Sauvegarde de la compétitivité : 7 juin 2022 Cour d’appel de Nîmes RG n° 19/02210

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Sauvegarde de la compétitivité : 7 juin 2022 Cour d’appel de Nîmes RG n° 19/02210
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7 juin 2022
Cour d’appel de Nîmes
RG n°
19/02210

ARRÊT N°

N° RG 19/02210 – N° Portalis DBVH-V-B7D-HL5X

VH/ID

CONSEIL DE PRUD’HOMMES – FORMATION PARITAIRE D’ORANGE

07 mars 2019

RG :F 17/00057

S.A.S. AP CARS LIEUTAUD

C/

[P]

COUR D’APPEL DE NÎMES

CHAMBRE CIVILE

5ème chambre sociale PH

ARRÊT DU 07 JUIN 2022

APPELANTE :

S.A.S. AP CARS LIEUTAUD

[Adresse 3]

[Localité 4]

Représentée par Me Vincent VINOT de la SELARL SYNAPSE AVOCATS,avocat au barreau de NIMES

INTIMÉ :

Monsieur [I] [P]

né le 10 Juin 1982 à Maroc

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représenté par Me Serge DESMOTS de la SELEURL SERGE DESMOTS AVOCAT, avocat au barreau de NIMES

ORDONNANCE DE CLÔTURE rendue le 02 Mars 2022

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :

Madame Virginie HUET, Conseillère, a entendu les plaidoiries en application de l’article 805 du code de procédure civile, sans opposition des avocats, et en a rendu compte à la cour lors de son délibéré.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Monsieur Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président

Madame Virginie HUET, Conseillère

M. Michel SORIANO, Conseiller

GREFFIER :

Madame Isabelle DELOR, Greffière, lors des débats et du prononcé de la décision

DÉBATS :

À l’audience publique du 13 Avril 2022, où l’affaire a été mise en délibéré au 07 Juin 2022

Les parties ont été avisées que l’arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d’appel ;

ARRÊT :

Arrêt contradictoire, prononcé publiquement et signé par Monsieur Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président, le 07 Juin 2022, par mise à disposition au greffe de la Cour

FAITS PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS

Le 2 mai 2006, M. [P] a été engagé dans le cadre d’un contrat de travail à durée indéterminée à temps complet, en qualité de conducteur receveur, par la société RDT 13.

Le 23 octobre 2008, le contrat de travail de M. [P] a été transféré au sein de la société CTP CARS LIEUTAUD.

A compter du 1er avril 2014, le contrat de travail de M. [P] a été transféré au sein de la SAS AP CARS LIEUTAUD.

La SAS AP CARS LIEUTAUD exploite une activité de transports routiers réguliers de voyageurs, son personnel bénéficiant des dispositions de la convention collective nationale des transports routiers et activités auxiliaires du transport du 21 décembre 1950.

Le 28 avril 2015, le salarié se voyait notifier un avertissement.

* * *

Suite à une décision du conseil général, la ligne sur laquelle travaillait M. [P] et M. [B] était réduite de moitié.

Par courrier du 3 novembre 2016, il était proposé tant à M. [B] ainsi qu’à M. [P] que leur contrat de travail soit modifié afin qu’ils prennent leur poste à leur choix soit sur [Localité 5] (84), soit sur [Localité 4] (84).

Par courrier en date du 8 novembre 2016, M. [P] refusait cette modification de son contrat de travail.

Le 15 décembre 2016, M. [P] était alors convoqué à un entretien préalable à un éventuel licenciement tenu le 27 décembre suivant.

M. [P] acceptait le Contrat de Sécurisation Professionnelle (CSP) le 28 décembre 2016.

Le contrat de travail était donc rompu, 21 jours plus tard, soit le 17 janvier 2017.

Le 24 janvier 2017, M. [P] indiquait à la Société AP CARS LIEUTAUD qu’il entendait bénéficier d’une priorité de réembauchage en qualité de « conducteur de car ».

* * *

M. [P] a saisi le conseil de prud’hommes de demandes relatives à la contestation de la procédure et du fondement du licenciement économique, à l’annulation de l’avertissement et aux congés payés.

Le 27 juillet 2017, la SAS AP CARS LIEUTAUD a adressé à M. [P] une proposition d’emploi dans le cadre de la priorité de réembauchage du fait de la démission de son ancien collègue de travail qui travaillait sur la même ligne.

Le 3 août 2017, M. [P] a répondu favorablement à cette proposition tout en souhaitant bénéficier des mêmes conditions de travail que celles en vigueur antérieurement à son licenciement.

Le 18 août 2017, la SAS AP CARS LIEUTAUD a répondu qu’elle était dans l’impossibilité de maintenir les mêmes conditions de travail, notamment la prise de service à [Localité 2].

* * *

Par jugement du 7 mars 2019, le conseil de prud’hommes d’Orange a :

– annulé l’avertissement du 28 avril 2015 ,

– condamné l’employeur à payer au salarié la somme de 1.290,57 euros bruts à titre de rappel de salaire de décembre 2016 et janvier 2017, ainsi qu’à 20.000 euros au titre de la violation de l’ordre des licenciements, outre la somme de 1.500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Par acte du 3 juin 2019, la SAS AP CARS LIEUTAUD a régulièrement interjeté appel de cette décision.

Aux termes de ses dernières conclusions en date du 14 mai 2020, la société AP CARS LIEUTAUD demande à la cour de :

– Infirmer la décision de première instance en ce que le conseil de prud’hommes d’Orange a :

– Déclaré recevable la demande d’annulation de l’avertissement du 28 avril 2015 et en ce qu’il a annulé celui-ci,

– Condamné la SAS AP CARS LIEUTAUD à payer 1 290,57 euros au titre des rappels de salaire de décembre et janvier 2017,

– Condamné la SAS AP CARS LIEUTAUD à payer 20 000 euros à titre de dommages et intérêts pour non-respect des critères d’ordre,

– Condamné la SAS AP CARS LIEUTAUD à payer 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– Condamné la SAS AP CARS LIEUTAUD aux entiers dépens de l’instance,

– Débouté la SAS AP CARS LIEUTAUD de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

– Confirmer la décision de première instance en ce que le conseil de prud’hommes d’Orange

a :

– Dit et jugé que le licenciement de M. [I] [P] est pourvu d’une cause réelle et sérieuse,

– Débouté M. [I] [P] de sa demande de dommages et intérêts de 20.000 euros au titre de l’indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse,

– débouter M. [I] [P] de l’intégralité de ses demandes, fins et prétentions.

– condamner M. [I] [P] à payer à la Société AP CARS LIEUTAUD une indemnité de 3 200 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’à assumer les entiers dépens de première instance et d’appel.

La société soutient que :

– les deux salariés ayant refusé la proposition de modification de leur contrat de travail, la Société AP CARS LIEUTAUD devait procéder à la suppression d’un poste dans le cadre d’une procédure de licenciement pour motif économique et déterminer l’ordre des licenciements en application des critères objectifs déterminés préalablement. L’application de ces critères, appliqué aux deux seuls conducteurs de la ligne en question, à conduit au licenciement de M. [P].

– l’annulation de l’avertissement n’a aucun intérêt puisqu’aucune demande indemnitaire n’est formulée et que par ailleurs, au titre des ‘qualités processionnelles’ n’a été retenu uniquement une expérience professionnelle de plus ou moins de deux ans

– l’avertissement était justifié

– sur la forme, elle indique qu’elle a produit son règlement intérieur, qui rappelle l’échelle des sanctions et la procédure applicable.

– pour les congés payés : un simple cumul démontre que les congés payés qui sont contestés n’ont pas été décomptés des droits.

– le motif économique est fondé : face à la décision du Conseil Régional de diviser par deux la ligne FH LER 18, la société AP CARS LIEUTAUD se trouvait dans l’impossibilité de maintenir deux conducteurs receveurs à temps complet sur cette ligne FH LER 18.

– elle a présenté à ses représentants du personnel les recherches de reclassement qu’elle mettrait en place, préalablement à un licenciement pour motif économique, dans le cadre de son projet de restructuration de la ligne FH LER 18, en cas de refus de la proposition de modification du contrat de travail par M. [P]. La procédure a parfaitement été respectée.

– dans le cadre des recherches de reclassement, le salarié a indiqué qu’il accepterait un reclassement mais sur une zone n’excédant pas plus de 40 kilomètres de son lieu de résidence,

– l’employeur a donc délimité les recherches au périmètre défini expressément par son salarié

– que des postes ont été soumis au salarié mais qu’il a refusé ces postes (Valeras et Vaison la romaine)

– qu’il n’est pas tenu d’imposer à un autre salarié une modification de son contrat de travail afin de libérer son poste pour le proposer en reclassement.

– elle produit le registre du personnel qui démontre qu’elle ne disposait pas de poste vacants et disponible sur le secteur de 40 kilomètres autour du domicile de son salarié

– au niveau du groupe, Mecanique Lieutard était la seule autre entreprise mais elle n’emploie que des mécaniciens, emplois pour lesquels M. [P] ne dispose d’aucune qualification

– il rappelle que même si le salarié accepte le CSP, l’employeur doit lui notifier par écrit les motifs de la rupture de son contrat et ce avant qu’il n’accepte le CSP. Elle a ainsi parfaitement rempli son obligation.

En l’état de ses dernières écritures en date du 14 janvier 2022, M. [P] demande à la cour de :

Confirmer le jugement du conseil de prud’hommes d’Orange en ce qu’il a :

– déclaré recevable la demande d’annulation de l’avertissement du 28 avril 2015 et en ce qu’il a annulé celui-ci,

– condamné la SAS AP CARS LIEUTAUD à payer 1 290,57 euros au titre des rappels de salaire de décembre 2016 et janvier 2017,

– condamné la SAS AP CARS LIEUTAUD à payer 20 000 euros à titre de dommages et intérêts pour non-respect des critères d’ordre,

– condamné la SAS AP CARS LIEUTAUD à payer 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– débouté la SAS AP CARS LIEUTAUD de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamné la SAS AP CARS LIEUTAUD aux entiers dépens de l’instance,

Statuant à nouveau à titre subsidiaire,

Dire et juger que son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse et condamner la SAS AP CARS LIEUTAUD à lui payer 20 000 euros au titre de l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

Et y ajoutant,

Condamner la SAS AP CARS LIEUTAUD à lui payer 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel.

Il fait valoir que :

A titre principal,

– son avertissement doit être annulé car l’employeur ne rapporte pas la preuve de l’existence du règlement intérieur et en tout état de cause, qu’il ait été communiqué à l’inspection du travail et accompagné de l’avis des représentants du personnel

– il n’est pas à l’origine de l’incident

– sa demande d’annulation de la sanction n’est pas prescrite, celle-ci ayant été effectuée dans la requête devant le conseil de prud’hommes moins de deux ans après le prononcé de l’avertissement,

– il s’est vu imposer de prendre des congés de manière anticipée sur les mois de décembre 2016 et janvier 2017

– il y a eu une application illicite des critères d’ordre puisque ceux-ci ont été établi entre les deux conducteurs de la ligne et non entre tous les conducteurs de l’entreprise

– par ailleurs, entre les deux conducteurs, il aurait du être choisi ayant une ancienneté et des charges de famille plus importantes (2 enfants et non un seul)

A titre subsidiaire :

– le motif économique n’est pas démontré, la perte partielle d’un marché ne peut pas constituer un motif économique

– il a été pendant six mois sans emploi avant d’accepter des missions d’interim, puis à nouveau sans emploi

– l’employeur a failli à son obligation de reclassement

* * *

Pour un plus ample exposé des faits et de la procédure, ainsi que des moyens et prétentions des parties, il convient de se référer à leurs dernières écritures.

Par ordonnance en date du 23 décembre 2022, le conseiller de la mise en état a prononcé la clôture de la procédure à effet au 2 mars 2022.

MOTIFS

I – sur la demande d’annulation de l’avertissement :

La Société AP CARS LIEUTAUD a reproché à M. [P] d’avoir tardé à alerter sa hiérarchie quant à l’usure des freins du véhicule qu’il utilisait.

Sur le trajet amenant le car du parking de la gare routière d'[Localité 2] au dépôt de l’entreprise, les freins ont lâché. M. [P] n’était pas le conducteur.

Il résulte des dispositions de l’article L. 1333-1 du code du travail qu’en cas de litige, le conseil de prud’hommes apprécie la régularité de la procédure suivie et si les faits reprochés au salarié sont de nature à justifier une sanction. L’employeur fournit au conseil de prud’hommes les éléments retenus pour prendre la sanction. Au vu de ces éléments et de ceux qui sont fournis par le salarié à l’appui de ses allégations, le conseil de prud’hommes forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles. Si un doute subsiste, il profite au salarié.

L’article L. 1333-2 du dit code ajoute que le conseil de prud’hommes peut annuler une sanction irrégulière en la forme ou injustifiée ou disproportionnée à la faute commise.

Le règlement intérieur et les notes de service qui le complètent ne peuvent être opposés au salarié que si l’employeur a accompli les diligences prévues par le code du travail, qui constituent des formalités substantielles protectrices de l’intérêt des salariés. Le règlement intérieur ayant été envoyé à l’inspecteur du travail sans être accompagné de l’avis des institutions représentatives du personnel, qui a été recueilli postérieurement, il était inopposable au salarié et les sanctions prononcées à son encontre doivent être annulées (Cass. soc. 10-11-2021 n° 20-12.327 F-D).

En l’espèce, l’employeur échoue à rapporter la preuve que le règlement intérieur a été envoyé à l’inspecteur du travail accompagné de l’avis des institutions représentatives du personnel. Il est donc inopposable au salarié.

L’avertissement sera donc annulé, la décision du conseil de prud’hommes confirmée sur ce point étant précisé que cet avertissement n’a eu aucune conséquence sur les critères d’ordre du licenciement opéré par l’employeur.

II – sur la prise de congés payés :

En vertu de l’article L3141-13 du code du travail, les congés sont pris dans une période qui comprend dans tous les cas la période du 1 er mai au 31 octobre de chaque année.

M. [P] affirme qu’il s’est vu imposer de prendre ses congés payés de manière anticipée sur les mois de décembre 2016 et janvier 2017. Il indique qu’en raison des congés pris en 2016, il ne lui restait que 6 jours à prendre en décembre. Ainsi, selon lui, les retenues effectuées sur les bulletins de paie de décembre 2016 et janvier 2017 sont illégitimes à raison de 6 jours en décembre 2016 et 14 jours en janvier 2017. Il sollicite en conséquence, le paiement des sommes de 387,17 et 903,40 euros bruts à titre de rappel de salaire.

Le 8 novembre 2016, la SAS AP CARS LIEUTAUD a informé M. [P] que:

« compte tenu de la modification des horaires de la ligne à partir du 11 décembre 2016, nous vous précisons que nous vous fixons des congés payés du :

– 12 décembre 2016 au 25 décembre 2016 inclus, soit 12 jours ouvrables

– 2 janvier 2017 au 17 janvier 2017, soit 14 jours ouvrables ».

L’employeur indique que le solde de ses congés payés s’élevaient au mois de novembre à 21 jours. L’indemnité de congés payés du salarié selon la société aurait dû ainsi s’élever à la somme de 1 604,82 euros (24,87 jours X 64,52 euros).

L’employeur démontre que le salarié a perçu la somme de 2 874,48 euros, représentant 44,5 jours de congés payés.

Le solde des congés étant de 21 jours au mois de novembre 2016 et le salarié ayant perçu une indemnité compensatrice de congés payés à hauteur de 44,5 jours, il n’y a pas lieu à faire droit à la demande de rappel de salaire formulée par le salarié.

La décision du conseil de prud’hommes sera infirmée en ce qu’elle a condamné l’employeur à payer 1 290,57 euros au titre des rappels de salaire de décembre 2016 et janvier 2017.

III – sur le licenciement :

Selon l’article L 1233-3 du code du travail, constitue un licenciement pour motif économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d’une suppression ou transformation d’emploi ou d’une modification, refusée par le salarié, d’un élément essentiel du contrat de travail, consécutives notamment :

I 1° A des difficultés économiques caractérisées soit par l’évolution significative d’au moins un indicateur économique tel qu’une baisse des commandes ou du chiffre d’affaires, des pertes d’exploitation ou une dégradation de la trésorerie ou de l’excédent brut d’exploitation, soit par tout autre élément de nature à justifier de ces difficultés.

Une baisse significative des commandes ou du chiffre d’affaires est constituée dès lors que la durée de cette baisse est, en comparaison avec la même période de l’année précédente, au moins égale a :

a) Un trimestre pour une entreprise de moins de onze salariés ;

b) Deux trimestres consécutifs pour une entreprise d’au moins onze salariés et de moins de cinquante salariés ;

c) Trois trimestres consécutifs pour une entreprise d’au moins cinquante salariés et de moins de trois cents salariés ;

d) Quatre trimestres consécutifs pour une entreprise de trois cents salariés et plus ;

2° A des mutations technologiques ;

3° A une réorganisation de l’entreprise nécessaire à la sauvegarde de sa compétitivité ;

4° A la cessation d’activité de l’entreprise.

La matérialité de la suppression, de la transformation d’emploi ou de la modification d’un élément essentiel du contrat de travail s’apprécie au niveau de l’entreprise.

Les difficultés économiques, les mutations technologiques ou la nécessité de sauvegarder la compétitivité de l’entreprise s’apprécient au niveau de cette entreprise si elle n’appartient pas à un groupe et, dans le cas contraire, au niveau du secteur d’activité commun à cette entreprise et aux entreprises du groupe auquel elle appartient, établies sur le territoire national, sauf fraude.

La notion de catégories professionnelles, qui sert de base à l’établissement de l’ordre des licenciements, concerne l’ensemble des salariés qui exercent, au sein de l’entreprise, des fonctions de même nature supposant une formation professionnelle commune.

Si la perte d’un marché ne constitue pas en elle-même une cause de licenciement, le refus du salarié d’accepter un changement d’affectation rendu nécessaire par cette perte, sans modification du contrat de travail, constitue un motif de licenciement.

* * *

Le salarié considère que l’ordre des licenciements n’a pas été respecté, puisqu’il devait avoir pour périmètre l’ensemble des entreprises, et non les seuls salariés concernés par la suppression de la ligne.

En l’espèce, le conseil régional a décidé de diviser par deux la ligne FH LER 18, sur laquelle travaillaient deux conducteurs receveurs à temps complet.

Le motif du licenciement économique n’est pas la diminution du marché ne permettant plus d’y affecter deux salariés mais le refus de modification du contrat de travail liée à cette perte de marché.

La chambre sociale de la Cour de cassation pose effectivement, comme le soutiennent les parties des règles dérogatoires en cas de refus du salarié de ses modifications de contrat de travail.

Cependant, dans l’arrêt en date du 27 mars 2012 publié au bulletin, objet des débats, la cour de cassation indique : « la modification de leur contrat de travail était proposée à tous les salariés et que les licenciements concernaient tous ceux l’ayant refusée, la cour d’appel a retenu à bon droit que dès lors que l’employeur n’avait aucun choix à opérer parmi les salariés ayant refusé la modification de leur contrat de travail, il n’y avait pas lieu d’appliquer un ordre des licenciements ».

Cette dérogation ne concerne que l’hypothèse où les licenciement concernent tous les salariés qui ont refusé la modification de leur contrat de travail étant donné que l’employeur n’a plus aucun choix à opérer.

Cette dérogation au principe selon lequel la notion de catégories professionnelles, qui sert de base à l’établissement de l’ordre des licenciements, concerne l’ensemble des salariés qui exercent, au sein de l’entreprise, des fonctions de même nature, n’a donc pas vocation à s’appliquer lorsque l’employeur doit effectuer un choix parmi ses salariés.

Dans cette hypothèse, il est nécessaire d’appliquer les principes généraux ; le refus de modification du contrat entraîne la nécessité de licencier et donc d’appliquer les critères d’ordre.

L’employeur doit appliquer des critères d’ordre. Le périmètre de détermination des critères d’ordre des licenciements doit nécessairement s’effectuer sur les salariés d’une même catégorie professionnelle au sein de l’entreprise. C’est l’entreprise dans sa globalité qui supporte la perte de marché et l’employeur ne peut faire supporter aux deux seuls salariés impactés directement par la perte partielle de marché le licenciement.

En l’espèce, si les deux salariés ont refusé la modification, l’employeur a décidé de ne supprimer qu’un seul poste.

En conséquence, l’employeur devait appliquer ses critères d’ordre non pas aux deux seuls salariés de cette ligne mais à tous les salariés qui exercent au sein de l’entreprise des fonctions de même nature.

Le registre du personnel indique un grand nombre de conducteurs, de même qualification et catégorie que Messieurs [P] et [B].

Les critères d’ordre du licenciement ne sont donc pas respectés et la décision du conseil de prud’hommes sera donc confirmée.

L’inobservation des règles relatives a l’ordre des licenciements n’a pas pour effet de priver le licenciement de cause réelle et sérieuse.

L’inobservation des règles de l’ordre des licenciements constitue une illégalité qui entraîne pour le salarié un préjudice, pouvant aller jusqu’à la perte de son emploi, lequel doit être intégralement réparé, selon son étendue, par les juges du fond sans cumul possible avec une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Le montant de l’indemnité allouée en première instance à M. [P] à titre de dommages et intérêts pour non respect des critères d’ordre sera ramené à la somme de 10 000 euros, car si le préjudice de M. [P] est constitué par la perte de son emploi, il a décliné une offre de réembauche ce qui vient tempérer l’intensité dudit préjudice.

* * *

L’équité commande de condamner l’employeur à verser à M. [P] la somme de 1 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Par arrêt contradictoire, rendu publiquement en dernier ressort,

Confirme partiellement le jugement rendu par le conseil de prud’hommes d’Orange en date du 7 mars 2019, en ce qu’il a :

– annulé l’avertissement de M. [P] du 28 avril 2015,

– condamné la SAS AP CARS Lieutard à payer à M. [P] la somme de 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens

L’infirme en ce qu’il a alloué la somme de 20 000 euros au titre des dommages et intérêts pour non respect des critères d’ordre et ramène cette somme à 10 000 euros.

Infirme le jugement en ce qu’il a condamné la SAS AP CARS Lieutard à payer à M. [P] la somme de 1 290,57 euros au titre du rappel de salaire de décembre 2016 et janvier 2017 et statuant à nouveau, déboute M. [P] de cette demande.

– Rappelle en tant que de besoin que le présent arrêt infirmatif tient lieu de titre afin d’obtenir le remboursement des sommes versées en vertu de la décision de première instance assortie de l’exécution provisoire ;

– Condamne la SAS CARS LIEUTARD à payer à M. [P] la somme de 1 000 euros par application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

– Condamne la SAS CARS LIEUTARD aux dépens d’appel.

Arrêt signé par Monsieur ROUQUETTE-DUGARET, Président et par Madame DELOR, Greffière.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,

 


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