Saisie-attribution : 6 juillet 2023 Cour d’appel de Rouen RG n° 21/03071

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Saisie-attribution : 6 juillet 2023 Cour d’appel de Rouen RG n° 21/03071
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6 juillet 2023
Cour d’appel de Rouen
RG n°
21/03071

N° RG 21/03071 – N° Portalis DBV2-V-B7F-I263

COUR D’APPEL DE ROUEN

CHAMBRE SOCIALE ET DES AFFAIRES DE

SECURITE SOCIALE

ARRET DU 06 JUILLET 2023

DÉCISION DÉFÉRÉE :

Jugement du CONSEIL DE PRUD’HOMMES DE ROUEN du 16 Juin 2021

APPELANT :

Monsieur [L] [Z]

[Adresse 4]

[Localité 3]

présent

représenté par Me David ALVES DA COSTA de la SELARL DAVID ALVES DA COSTA AVOCAT, avocat au barreau de ROUEN

INTIMEE :

S.A.R.L. FRADELEC

[Adresse 1]

[Localité 2]

représentée par Me Stéphanie BOULLEN, avocat au barreau de ROUEN

COMPOSITION DE LA COUR  :

En application des dispositions de l’article 805 du Code de procédure civile, l’affaire a été plaidée et débattue à l’audience du 12 Mai 2023 sans opposition des parties devant Madame ALVARADE, Présidente, magistrat chargé du rapport.

Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Madame ALVARADE, Présidente

Madame LEBAS-LIABEUF, Présidente

Madame BACHELET, Conseillère

GREFFIER LORS DES DEBATS :

Mme DUBUC, Greffière

DEBATS :

A l’audience publique du 12 Mai 2023, où l’affaire a été mise en délibéré au 06 Juillet 2023

ARRET :

CONTRADICTOIRE

Prononcé le 06 Juillet 2023, par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile,

signé par Madame ALVARADE, Présidente et par Mme WERNER, Greffière.

EXPOSÉ DU LITIGE

M. [L] [Z] (le salarié) a été engagé par la SARL Fradelec (la société, l’employeur), qui a pour activité la réalisation d’étude d’installations électriques à destination de l’industrie, la réalisation des installations et la maintenance, en qualité de technicien en bureau d’étude suivant contrats temporaires à compter du 17 décembre 2012, puis par contrat de travail à durée indéterminée du 1er avril 2013. Il occupait en dernier lieu le poste de responsable projet et percevait une rémunération mensuelle brute de 3 492,11 euros.

Les relations contractuelles entre les parties étaient soumises à la convention collective nationale des employés, techniciens et agents de maîtrise (ETAM) du bâtiment (IDCC 2609).

La société employait habituellement au moins onze salariés au moment du licenciement.

Le salarié a pris acte de la rupture de son contrat de travail le 22 juillet 2020.

Le 16 septembre 2020, le salarié a saisi le conseil de prud’hommes en paiement de rappel de salaire et d’indemnités et aux fins de voir dire que sa prise d’acte produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Par jugement rendu le 16 juin 2021, le conseil de prud’hommes de Rouen a débouté le salarié de ses demandes,

– en rappel d’heures supplémentaires pour une somme de 8 743,09 euros ainsi que 874,30 euros au titre des congés payés y afférents pour les années 2017, 2018 et 2019,

– d’indemnités pour contrepartie obligatoire en repos pour un montant de 1 552,50 euros,

– à titre d’indemnité forfaitaire pour travail dissimulé pour un montant de 20.952,66 euros,

– à titre de dommages et intérêts en réparation des préjudices financiers et moraux subis du fait de la modification abusive de sa rémunération pour un montant de 2 000 euros net,

– à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait de l’exécution déloyale du contrat de travail,

– d’indemnité de licenciement pour 6 620,45 euros net,

– d’indemnité compensatrice de préavis pour 6 984,22 euros brut,

– d’indemnité de congés payés y afférents pour 698,42 euros brut,

– à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse pour 27.936,88 euros net,

– dit que la prise d’acte faite par M. [L] [Z] produit les effets d’une démission,

– donné acte à la société Fradelec du paiement d’un rappel de salaire pour 170,55 euros brut et les congés payés y afférents pour 17,05 euros brut,

– dit n’y avoir lieu d’ordonner une astreinte, ni à l’exécution provisoire du jugement pour ses dispositions qui n’en bénéficieraient pas de plein droit,

– débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires,

– condamné M. [L] [Z] aux entiers dépens de l’instance.

Le salarié a interjeté appel de cette décision dans des formes et délais qui ne sont pas critiqués.

L’ordonnance de clôture a été prononcée le 13 avril 2023.

MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Par conclusions remises le 28 mars 2023, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé de ses moyens, le salarié demande à la cour de :

– réformer le jugement,

en conséquence,

– fixer le salaire mensuel brut à la somme de 3 492,11 euros,

– juger que la société Fradelec n’a pas payé l’intégralité des heures de travail effectuées,

– juger que la prise d’acte du contrat de travail est justifiée et doit produire les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse,

en conséquence,

– condamner la société Fradelec à lui verser les sommes suivantes :

rappel d’heures supplémentaires : 8 743,09 euros brut,

congés payés y afférents : 874,30 euros brut,

indemnité pour contrepartie obligatoire en repos : 1 552,50 euros net,

indemnité forfaitaire au titre du travail dissimulé : 20 952,66 euros net,

indemnité de licenciement : 6 620,45 euros net,

indemnité compensatrice de préavis : 6 984,22 euros brut,

congés payés y afférents : 698 42 euros brut,

dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse : 27 936,88 euros net,

indemnité par application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile : 2 000 net,

– ordonner à la société Fradelec de remettre les documents de fin de contrat rectifiés, conformément aux dispositions de l’arrêt,

– condamner la société Fradelec aux dépens de l’instance,

– débouter la société Fradelec de toutes ses demandes, fins et conclusions.

Le salarié fait valoir que l’employeur n’a pas exécuté loyalement le contrat de travail, qu’il accomplissai de nombreuses heures supplémentaires qui n’ont pas été réglées dans leur intégralité, qu’il n’a pas bénéficié de la contrepartie obligatoire en repos alors que le contingent annuel d’heures supplémentaires a été dépassé, que l’employeur a fait usage de manoeuvres, lui demandant de minorer le nombre d’heures travaillées sur ses feuilles d’heures, de sorte qu’il est fondé en sa demande d’indemnité forfaitaire pour travail dissimulé, qu’il lui a été imposé une baisse de son taux horaire à l’origine d’un préjudice moral et financier, que les manquements de l’employeur justifiaient sa prise d’acte de la rupture du contrat de travail qui devra produire les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Par conclusions remises le 12 avril 2023, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé de ses moyens, la société demande à la cour de :

– confirmer en toutes ses dispositions, à l’exception de celles relatives aux frais irrépétibles, le jugement rendu, en ce qu’il a d’une part, dit que la prise d’acte devait produire les effets d’une démission et d’autre part, débouté M. [L] [Z] de l’intégralité de ses demandes,

en conséquence,

– condamner M. [L] [Z] à lui verser la somme de 6 984,22 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis,

– condamner M. [L] [Z] aux entiers dépens tant de première instance que de l’appel,

– infirmer le jugement en ce qu’il l’a déboutée de sa demande au titre des frais irrépétibles de première instance,

en conséquence et statuant de nouveau,

– condamner M. [L] [Z] à lui verser la somme de 3 000 euros au titre des frais irrépétibles de première instance,

– condamner M. [L] [Z] à lui verser la somme de 4 500 euros au titre des frais irrépétibles de l’instance d’appel, outre les entiers dépens.

La société fait valoir qu’au cours de sa relation de travail le salarié n’a jamais formulé aucune réclamation relativement à ses salaires, ni ne s’est plaint de ses conditions de travail,

qu’il tente de légitimer sa prise d’acte qui n’a été faite que par pur opportunisme, alors qu’il a trouvé un emploi au sein d’une société concurente, la société Gipelec à compter d’août 2020 ;

qu’il ne suffit pas au salarié de prétendre avoir effectué des heures supplémentaires pour obtenir la condamnation correspondante en fournissant un décompte établi unilatéralement,

qu’il lui appartient préalablement de verser aux débats des éléments de nature à étayer sa demande,

qu’il n’est pas discuté que le salarié a effectué des heures supplémentaires, elles ont toutefois été payées, apparaissant aux bulletins de salaire,

que ses demandes au titre de la contrepartie obligatoire en repos et du travail dissimulé ne sont pas justifiées,

que sa rémunération n’a pas été modifiée sans son accord, alors que le service établissant la paie a commis une erreur en inversant les décimales, qui ouvre droit à un rappel de salaire dont la régularisation a été offerte en cours de procédure,

que le grief tiré de l’exécution déloyale du contrat de travail manque de consistance, le salarié ayant d’ailleurs renoncé à sa demande de dommages et intérêts,

que les manquements ne sont pas caractérisés et la prise d’acte devra être requalifié en démission.

L’ordonnance de clôture de la procédure a été rendue le 13 avril 2023.

MOTIFS DE LA DÉCISION

1 – Sur la prise d’acte de la rupture du contrat de travail

Il est constant que la prise d’acte permet au salarié de rompre le contrat de travail en cas de manquement suffisamment grave de l’employeur empêchant la poursuite du contrat de travail.

C’est au salarié qu’il incombe de rapporter la preuve des manquements invoqués à l’encontre de son employeur.

Lorsqu’un salarié prend acte de la rupture de son contrat de travail en raison de faits qu’il reproche à son employeur, cette rupture, qui entraîne la cessation immédiate du contrat de travail, produit les effets soit d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les faits invoqués la justifiaient, soit, dans le cas contraire, d’une démission.

En l’espèce le salarié a déclaré prendre acte de la rupture du contrat de travail aux torts de l’employeur par lettre du 22 juillet 2020 libellée en ces termes :

‘Je suis salarié de votre entreprise depuis le 17 décembre 2012.

J’ai le sentiment de m’être beaucoup investi au sein de votre entreprise durant toutes ces années, sans recevoir la reconnaissance escomptée, et en subissant ces derniers temps de graves manquements de votre part.

Vous n’êtes pas sans savoir que j’ai effectué ces dernières années de nombreuses heures supplémentaires, mais que celles-ci ne m’ont jamais été rémunérées en intégralité. Afin de tenter de légitimer le non-paiement de ces heures, vous m’avez imposé de minorer le nombre d’heures reportées de façon hebdomadaire sur la feuille d’heures. Or vous savez parfaitement que ces heures ne correspondent pas à la réalité de mon travail commandé, et qu’elles auraient dû être rémunérées.

Le point d’orgue a été atteint lorsque vous n’avez pas honoré durant les 6 premiers mois de cette année les promesses que vous m’aviez faites en fin d’année dernière, et que vous avez, au passage, modifié ma rémunération sans mon accord. Nous avions, en effet, convenu d’un passage au 1er janvier 2020 en statut cadre au forfait jours, avec augmentation de mon taux horaire, et l’attribution à la naissance de mon second enfant d’un véhicule 5 places.

Or, quelle n’a pas été ma surprise de constater à la fin du mois de janvier 2020 que j’avais toujours le statut d’ETAM, mais surtout que vous aviez baissé, sans mon accord, mon taux horaire. Même si ma rémunération brute totale a augmenté avec le règlement des heures supplémentaires (que j’effectue réellement au passage !),

il n’en demeure pas moins que mon taux horaire a diminué, ce qui a également une incidence sur la majoration des heures supplémentaires qui est elle-même minorée, mais surtout que du jour au lendemain, vous pouvez à votre bon vouloir arrêter de régler ces heures supplémentaires, ce qui diminuera drastiquement ma rémunération.

Au regard du contexte actuel et de mes charges de famille, vous n’ignorez pas qu’une telle incertitude me pèse au quotidien.

Je vous ai interpellé oralement plusieurs fois à ce sujet, sans avoir de retour de votre part.

Aussi, alors que mon second enfant est né en juin dernier, vous n’avez pas honoré votre dernier engagement concernant le véhicule…

Dans ces conditions, face au non-paiement de l’intégralité de mes heures supplémentaires, à la modification abusive de ma rémunération sans mon accord, votre exécution déloyale du contrat de travail qui nous lie, je constate que la poursuite de ce dernier est manifestement impossible, de telle sorte que je me vois contraint de prendre acte par la présente de la rupture de mon contrat de travail avec effet immédiat. (…)’.

Le salarié reproche ainsi à la société l’absence de paiement de l’intégralité de ses heures supplémentaires, une modification abusive de sa rémunération par la diminution de son taux horaire et une exécution déloyale du contrat de travail alors qu’elle n’a pas honoré ses engagements.

Sur le non-paiement des heures supplémentaires

Aux termes de l’article L.3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail effectuées, l’employeur doit fournir au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié ; le juge forme sa conviction au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l’appui de sa demande après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles.

Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d’enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable.’

Il résulte de ces dispositions, qu’en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l’appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies afin de permettre à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l’ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées.

Après analyse des pièces produites par l’une et l’autre des parties, dans l’hypothèse où il retient l’existence d’heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l’importance de celles-ci et fixe les créances salariales s’y rapportant.

Le salarié fait valoir qu’alors que la durée hebdomadaire de travail se fixait à 35 heures, il réalisait à minima 42 heures de travail, débutant sa journée entre 7h30 et 8h00 et la terminant à 18h, à l’exception du vendredi où il quittait l’entreprise à 17h, soit en moyenne 8,5 heures du lundi au jeudi et 8 heures le vendredi.

Il explique que l’employeur, pour justifier le non-paiement de l’intégralité des heures supplémentaires effectuées, lui demandait de faire figurer sur un relevé hebdomadaire un nombre minoré d’heures pour chaque chantier, qu’ainsi, il mentionnait de façon systématique qu’il travaillait 7,5 heures par jour du lundi au jeudi et 7 heures le vendredi, soit 37 heures par semaine.

A l’appui de sa demande de rappel de salaire, il produit :

– les décomptes des heures qu’il estime avoir réellement accomplies, présentés semaine par semaine, sur la base, en général, de 42 heures hebdomadaires, soit :

105 heures au titre de 2017 (de juillet à décembre)

295 heures au titre de 2018

238 heures au titre de 2019

et récapitulant les sommes dues, soit :

1 247,75 euros, correspondant à 62 heures supplémentaires en 2017 après déduction des heures payées (43)

4 003,27 euros, correspondant à 185,5 heures supplémentaires en 2018 après déduction des heures payées (109,5)

3 492,07 euros, correspondant à 153,50 heures supplémentaires en 2019 après déduction des heures payées (84,5);

– les attestations établies par ses anciens collègues, témoignant de ses horaires de travail,

Mme [U], indiquant qu’il était présent pendant ses horaires de travail soit du lundi au jeudi de 8h30 à 18h00, le vendredi de 8h30 à 17h00, pour la période du 15 mai 2017 au 06 septembre 2019 (période pendant laquelle elle faisait des heures supplémentaires,

M. [K], confirmant sa présence sur le lieu de travail…du lundi au jeudi: arrivé entre 7h30 et 8h00, jusqu’à 18h00. Le vendredi : arrivé entre 7h30 et 8h00, jusqu’à 17h00, ajoutant que leur responsable les obligeait à pointer 37H00 par semaine, alors qu’ils travaillaient 42H00 par semaine,

– les relevés de géolocalisation de son téléphone personnel entre juin et décembre 2019 démontrant qu’il était sur son lieu de travail plus de 8h30 par jour au lieu des 7,5 heures déclarées,

– les courriels adressés entre juillet 2017 et juin 2020 avant 8 heures du matin et après 17 heures et 18 heures, parfois en soirée, le gérant, M. [I] étant en qualité de destinataire ou la plupart du temps mentionné en copie,

– la fiche horaire indiquant que l’entreprise est ouverte de 8h à 12h et de 13h30 à 18h, 16h30 le vendredi).

Il revendique les sommes de 1 247,75 euros au titre de l’année 2017, 4 003,27 euros et au titre de l’année 2018, 3 492,07 euros au titre de l’année 2019, soit un total de 8 743,09 euros brut.

Les éléments présentés par le salarié sont suffisamment précis pour permettre à l’employeur de répondre en apportant ses propres éléments.

Ce dernier répond que lors de son embauche, il a été remis au salarié un livret d’accueil reprenant tant les horaires de travail, soit du lundi au jeudi de 8h à 11h45 et de 13H15 à 17h, et le vendredi de 8h à 11h45 et de 13H15 à 16h30, que les consignes pour remplir les feuilles d’heures,

qu’ainsi le salarié devait inscrire sur les relevés les heures supplémentaires journalières effectuées au cours de la semaine concernée et le nom du chantier y afférent et les remettre à la direction le vendredi soir ou lundi matin de chaque semaine,

que ce livret permet un suivi précis des heures supplémentaires effectuées quotidiennement par chaque salarié ainsi que de ses réclamations,

que les feuilles d’heures permettant de facturer les prestations aux clients, elle n’avait aucun intérêt à minorer les heures qui y étaient portées,

que la comparaison des feuilles de pointage remplies par le salarié avec la fiche de comptabilité analytique démontrent que les heures coïncident parfaitement entre ces deux documents (exemple du chantier n° 3528),

que le salarié n’a jamais fait parvenir à sa direction ces feuilles de communication aux fins de faire connaître ses réclamations,

qu’il a du reste toujours reçu une rémunération conforme aux heures supplémentaires réalisées de 2017 à 2019 et n’a jamais été contraint à mentionner un total d’heures réalisées erroné sur ses feuilles de pointage,

que si à compter de janvier 2020, il lui était versé l’équivalent de 30,33 heures supplémentaires par mois, quand bien même elles n’étaient pas réellement effectuées, c’était en vertu d’un accord conclu lors de son entretien individuel du 22 octobre 2019, suite au départ le 30 septembre 2018 de M. [K], qui travaillait au bureau d’études, et d’un accroissement prévisible de l’activité,

que les attestations qu’il verse aux débats sont dépourvues de valeur probante, en ce qu’elles sont imprécises quant au nombre d’heures supplémentaires réalisées et quant à leur période, et en ce qu’elles ignorent totalement la notion de travail effectif, le temps de présence au sein de l’entreprise ne correpondant pas au temps de travail effectif, alors que la société octroie trois pauses de 20 minutes par jour, dont deux sont obligatoires et qu’il y a lieu d’exclure la pause méridienne,

qu’elle produit pour sa part les attestations de M. [E], responsable du bureau d’étude et de M. [Y], salarié, qui confirment l’instauration de pauses au sein de la société.

Il n’est pas établi que les relevés d’heures devaient seulement faire figurer 37 heures hebdomadaires à la demande de l’employeur, alors que certaines feuilles de pointage laissent apparaître un nombre d’heures total hebdomadaires inférieur, pouvant s’expliquer par la prise de congés, mais également supérieur, ce qui se justifie moins, que la facturation de la prestation aux clients est étroitement liée au nombre d’heures réellement travaillées, ces éléments étant vérifiés en comptabilité, et qu’il est produit pour justifier cette pratique une seule attestation établie par M. [K], lequel a rejoint la concurrence, un peu avant le salarié.

Par ailleurs, si les attestations que le salarié verse aux débats ne permettent pas de déterminer exactement son temps de présence réel, celles produites par l’employeur ne permettent pas plus d’écarter l’accomplissement d’heures supplémentaires, dès lors qu’il n’est pas justifié de la prise de pauses par le salarié à raison d’une heure par jour, alors que M. [E] était son supérieur hiérarchique et que M. [Y] ne confirme pas la possibilité de prendre trois pauses quotidiennes, ni leur caractère obligatoire. Le salarié produit en outre de multiples courriels ainsi que des relevés de géolocalisation qui démontrent non seulement qu’il effectuait des heures supplémentaires au-delà de celles qui lui ont été réglées, mais également de la réalité d’un travail commandé par l’employeur.

Après analyse des pièces produites de part et d’autre, étant acquis que les parties s’accordent sur le règlement des heures supplémentaires au titre de 2020, la cour retient l’existence d’heures supplémentaires ouvrant droit à la majoration de 25 % à hauteur de 75 heures pour 2017, 213 heures pour 2018 et 172 heures pour 2019, alors que si l’employeur présente des éléments aux fins de combattre ceux présentés par son salarié, il ne produit en définitive aucune pièce de nature à justifier les horaires de travail effectivement réalisés par ce dernier, étant précisé que le fait que le salarié n’ait pas formé de réclamation durant l’exécution du contrat de travail n’est pas de nature à le priver de son droit au paiement des heures de travail accomplies, ni à exonérer l’employeur de son obligation de prouver ses horaires de travail.

Le rappel de salaire correspondant s’établit ainsi, après application des taux horaires de 20,125, 22,1375 et 23,025 selon les périodes, tel que retenu par le salarié :

2017 : 75h – 43h = 32 644,00 euros

2018 : 213h – 109,5h = 103,5 2 218,78 euros

2019 : 172h – 84,5h = 87,5 1 985,39 euros

Total 4 848,17 euros.

Le jugement sera infirmé en ce qu’il a debouté le salarié de sa demande de ce chef, la société étant condamnée au paiement de cette somme incluant les congés payés y afférents.

Sur la demande au titre de la contrepartie obligatoire en repos

Aux termes de l’article L3121-30 du code du travail : ‘Des heures supplémentaires peuvent être accomplies dans la limite d’un contingent annuel. Les heures effectuées au delà de ce contingent annuel ouvrent droit à une contrepartie obligatoire sous forme de repos.’

La convention collective applicable fixe par ailleurs le contingent annuel d’heures supplémentaires à 180 heures.

La demande du salarié est fondée s’agissant de l’année 2018, le contingent ayant été dépassé de 33 heures. Il lui est dû la somme de 292,21 euros (33h x 17,71 X 50 %).

Sur la demande au titre du travail dissimulé :

Le salarié sollicite une somme de 20.952,66 euros à titre d’indemnité faisant valoir que l’employeur lui demandait de mentionner sur les relevés hebdomadaires un nombre minoré d’heures imputées à chaque chantier, que les heures totalisées sur les feuilles d’heures et sur les bulletins de paie ne correspondent pas au nombre d’heures réellement réalisées,

que par cette man’uvre, la société a sciemment mentionné sur les bulletins de paie un nombre d’heures de travail inférieur à celui réellement accompli et avait parfaitement conscience du nombre d’heures de travail qu’il réalisait effectivement.

L’article L.8221-1 du code du travail prohibe le travail totalement ou partiellement dissimulé défini par l’article L.8221-3 du même code relatif à la dissimulation d’activité ou exercé dans les conditions de l’article L.8221-5 du même code relatif à la dissimulation d’emploi salarié.

Aux termes de l’article L.8223-1 du code du travail, le salarié auquel l’employeur a recours dans les conditions de l’article L.8221-3 ou en commettant les faits prévus à l’article L.8221-5 du même code relatif au travail dissimulé adroit, en cas de rupture de la relation de travail, à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire.

L’article L.8221-5, 2° du code du travail dispose notamment qu’est réputé travail dissimulé par dissimulation d’emploi salarié le fait pour un employeur de mentionner sur les bulletins de paie un nombre d’heures de travail inférieur à celui réellement accompli.

Toutefois, la dissimulation d’emploi salarié prévue par ces textes n’est caractérisée que s’il est établi que l’employeur a agi de manière intentionnelle.

Le caractère intentionnel ne peut toutefois se déduire de la seule absence de mention des heures supplémentaires sur les bulletins de paie.

Au cas d’espèce, il n’est pas établi que l’employeur a sciemment fait travailler le salarié au-delà de la durée légale du travail sans le rémunérer de l’intégralité de ses heures, alors que la preuve d’une manoeuvre de l’employeur aux fins de dissimuler les heures réellement accomplies par son salarié n’a pas été rapportée, qu’il n’est par ailleurs pas discuté que le salarié effectuait des heures supplémentaires, l’employeur soutenant qu’ils ont été intégralement payées, les bulletins de salaire mentionnant le paiement desdites heures sur la période revendiquée, aucune conséquence ne pouvant être tirée du paiement à compter de 2020 de 30,33 heures supplémentaires par mois, correspondant à 42 heures de travail par semaine, alors que le salarié ne conteste pas les conditions de l’accord intervenu suite à son entretien d’évaluation.

Le salarié sera en conséquence débouté de sa demande.

Sur la modification abusive de sa rémunération

Le salarié fait valoir que l’employeur a procédé à la diminution de son taux horaire, qui était de 18,42 euros et est passé à 18,24 euros à compter de janvier 2020, que cette modification d’un élément essentiel de son contrat de travail a été opérée sans son accord exprès et lui a causé un préjudice financier mais également moral.

Il produit l’attestation de sa compagne, Mme [X], qui indique qu’il présentait un « état de stress inhabituel» depuis janvier 2020 se matérialisant par des difficultés de sommeil, des brûlures à l’estomac ainsi qu’une irritabilité ainsi que l’attestation d’un ancien salarié, M. [H], qui déclare avoir été témoin de la vive altercation qu’il a eue le 17 mars 2020, à l’extérieur de l’entreprise avec M. [I], lui reprochant d’avoir baissé son taux horaire.

Il demande que son salaire mensuel brut soit fixé à la somme de 3 492,11 euros [(151,67 heures x 18,42 euros = 2.793,76 euros + 30,33 heures supplémentaires x 23.025 euros (18,42 euros x 25 %) = 698,35 euros].

La société allègue une erreur matérielle de la part du service de paie lors de la saisie du premier mois de l’année 2020, les deux chiffres des décimales ayant été inversés (18,24 euros au lieu de 18,42 euros), erreur qui s’est répétée les mois suivants.

Elle conteste les déclarations de M. [H], observant qu’il travaillait ce jour à l’atelier étant monteur électricien, alors que M. [U], qui a attesté en faveur du salarié, travaillait à l’extérieur de l’entreprise, et indique avoir entendu une altercation verbale entre M. [Z] et M. [I] à propos d’un désaccord, sans pouvoir être plus précis.

Elle affirme qu’en réalité un entretien avait eu lieu le 17 mars 2020 quant à l’organisation des semaines suivantes en raison de la pandémie mondiale liée au Covid-19 et que le salarié avait indiqué « qu’il n’avait pas intérêt à perdre le moindre euro sur son salaire du fait de la mise en place du chômage partiel ».

Reconnaissant l’erreur commise, elle ajoute avoir rédigé un chèque au profit du salarié au titre de ce rappel dès le 11 janvier 2021 avec établissement des documents de fin de contrat.

S’il est établi qu’une altercation a bien eu lieu le 17 mars 2020, il ne ressort pas des attestations produites, alors que des contradictions ont été mises en évidence, que l’employeur avait imposé au salarié une diminution de son taux horaire. La cour considère qu’il s’agissait d’une erreur matérielle, que l’employeur a reconnue et réparée dès qu’elle en a eu connaissance.

Sur la non attribution d’un véhicule de service 5 places à la naissance de son dernier enfant.

Ce point figurant dans la lettre de prise d’acte n’a pas fait l’objet d’un développement spécifique en cause d’appel.

Il résulte de ce qui précède que les faits reprochés à l’employeur considérés comme établis, soit le non-paiement des heures supplémentaires entre 2017 à 2019 et l’absence de contrepartie obligatoire en repos, ne sont pas d’une gravité telle qu’ils empêchaient la poursuite du contrat de travail, alors que le salarié n’avait jamais élevé de contestations quant aux heures de travail qu’il estimait avoir effectuées avant la rupture de son contrat de travail, de sorte que la prise d’acte n’était pas justifiée.

En conséquence, la prise d’acte doit produire les effets d’une démission et le salarié doit être débouté de ses demandes afférentes à la rupture du contrat de travail.

2 – Sur la demande reconventionnelle au titre de l’indemnité compensatrice de préavis

La demande présentée par la société au titre de l’indemnité compensatrice de préavis, non exécuté, est fondée, la prise d’acte étant injustifiée, sans que le salarié ne puisse soutenir son irrecevabilité au motif qu’il s’agit d’une demande nouvelle, dès lors qu’elle se rattache aux prétentions originaires, la demande de requalification en démission, par un lien suffisant.

Il sera fait droit à la demande à hauteur de 6 984,22 euros.

3 – Sur les frais du procès

En application des dispositions des articles 696 et 700 du code de procédure civile, le salarié sera condamné aux dépens de première instance et d’appel. Il n’est pas inéquitable de laisser à chaque partie la charge de ses frais irrépétibles.

PAR CES MOTIFS

LA COUR

après en avoir délibéré, statuant par arrêt contradictoire, prononcé par mise à disposition au greffe, en matière prud’homale,

Confirme le jugement en ses dispositions soumises à la cour, sauf en ce qu’il a débouté M. [L] [Z] de sa demande de rappel de salaire et de contrepartie obligatoire en repos pour l’année 2018 et à préciser le montant de son salaire mensuel brut,

Fixe le salaire mensuel brut à la somme de 3 492,11 euros,

Statuant à nouveau des chefs infirmés,

Condamne la SARL Fradelec à payer à M. [L] [Z] les sommes suivantes :

4 848,17 euros à titre de rappel de salaire pour heures supplémentaires, incluant les congés payés,

292,21 euros au titre de la contrepartie obligatoire en repos,

Y ajoutant,

Condamne M. [L] [Z] à payer à la SARL Fradelec la somme de 6 984,22 euros au titre de l’indemnité compensatrice de préavis,

Condamne M. [L] [Z] aux dépens de première instance et d’appel,

Rejette toute autre demande.

La greffière La présidente

 


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