Sauvegarde de la compétitivité : 10 juillet 2020 Cour d’appel de Douai RG n° 18/01604

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Sauvegarde de la compétitivité : 10 juillet 2020 Cour d’appel de Douai RG n° 18/01604
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10 juillet 2020
Cour d’appel de Douai
RG n°
18/01604

ARRÊT DU

10 Juillet 2020

N° 658/20

N° RG 18/01604 – N° Portalis DBVT-V-B7C-RUCM

PL/AA

JUGT

Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de DUNKERQUE

EN DATE DU

31 Mai 2018

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D’APPEL DE DOUAI

Chambre Sociale

– Prud’Hommes-

APPELANT :

M. [W] [B]

[Adresse 1]

[Localité 6]

Représenté par Me David BROUWER, avocat au barreau de DUNKERQUE

INTIMÉS :

SELARL WRA

en qualité de liquidateur judiciaire de la SAS TIM.

[Adresse 2]

[Localité 5]

Représenté par Me Caroline BELVAL, avocat au barreau de DUNKERQUE

UNEDIC AGS – CGEA DE LILLE

[Adresse 3]

[Localité 4]

Représentée par Me Catherine CAMUS-DEMAILLY, avocat au barreau de DOUAI assisté par Me Arnaud CLERC, avocat au barreau de PARIS

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

Philippe LABREGERE

: PRÉSIDENT DE CHAMBRE

Muriel LE BELLEC

: CONSEILLER

Michèle LEFEUVRE

: CONSEILLER

GREFFIER : Charlotte GERNEZ

L’affaire a été retenue sans audience en application de l’article 8 de l’ordonnance 2020-304 du 25 mars 2020, avec l’accord des parties et mise en délibéré au 10/07/2020 en raison de l’état d’urgence sanitaire.

ARRÊT :Contradictoire

prononcé par sa mise à disposition au greffe le 10 Juillet 2020,

les parties présentes en ayant été préalablement avisées dans las conditions prévues à l’article 450 du code de procédure civile , signé par Muriel LE BELLEC,conseiller désigné pour exercer les fonctions de Président empêché et par Charlotte GERNEZ greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE : rendue le 07/05/2020,

GROSSE:

aux avocats

le 10/07/20

EXPOSE DES FAITS

 

[W] [B] a été embauché par contrat de travail à durée indéterminée à compter du 12 mai 1997 par la société TIM.

 

Par jugement en date du 30 janvier 2017, le tribunal de commerce de Lille Métropole a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l’encontre de la société TIM puis le 26 juillet 2017 a arrêté un plan de cession des activités de la société au profit de la société ATLAS conduisant à la reprise de 446 salariés sur 470.

Par lettre recommandée en date du 10 août 2017, l’administrateur judiciaire a notifié à [W] [B] son licenciement pour motif économique et lui a proposé d’adhérer au contrat de sécurisation professionnelle. Le 4 septembre 2017, le salarié a communiqué son acceptation. Son contrat de travail a été rompu à compter du 6 septembre 2017.

Le 23 août 2017, la liquidation judiciaire de la société TIM a été prononcée.

Par requête reçue le 17 novembre 2017, [W] [B] a saisi le Conseil de Prud’hommes de Dunkerque afin de faire constater l’illégitimité de son licenciement ou la violation de l’ordre des licenciements et d’obtenir le versement d’indemnités.

 

Par jugement en date du 31 mai 2018, le Conseil de Prud’hommes l’a débouté de sa demande et l’a condamné aux dépens.

Le 19 juin 2018, [W] [B] a interjeté appel de ce jugement.

Par ordonnance en date du 7 mai 2020, la procédure a été clôturée et l’audience des plaidoiries a été fixée au 15 mai 2020.

Selon ses conclusions récapitulatives reçues au greffe de la cour le 17 juillet 2018, [W] [B] sollicite de la Cour l’infirmation du jugement entrepris et la fixation de sa créance au passif de la liquidation judiciaire de la société TIM à la somme de

50000 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

à titre subsidiaire,

50000 euros à titre d’indemnité pour non-respect des critères d’ordre de licenciement,

la décision devant être déclarée opposable à l’AGS.

L’appelant expose qu’il n’occupait pas le poste de chef d’équipe soudage concerné par le licenciement, qu’ayant été déclassé en mars 2016, il était affecté, depuis cette date, à un poste de cariste ouvrier au service logistique, que les témoignages de ses supérieurs, dont le personnel d’encadrement, et les délégués du personnel, le confirment, que les bulletins de paie délivrés n’avaient pas acté la modification de son contrat de travail, que le poste de cariste qu’il occupait n’a pas été supprimé, que l’offre déposée par la Société ATLAS qui a procédé au rachat du fonds de commerce de la Société TIM fait mention de 10 emplois de caristes pour 10 postes repris et aucun poste supprimé, qu’il n’aurait pas dû être désigné pour être licencié, qu’ayant trois enfants à charge il aurait dû obtenir 2 points compte tenu de sa situation matrimoniale, que jouissant d’une ancienneté comprise entre 20 et 29 ans, il aurait dû obtenir 4 points à ce titre, qu’en raison de son âge, il aurait dû obtenir 2 points, qu’au titre des qualités professionnelles, il n’avait aucune absence non justifiée et non payée et aurait dû obtenir 5 point, soit au total 13 points, que selon l’offre de rachat par la Société ATLAS, 8 chefs d’équipe soudage étaient présents à l’effectif à la date du licenciement, 8 postes étaient repris, que [H] [V] ayant quitté volontairement son poste de travail, plus aucun chef d’équipe n’était à licencier, qu’il justifie de son préjudice.

Selon ses conclusions récapitulatives reçues au greffe de la cour le 8 août 2018, le liquidateur judiciaire de la société TIM intimé sollicite de la cour la confirmation du jugement entrepris et la condamnation de l’appelant à lui verser 1500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Le liquidateur soutient que le motif économique est fondé, que le jugement de cession en date du 26 juillet 2017 est devenu définitif, que les témoignages produits par l’appelant pour démontrer qu’il n’occupait plus les fonctions de chef d’équipe soudage sont de pure complaisance, que les fiches de paye mentionnent cet emploi, que le plan de cession a été établi à partir de ces documents, qu’il appartenait à l’appelant de faire modifier ses fiches de paye, qu’il n’a jamais présenté de demande en ce sens, qu’il a changé de service mais pas de fonction, que ses demandes sont excessives puisque le dispositif du contrat de sécurisation professionnelle lui garantissait 80 % de sa rémunération pendant 12 mois, que l’appelant a été informé des critères d’ordre par courrier en date du 27 juillet 2017, qu’il devait retourner sans délai sa déclaration de situation pour permettre leur calcul, qu’à la suite de sa transmission, les critères de choix et les calculs lui ont été communiqués le 11 septembre 2017, que ses charges de famille n’ont pas été prises en compte en raison de son retard à répondre au courrier de l’administrateur, qu’il ne peut se prévaloir de sa propre turpitude, qu’aucun préjudice n’est justifié par suite du non-respect des critères d’ordre des licenciements.

 

Selon ses conclusions récapitulatives reçues au greffe de la cour le 22 avril 2020, L’UNEDIC DELEGATION AGS, CGEA de Lille conclut à l’incompétence de la cour pour trancher toute demande découlant de la contestation du contenu du plan de sauvegarde de l’emploi homologué par la DIRECCTE au profit du juge administratif, à la confirmation du jugement entrepris en ce que l’appelant a été débouté de sa demande d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et de sa demande de dommages et intérêts pour non-respect des critères d’ordre des licenciements, à titre subsidiaire, la réduction des demandes à de plus justes proportions et, en toutes hypothèses, sollicite de la cour qu’il soit déclaré qu’elle ne devra procéder à l’avance des créances visées aux articles L3253-8 et suivants du code du travail que dans les conditions résultant des dispositions des articles L3253-15 à L3253-21 dudit code et que la garantie de l’AGS ne pourra excéder, toutes créances avancées pour le compte du salarié confondues, l’un des trois plafonds des cotisations maximum du régime d’assurance chômage prévus à l’article D3253-5 du Code du travail.

L’UNEDIC fait valoir qu’en présence d’un plan de sauvegarde de l’emploi homologué par l’Administration, toute contestation du contenu du plan relève de la compétence exclusive du juge administratif, que le motif économique du licenciement était bien justifié, que le licenciement est intervenu à la suite d’un jugement du tribunal de commerce en application des articles L. 642-5 et suivants du code de commerce, que ce jugement n’a fait l’objet d’aucun recours et est donc devenu définitif, qu’il ne peut être reproché aux organes de la procédure d’avoir procédé au licenciement de l’appelant sur la base d’une qualification erronée dans la mesure où le plan de cession a été établi sur la base de cette erreur, non imputable aux organes de la procédure collective, que l’appelant ne démontre pas avoir alerté les organes de la procédure sur le fait qu’il aurait exercé des fonctions différentes de celles qu’il occupait officiellement, que le poste de chef d’équipe soudage occupé officiellement par l’appelant a été supprimé, qu’à titre subsidiaire, sur le quantum, il y aura lieu de réduire la demande de l’appelant, que sur le respect de la mise en ‘uvre des critères d’ordre, l’AGS s’en rapporte aux explications de la société TIM et de son mandataire liquidateur, qu’en tout état de cause, en application des articles 6 et 9 du Code de procédure civile, il appartient à l’appelant de justifier et d’étayer le préjudice invoqué au soutien de sa demande de réparation, que la garantie de l’AGS est plafonnée, toutes créances avancées pour le compte du salarié, à l’un des trois plafonds définis à l’article D.3253-5 du Code du travail.

MOTIFS DE L’ARRET

 

Attendu que l’appelant conteste la suppression de son poste et critique la mise en ‘uvre des critères d’ordre ayant conduit à son licenciement ; que le litige ne relève donc pas de la compétence du juge administratif ;

Attendu en application de l’article L1233-3 du code du travail, sur la suppression de l’emploi de l’appelant, qu’il résulte des bulletins de paye produits que celui-ci était employé en qualité de chef d’équipe avec la qualification d’agent de maitrise au service logistique ; qu’il a conservé cette qualité jusqu’à son licenciement ; que s’il résulte des témoignages produits qu’il avait été affecté dans ce service depuis le début de l’année 2016, à la suite d’un réorganisation de l’entreprise, et exerçait des fonctions de magasinier et de cariste, il ne s’agissait que de modifications de ses conditions de travail puisqu’aucun avenant n’avait été conclu qui aurait conduit à l’attribution du statut d’ouvrier cariste, désormais revendiqué par l’appelant et que l’emploi de chef d’équipe continuait de figurer sur ses fiches de paye ; qu’en outre il a constamment bénéficié d’une prime de soudage-ponçage durant l’année 2017, ce qui démontre que son affectation au service logistique n’était pas continue ; que l’emploi occupé par l’appelant a donc bien été supprimé ;

Attendu en application de l’article L1233-5 du code du travail, sur le non-respect des critères d’ordre des licenciements, que lorsqu’un plan de redressement organise la cession totale de l’entreprise et ne prévoit le transfert que d’une partie du personnel, il y a lieu de procéder à l’établissement d’un ordre des licenciements pour déterminer le personnel transférable et le personnel licenciable ; que par catégorie professionnelle, il faut entendre les salariés qui exercent, au sein de l’entreprise, des fonctions de même nature supposant une formation professionnelle commune ; que l’employeur doit communiquer au juge les données objectives, précises et vérifiables sur lesquelles il s’est appuyé pour arrêter, selon les critères définis, l’ordre des licenciements, de telle manière que le juge soit en mesure de vérifier le respect desdits critères ;

Attendu en l’espèce que par courrier en date du 11 septembre 2017, l’administrateur judiciaire a communiqué à l’appelant les quatre critères d’ordre ayant servi à établir la liste des licenciements dans la catégorie professionnelle à laquelle appartenait ce dernier ; que la liste produite par l’intimé se compose de deux personnes, [F] [C] et l’appelant ; que l’intimé a opéré en réalité une distinction entre les chefs d’équipe soudage, dont le nombre de postes était de 8 à la date du licenciement et les chefs d’équipe logistique, alors que les salariés exerçant ces fonctions relevaient de la même catégorie professionnelle ; que dans son offre, la société ATLAS proposait la reprise de 5 postes sur les 8 correspondant à ceux occupés par les chefs d’équipe logistique, les chefs d’équipe finition, les chefs d’équipe préparation découpe et les chefs d’équipe préparation emboutissage sans opérer de distinction entre eux ; que devaient donc au moins être intégrés dans la liste l’ensemble de ces chefs d’équipe, qui exerçaient bien des fonctions identiques puisque la société ATLAS ne les distinguait pas dans son offre de reprise ; qu’en réalité la liste aurait dû être étendue également aux chefs d’équipe soudage puisque l’appelant avait été affecté au secteur logistique sans avoir reçu la moindre formation complémentaire préalable, ce qui démontre l’identité des fonctions ; qu’en outre la liste produite fait apparaitre qu’il a été attribué à l’appelant un total de 11 points alors que [F] [C] en a bénéficié de 12 ; que si les charges de famille de l’appelant avaient été prises en compte, il aurait dû lui être attribué 2 points supplémentaires et ce dernier n’aurait donc pas dû être licencié ; que par ailleurs l’appelant produit l’attestation de [Z] [L] qui déclare sur l’honneur avoir communiqué, en qualité de responsable soudage, les informations sur la situation familiale de l’appelant à l’occasion de l’établissement du plan de sauvegarde de l’emploi, homologué le 19 août 2016 et qui avait conduit à une suppression de 123 postes de travail ; qu’il importe peu que l’appelant ait pu répondre tardivement à l’administrateur dès lors que la société avait à sa disposition les éléments nécessaires sur sa situation familiale ; qu’il s’ensuit que l’employeur n’a pas respecté l’ordre des licenciements ;

Attendu que l’inobservation de l’ordre des licenciements a bien occasionné un préjudice à l’appelant ; qu’il percevait une rémunération mensuelle brute de 2368 € ; que l’avis de situation déclarative à l’impôt pour l’année 2017 fait apparaitre qu’il n’était redevable d’aucune somme à ce titre et que son foyer fiscal comprenait deux enfants mineurs et un enfant majeur rattaché avec des revenus très modestes ; qu’en conséquence, il convient d’évaluer à 23600 € le préjudice subi ;

Attendu qu’il convient de déclarer l’arrêt opposable à l’AGS dans la limite de ses garanties ;

PAR CES MOTIFS

 

La Cour, statuant publiquement et contradictoirement,

INFIRME le jugement déféré

 

ET STATUANT A NOUVEAU 

FIXE la créance de [W] [B] à l’état des créances salariales de la société TIM à la somme de 23600 euros à titre d’indemnité pour inobservation de l’ordre des licenciements,

 

DECLARE l’arrêt opposable à l’UNEDIC DELEGATION AGS, CGEA de Lille,

 

DIT qu’elle ne devra procéder à l’avance des créances visées aux articles L3253-8 et suivants du code du travail que dans les conditions résultant des dispositions des articles L 3253-15 à L3253-17, L3253-19 à L3253-21 et D3253-2 dudit code,

MET les dépens au passif de la liquidation judiciaire de la société TIM.

Le Greffier, Le conseiller désigné pour exercer

Les fonctions de Président,

C.GERNEZ M. LE BELLEC

 


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