitées du code du travail, comme un contrat de droit privé ».
Ensuite de cette décision, Mme [G] a déposé des conclusions de reprise d’instance devant le conseil de prud’hommes de Bordeaux en août 2019.
Par jugement rendu le 17 décembre 2020, le conseil de prud’hommes de Bordeaux a :
– requalifié à effet du 1er juillet 2012 la relation contractuelle en un contrat à durée indéterminée,
– condamné le CCAS à verser à Mme [G] :
* 1.275,43 euros à titre d’indemnité légale de licenciement,
* rappelé que l’exécution provisoire est de droit, conformément à l’article R. 1454-28 du code du travail, dans la limite de neuf mois de salaire calculés sur la moyenne des trois derniers mois, soit 1.457,55 euros,
* 1.457,55 euros à titre d’indemnité de requalification,
* 8.800 à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
* 1.500 euros à titre d’indemnité sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
– débouté Mme [G] du surplus de ses demandes,
– débouté le CCAS de sa demande d’indemnité sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamné le CCAS aux dépens en ce compris les frais éventuels d’exécution.
Par déclaration du 22 décembre 2020, le CCAS a relevé appel de cette décision, notifiée par lettre du greffe adressée aux parties le 18 décembre 2020.
Par ordonnance du 2 mars 2022, le conseiller de la mise en état a constaté le désistement de Mme [G] de sa demande tendant à la radiation de l’affaire pour défaut d’exécution des condamnations assorties de l’exécution provisoire.
Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 10 août 2021, le CCAS demande à la cour de :
– réformer et infirmer en toutes ses dispositions le jugement du conseil de prud’hommes de Bordeaux du 17 décembre 2020,
– débouter Mme [G] de l’intégralité de ses demandes,
– condamner Mme [G] à lui payer la somme de 1.500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamner l’intimée aux dépens.
Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 31 octobre 2022, Mme [G] demande à la cour de :
– déclarer le CCAS pris en la personne de son représentant légal mal fondé en son appel,
– débouter le CCAS de l’ensemble de ses demandes,
– confirmer le jugement en ce qu’il a requalifié la relation contractuelle en contrat à durée indéterminée de droit privé à compter du 1er juillet 2012, en ce qu’il lui a alloué une indemnité de requalification à hauteur d’un mois de salaire correspondant à la somme de 1.457,55 euros, en ce qu’il a jugé son licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse et lui a alloué une indemnité à ce titre, en ce qu’il a lui alloué une indemnité de licenciement à hauteur de 1.275,43 euros et la somme de 1.500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
– réformer le jugement en ce qu’il a limité le montant des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse à la somme de 8.800 euros et en ce qu’il l’a déboutée de sa demande de dommages et intérêts pour procédure irrégulière,
En conséquence,
A titre principal,
– déclarer qu’elle a été embauchée selon un contrat à durée indéterminée à compter du 1er juillet 2012,
– dire que son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse,
– condamner l’EHPAD de [Localité 3] pris en la personne de son représentant légal, le président du CCAS, M. [U] [F], à lui payer les sommes suivantes :
* 1.457,55 euros au titre de la requalification des deux contrats de travail à durée déterminée du 01/07/2012 au 31/12/2012 et du 01/01/2013 au 21/01/2013 en un seul et unique contrat de travail à durée indéterminée,
* 1.275,43 euros au titre de l’indemnité légale de licenciement,
* 1.457,55 euros au titre de l’indemnité pour procédure irrégulière,
* 26.236 euros au titre de l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
A titre subsidiaire,
Si par extraordinaire la cour d’appel venait à considérer qu’elle a été embauchée selon un contrat d’avenir,
– déclarer son licenciement sans cause réelle et sérieuse,
– condamner l’EHPAD de [Localité 3] pris en la personne de son représentant légal, le président du CCAS, M. [U] [F], à lui payer les sommes suivantes :
* 1.457,55 euros au titre de la requalification des deux contrats de travail à durée déterminée du 01/07/2012 au 31/12/2012 et du 01/01/2013 au 21/01/2013 en un seul et unique contrat de travail à durée indéterminée,
* 1.275,43 euros au titre de l’indemnité légale de licenciement,
* 26.236 euros au titre de l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
* 1.457,55 euros au titre de l’indemnité pour procédure irrégulière,
En tout état de cause,
– condamner le CCAS à lui verser la somme de 3.500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamner le CCAS aux dépens.
L’ordonnance de clôture a été rendue le 3 novembre 2022 et l’affaire a été fixée à l’audience du 5 décembre 2022.
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure antérieure, des prétentions et des moyens des parties, la cour se réfère à leurs conclusions écrites conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile ainsi qu’à la décision déférée.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur l’exécution du contrat de travail
– Sur la requalification de la relation contractuelle à compter du 1er juillet 2012
Pour voir infirmer la décision déférée, l’employeur soutient que les deux premiers contrats à durée déterminée sont de nature administrative et non adossés au contrat d’emploi d’avenir relevant du droit privé, de sorte qu’aucune requalification n’est possible.
Il considère en outre, sur le fondement de l’article L. 5134-115 du code du travail, qu’un contrat associé à un emploi d’avenir peut être, soit à durée indéterminée soit à durée déterminée, ce qui est le cas en l’espèce, le premier contrat ayant été conclu pour une période de douze mois, soit entre le 22 janvier 2013 et le 22 janvier 2014, puis du 22 janvier 2014 au 21 janvier 2016, le tout s’inscrivant dans le seuil maximal prévu de trente six mois.
Selon le CCAS, la circonstance que lui ait été associé un contrat formel de recrutement administratif à durée indéterminée signé le 21 janvier 2013 est sans effet et inopposable, le contrat d’accompagnement à l’emploi de droit privé étant applicable d’office.
*
De son côté, au soutien de sa demande tendant à la requalification des contrats successifs en un contrat de travail à durée indéterminée à compter du 1er juillet 2012, Mme [G] expose avoir été engagée en qualité d’adjoint administratif affecté à l’EHPAD de [Localité 3] pour la période comprise entre le 1er juillet 2012 et le 31 décembre 2012 à temps partiel puis du 1er janvier 2013 au 21 janvier 2013 et enfin, aux termes d’un contrat à durée indéterminée à compter du 22 janvier 2013, avant d’être licenciée le 7 décembre 2015 par suite d’une décision du département de la Gironde.
Elle ajoute que la seule mention « besoin occasionnel » qui figure sur les deux premiers contrats à durée déterminée est insuffisante pour justifier d’un quelconque accroissement temporaire d’activité ou d’un remplacement.
Selon Mme [G], la requalification de ces contrats résulte également du non-respect du délai de carence entre les deux contrats de travail à durée déterminée prévu à l’article L.1244-3 du code du travail.
Elle fait valoir que le contrat conclu le 21 janvier 2013 est un contrat à durée indéterminée « déguisé » par l’employeur en un contrat d’emploi d’avenir pour obtenir des subventions de l’Etat alors que, d’une part, le contrat en cause ne fait nullement référence à la loi du 26 octobre 2012 relative au contrat d’avenir et que, d’autre part, sa conclusion est subordonnée à des critères tels que l’âge, le niveau de qualification de jeunes sans diplôme ou peu qualifiés en recherche d’emploi depuis au moins six mois dans les douze derniers mois, ce qui ne pouvait être son cas puisqu’elle avait occupé un emploi les deux années précédentes auprès de cet employeur, ce qu’il ne pouvait ignorer. Elle ajoute que contrairement aux prescriptions de l’article L. 5134-112 du code du travail, le bilan de fin d’échéance de l’aide était intervenu moins de deux mois avant la fin théorique du contrat d’emploi d’avenir ce qui entraînait sa requalification en un contrat à durée indéterminée.
S’agissant des deux contrats à durée déterminée conclus pour les périodes comprises entre le 1er juillet 2012 et le 31 décembre 2012 puis entre le 1er janvier 2013 et le 21 janvier 2013
Il ressort de l’examen des pièces versées à la procédure que les deux contrats à durée déterminée successivement conclus entre le président du CCAS de [Localité 3] et l’intimée, engagée en qualité d’adjoint administratif affecté à l’EHPAD de [Localité 3], agent occasionnel non titulaire, relèvent des dispositions du code général des collectivités territoriales et plus particulièrement des dispositions de l’article 3 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale, selon lesquelles ‘Les collectivités et établissements mentionnés à l’article 2 peuvent recruter temporairement des agents contractuels sur des emplois non permanents pour faire face à un besoin lié à :
– 1° Un accroissement temporaire d’activité, pour une durée maximale de douze mois, compte tenu, le cas échéant, du renouvellement du contrat , pendant une même période de dix-huit mois consécutifs ;
– 2° Un accroissement saisonnier d’activité, pour une durée maximale de six mois, compte tenu, le cas échéant, du renouvellement du contrat , pendant une même période de douze mois consécutifs.
La décision de la cour administrative d’appel, qui a estimé que les deux premiers contrats à durée déterminée relevaient du droit public, s’impose à la juridiction judiciaire qui ne peut donc ordonner leur requalification.
Sur la qualification du contrat de travail conclu le 21 janvier 2013 adossé à « l’emploi d’ avenir » de Mme [G]
Le 21 janvier 2013, Mme [G] a été engagée par le président du CCAS de [Localité 3] par contrat à durée indéterminée en qualité d’adjoint administratif de 2ème classe, agent non titulaire, en vertu des dispositions de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale.
Le même jour, les parties et la mission locale Sud Gironde ont signé une demande d’aide “emplois d’avenir” ainsi qu’une convention d’engagement tripartite relevant des dispositions des articles L. 5134-110 et suivants du code du travail.
En vertu de l’article L. 1245-1 du code du travail alors en vigueur, est réputé à durée indéterminée tout contrat de travail conclu en méconnaissance des dispositions des articles L. 1242-1 à L. 1242-4.
Sur le fondement de l’article L. 1242-3 applicable au cas d’espèce, il est possible de conclure un contrat de travail à durée déterminée :
1° Au titre de dispositions légales destinées à favoriser le recrutement de certaines catégories de personnes sans emploi ;
2° Lorsque l’employeur s’engage, pour une durée et dans des conditions déterminées par décret, à assurer un complément de formation professionnelle au salarié.
Ainsi, se trouve visé l’emploi d’avenir, qui en vertu de l’article L. 5134-110 du code du travail, a pour objet de faciliter l’insertion professionnelle et l’accès à la qualification des jeunes sans emploi âgés de seize à vingt-cinq ans au moment de la signature du contrat de travail soit sans qualification, soit peu qualifiés et rencontrant des difficultés particulières d’accès à l’emploi, par leur recrutement dans des activités présentant un caractère d’utilité sociale ou environnementale ou ayant un fort potentiel de création d’ emplois.
Le contrat de travail à durée déterminée rattaché à la mise en oeuvre des politiques de l’emploi, tel le contrat de travail adossé à un emploi d’avenir, qui peut être tant un contrat à durée déterminée qu’un contrat à durée indéterminée en application des dispositions de l’article L. 5134-115 du même code, peut être conclu pour pourvoir temporairement un poste lié à l’activité normale de l’entreprise.
En l’espèce, la cour relève qu’à la lecture de la convention tripartite du 21 janvier 2013, les parties se sont accordées pour conclure expressément « un contrat de travail à durée indéterminée à temps complet » sur lequel est adossé le contrat emploi d’avenir de Mme [G], relevant du droit privé, sans qu’il soit besoin de procéder à une quelconque requalification.
Par voie de conséquence, Mme [G] sera déboutée de l’ensemble de ses demandes à ce titre et la décision déférée sera infirmée de ces chefs.
Sur la rupture du contrat de travail
Pour voir infirmer la décision déférée, le CCAS de [Localité 3] soutient que la notification de la cessation de la relation de travail est intervenue avant l’expiration du terme contractuel en vertu de la décision du 7 décembre 2015 dans la mesure où le département de la Gironde a décidé de ne pas pérenniser le subventionnement de l’emploi d’avenir de Mme [G].
Il précise que si la cour estime devoir trancher les conséquences d’un licenciement, la rupture du contrat de travail de l’intimée repose sur une cause réelle et sérieuse, intervenue dans le cadre de l’activité d’un établissement relevant d’un secteur non marchand, dont les motifs doivent être appréciés en dehors de tout critère économique.
Il ajoute par ailleurs qu’il n’est pas établi que l’intimée aurait été empêchée de participer au suivi professionnel mentionné à l’article L. 5312-1 du code du travail.
Mme [G] considère que la lettre de convocation à l’entretien préalable, à défaut de mention relative à l’assistance éventuelle d’un conseiller et en énonçant les motifs de la rupture, ne respecte pas les règles de la procédure de licenciement et sollicite à ce titre l’allocation de la somme de 1.457,55 euros.
Elle soutient par ailleurs que son licenciement est sans cause réelle et sérieuse en ce que l’absence d’autorisation par le département de la Gironde pour la création de son poste ne constitue ni un motif personnel ni un motif économique.
Elle réclame en conséquence, la somme de 1.275,43 euros au titre de l’indemnité légale de licenciement et celle de 26.236 euros au titre de l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
– Sur le licenciement sans cause réelle et sérieuse
Il a été retenu ci-avant que le contrat dans lequel s’étaient engagées les parties était un contrat de travail à durée indéterminée de sorte que les règles des articles L.1231-1 et suivants du code du travail doivent s’appliquer.
Il sera ainsi rappelé que :
– suivant les dispositions de l’article L. 1233-3 du code du travail dans sa version applicable au litige, constitue un licenciement pour motif économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs, non inhérents à la personne du salarié, résultant d’une suppression ou transformation d’emploi ou d’une modification, refusée par le salarié, d’un élément essentiel du contrat de travail, consécutive notamment à des difficultés économiques ou à des mutations technologiques ;
– le juge prud’homal est tenu de contrôler le caractère réel et sérieux du motif économique invoqué par l’employeur pour justifier le licenciement, de vérifier l’adéquation entre la situation économique de l’entreprise et les mesures affectant l’emploi ou le contrat de travail envisagés par l’employeur ; il ne peut toutefois pas se substituer à ce dernier et opérer un contrôle sur le choix effectué par celui-ci entre les différentes solutions possibles pour assurer la sauvegarde de la compétitivité, lorsqu’elle est menacée ;
– le motif économique doit s’apprécier à la date du licenciement ; il peut néanmoins être tenu compte d’éléments postérieurs à cette date, permettant au juge de vérifier si la réorganisation était nécessaire ou non à la sauvegarde de la compétitivité.
La lettre de licenciement du 7 décembre 2015, qui fixe les limites du litige, est ainsi libellée : « (…) Le Département de la Gironde ayant refusé durant plusieurs exercices successifs la création du poste d’agent d’accueil de l’EHPAD de [Localité 3], le présent courrier a pour objet de vous notifier votre licenciement à compter du 10 février 2016 (…) ».
Il en résulte que Mme [G] a été licenciée en raison du refus du département de la Gironde de financer « des mesures nouvelles correspondant à la pérennisation du poste d’agent d’accueil » qu’elle occupait, ce qui ressort du courrier adressé le 4 février 2014 par la collectivité territoriale.
Cependant, si le refus de financement du poste de Mme [G] est incontestable, en revanche, aucun élément n’est produit par le CCAS pour justifier d’une quelconque dégradation de sa situation financière à la date du licenciement de nature à justifier la suppression du poste de Mme [G].
La décision des premiers juges, qui ont retenu l’absence de cause réelle et sérieuse du licenciement, sera donc confirmée de ce chef.
– Sur les conséquences financières du licenciement sans cause réelle et sérieuse
Sur la demande au titre de l’indemnité légale de licenciement
Mme [G] demande la confirmation de la décision dont appel.
***
Aux termes de L. 1234-9 du code du travail alors en vigueur, le salarié titulaire d’un contrat de travail à durée indéterminée, licencié alors qu’il compte une année d’ancienneté ininterrompue au service du même employeur a droit, sauf en cas de faute grave, à une indemnité de licenciement.
Selon l’article R.1234-2 du même code, dans sa version applicable à la date de la rupture, cette indemnité ne peut être inférieure à une somme calculée par année de service dans l’entreprise correspondant à 1/ 5ème du salaire perçu par année de service
Au regard de l’ancienneté de Mme [G] au sein du CCAS et de sa rémunération, l’indemnité de licenciement due s’élève à 1.052,57 euros.
Sur la demande de dommages et intérêts au titre du licenciement abusif
Mme [G] sollicite le paiement de la somme de 26.236 euros au titre de l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Son indemnisation relève des dispositions de l’article L. 1235-3 du code du travail alors applicable et ne peut donc être inférieure aux salaires des six derniers mois.
Mme [G] précise ne pas avoir retrouvé un emploi stable avant mars 2022 et en justifie.
***
Compte tenu des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération versée à Mme [G], de son âge, de son ancienneté, des conséquences du licenciement à son égard, tels qu’ils résultent des pièces et des explications fournies, c’est à juste titre que les premiers juges ont évalué le préjudice subi par Mme [G] à la somme de 8.800 euros.
Il convient de confirmer la décision des premiers juges sur ce point.
En application des dispositions de l’article L.1235-4 du code du travail, il sera ordonné le remboursement par l’employeur à Pôle Emploi des indemnités de chômage éventuellement versées à Mme [G] depuis son licenciement dans la limite d’un mois d’indemnités.
Sur l’irrégularité de la procédure de licenciement
Aux termes des dispositions de l’article L. 1235-2 du code du travail dans sa rédaction applicable à la date du licenciement, en l’absence de cause réelle et sérieuse, les indemnités prévues à ce titre ne se cumulent pas avec celles sanctionnant l’inobservation des règles de procédure de sorte que la demande présentée par Mme [G] à ce titre sera rejetée.
La décision déférée sera confirmée de ce chef.
Sur les autres demandes
Le CCAS, partie perdante à l’instance, sera condamné aux dépens ainsi qu’à payer à Mme [G] la somme de 1.500 euros au titre des frais irrépétibles exposés en cause d’appel en sus de la somme allouée par les premiers juges sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS,
La cour,
Confirme le jugement entrepris sauf en ce qu’il a requalifié à effet du 1er juillet 2012 la relation contractuelle en un contrat à durée indéterminée, condamné l’établissement public Centre Communal d’Action Sociale de la commune de [Localité 3] à verser à Mme [M] [G] une indemnité de requalification et alloué à celle-ci la somme de 1.275,43 euros à titre d’indemnité légale de licenciement,
Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,
Condamne l’établissement public Centre Communal d’Action Sociale de la commune de [Localité 3] à payer à Mme [M] [G] les sommes suivantes :
– 1.052,57 au titre de l’indemnité de licenciement,
– 1.500 euros au titre des frais irrépétibles exposés en cause d’appel,
Ordonne le remboursement par l’établissement public Centre Communal d’Action Sociale de la commune de [Localité 3] à Pôle Emploi de tout ou partie des
indemnités de chômage éventuellement versées à Mme [M] [G] du jour de son licenciement au jour de la présente décision, dans la limite d’un mois d’indemnités,
Déboute les parties du surplus de leurs prétentions,
Condamne l’établissement public Centre Communal d’Action Sociale de la commune de [Localité 3] aux dépens.
Signé par Sylvie Hylaire, présidente et par A.-Marie Lacour-Rivière, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
A.-Marie Lacour-Rivière Sylvie Hylaire