Saisie-attribution : 6 juillet 2023 Cour d’appel de Douai RG n° 21/02724

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Saisie-attribution : 6 juillet 2023 Cour d’appel de Douai RG n° 21/02724
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6 juillet 2023
Cour d’appel de Douai
RG n°
21/02724

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D’APPEL DE DOUAI

CHAMBRE 2 SECTION 1

ARRÊT DU 06/07/2023

****

N° de MINUTE :

N° RG 21/02724 – N° Portalis DBVT-V-B7F-TTWL

Jugement n° 2018015935 rendu le 20 avril 2021 par le Tribunal de commerce de Lille Métropole

Ordonnance de désistement incident n° 22/78 rendue le 17 mars 2022 par le magistrat chargé de la mise en état

Ordonnance de référé n° 22/63 rendue par le premier président de la cour d’appel de Douai

APPELANTS

SAS InnoVent prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège

ayant son siège social [Adresse 7]

Monsieur [R] [A]

né le 08 avril 1960 à [Localité 4], de nationalité française

demeurant [Adresse 2]

représentés par Me Marie-Hélène Laurent, avocat au barreau de Douai, avocat constitué

assistés de Me Philippe Prigent, avocat au barreau de Paris, avocat plaidant

INTIMÉE

SAS Boralex Energie France prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

ayant son siège social [Adresse 1]

représentée par Me Catherine Camus-Demailly, avocat au barreau de Douai, avocat constitué

assistée de Me Valence Borgia, avocat au barreau de Paris, avocat plaidant

en présence de Mme [X], directrice juridique

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ

Dominique Gilles, président de chambre

Pauline Mimiague, conseiller

Clotilde Vanhove, conseiller

———————

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Valérie Roelofs

DÉBATS à l’audience publique du 06 avril 2023 après rapport oral de l’affaire par Dominique Gilles, président de chambre

Les parties ont été avisées à l’issue des débats que l’arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe.

ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 6 juillet 2023 après prorogation du délibéré du 29 juin 2023 (date indiquée à l’issue des débats) et signé par Dominique Gilles, président, et Valérie Roelofs, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 16 novembre 2022

****

La SAS Boralex et la SAS InnoVent sont spécialisées dans l’industrie de production d’énergie électrique éolienne. La SAS Boralex d’une part, et la SAS InnoVent et son dirigeant M. [A], d’autre part, ont organisé une coopération par deux contrats conclus le 28 juin 2012, permettant l’acquisition par ce dirigeant du contrôle total de la société InnoVent, par l’achat de la part de 40% des actions de celle-ci détenue par une société tierce. Ont ainsi été signés, entre les sociétés Boralex, InnoVent et M. [A], un contrat de cession d’actions ainsi qu’un contrat dit contrat cadre de développement, lequel prévoit, au bénéfice de la société Boralex, une option prioritaire d’achat irrévocable des titres de sociétés dédiées à la détention et à l’exploitation des actifs de certains projets éoliens développés par la société InnoVent (les sociétés ad hoc), comprenant en particulier les projets de [Localité 3] et [Localité 5].

La société Boralex s’est heurtée, à compter de 2015, au refus de M. [A] et de la société InnoVent d’exécuter les obligations d’information et de notification des éléments essentiels des projets prévus par le contrat cadre de développement (le contrat) permettant l’exercice des options au sujet de ces deux projets.

Par acte extrajudiciaire des 12 et 14 juin 2017, la société Boralex a fait assigner en référé la société InnoVent et M. [A] devant le président du tribunal de commerce de Lille Métropole qui, par ordonnance du 14 septembre 2017 a ordonné aux défendeurs de transmettre à peine d’ astreinte à la société Boralex toute information pertinente relative aux projets telles que définies au contrat cadre de développement du 28 juin 2012, et toute notification au sens de l’article 2.2 du contrat, pour chacun des projets pour lesquels ont été obtenues l’ensemble des autorisations purgées de tout recours, nécessaires à sa construction et à son exploitation. Par lettre du 20 juillet 2017, la société InnoVent et M. [A] avaient entendu révoquer le contrat, considérant que cela rendait sans objet les demandes en référé. Cette ordonnance a été réformée par arrêt de la cour d’appel de Douai du 20 décembre 2018, qui a dit n’y avoir lieu à référé eu égard à une contestation sérieuse sur la nature et l’existence du contrat du 28 juin 2012.

Par acte extrajudiciaire du 5 septembre 2018, la société Boralex a fait assigner la société InnoVent et M. [A] devant le tribunal de commerce de Lille Métropole, pour les voir condamner à lui offrir d’acquérir les titres des sociétés ad hoc pour les projets éoliens de EplessierThieulloy et [Localité 3] et, à titre subsidiaire, à lui verser 27’735’000 euros de dommages et intérêts, pour le cas où la cession forcée serait impossible.

La société InnoVent a lancé, en septembre 2018, une procédure d’arbitrage sur le fondement du contrat de cession d’actions, au titre d’un complément de prix pour d’autres projets de fermes éoliennes, ce dernier litige, achevé par arrêt de la chambre commerciale internationale de la cour d’appel de Paris, étant indépendant du présent.

La société Boralex a obtenu du juge de l’exécution du tribunal judiciaire de Lille la saisie à titre provisoire de divers actifs de la société InnoVent et de M. [A] en garantie de la créance qu’elle invoque.

Par jugement du 24 novembre 2020, le juge de l’exécution du tribunal judiciaire de Saint-Omer a prononcé la nullité et ordonné la mainlevée de saisies-attributions sur des comptes bancaires de la société Boralex, pratiquées par la société InnoVent le 8 juillet 2020, jour de la notification par cette dernière société de la sentence arbitrale revêtue de l’exéquatur, et a condamné la société InnoVent à payer 5’000 euros de dommages-intérêts pour mesure inutile ou abusive, la saisie-attribution ayant été réalisée alors que la sentence arbitrale n’était pas encore exécutoire.

En cours d’instance au fond devant le tribunal de commerce, la société Boralex a modifié ses demandes pour ne plus demander l’exécution en nature et prétendre uniquement à des dommages-intérêts.

C’est dans ces conditions que par jugement du 20 avril 2021, le tribunal de commerce de Lille Métropole a’:

– rejeté la fin de non-recevoir opposée par la société InnoVent et M. [A] à l’action de la société Boralex contre M. [A] à titre personnel’;

– dit que le contrat cadre de développement conclu entre la société Boralex d’une part et la société InnoVent et M. [A] d’autre part constitue un contrat complexe au sein duquel la promesse de vente se défait de son régime juridique propre, que ladite promesse a connu un début d’exécution, et qu’en conséquence les dispositions de l’article 1185 du code civil ne trouvent pas à s’appliquer’;

– rejeté comme prescrites les exceptions de nullité soulevées par la société InnoVent et M. [A]’;

– dit mal fondée et inefficace la tentative par la société InnoVent et M. [A] de rétractation de la promesse de cession de titres par eux consenties à la société Boralex dans le contrat cadre de développement’;

– dit que la société Boralex n’a pas manqué à ses obligations contractuelles’;

– débouté la société InnoVent et M. [A] de leur demande en bien-fondé de’: la mise en ‘uvre de la clause résolutoire du contrat cadre de développement, de la résiliation dudit contrat, et de l’exception d’inexécution soulevée par la société InnoVent’;

– dit que la société InnoVent et M. [A] ont violé leurs obligations stipulées au contrat cadre de développement’;

– débouté la société InnoVent et M. [A] de leur demande subsidiaire en injonction à la société Boralex de faire l’acquisition des parcs éoliens de [Localité 3] et [Localité 5]’;

– dit que l’application figurant dans le rapport du Cabinet Finexi de la formule de détermination du prix de rachat des titres des sociétés ad hoc est conforme à l’article 3.1 du contrat cadre de développement’;

– condamné solidairement et in solidum la société InnoVent et M. [A] à verser à la société Boralex la somme de 50’695’127 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi’;

– débouté la société Boralex de sa demande de condamnation de la société InnoVent et de M. [A] à lui payer 2’000 euros à raison du caractère dilatoire de la fin de non-recevoir soulevée tardivement’;

– condamné solidairement et in solidum la société InnoVent et M. [A] à payer à la société Boralex 50’000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile’;

– ordonné l’exécution provisoire’;

– condamné la société InnoVent et M. [A] aux dépens.

Par déclaration reçue au greffe le 17 mai 2021, M. [A] et la société InnoVent ont interjeté appel de ce jugement, déférant expressément à la cour chacun de ses chefs et toute disposition de celui-ci les ayant déboutés de leurs demandes.

Par jugement du 24 novembre 2020, le juge de l’exécution de Saint-Omer avait condamné la société InnoVent à payer à la société Boralex 5’000 de dommages-intérêts pour saisies-attribution inutile et abusive de comptes bancaire, pratiquée le 8 juillet 2020.

Par jugement du 18 mai 2021, le juge de l’exécution du tribunal judiciaire de Saint-Omer avait ordonné la mainlevée de saisie conservatoires de comptes bancaires de la société Boralex pratiquées par la société InnoVent le 22 octobre 2020 et a condamné cette dernière société à payer 20’000 de dommages-intérêts pour mesure inutile ou abusive.

Ces deux contestations de saisies-attribution et de saisies conservatoire ont concerné l’excéution de la sentence arbitrale du 26 mars 2020, revêtue de l’exequatur le 30 juin 2020, qui a dondamné la société Boralex à verser à la société Inno Vent 3 772 615 euros en principal, concernant l’exécution du contrat de rachat d’actions.

Par jugement du 12 mai 2021, une procédure de conciliation ayant été ouverte et organisée par ordonnance des 28 et 31 mai 2021 à la demande de la société InnoVent, le président du tribunal de commerce de Lille Métropole a refusé de rétracter ces ordonnances ainsi que le lui demandait la société Boralex, a débouté la société InnoVent de sa demande de 24 mois de délais de grâce sur le fondement du code civil, mais a reporté au 12 octobre 2021, en vertu de l’ordonnance 2020-596 du 20 mai 2020 intervenue à cause de la crise sanitaire, l’exigibilité de la dette résultant du jugement entrepris, dans la limite de 32’025’842,60 euros, faisant interdiction à la société I de vendre les parcs éoliens sauf à affecter le produit de la vente directement au paiement des sommes dues à la société Boralex.

Par jugement du 3 décembre 2021, le président du tribunal de commerce de Lille Métropole a débouté les filiales de la société InnoVent d’une demande similaire, confirmant que la mesure de conciliation était prorogée au 28 février 2022 avec suspension de l’exigibilité des sommes dues pour permettre la conclusion d’un accord dans le cadre de cette conciliation. Cependant, nul accord n’a été trouvé.

Par ordonnance de référé du 21 juillet 2022, le premier président de la présente cour, après avoir ordonné une expertise, a rejeté la demande d’arrêt de l’exécution provisoire du jugement entrepris de la société InnoVent et de M. [A] et a suspendu l’exécution provisoire jusqu’au 31 octobre 2022. Cette même juridiction, saisie par les mêmes parties et par ordonnance du 4 novembre 2022, a refusé à nouveau tout arrêt de l’exécution provisoire et a rejeté la nouvelle demande de suspension de celle-ci.

Le 28 juin 2021, la société InnoVent et M. [A] ont déposé plainte auprès du procureur de la République de [Localité 6] contre la société Boralex pour escroquerie au jugement. Le 23 novembre 2021, la société InnoVent et M. [A] ont déposé plainte contre la société Boralex et son technicien financier amiable, la société Finexsi, pour escroquerie au jugement, rédaction et usage d’attestations de faits matériellement inexacts, faux et usage de faux.

Alors que ces plaintes étaient en enquête, la société Boralex a saisi le juge des référés pour des faits de communication jugés dénigrants sur le site internet de la société InnoVent.

Par ordonnance du 18 novembre 2021, le juge des référés du tribunal de commerce de Lille Métropole a ordonné sous astreinte la suppression sur le site internet de la société InnoVent d’une fenêtre «’pop up’» et d’un onglet intitulés «’Magouille Boralex’», et de deux communiqués jugés dénigrants. Par arrêt du 9 juin 2022, la présente cour a confirmé cette ordonnance.

Par ordonnance du 6 janvier 2022, le juge des référés du tribunal de commerce de Lille Métropole a ordonné la suppression d’un nouveau communiqué du 25 novembre 2021.

Le 4 avril 2022, la société Boralex a fait constater la présence sur le site internet de la société InnoVent d’un communiqué mentionnant «’Diabolique ou demeuré ‘ Boralex continue à plaider qu’un prix en euros par mégawatts est un prix en euros’».

Par ordonnance du 5 mai 2022, le juge des référés du tribunal de commerce de Lille a ordonné la suppression de cette dernière communication, a interdit à peine d’astreinte à la société InnoVent de faire référence à l’une quelconque des procédures opposant les sociétés et condamné la société InnoVent à une amende civile.

Par jugement du 27 septembre 2022, le tribunal de commerce de Paris, saisi par M. [A] et la société InnoVent, a débouté les demandeurs de leur action en dommages-intérêts formée contre la société Boralex et la société Finexsi à hauteur de 250’000’000 d’euros et les a condamnés à payer à la société Boralex 40’000 euros de dommages-intérêts pour procédure abusive.

Par dernières conclusions déposées et notifiées par la voie électronique valant signification le 14 novembre 2022, la société InnoVent et M. [A] demandent à la cour de’:

– vu les articles (i) 9 et suivants,122 et 443 du code de procédure civile, (ii) 6, 1134 ancien, 1147 ancien, 1589 et suivants et 1240 nouveau du code civil, (iii) L. 227-10 et L. 242-6 du code de commerce, (iv) 445-1 et 321-1 du code pénal et (v) 40 du code de procédure pénale’;

– infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions’;

– dire irrecevables les demandes de la société Boralex à leur encontre, pour violation du principe selon lequel nul ne peut se contredire aux dépens d’autrui ;

– déclarer irrecevable, en application de l’article 910-4 du code de procédure civile, la demande formée à leur encontre en condamnation sous astreinte d’avoir à exécuter le présent arrêt’;

– rejeter et déclarer mal fondées toutes les demande de la société Boralex à leur encontre’;

– débouter la société Boralex de toutes ses demandes’;

– débouter la société Boralex de sa demande en dommages et intérêts pour procédure abusive et de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile’;

– condamner la société Boralex à lui payer 500’000 euros (cinq cents mille euros)’au titre des frais irrépétibles ;

– condamner la société Boralex aux dépens de première instance et d’appel.

Par dernières conclusions déposées et notifiées par la voie électronique valant signification, la société Boralex prie la cour de’:

– vu l’article L. 131-1 du code des procédures civiles d’exécution’;

– vu les articles 1126, 1134, 1147 à 1151, 1156, 1158, 1159, 1162, 1192 et 1315 du code civil’applicables à l’espèce’;

– vu les articles 1217, 1240, 1591, 1592 et 2224 du code civil’;

– vu les articles L. 110-4, L. 227-8, L. 227-10, L.’227-11 et L. 225-42 du code de commerce’;

– vu les articles 5, 32-1, 65, 70, 200 à 203, 562, 564, 565, 700, 910-4 et 954 du code de procédure civile’;

– vu les articles 445-1 et 445-2 du code pénal’;

– vu les ordonnances n°2020-596 du 20 mai 2020 et n°2020-1443 du 25 novembre 2020′;

– vu l’article 225 de la loi n°2020-1721 du 29 décembre 2020′;

– vu l’article 38 de la loi de finance rectificative n°2022-1157 pour 2022 du 16 août 2022′;

– vu l’article 41-29 de l’ordonnance n°58-1270 du 22 décembre 1958′;

– confirmer le jugement entrepris’;

– en conséquence’:

– condamner solidairement et in solidum la société InnoVent et M. [A] à exécuter le jugement et à lui verser la somme de 50’695’127 euros à titre de dommages-intérêts en réparation des préjudices qu’elle a subis par le fait de la violation de leurs engagements contractuels’;

– à défaut et pour le cas où serait retenue la méthode de calcul sur le fondement de la formule de prix contenue dans la lettre d’intention du 30 avril 2012′:

– condamner solidairement et in solidum la société InnoVent et M. [A] à exécuter le jugement et à lui verser la somme de 35’473’439 euros à titre de dommages-intérêts en réparation des préjudices qu’elle a subis par le fait de la violation de leurs engagements contractuels’;

– à défaut, en troisième rang et pour le cas où serait retenue la méthode de calcul présentée par les appelants’:

– condamner solidairement et in solidum la société InnoVent et M. [A] à exécuter le jugement et à lui verser la somme de 27’242’780 euros à titre de dommages-intérêts en réparation des préjudices qu’elle a subis par le fait de la violation de leurs engagements contractuels’;

– à défaut en quatrième rang, si la cour devait analyser son préjudice comme une perte de chance’:

– condamner solidairement et in solidum la société InnoVent et M. [A] à exécuter le jugement et à lui verser la somme de 48’160’370,65 euros à titre de dommages-intérêts en réparation des préjudices qu’elle a subis par le fait de la violation de leurs engagements contractuels’;

– à défaut et en cinquième rang, si la cour devait analyser son préjudice comme une perte de chance et retenait la méthode de calcul sur le fondement de la formule de prix contenue dans la lettre d’intention du 30 avril 2012′:

– condamner solidairement et in solidum la société InnoVent et M. [A] à exécuter le jugement et à lui verser la somme de 33’699’767,05 euros à titre de dommages-intérêts en réparation des préjudices qu’elle a subis par le fait de la violation de leurs engagements contractuels’;

– à défaut et en sixième rang, si la cour devait analyser son préjudice comme une perte de chance et retenait l’interprétation de la formule de prix des appelants’:

– condamner solidairement et in solidum la société InnoVent et M. [A] à exécuter le jugement et à lui verser la somme de 25’880’641 euros à titre de dommages-intérêts en réparation des préjudices qu’elle a subis par le fait de la violation de leurs engagements contractuels’;

– en toutes hypothèses’:

– débouter la société InnoVent et M. [A] de leurs demandes’;

– les condamner solidairement et in solidum à lui verser 40’000 euros à titre de dommages-intérêts pour abus de procédure’;

– vu les articles L. 131-1 du code des procédures civiles d’exécution, et la réticence dolosive de la société InnoVent et de M. [A]’;

– ordonner l’exécution sous astreinte du présent arrêt’;

– condamner solidairement et in solidum la société InnoVent et M. [A] à lui verser 312’936,70 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile’;

– condamner solidairement et in solidum la société InnoVent et M. [A] aux dépens d’instance d’appel.

L’ordonnance de clôture est du 16 novembre 2022.

L’affaire ayant été plaidée le 6 avril 2023 et alors que la cour n’avait ni invité ni autorisé les parties à le faire, les appelants ont produit en cours de délibéré, le 21 avril 2023, un arrêt du 30 novembre 2021 de la cour d’appel de Paris, pôle 5 chambre 16 dite chambre commerciale internationale rendu entre les sociétés Boralex et InnoVent.

Par courriel du 28 avril 2023, la société Boralex intimée s’est opposée à la recevabilité de ce courriel et de cette pièce.

SUR CE,

LA COUR,

– Sur le courriel et la pièce produite en cours de délibéré par les appelants

Nulle cause grave n’ayant justifié la production en cours de délibéré, cette pièce sera écartée des débats.

– Sur l’irrecevabilité des exceptions de nullité soulevées par la société InnoVent et M. [A]

Alors que le jugement entrepris a déclaré irrecevable pour cause de prescription les exceptions de nullité soulevées par la société InnoVent et M. [A], la société Boralex demande la confirmation du jugement entrepris sur ce point, tandis que les appelants se prévalent d’une exception de nullité perpétuelle résultant du fait qu’ils invoquent un délit pénal, à savoir l’abus de bien social et le pacte de corruption dont devrait être qualifié l’accord de 2012 et dont dont la société concluante a été victime.

Les appelants font valoir que le rôle des juridictions n’est pas de faire exécuter en nature ou par équivalent des pactes tendant à la commission d’infractions pénales, que le juge doit restituer aux actes leur exacte qualification sans s’arrêter à la dénomination que les parties en auraient proposée et que le juge civil doit apprécier si l’objet et la cause d’un contrat sont réprimés par le droit pénal pour apprécier si le contrat déroge à l’ordre public.

En réalité, le moyen se ramène à une nullité absolue du contrat soulevée par voie d’exception.

Toutefois, il sera rappelé que l’exception de nullité ne peut être invoquée que pour faire échec à la demande d’exécution d’un acte juridique qui n’a pas encore été exécuté.

Or, en l’espèce, le contrat cadre de développement litigieux a reçu un début d’exécution jusqu’en 2015. Ainsi, en page 12 de ses conclusions les appelants écrivent : «’InnoVent a développé et construit des parcs éoliens prévus par l’annexe 1 [du contrat cadre de développement], notamment à [Localité 5] dans [Localité 5] et à [Localité 3] dans [Localité 3]…De 2012 à 2015, Boralex a seulement envoyé des données brutes par courriel. InnoVent a constaté que Boralex se désengageait du partenariat et a décidé de réaliser elle-même les études de vent et de productible au lieu d’arrêter le développement de ces parcs jusqu’à ce que Boralex se remettre au travail. Mi-2015, InnoVent a ainsi cessé de fournir des informations relatives à ces parcs. En définitive, les 12 éoliennes de [Localité 3] ont une puissance totale de 38,4 mégawatts et les 11 éoliennes d'[Localité 5], une puissance totale de 35,2 mégawatts. Les éoliennes ont commencé à produire fin 2017 à [Localité 3] et fin 2018 à [Localité 5]’».

Par conséquent, à raison de ce commencement d’exécution, dès lors que les appelants connaissaient les motifs de nullité qu’ils allèguent, l’exception de nullité soulevée par voie d’exception est donc irrecevable. Le jugement entrepris qui a déclaré irrecevables les exceptions de nullité soulevées par la société InnoVent et M. [A] sera donc confirmé sur ce point, ainsi que le demande la société Boralex.

En outre, alors que le Ministère public de cour d’appel à qui le dossier a été communiqué compte tenu de la nature des faits invoqués par la défense des appelants, a indiqué qu’il n’entendait pas intervenir, il n’est pas établi dans ce dossier de faits de «’pacte de corruption’», d’abus de bien sociaux ou de recel d’abus de bien sociaux tels qu’invoqués par les appelants.

Il s’en déduit que l’exception de nullité du contrat et le moyen pris de l’ illicéité de la demande en dommages-intérêts de la société Boralex ne peuvent être retenus.

Nulle fraude n’est davantage établie.

– Sur la recevabilité de la demande de prononcé d’une astreinte pour l’exécution du présent arrêt

Alors que le dispositif des premières conclusions d’intimé du 1er septembre 2021 mentionne la demande de prononcé d’une astreinte pour garantir l’exécution du présent arrêt, c’est de manière inexacte que les appelants soutiennent l’irrecevabilité de cette prétention sur le fondement de l’article 910-4 du code de procédure civile, au moyen erroné qu’elle n’aurait été formée que par des conclusions du 25 octobre 2022.

En effet, cette prétention, alors que les premières conclusions d’appelant sont du 1er juin 2021, a en réalité été formée dans le délai de l’article 909 du code de procédure civile.

Le moyen d’irrecevabilité manque en fait, et la demande d’irrecevabilité sera, par conséquent, déclarée mal fondée.

– Sur la demande en irrecevabilité des demandes pour violation du principe selon lequel nul ne peut se contredire aux dépens d’autrui

Il est constant qu’après avoir saisi les premiers juges, par acte extrajudiciaire du 5 septembre 2018 en leur demandant, à titre principal, de condamner la société InnoVent et M. [A] à lui offrir d’acquérir les titres des sociétés ad hoc pour les projets de [Localité 5] et [Localité 3], sur le fondement de l’article 2.2 dernier alinéa du contrat et, à titre subsidiaire, de condamner les mêmes à lui payer 27’735’000’euros à titre de dommages et intérêts, la société Boralex a modifié ses demandes en cours d’instance devant le tribunal de commerce, pour ne plus solliciter l’exécution forcée du contrat et réclamer à InnoVent et de M. [A], en définitive, le seul versement de dommages et intérêts, à titre principal pour un montant de 50’695’127 euros et pour des montants moindres en deuxième rang et en troisième rang. En appel, c’est toujours la condamnation à des dommages-intérêts qui est seule demandée, en dernier lieu pour les montants déjà indiqués.

La société InnoVent et M. [A] soutiennent qu’en procédant ainsi, la société Boralex a outrepassé les limites de son droit de changer de demande ou d’argumentaire, bornées par l’interdiction de présenter des demandes ou des versions des faits incompatibles. Elle fait valoir que la société Boralex ayant dans un premier temps soutenu qu’elle avait pu acheter les titres en cause dont elle souhaitait devenir propriétaire tandis que le litige portait sur la mise en ‘uvre du contrat, cette même société a soutenu dans un second temps, dans ses dernières conclusions devant le tribunal de commerce et de manière incompatible avec sa première position, qu’elle n’avait pu acquérir les mêmes titres dont elle prétendait depuis deux ans devenir propriétaire. Elle souligne que la société Boralex ne demande même plus l’entrée en possession des titres et que la version des faits est également radicalement différente, en ce que après avoir plaidé pendant deux ans qu’elle pouvait valablement acquérir les actions, la société Boralex soutient désormais qu’elle n’a pu acquérir ces actions.

Les appelants soutiennent que pour l’appréciation de cette contradiction, peu importe que la société concluante ait fait valoir le défaut de validité du contrat.

Les appelants estiment que cette volte face est d’autant plus déloyale que la société Boralex exploiterait la résistance de la société concluante à la cession forcée pour avoir justifié en ces termes sa demande de dommages-intérêts’:’ «’La modification de la hiérarchie des demandes de Boralex était en réalité justifiée, comme elle l’a soutenu d’emblée, par une perte de confiance dans les appelants et par un risque avéré d’obstruction de la part de ces derniers (§212 des conclusions Boralex en septembre 2021)’».

Les appelants font grief à la société Boralex de leur avoir donné l’impression qu’elle réclamait une cession forcée, d’avoir affirmé qu’une telle cession était possible malgré l’opposition du vendeur et de les avoir ainsi induit en erreur, la société concluante opposant être une «’PME’» et exposant avoir cru qu’elle devait se défendre contre une demande de cession forcée.

Les appelants lui font encore grief d’avoir exploité le «’risque avéré d’obstruction’» à la vente qui résultait en réalité de sa propre demande de cession forcée à un prix contesté par la société concluante.

En réponse à la société Boralex qui leur oppose, d’une part, que la demande d’indemnisation figurait dans ses conclusions antérieures à septembre 2020, ainsi que, d’autre part, son droit de modifier l’ordre de préférence de ses demandes, les appelants répliquent que cette défense repose sur l’hypothèse mensongère que la société Boralex aurait sollicité, dès la première instance, l’indemnisation de son soi-disant gain manqué comme elle l’a demandé le 30 novembre 2020, alors qu’elle n’a au contraire cessé de soutenir depuis l’assignation et en ces termes, que la demande d’indemnisation n’était formée qu’à titre subsidiaire : «’si le tribunal [‘] devait estimer, par extraordinaire, qu’il n’est pas possible de condamner les défendeurs à l’exécution forcée du contrat dans les termes susmentionnés, alors il lui est demandé de condamner les défendeurs à indemniser Boralex des préjudices subis’».

Les appelants font valoir que la société concluante pensait légitimement au vu notamment de l’assignation et des conclusions de Boralex de décembre 2019 que cette société ne réclamerait une indemnisation que si le contrat était valide mais la cession forcée impossible, alors que désormais en appel celle-ci soutient de manière contradictoire et déloyale que l’exécution du contrat était possible mais qu’elle préfère désormais exiger l’indemnisation d’un gain manqué, au moyen qu’elle pourrait librement choisir le mode d’exécution de l’obligation par le débiteur.

Sur ce, la cour relève que M. [A] et la société InnoVent avaient officiellement refusé la cession des titres en ces termes dès une lettre d’avocat du 20 juillet 2017 antérieure à l’exploit introductif d’instance :

«’La société InnoVent et Monsieur [R] [A] formulent, d’ores et déjà, toutes réserves sur la validité du contrat du 28 juin 2012 intitulé « contrat-cadre de développement ”

Mais en tout état de cause, ce contrat s’analyse, en réalité, en une promesse unilatérale de proposer l’acquisition de titres de sociétés, qui n’étaient pas encore créées à la date de régularisation dudit contrat-cadre. Par la présente, la société InnoVent et Monsieur [R] [A] révoquent la promesse consentie à la société Boralex.’»

Par lettre du 18 octobre 2017, les appelants ont encore proposé à la société Boralex une résiliation par un avenant à signer sous huitaine.

Pat lettre du 26 octobre 2017, ils affirmaient encore tenir le contrat pour résilier mais surtout pour nul et non avenu , tant les obligations qu’ils comportent le rendaient à leurs yeux totalement déséquilibré à leur détriment.

Par lettre du 13 novembre 2017, les appelants ont notifié également la résiliation du contrat, au motif que la société Boralex n’avait pas répondu à une mise en demeure d’avoir à exécuter ses obligations contractuelles de récolte des données de vent.

En outre, il apparaît que l’indemnisation de la perte de marge brute des projets dont l’acquisition des titres n’aurait pas été obtenue est sollicitée par la société Boralex depuis l’exploit introductif d’instance du 5 septembre 2018, dans ce dernier acte à hauteur de plus de 27 millions d’euros, peu important que ce soit à titre subsidiaire pour le cas où l’exécution forcée demandée à titre principal aurait été impossible. Or, la société Boralex ne saurait se voir imputer une quelconque déloyauté pour avoir varié dans les montants demandés au cours de l’instance au titre des dommages-intérêts pour gain manqué.

La société Boralex ne saurait non plus se voir imputer une quelconque contradiction aux dépens des appelants pour la circonstance qu’après avoir sollicité l’exécution forcée en nature du contrat, elle y a en cours d’instance renoncé pour ne solliciter, en définitive, que des dommages-intérêts pour violation des engagements contractuels, dès lors, en premier lieu, que les demandes en exécution en nature, d’une part, et en dommages-intérêts, d’autre part, ne sont nullement incompatibles et, en second lieu, dès lors que le fait pour la société Boralex d’avoir demandé un temps l’exécution en nature n’a pu avoir pour effet ni d’obliger la société Boralex à la maintenir tout au long de l’instance, ni à justifier de son abandon. La société Boralex n’avait pas, en particulier, à justifier son abandon au regard des circonstances invoqués dans les moyens initialement soutenus à l’appui de la demande d’exécution en nature. C’est pourquoi il ne peut être tiré aucune conséquence du fait que, pour les besoins de l’exécution en nature, elle a fait valoir que cette exécution était possible avant de considérer que, finalement, elle ne l’était pas ou plus. La société InnoVent et M. [A] ne sont pas fondés à se prévaloir d’avoir été induits en erreur sur les intentions de la société Boralex au moyen que celle-ci a renoncé en cours d’instance à l’exécution forcée du contrat.

Par conséquent, les demandes ne sont pas irrecevables pour violation du principe selon lequel nul ne peut se contredire aux dépens d’autrui.

La contradiction alléguée est en l’espèce d’autant moins caractérisée, et les appelants sont d’autant moins fondés à de plaindre d’avoir été induit en erreur sur les intentions de l’adversaire, que l’attitude de la société InnoVent pendant la première instance a causé la renonciation de la société Boralex à l’exécution en nature de la cession des titres, ainsi qu’il va être démontré ci-après.

– Sur le moyen pris de l’impossibilité pour la société Boralex d’obtenir une indemnité pour manque à gagner sur l’exploitation des projets éoliens après sa renonciation à l’exécution en nature de la cession des titres permettant leur exploitation

La cour rappelle tout d’abord que les dispositions liant la société InnoVent à l’égard de la société Boralex, s’agissant de la cession des titres des sociétés ad hoc constituées par la première en vue de détenir les actifs d’un projet éolien se lisent ainsi :

2.2 Cession des Titres […]

Les Développeurs s’engagent irrévocablement à offrir à Boralex d’acquérir (i) leurs projets de fermes éoliennes développés ou en Phase de développement au cours de la durée du présent contrat, dans les conditions ci-dessous […]

Dans un délai de 45 Jours Ouvrés à compter de l’obtention de la dernière autorisation, purgée de tout recours, nécessaire à la construction et à l’exploitation d’un Projet, Innovent s’engage à notifier Boralex de la mise en vente des Titres de la Société Ad Hoc concernée (ci-après ‘Notification d’un Projet’) en indiquant le montant des Capex et de P50 conformément aux articles 3.1 et 3.2 ci-dessous […]

De convention expresse, les Parties acceptent que Boralex puisse acquérir un Projet encore en Phase de Développement et/ou qui n’aurait pas encore obtenu une ou plusieurs autorisations purgées de tout recours, nécessaire à la construction ou à l’exploitation du Projet. Dans cette hypothèse, Boralex pourra notifier son intention à tout moment à InnoVent en indiquant le Projet concerné et, le cas échéant, InnoVent disposera de 15 Jours Ouvrés à compter de la notification pour constituer une Société Ad Hoc en vue de détenir les actifs dudit Projet. Les Parties s’engagent, dans un délai de 90 Jours Ouvrés à compter de la notification d’acquisition dudit Projet, à conclure, pour le Montant Minimum augmenté d’une prime calculée conformément à l’article 3.1 ci-dessous, un Contrat d’Acquisition d’Actions, conformément au modèle visé à l’Annexe 3 […]

Alors que la société Boralex considère que cette clause constitue une option prioritaire d’achat irrévocable, notamment des titres des sociétés détenant les actifs des projets de [Localité 3] et de [Localité 5], M. [A] et la société InnoVent soutiennent que la société Boralex était titulaire d’une option d’achat mais que son titulaire ne peut obtenir des dommages-intérêts pour manque à gagner sur les exploitations non acquises plutôt que l’exécution en nature que s’il démontre que cette exécution était impossible et pas seulement rendue difficile en raison de l’exercice par le promettant (la société InnoVent et M. [A] désignés ensemble comme étant les développeurs) de toutes les voies de droit permettant de s’y opposer. Les appelants soutiennent encore que le prétendu manquement de la société InnoVent à l’obligation d’information sur les projets éoliens en cause n’a pas pu empêcher la société Boralex de décider de les acheter.

Il doit être rappelé tout d’abord que si, par principe, le créancier d’une obligation contractuelle a le droit d’opter entre exécution en nature et dommages-intérêts pour inexécution, ce droit d’option ne saurait être transformé en une obligation toute aussi générale du créancier, de recourir à l’exécution forcée quand elle est possible. L’option serait vidée de sa substance. Cependant, en présence d’une offre irrévocable, l’option ayant été levée par le bénéficiaire et dans la mesure où le contrat promis se trouve formé, le choix du bénéficiaire d’y renoncer le prive par principe de la possibilité d’obtenir l’indemnisation du manque à gagner sur le contrat. Néanmoins, lorsque la renonciation de celui qui a levé l’option est justifiée, non seulement par une impossibilité, mais par le manquement ou la faute de l’offrant, le bénéficiaire de la promesse peut obtenir les dommages-intérêts qui en découlent, sans exclure le manque à gagner sur la réalisation du contrat non exécuté.

En l’espèce, la décomposition du moyen complexe soutenu par la société InnoVent et M. [A] révèle qu’il repose sur l’affirmation que dès lors que la vente a été formée par la levée de l’option d’achat, celui qui a levé l’option pour acquérir n’a plus la possibilité d’obtenir des dommages-intérêts pour manque à gagner sur l’exploitation de ce qu’il n’a finalement pas acquis de son seul choix.

Ce moyen est pris en réalité du lien de causalité entre l’inexécution de l’obligation du promettant, d’une part, et le manque à gagner sur l’exploitation des projets éoliens dont la cession des titres des sociétés qui les détiennent a été refusée au bénéficiaire, d’autre part. Selon cette approche, en effet, seule l’impossibilité, exclusive de toute option du bénéficiaire, serait de nature à caractériser le lien de causalité entre l’inexécution des obligations du promettant et le dommage subi pris du manque à gagner sur l’exploitation escomptée des projets perdus.

La cour observe sur ce point que les parties s’en remettent l’une et l’autre à la portée doctrinale de la jurisprudence de la cour de cassation, analysée notamment, pour les appelants et de première part, par un éminent praticien, Mme [M], ancienne doyenne de chambre de la Cour de cassation et par le professeur [U] et, pour l’intimé et de seconde part, par le professeur [I].

Ce type d’analyse s’impose en effet d’autant plus que, s’il est constant que le contrat litigieux est régi par le droit commun des obligations contractuelles découlant du code civil dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016, l’édifice jurisprudentiel traditionnel a été remanié sur des points touchant au présent litige par plusieurs chambres de la Cour de cassation, dans des espèces relevant du droit antérieur à la réforme, dans le sens d’adapter les solutions jusqu’alors appliquées dans un sens compatible avec les règles nouvelles.

En effet, si même la société InnoVent et M. [A] considèrent, dans les conclusions présentes, que leurs tentatives de rupture du contrat, telles qu’ exprimées par exemple dans la lettre de révocation de la promesse déjà indiquée, ont toutes été inefficaces, cela est à rapprocher des revirements de la Cour de cassation, qui est revenue sur la position longtemps maintenue selon laquelle, en l’absence de stipulation contraire ‘ ce qui est le cas d’espèce -, la rétractation du promettant, effectuée avant que le bénéficiaire ait levé son option, empêchait toute rencontre de volontés sur les consentements réciproques de vendre et d’acquérir indispensables à la formation d’une vente, empêchant que la réalisation forcée de la vente soit ordonnée.

En effet, alors que l’article 1124 alinéa 2 du code civil modifié par l’ordonnance déjà mentionnée a pris le parti contraire à cette jurisprudence traditionnelle, puisqu’il dispose de manière générale que la révocation de la promesse pendant le temps laissé au bénéficiaire pour opter n’empêche pas la formation du contrat promis, la chambre sociale de la Cour de cassation, en matière de promesse unilatérale de contrat de travail, à compter de deux arrêts de 2017 (Cass.soc., 21 septembre 2017, n°16-20.103 et n°16-20.104), a modifié son interprétation du droit antérieur, dans le sens d’appliquer désormais une solution compatible avec le nouveau texte.

La troisième chambre civile de la Cour de cassation a fait de même concernant les promesses unilatérales de vente, en énonçant dans un arrêt du 23 juin 2021 concernant une espèce régie par le droit antérieur à la réforme (3e Civ., 23 juin 2021, pourvoi n° 20-17.554 ), aux termes d’une motivation développée ou enrichie qu’il est utile de reproduire :

«’7. En application des articles 1101 et 1134 du code civil, dans leur rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance du 10 février 2016, et 1583 du même code, la Cour de cassation jugeait jusqu’à présent, que, tant que les bénéficiaires n’avaient pas déclaré acquérir, l’obligation du promettant ne

constituait qu’une obligation de faire.

8. Il en résultait que la levée de l’option, postérieure à la rétractation du promettant, excluait toute rencontre des volontés réciproques de vendre et d’acquérir, de sorte que la réalisation forcée de la vente ne pouvait être ordonnée (3e Civ., 15 décembre 1993, pourvoi n 91-10.199, Bull. 1993, III, n° 174), la violation, par le promettant, de son obligation de faire ne pouvant ouvrir droit qu’à des dommages-intérêts (3e Civ., 28 octobre 2003, pourvoi n° 02-14.459).

9. Cependant, à la différence de la simple offre de vente, la promesse unilatérale de vente est un avant-contrat qui contient, outre le consentement du vendeur, les éléments essentiels du contrat définitif qui serviront à l’exercice de la faculté d’option du bénéficiaire et à la date duquel s’apprécient les conditions de validité de la vente, notamment s’agissant de la capacité du promettant à contracter et du pouvoir de disposer de son bien.

10. Par ailleurs, en application de l’article 1142 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance du 10 février 2016, la jurisprudence retient la faculté pour toute partie contractante, quelle que soit la nature de son obligation, de poursuivre l’exécution forcée de la convention lorsque celle-ci est possible (1ère Civ., 16 janvier 2007, pourvoi n 06-13.983, Bull. 2007, I, n ° 19 ).

11. Il convient dès lors d’apprécier différemment la portée juridique de l’engagement du promettant signataire d’une promesse unilatérale de vente et de retenir qu’il s’oblige définitivement à vendre dès la conclusion de l’avant-contrat, sans possibilité de rétractation, sauf stipulation contraire.’»

Dernièrement, la chambre commerciale de la Cour de cassation vient d’aligner sa jurisprudence sur celle de la troisième chambre civile, aux termes d’un arrêt du 15 mars 2023 (Com.,15 mars 2023, pourvoi n° 21-20.399) concernant une promesse unilatérale de vente d’actions, aux termes d’une motivation non moins utile à reproduire :

«’Vu l’article 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de

l’ordonnance du 10 février 2016 :

5. Selon ce texte, les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites.

6. La Cour de cassation jugeait depuis de nombreuses années que la levée de l’option par le bénéficiaire d’une promesse unilatérale de vente postérieurement à la rétractation du promettant excluait toute rencontre des volontés réciproques de vendre et d’acquérir, de sorte que la réalisation forcée de la vente ne pouvait être ordonnée (3 e Civ., 15 décembre 2009, pourvoi n° 08-22.008 ; 3 e Civ., 11 mai 2011, pourvoi n° 10-12.875, Bull. 2011, III, n 77 ; Com., 13 septembre 2011, pourvoi n 10-19.526 ;

Com., 14 janvier 2014, pourvoi n ° 12-29.071).

7. Cependant, à la différence de la simple offre de vente, la promesse

unilatérale de vente est un contrat, préalable au contrat définitif, qui contient, outre le consentement du vendeur, les éléments essentiels du contrat définitif qui serviront à l’exercice de la faculté d’option du bénéficiaire et à la date duquel s’apprécient les conditions de validité de la vente, notamment s’agissant de la capacité du promettant à contracter et du pouvoir de disposer de son bien.

8. Par ailleurs, le législateur est intervenu, par l’ordonnance du 10 février 2016, non amendée sur ce point par la loi de ratification du 20 avril 2018, pour modifier la sanction de la rétractation illicite du promettant, en prévoyant à l’article 1124, alinéa 2, du code civil que la révocation de la promesse pendant le temps laissé au bénéficiaire pour opter n’empêche pas la formation du contrat promis. Si, conformément à son article 9, les dispositions de l’ordonnance du 10 février 2016 ne sont applicables qu’aux contrats souscrits postérieurement à son entrée en vigueur, il apparaît nécessaire, compte tenu de l’évolution du droit des obligations, de modifier la jurisprudence de la Cour pour juger, désormais, à l’instar de la troisième chambre civile (3 e Civ., 23  juin 2021, pourvoi n° 20-17.554, en cours de publication ; 3 e Civ., 20 octobre 2021, pourvoi n° 20-18.514, en cours de publication), que le promettant signataire d’une promesse unilatérale de vente s’oblige définitivement à vendre dès cette

promesse et ne peut pas se rétracter, même avant l’ouverture du délai d’option offert au bénéficiaire, sauf stipulation contraire.’»

Ces considérations juridiques, qui rendent compte d’une modification du droit positif amorcée peu avant la lettre de révocation du 13 novembre 2017 déjà mentionnée et qui était manifestement de nature à priver de fondement les tentatives de M. [A] et de la société InnoVent pour se délier unilatéralement de la promesse, sont à rapprocher des circonstances suivantes.

Ainsi qu’il a déjà été dit, non seulement les appelants estiment à juste titre que «’les tentatives de révocation, rupture ou résiliation du contrat de développement de la part de la société InnoVent n’ont produit aucun effet car le contrat n’a été ni révoqué ni rompu ni résilié et qu’une tentative de révocation, rupture ou résiliation inefficace n’a par définition pas pu empêcher l’exécution du contrat et qu’il s’agissait tout au plus avec ces tentatives que de «’coups d’épée dans l’eau, peut-être fautives, mais nullement dommageables […]’», mais encore les appelants soutiennent-ils que l’option d’achat a été levée, en particulier par l’exploit introductif d’instance qui a exigé l’exécution forcée de la cession.

Cependant, l’ensemble des manquements contractuels reproché par la société Boralex aux appelants consiste à :

. avoir cessé d’exécuter leurs obligations contractuelles à compter de 2015 ;

. avoir tenté abusivement de rompre le contrat à compter de 2017, ce qui caractérise l’inexécution du contrat à durée indéterminé qui doit s’exécuter jusqu’à son terme ;

. avoir de manière prescrite invoqué la nullité de la vente pour indétermination du prix, moyen désormais abandonné, tout en soulignant que le refus de cession opposé par les appelants n’a jamais été motivé par la formule de prix, puisque ce moyen n’est apparu que dans leurs conclusions du 11 septembre 2020 devant le tribunal de commerce, toute communication des appelants à son égard ayant été rompue avant la première notification de révocation du contrat, les appelants s’étant en particulier abstenus de lui notifier la mise en vente des titres avec leur prix’;

. avoir violé son obligation d’information et de coopération prévue à l’article 2.1 du contrat obligeant les appelants à lui fournir toutes informations nécessaires en vue de la réalisation du contrat ;

. avoir violé son obligation de recueillir son accord sur les conditions financières des projets, à l’exclusion des engagements inférieurs à 50’000 euros et à lui transmettre toute information dont il aurait besoin pour procéder à la signature d’éventuels contrats, telle que prévue à l’article 4.2 du contrat ;

. avoir violé son obligation issue de l’article 4.1.14 du contrat cadre de développement et du projet de contrat de cession d’action annexé à celui-ci dressant, au cas d’acquisition de titres, une liste de contrats considérés comme «’matériels’» et concernant la fourniture de turbines, l’achat d’énergie, l’interconnexion, le développement, la vente, l’achat ou le marketing de projets éoliens, tout contrat contraignant à l’égard de tout fournisseur ou toute tierce personne pour tout produit ou service nécessaire à l’activité ;

. avoir violé l’obligation de l’article 3.1 du contrat prévoyant que les turbines seraient sélectionnées d’un commun accord par les parties ;

. avoir violé l’obligation d’instaurer entre les parties un comité de suivi du développement des sites afin de superviser le développement des projets, les représentant des parties étant destinataires de toute information requise ou permise par le contrat ;

. avoir cessé brutalement toute communication au printemps 2015, ce qui est reconnu par d’ailleurs reconnu par les appelants dans leurs conclusions ;

. avoir maintenu cette attitude en dépit de multiples relances, ainsi les 5 juin 2015, 10 juin 2015, 7 juillet 2015, 31 juillet 2015, 25 août 2015 ;

. avoir conclu un nombre important de conventions sans recueillir son accord préalable qui était obligatoire, comme en atteste la convention de raccordement pour le site de [Localité 3] conclu entre ERDF et la société Les Joyeux Développeurs représentée par M. [A] ;

. avoir conservé une attitude mutique et ne pas avoir répondu à ses interpellations formulées par courriels des 19 juin 2015 et 28 août 2015, puis par lettre du 24 janvier 2017, malgré l’ordonnance du juge des référés du tribunal de commerce de Lille du 14 septembre 2017, ce à quoi il a été déloyalement répondu avec peu de sérieux par un tableau très insuffisant par courrier officiel du 16 octobre 2017 ;

. s’être ainsi abstenu de transmettre les informations «’nécessaires en vue de la réalisation du [..] contrat au sens de l’article 2.1, en particulier les informations relatives à l’état d’avancement des sites objets du contrat et aux conventions conclues dans le cadre du développement, de la construction et de l’exploitation des sites ;

. avoir par exemple conclu le 9 novembre 2015 en violation de ces obligations un contrat d’accès au réseau public de distribution d’électricité avec ERDF pour le site de [Localité 3] ;

. avoir par exemple conclu avec Siemens le 31 juillet 2017, sans l’informer, un contrat de fourniture de 11 turbines pour le site d'[Localité 5] ainsi qu’un autre contrat pour la maintenance des turbines ;

. avoir conclu des engagements supérieurs à 50’000 euros au mépris de l’article 4.2 di contrat, tel le contrat de crédit de FE de la Providence pour le financement de la réalisation du site de Bruire-le Sec ;

. avoir retenu toutes les informations sur les recours administratifs pesant sur les projets, contrairement aux prévisions découlant de l’article 2.2 du contrat déjà mentionné, dissimulant jusqu’à leurs conclusions du 12 octobre 2020 le fait que les recours concernant le site de [Localité 3] étaient purgés depuis le septembre 2018, le tribunal administratif de d’Amiens ayant confirmé l’absence de tout recours concernant le site d'[Localité 5] ;

. avoir délibérément violé l’obligation irrévocable de lui offrir d’acquérir les projets de ferme éolienne développés ou en cours de développement, prévue à l’article 2.2 du contrat, manquement d’autant plus grave qu’elle avait à plusieurs reprises très explicitement confirmé son intention de lever les options d’achats, aux termes d’un courriel du 19 juin 2015 («’Par ailleurs, nous n’avons aucun retour de votre part sur l’avancement des projets pour lesquels nous disposons d’options d’achat que nous entendons réaliser comme je te l’ai confirmé le 1 er juin’»)et d’échange de courriels entre le 26 juillet 2012 et le 28 août 2015 («’ Comme indiqué à de nombreuses reprises, y compris lors de notre rencontre [le] 1er juin, je souhaite exercer ces options selon les modalités de notre contrat. Selon le même contrat, vous nous devez les informations concernant ces projets. J’ai la désagréable sensation que vous ne nous informez pas.’»)

Or, il est indéniable que ces manquements allégués sont tous antérieurs à l’assignation par laquelle la société Boralex a demandé l’exécution en nature de la cession de titres, ce à quoi elle avait droit sauf cas d’impossibilité, en vertu de l’article 1142 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance du 10 février 2016 (tel que rappelé dans l’arrêt déjà cité de la troisième chambre civile de la Cour de cassation).

Cependant, pour se justifier de l’impossibilité de l’exécution forcée du contrat qui lui est apparue après la saisine de la juridiction ayant rendu le jugement entrepris, la société Boralex soutient au paragraphe 204 de ses conclusions, qui renvoie à deux notes de bas de page également reproduites, que :

«’Outre qu’elle n’avait nullement à justifier son choix d’une demande de réparation par équivalent, dans le cadre de la première instance, Boralex avait précisé au Tribunal de commerce qu’il s’était imposé à la suite des multiples inexécutions et comportements quérulents et vindicatifs des appelants dont il résultait qu’une opération complexe telle que le transfert forcé d’un parc éolien aurait été en pratique rendu impossible par InnoVent [307] qui a systématiquement refusé de communiquer à Boralex une information transparente et sincère sur les parcs en question [308].

[* note de bas de page 307] Pièce n°53 : Conclusions de Boralex en date du 30 novembre 2020, pp. 81-84

« Boralex sollicitait initialement à titre principal, l’exécution en nature de ses obligations par InnoVent, après lui avoir notifié son intention d’acquérir les sites de [Localité 3] et [Localité 5].

Néanmoins, le flou et la rétention d’informations opérée par InnoVent sur ces projets et leur état, matérialisés par son refus de communiquer un certain nombre d’informations pourtant nécessaires dans le cadre de leur acquisition par Boralex, tout comme son comportement absolument abusif dans le cadre des saisies sans titre opérées sur les comptes de Boralex, et son refus pur et simple de considérer le Contrat comme valable et en vigueur, la conduisent à solliciter désormais à titre principal comme subsidiaire l’indemnisation du gain manqué et de la perte subie a raison de l’inexécution par InnoVent de ses obligations.

En effet, le cadre de ce contentieux, Boralex n’a eu de cesse de solliciter des Défendeurs la communication d’un certain nombre d’informations qui n’ont jamais été communiquées :

– En date du 13 mai 2020, la société Boralex a adressé une correspondance officielle à la société InnoVent aux termes de laquelle elle contestait les éléments pris en compte pour le calcul des Capex des sites de [Localité 3] et [Localité 5] et demandait la communication d’informations complémentaires (Pièce n°50) ;

– Le 24 juin 2020, en l’absence de réponse de la part d’InnoVent, la société Boralex a dû lui adresser un nouveau courrier officiel sollicitant la communication de ces mêmes éléments (Pièce n°51) ;

– Le 7 juillet 2020, le conseil d’InnoVent répondait par un email officiel et un envoi parcellaire de documents, illustrant le souhait d’éviter que la société Boralex ne dispose des éléments nécessaires au calcul du Capex et de jeter un doute sur la situation des sites (Pièce n°52) ;

– Le 7 août 2020, la société Boralex a adressé une sommation de communiquer dans laquelle elle demande à InnoVent la communication de pièces relatives à détermination du P50 ainsi que les informations relatives les sites comme prévu par le Contrat (Pièces n°53 et n°54).

En l’état, le comportement des Défendeurs fait naître les plus grands doutes quant à leur honnêteté contractuelle, entrainant une perte de confiance irrémédiable de la société Boralex à leur égard.

Plus encore, dans le cadre de la procédure d’arbitrage CCI, Monsieur [A] a admis qu’il n’exécutait pas le Contrat de Développement parce qu’il agissait en rétorsion du litige existant sur le Contrat de Rachat d’actions sur le montant du Complément de prix, ce qui démontre clairement sa volonté de ne pas céder les titres à la société Boralex (Pièce n°59).

L’acquisition des parts a donc été rendue impossible en raison même du comportement procédural de la société InnoVent. Le risque avéré d’obstruction de la société InnoVent à la cession des parcs justifie le souhait d’indemnisation de la société Boralex.

Par ailleurs, Boralex a appris que la société InnoVent était en litige avec d’autres de ses partenaires, ce qui laisse supposer qu’elle est coutumière de l’inexécution de ses engagements contractuels :

– InnoVent est notamment partie à un autre litige né de circonstances similaires, qui l’oppose à la société Ventis SARL, aujourd’hui pendant devant la Cour d’appel de Douai (Pièce n°75) ;

– Par ailleurs, Boralex a appris que Monsieur [K], qui a contribué au développement du site de [Localité 3], réclame à l’encontre d’InnoVent un montant de 1.300.000 € dans le cadre d’un litige pendant devant le Tribunal de commerce de Lille.

Monsieur [K] se plaint de ce que les Défendeurs n’ont pas respecté leurs engagements au titre d’un accord de coopération aux termes

duquel ils devaient lui attribuer des parts de la société qui détenait les actifs de [Localité 3]. Ici encore, Monsieur [R] [A] non seulement a manqué à ses obligations au titre de cette convention, mais encore n’a pas hésité à exiger de monsieur [K] que celui-ci cède sa participation à ses propres enfants.

Exactement comme elle le fait à l’endroit de Boralex, la société InnoVent a, pour échapper à l’exécution de ses obligations, excipé de nombreux manquements de Monsieur [K]. Or, la Cour d’appel de Douai a jugé en décembre 2019 qu’aucune faute contractuelle ne pouvait être retenue de Monsieur [K] (Pièce n°76).

En outre, le manque de confiance de la société Boralex à l’égard de société InnoVent repose sur le fait que la société InnoVent, en parallèle de cette procédure au fond :

– A refusé toute exécution des condamnations prononcées par l’ordonnance de référé rendue par Monsieur le Président du Tribunal de commerce de Lille Métropole en date du 14 septembre 2017 (Pièce n°17) ; et

– A fait procéder à des saisies-attribution sans titres sur les comptes détenus par la société Boralex (Pièces n°45 à n°48).

– S’est toujours refusée à produire les rapports de productibles établis par [Z] [O] qu’elle avait pourtant entre les

mains (Pièces n°35 et n°72) »

[* note de bas de page] 308 Pièces n°7 : Echanges d’email en date du 26 juillet 2012 au 28 août 2015 ; n°20 : Courrier officiel en date du 16 octobre 2017 de la société InnoVent et Monsieur [A] à la société Boralex et ses pièces jointes ; n°21 : Procès-verbal de constat d’AJILEX, Huissiers de Justice, en date du 4 octobre 2017 ; n°22 : Article du 26 septembre 2017 intitulé « Les douze éoliennes de [Localité 3] prêtes à tourner » du journal La Voix du Nord ; n°24 : Courrier officiel en date du 24 juin 2020 de la société Boralex à la société InnoVent et Monsieur [A] ; n°25 : Email officiel en date du 7 juillet 2020 du conseil de la société InnoVent à la société Boralex ; n°29 : Rapport d’évaluation P50 d'[Localité 5] par DNV en date du 28 août 2020.’»

A ce stade et pour l’analyse du lien de causalité entre le préjudice de manque à gagner invoqué par la société Boralex et les manquements des appelants allégués par celle-ci, il apparaît à la cour que l’attitude procédurale établie de la société InnoVent, après que la société Boralex a sollicité l’exécution forcée des cessions de titres, a manifestement excédé les limites acceptables qui auraient pu permettre aux appelants d’obtenir que le manque à gagner sur l’exploitation des projets éoliens soit détaché des conséquences dommageables découlant des manquements et fautes de la société InnoVent. Cette attitude en cours de procès a causé la renonciation de la société Boralex à l’exécution en nature du contrat.

En effet, l’attitude de la société InnoVent et de M. [A] après la saisine de la juridiction ayant rendu le jugement entrepris a été délibérément outrancière, et a légitimé la perte de la confiance nécessaire pour poursuivre la cession forcée des titres, même dans le cadre de l’action judiciaire introduite à cette fin, et nonobstant les dispositions du contrat qui, en son article 11.6, dispose que «’sans préjudice de tout autre droit ou action disponible, une partie pourra requérir toute mesure d’exécution et injonction qu’elle estimera appropriée.

Il sera rappelé à cet égard que par jugement du 24 novembre 2020, le juge de l’exécution de Saint-Omer a condamné la société InnoVent à payer à la société Boralex 5’000 de dommages-intérêts pour saisies-attribution inutile et abusive de deux comptes bancaires, pratiquée le 8 juillet 2020 sur le fondement d’une sentence arbitrale rendue dans un litige relatif à l’exécution du contrat de rachat d’action, conclu pour la même coopération entre entreprises que le présent contrat cadre de développement.

En outre, par jugement du 18 mai 2021, le juge de l’exécution du tribunal judiciaire de Saint-Omer a ordonné la mainlevée de saisies conservatoires de comptes bancaires de la société Boralex pratiquées par la société InnoVent le 22 octobre 2020 et a condamné cette dernière société à payer 20’000 de dommages-intérêts pour mesure inutile ou abusive.

Or, la cour observe que les appelants reprochent à la société Boralex d’avoir demandé l’indemnisation du manque à gagner de la manière dont il l’ont fait à partir du 30 novembre 2020, soit peu après plusieurs mesures de sûretés sur des comptes bancaires pour lesquelles le juge de l’exécution a jugé que la société Boralex était bien fondée de les tenir pour abusives.

Aucune saisie inutile et abusive ne peut s’analyser comme une voie de droit permise pour s’opposer à l’exécution d’un contrat. En particulier la multiplication de saisies inutiles et abusives ne peut se rattacher légitimement à aucun différend contractuel de bonne foi dans le cadre de l’exécution des conventions des parties dont fait partie le contrat cadre de développement litigieux. En particulier, la dernière des saisies inutiles et abusives déjà mentionnées a constitué, de plus fort à la lumière de la précédente, un comportement incompatible avec l’exécution de bonne foi du contrat cadre de développement, sans qu’il puisse être valablement soutenu que ces abus de saisie soient étranger à l’exécution du contrat litigieux.

En effet, si les saisies abusives se sont produites à l’occasion de l’exécution de la sentence arbitrale rendue entre les parties en vertu de la clause compromissoire figurant dans le contrat d’acquisition d’actions, ledit contrat présente un lien contractuel démontré avec le contrat cadre de développement, puisque les clauses du contrat d’acquisitions d’actions, qui constituent l’annexe 3 du contrat cadre de développement et qui comprennent la clause compromissoire, ont été négociées par M. [A] et InnoVent comme un élément du contrat cadre de développement auquel elles ont été annexées.

Il s’en déduit que les abus de saisie commis à l’occasion de l’exécution de la sentence arbitrale sont autant de graves contraventions à l’obligation d’exécuter de bonne foi le contrat cadre de développement et que, par conséquent, la responsabilité contractuelle de la société InnoVent doit être retenue à raison de ces contraventions, sans qu’il puisse être valablement soutenu, en l’espèce, que les délits civils retenus et constitués des abus de saisie ne pourraient pas être pris en compte pour l’appréciation de la bonne foi de la société InnoVent et de M. [A], son président, qui constituent ensemble et chacun personnellement les «’développeurs’» avec lesquels la société Boralex a conclu le contrat de partenariat litigieux.

Les autres litiges, notamment pour dénigrement, pour lesquels la société InnoVent a été sanctionnée de multiples fois par le juge des référés, démontre le parti pris de démesure incompatible avec la vie des affaires – en particulier avec l’obligation de coopération avec la société Boralex – qu’a conclue la société InnoVent dans le contrat cadre de développement.

A cet égard, il convient de rappeler les termes de l’article 2.1 de ce contrat par lequel la société InnoVent s’est engagée à coopérer avec la société Boralex et à faire, de façon générale, toutes diligences pour lui permettre de réaliser le contrat.

Il résulte de ces circonstances que l’attitude des appelants en cours de première instance conduit à écarter le moyen pris de l’impossibilité pour la société Boralex, prétendue par la société InnoVent et M. [A], de renoncer à l’exécution en nature d’une option d’achat au profit d’une indemnité pour manque à gagner.

– Sur le prix de cession des titres

L’article 3.1 du contrat cadre de développement définit ainsi le prix de cession fixé par les parties :

«’ En contrepartie de l’achat des Titres d’une Société ad hoc, Boralex s’engage à verser à InnoVent un montant minimum de deux cent cinquante mille (250.000) euros par MW (le « Montant Minimum »).

Les parties conviennent que Boralex versera, en complément du Montant Minimum,

une prime pour chaque société ad hoc égale à :

(660€ / MWh – Ratio Effectif du Projet) x P50

————————————

Puissance en MW du Projet x 2

‘P50″ désigne, en MWh, le niveau prévisible de production d’énergie de la ferme éolienne concernée, avec autant de probabilités que le niveau effectif se situe au-dessus ou en dessous de ce niveau prévisible, le P50 étant déterminé par le bureau d’étude indépendant […]

‘MW’ désigne en Megawatt la puissance totale développée par le Projet concerné.

‘Ratio Effectif’ désigne le Ratio moyen effectif (Capex/P50) du Projet Concerné.

‘Capex’ désigne, en euros, les coûts de développements et de fourniture des équipements nécessaires à la mise en fonctionnement d’une ferme éolienne […]

Le contrat cadre de développement contient en outre en annexe 3 le modèle dit «’contrat de cession d’actions’» auquel les parties avaient décidé de se conformer en cas de levée d’option suivie de cession des titres de toute société ad hoc. Ce contrat de cession d’actions fait référence expresse à la clause de prix définie par le contrat cadre de développement.

La cour observe à titre liminaire qu’il est constant que la clause de prix prévue à l’article 3.1 du contrat prévoit en guis de prix un montant minimum auquel s’ajoute une prime pour chaque société ad hoc.

A l’appui de sa demande indemnitaire, la société Boralex demande l’application de cette clause de prix dont elle considère à titre principal qu’elle est claire et qu’elle donne un résultat en euros.

La société InnoVent et M. [A] considèrent également que la clause est claire mais qu’elle aboutit à un résultat en euros par mégawatt, et non en euros, dès lors que le numérateur de la formule, après remplacement du «’Ratio Effectif du Projet’» par son équivalent soit Capex/P50, est nécessairement en euros tandis que le dénominateur est en mégawatts.

La société Boralex explique que :

461. Le Ratio effectif du Projet étant égal à CAPEX/P50, la prime revient à :

660 x P50 – CAPEX

—————————

Puissance en MW du Projet x 2

La cour observe que cette dernière expression émanant de la société Boralex est une application exacte de l’accord exempt d’ambiguïté des parties, après remplacement du Ratio Effectif du Projet par son équivalent contractuel, dès lors qu’il ne peut être considéré que le premier terme du numérateur de la formule figurant dans le contrat après la parenthèse, à savoir «’660€/Mwh)’», soit autre chose qu’une grandeur exprimée dans l’unité «’€/Mwh’», à savoir «’euros par mégawattheure’», ce qui est homogène avec le second terme entre les parenthèses, le Ratio effectif moyen, qui est également une grandeur exprimée en euros par mégawattheure.

C’est également ce à quoi arrivent les appelants dans leurs conclusions, puisqu’ils indiquent :

La formule litigieuse est donc égale :

(660€/MWh – Capex € / P50 MWh) x P50 Mwh

—————————————

Puissance en MW du Projet x 2

Au numérateur avant le signe ‘-‘, on a donc 660€/MWh x P50 MWh = 660 € x P50.

Le calcul est analogue à 660 €/litre x P50 litres, qui équivaut à 660 € x P50 (ex. 2 €/litre x 50 litres = 100 €).

Au numérateur après le signe ‘-‘, on a Capex € / P50 MWh x P50 MWh = Capex €.

La formule litigieuse est donc égale :

(660 € x valeur du P50 – Capex €)

———————————–

Puissance en MW du Projet x 2

Au numérateur, on soustrait des € à des €, de sorte que le résultat de la soustraction est un nombre en € (on ne peut pas soustraire des pommes à des carottes, comme enseigné en primaire).

La formule litigieuse est donc égale :

(660 x valuer du P50 – Capex) €

————————————

2 x [Puissance du Projet] MW

Cependant là où les appelants en déduisent que :

Le numérateur est en €, le dénominateur en MW, le formule aboutit donc à un ratio en €/MW.

Quelles que soit les valeurs du P50 (en MWh), des Capex (en €) ou de la Puissance du Projet (en MW), la formule aboutira toujours à un résultat en €/MW.

la société Boralex affirme que la société InnoVent savait pertinemment que :

470. L’application de la clause de prix aboutissait à un prix de cession de l’ordre de 260.000 euros/MW pour les projets de [Localité 3] et [Localité 5], là ou les Appelants allèguent désormais par leur lecture bien singulière de la clause de prix en moyenne 616.655,97 € par MW636.

et soutient que la société InnoVent et M. [A], pour se soustraire à ses obligations de cession, a indiqué, au contraire dans ses conclusions :

‘InnoVent fait valoir :

(i) pour chaque parc, le prix est le résultat de l’addition : 250 000 € par MW multiplié par le nombre de mégawatts des parcs + la formule de complément de prix prévue à l’article 3.1 du contrat de développement (les parties s’accordent sur ce point)

(ii) à [Localité 3], la première partie du prix (hors complément) s’élève donc à 250 000 € par mégawatt, soit 250 000 x 38,4 = 9 600 000 € (les parties s’accordent ici)

(iii) et à [Localité 5], la première partie du prix (hors complément) s’élève donc à 250 000 € par mégawatt, soit 250 000 x 35,2 = 8 800 000 € (les parties s’accordent ici)

(iv) la formule de complément de prix prévue par l’article 3.1 du contrat de développement est absurde et erronée car elle aboutit à un ratio en euros par mégawatt plutôt qu’à une quantité d’eruors (or un prix est une quantité de monnaie)

(v) à supposer que la formule de prix soit valide, la seule façon de parvenir à une quantité d’euros à partir d’un ratio en euros par mégawatts est de le multiplier par la quantité de mégawatts de chaque parc (de la même manière qu’on détermine des honoraires en multipliant le taux en €/heure par le nombre d’heures travaillées)

(vi) le prix s’élève alors à 9 600 000 € + 354 257 €/MW x 38,4 MW = 23 203 469€ ([Localité 3]) et 8 800 000 € + 381 934 €/MW x 35,2 MW = 22 244 076 € ([Localité 5]), soit un prix total de 23 203 469 € + 22 244 076 € = 45 447 545 € (les deux parcs ensemble)’

La société Boralex fait valoir que la clause de prix stipulée dans le contrat cadre de développement constitue le dernier état de la volonté contractuelle des parties et prime tout document antérieur.

Sur ce, la cour considère que la formule mathématique définissant le complément de prix litigieux, qui constitue une clause dépourvue d’obscurité et d’ambiguïté, aboutit manifestement à un résultat en euros par mégawatt pour chacun des deux projets litigieux.

La société Boralex se prévaut d’une valorisation de la clause dont elle ne justifie pas qu’il s’agisse de l’application de la formule.

Elle s’est d’ailleurs bornée, dans son évaluation de préjudice, à transmettre au cabinet Finexsi des évaluations faites par ses soins, du prix qui aurait dû être acquitté selon elle en cas de cession, sans aucune justification de l’application de la formule, ce technicien n’ayant apporté aucun éclairage sur ce point, tenu pour relevant de l’appréciation de la juridiction.

La société Boralex considère, au rebours du sens manifeste de la formule, que le complément de prix garanti est en euros et non en euros par mégawatt.

Par conséquent, il ne peut être question pour la cour, au titre de l’application d’une clause dénuée d’obscurité, de statuer contre son sens manifeste, alors que la société Boralex, qui se prévaut elle-même de la clarté de la clause, n’établit pas que ce sens manifeste contrevient à la commune intention des parties.

Si la société Boralex insiste sur le fait que la prime constitutive du complément du minimum garanti est par projet et non par mégawatt, cet argument est sans portée car le prix par projet ou parc éolien a été manifestement stipulé par référence à la quantité de mégawatts de chacun des projets et se trouve donc être spéciale à chacun, puisque la quantité de mégawatts est propre à chacun d’eux..

Le sens manifeste de la clause n’est pas non plus remis en question par les autres stipulations du contrat, notamment l’article 3.1 qui rappelle le caractère éventuel de la prime, dès lors que sa valeur positive dépend des variables que sont le P50 et le Capex de chaque projet. Si la société Boralex affirme que les parties n’auraient pu avoir en tête un prix aussi «’faramineux’», cette appréciation ne prouve rien et nulle conséquence ne peut être davantage tirée du prétendu caractère tardif de la lecture de la clause par les appelants.

Si le tribunal de commerce a exactement relevé que la formule avait la clarté d’une formule mathématique dont chacun des paramètres est précisément défini par les parties, les premiers juges ont seulement omis de tirer les conséquences du fait que le résultat de la formule était en euros par mégawatts et non en euros et que, par conséquent, ils ne pouvaient valider la lecture de la clause de la société Boralex qui est contraire au sens manifeste de la clause.

Contrairement à ce qu’affirme la société Boralex, les éléments extrinsèques au contrat invoqués ne confirment pas la prétendue lecture qu’elle entend faire de la clause.

Sur ce point, les courriels échangés par les parties entre elles ou avec un apporteur de capitaux, notamment celui du 27 février 2014 adressé par la société InnoVent à Proparco, faisant état auprès de ce tiers d’un prix de 300’000 euros par mégawatt ne prouvent rien.

La transcription de la procédure d’arbitrage devant la CCI du 3 octobre 2019 est révélateur du conflit sur le prix de cession résultant en particulier du refus de la société Boralex de payer un prix sensiblement supérieur à 250’000 euros par mégawatt mais il ne démontre pas que la société InnoVent et M. [A] considéraient que ce niveau de prix correspondait au prix consensuel résultant de l’application de la clause. M. [A] exprime en particulier son désaccord sur le fait que la société Boralex n’entendait pas payer plus que le prix de 250’000 euros le mégawatt alors que le prix à l’époque de la réunion était plutôt de l’ordre de 800’000 euros le mégawatt.

Les hypothèses sur les raisons pour lesquelles la société InnoVent et M. [A] n’auraient pas d’emblée déclaré après l’assignation qu’ils entendaient leur vendre les titres pour plus de 45 millions d’euros au lieu de 20’millions d’euros selon la prétendue lecture de la clause par la société Boralex ne prouvent rien.

L’offre non engageante du 2 mars 2012 de la société Boralex ne prouve rien non plus.

La lettre d’intention du 30 avril 2012 ne prouve rien non plus contre les termes clairs et précis du contrat. Au demeurant à cet égard, la lettre d’intention, qui introduit la formule de calcul de la prime reprise dans le contrat litigieux confirme expressément le fait que le complément de prix envisagé serait égal par mégawatt au résultat d’une formule de calcul.

Les rapprochements opérés à fin d’interprétation par la société Boralex entre la lettre d’intention, son courriel d’accompagnement et le texte du contrat litigieux adopté après «’plusieurs changements entre la lettre d’intention et les contrats définitifs’» ne démontre rien non plus. La société Boralex affirme sans démontrer pour autant une commune intention des parties contraire au sens manifeste de la clause litigieuse que celles-ci sont finalement convenues d’une clause de prix différente de celle envisagée dans le lettre d’intention en ce que «’: elles n’ont pas déduit la somme fixe de 250’000 euros par MW dans les CAPEX et en contrepartie ont conçu la prime (qui devenait de fait considérablement plus élevée) comme devant être attribuée pour chaque projet et non par MW’».

Les arguments pris de la cohérence du prix proposé par la société Boralex au regard du marché sont sans portée pour déterminer en l’espèce le prix stipulé par les parties, dès lors qu’elles étaient libres de déterminer le prix ainsi qu’elles l’ont fait dans la clause litigieuse, d’une part, et que le contrat fait la loi des parties, d’autre part..

A titre subsidiaire, la société Boralex considère que la vente n’aurait pas été impossible même à considérer que l’article 3.1 nécessite une interprétation, de sorte qu’il était exclu de tenir le prix pour indéterminé. Elle fait valoir sur ce point l’article 11.7 du contrat qui précise que l’illégalité, la nullité ou l’inefficacité de tout article ou partie du présent contrat n’affectera pas la légalité, la validité ou l’efficacité des autres dispositions contractuelles et que si un article est déclaré illégal ou nul par un tribunal ou une autorité compétente, les parties s’engagent d’ores et déjà à négocier de bonne foi afin de remplacer les dispositions invalides par les dispositions légales et valides équivalentes conformes à l’intention des parties.

Sur ce point, dès lors que la prime litigieuse venant en complément du prix minimum est une formule mathématique dont le sens est tout objectif, clair et précis, il ne peut pas prêter à interprétation.

Il en résulte que l’interprétation selon la commune intention des parties n’a pas sa place dans le présent débat.

Dès lors que le prix minimum est stipulé en euros par mégawatt, que les parties sont d’accord sur le caractère déterminé ou déterminable, pour chacun des projets, du nombre de mégawatts, et dès lors que le complément du minimum garanti est exprimé par une formule dont le résultat est, nécessairement et en toute clarté, en euro par mégawatt, point n’est besoin d’une interprétation pour constater que le prix de cession dans chacune de ces deux composantes est stipulé en euros par mégawatt.

Il doit être répondu à la société Boralex que les parties ont su les unes comme les autres que le résultat du minimum garanti serait fonctions des variables donnant lieu à l’application de la formule et que rien ne démontre en l’espèce qu’elles se seraient entendues pour que le complément de prix soit limité comme elle le soutient.

La société Boralex, en stipulant le complément de prix minimum selon la formule en cause, en a accepté le résultat, les variables n’étant pas contestées.

En outre, l’obligation de renégocier afin de remplacer une disposition éventuellement invalide telle que prévue à l’article 11.7 du contrat ne peut s’appliquer faute de toute illégalité, nullité ou inefficacité encourue par les dispositions de l’article 3.1 de ce même contrat.

Il résulte de ce qui précède que le jugement entrepris sera réformé en ce qu’il a fait droit à la demande de la société Boralex sur le montant du complément du prix minimum garanti, qui ne correspond pas à l’application de la formule contractuelle alors que ce montant a été déterminant du montant du préjudice réparé par les premiers juges.

Il résulte également de ce qui précède que les allégations de la société InnoVent et de M. [A] concernant un prix indéterminé, indéterminable ou absurde exclusif de toute obligation de leur part de conclure un contrat de cession sont mal fondées.

– Sur les moyens de défense pris de la commission d’infractions pénales et du caractère de convention réglementée non autorisée

Dès lors que le prix de cession des titres a été envisagée conformément à la demande des appelants à un coût élevé exclusif selon eux de tout pacte de corruption ou d’abus de biens social, le moyen pris de le perte de substance de la société InnoVent constitutive d’une infraction pénale se trouve sans objet, ce moyen pris de l’illicéité du dommage de gain manqué dont la réparation est demandée, n’étant formé qu’à titre subsidiaire par les appelants.

Surabondamment, à supposer qu’un tel moyen soit recevable, il manque en fait au vu du niveau de prix de cession retenu par le présent arrêt.

S’agissant du moyen pris du fait que le contrat cadre de développement serait une convention réglementée non autorisée en l’espèce, le moyen manque également en fait, dans la mesure où le procès verbal d’assemblée générale du 27 juillet 2012 de la société InnoVent a statué sur les conventions réglementées présentées dans le rapport du commissaire aux comptes, pour les approuver, tandis que rien ne démontre que l’approbation n’aurait pas été votée par les actionnaires de la société InnoVent qui figuraient tous parmi les parties au contrat de rachat d’actions du 28 juin 2012, à savoir : la société Boralex, détentrice alors de 400 actions de la société InnoVent, mais encore M. [A] et la société VGF, holding de M. [A], qui en est le dirigeant, ensemble désignés par «’les actionnaires’» au contrat du 28 juin 2012.

– Sur l’exception d’inexécution prise du refus de la société Boralex de réaliser les études de vent et de productibles à sa charge

C’est par des motifs exacts que la cour adopte et qui ne sont pas valablement combattus par les appelants que les premiers juges ont retenu que la société InnoVent et M. [A], par leur manquement à leurs obligations de communication définies à l’article 2.1 du contrat, avaient privé la société Boralex et ses collaborateurs des informations et moyens nécessaires à la poursuite de la mise en oeuvre des campagnes de mesure de vent.

En effet, les premiers juges sont parvenus à cette exacte appréciation en citant les dispositions de l’article 2.1 du contrat de développement et de l’annexe 2 de celui-ci, dont il résulte que la société InnoVent était responsable de la totalité des prestations définies par le contrat pour la période de développement des projets, en rappelant que par lettre recommandée du 13 octobre 2017 les appelants avaient mis en demeure la société Boralex de satisfaire à ses obligations et que par lettre recommandée du 13 novembre 2017 ils avaient prononcé la résiliation du contrat en vertu de l’article 9.2 du contrat, pour défaut de réponse à la mise en demeure. Le tribunal de commerce a rappelé que les appelants avaient adressé une seconde lettre recommandée pour mettre en oeuvre la clause de résiliation pour un autre motif pris du défaut d’intégration des déclarations et garanties dans le contrat. La cour observe que ce dernier motif est abandonné par les appelants.

Les premiers juges ont exactement analysé les courriels échangés entre les parties de juillet 2012 à juillet 2015, plus précisément entre les collaborateurs de la société Boralex, ceux de la société InnoVent et du cabinet GL [Z] [O], faisant état des travaux menés en coopération entre les différents acteurs pendant la phase de développement des projets. Les premiers juges en concluent exactement que la société Boralex a participé activement à cette phase en particulier en organisant les campagnes de mesure de vent et en communiquant les résultats obtenus aux collaborateurs de la société InnoVent.

Le tribunal de commerce a également relevé qu’à compter du premier semestre de l’année 2015, la coopération établie antérieurement entre les équipes de la société Boralex et la société InnoVent a cessé de fonctionner, les équipes de la société InnoVent ayant cessé de communiquer avec la société Boralex sur l’avancement des projets. Les premiers juges ont mis en évidence les vaines tentatives pour rétablir cette communication émanant de M. [S], chef de projet de la société Boralex, auprès de son interlocuteur habituel, M. [F], ingénieur de la société InnoVent. Les premiers juges ensuite ont donné citation des courriels des 27 août et 28 août 2015 de M. [V], Directeur général de la société Boralex à M. [A], se plaignant d’abord du défaut de toute nouvelle concernant les projets sous option d’achat pour ensuite reprocher au dirigeant de la société InnoVent de bloquer tout partage sur les projets, de ne pas autoriser à ses collaborateurs d’échanger ces informations. Dans ce dernier courriel, la société Boralex a rappelé que pour le site de [Localité 3] le matériel de mesure de vent était resté en place pendant plus d’un an soulignant que sa part de coopération était amplement faite, le reste des échanges ne contenant aucune contestation de la réalité des prestations fournies par la société Boralex pour ce projet.

A ces justes motifs,il sera ajouté que la société InnoVent et M. [A] ne rapportent pas davantage en appel qu’en première instance la preuve qui leur incombe de ce que, comme ils l’affirment, pourtant, la société Boralex est restée pendant 3 ans sans fournir son obligation essentielle concernant les études de vent et de productibles, lui reprochant ainsi sa carence de 2012 à 2015. Toutefois, aucune pièce nouvelle ne vient démontrer que la société InnoVent et M. [A] auraient reproché à la société Boralex, entre 2012 et 2015, son inaction au regard des études de vent et de productibles, la prétendue indolence de cette dernière étant affirmée sans preuve.

La mise en demeure du mois d’octobre 2017 a été faite de mauvaise foi après deux ans de refus par la société InnoVent et M. [A] de la coopération à laquelle cette dernière société parties s’était obligée par le contrat litigieux.

Rien ne démontre que la société Boralex s’était désengagée du partenariat avant que la société InnoVent cesse de communiquer avec elle ainsi qu’il a déjà été dit.

L’obligation de coopération et l’article 11.6 du contrat déjà indiqué impliquait, pour son exécution de bonne foi et pour le cas où la société InnoVent aurait eu des éléments lui permettant de penser que la société Boralex négligeait ses obligations, de l’interpeller.

Mais rien n’a été fait en ce sens par la société InnoVent et M. [A], qui ont choisi de faire réaliser de leur côté les études de productibles sans en avoir référé à la société Boralex et sans l’avoir interpellé comme l’exécution de bonne foi du contrat l’aurait voulu.

La société InnoVent a fait comme si l’obligation de la société Boralex n’existait plus.

La question de savoir si la société Boralex aurait pu ou non établir les études de productibles qu’elle a fait réaliser en 2020 est sans incidence sur la preuve de l’inexécution par cette société de ses obligations contractuelles. En effet, ce qui est déterminant en l’espèce, c’est que le retard prétendu de la société Boralex à réaliser les études de vent et de productibles n’est étayé par aucune pièce faisant état d’un reproche de cette nature adressé à la société Boralex par la société InnoVent avant que celle-ci ne décide unilatéralement de cesser de communiquer avec sa partenaire.

La société InnoVent se plaint de mauvaise foi d’avoir été obligée par la carence de la société Boralex de faire réaliser ces études à ses frais.

Le jugement entrepris sera confirmé en ce qu’il a dit que la société InnoVent était mal fondée en son exception d’inexécution.

– Sur la mauvaise foi prétendue de la société Boralex comme ayant empêché la cession des parcs

Si la société InnoVent et M. [A] se prévalent de la mauvaise foi de la société Boralex pour avoir toujours refusé la conclusion d’un contrat de cession des fermes éoliennes en litige selon un prix en euros par mégawatts, il doit être considéré au contraire que le différend entre les parties sur ce point était manifestement de nature à être tranché par le juge, fût-ce dans le cadre de l’exécution forcée, conformément aux stipulations des parties sur leurs obligations de coopération en vue de la réalisation du contrat.

Par conséquent, il n’est pas valablement soutenu que la mauvaise foi de la société Boralex sur ce point a empêché la cession des parcs.

– Sur la responsabilité contractuelle de la société InnoVent et l’application de l’article 1151 ancien du code civil

Il résulte de ce qui précède, à défaut d’exception d’inexécution valablement soutenue, que le refus délibéré de la société InnoVent et de son dirigeant de procéder aux notifications permettant la cession des titres des sociétés ad hoc constitue un manquement contractuel commis de manière dolosive au sens de l’article 1151 du code civil sans sa rédaction applicable avant l’ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016.

Si la société InnoVent et M. [A] soutiennent que l’inexécution de cette obligation n’a pas empêché la société Boralex de lever l’option et que, par conséquent, même jugés de mauvaise foi, ils ne sauraient être obligés d’indemniser le créancier du gain qu’il aurait réalisé en décidant de lever l’option, il résulte de ce qui précède qu’en l’espèce, la violation du contrat imputée à la société InnoVent et M. [A] s’étend, au-delà de la violation de l’obligation de notification, au fait pour ces dernières parties au contrat cadre de développement, d’avoir fabriqué, après la levée de l’option, les circonstances, constitutive d’une autre inexécution contractuelle, ayant justifié la renonciation de la société Boralex à l’exécution forcée de ce contrat.

Par conséquent, l’indemnisation du gain que la société Boralex aurait réalisé si elle avait acquis doit être mis à la charge de la société InnoVent et de M. [A], puisqu’elle est bien la suite immédiate et directe de l’exécution de la convention.

– Sur le préjudice de la société Boralex s’agissant de la demande principale au titre du gain manqué

Il résulte de ce qui précède que le jugement entrepris doit nécessairement être réformé en ce qu’il a liquidé les dommages-intérêts dus à la société Boralex à la somme de 50’695’127 euros qui ne tient pas compte du prix de cession des titres stipulé par les parties.

C’est pourquoi, l’examen des demandes d’indemnisation de la société Boralex doit donc se faire après avoir débouté celle-ci des demandes formées, selon la hiérarchie des conclusions, antérieurement à celle par laquelle elle demande de condamner solidairement et in solidum la société InnoVent et M. [A] à lui verser la somme de 27’242’780 euros à titre de dommages-intérêts en réparation des préjudices qu’elle a subis par le fait de la violation de leurs engagements contractuels.

Ni la demande fondée sur l’interprétation de la clause de prix selon la société Boralex, ni celle prétendument formée sur la lettre d’intention ne subsistent.

Raisonnant sur ce maximum de 27’242’780’euros, les appelants considèrent que la société Boralex ne démontre pas qu’elle aurait certainement gagné plus d’un million d’euros en achetant le parc environ 45 millions d’euros avant de devoir payer en plus et installer les éoliennes, payer le raccordement et tout ce qui compose les Capex. Elle soutient que la prétendue victime n’ayant pas pu conclure un contrat avantageux, son préjudice réparable ne peut être égal qu’à une fraction du montant des gains escomptés, par exemple 80’%.

Elle fait valoir en l’espèce que la société Boralex n’est pas devenue propriétaire des parcs.

En outre, la société InnoVent et M. [A] font valoir que le gain manqué est très limité en raison des nombreuses incertitudes importantes affectant les flux de trésorerie espérés jusqu’en 2043.

Contestant le caractère selon elle exagérément optimiste du scénario adopté par le cabinet Finexsi, les appelants soutiennent que :

– la société Boralex, qui aurait dû commencer par investir plus de 125 millions d’euros, aurait subi une perte pour toute réduction significative de la rentabilité future ;

– la méthode des flux de trésorerie actualisés employée par le cabinet Finexsi n’est pas fiable car elle dépend de variables trop sensibles aux hypothèses ;

– l’investissement n’est rentable que si les gains escomptés de 2023 à 2043 sont strictement supérieurs à 80’% des montants projetés par Finexsi, ainsi que le soulignent MM. [N] et [C] dans leur consultation ;

– la certitude apparente et l’estimation trop optimiste des revenus totaux futurs résultent de l’ignorance de plusieurs éléments :

* les estimations de P50 sur lesquelles Finexsi s’est fondée pour déterminer la production d’électricité ne sont pas fiables et ne permettent pas d’estimer une production d’électricité’;

* le réchauffement climatique réduit la vitesse du vent en France et donc l’électricité produite par les éoliennes’;

* les prix d’achat aux exploitants d’éoliennes de l’électricité, actuellement fixés, par l’Etat, pourraient être réduits ou supprimés ;

* l’Etat pourrait augmenter les impôts sur les entreprises en général et les exploitants d’éoliennes en particulier ;

* les prix de l’électricité de 2033 à 2043 pourraient être plus faibles que Finexsi le prétend’;

* des incidents mécaniques pourraient réduire la durée d’exploitation ;

* les préfets pourraient réduire la production des parcs afin de protéger l’environnement ou de réduire les nuisances des riverains ;

* la société Boralex ne démontre pas que ses coûts d’opération et de maintenance auraient été aussi faibles qu’elle le prétend ;

* Finexsi s’est trompée en appliquant l’inflation aux revenus futurs’;

* le taux d’actualisation de 6,5% est beacoup trop faible et conduit à surévaluer le gain manqué d’au moins 10 millions d’euros et potentiellement jusqu’à 27 millions d’euros en raison des incertitudes pesant sur la détermination de ce taux.

A titre préliminaire sur ce point, il convient de dire que ne sont pas probantes les considérations des appelants sur le fait que la critique de vénalité que la société Boralex a faite à l’égard de leurs consultants mathématiciens se retourne contre la crédibilité du cabinet Finexsi qui a aurait été «’grassement payé’» pour établir ses rapports.

Semblablement, il ne peut suffire pour les appelants d’intenter par ailleurs un procès pour demander 250’000’000’d’euros au cabinet Finxesi, lui reprochant d’avoir apporté son aide à la société Boralex, pour disqualifier la force probante des rapports de ce technicien. Ces rapports doivent être examinés objectivement à la lumière de l’ensemble des éléments de preuve, sans que la circonstance que les appelants aient fabriqué eux-mêmes le motif de partialité qu’ils allèguent oblige la cour, étant observé que nulle décision judiciaire n’est venue conforter quelque soupçon que ce soit.

Il est en outre faux d’affirmer que le cabinet Finexsi a feint de croire que la formule mathématique de complément de prix litigieuse aboutirait à un résultat en euros et que cela suffit à établir la «’mauvaise foi’» du technicien. Celui-ci en se bornant à traiter les éléments de complément de prix transmis par son mandant la société Boralex n’a pas donné son approbation technique sur ce point.

Concernant la fiabilité de l’estimation des P50 dans le cadre de l’estimation du préjudice selon la méthode des flux financiers actualisés, et plus largement s’agissant des obstacles allégués à la prévisibilité des phénomènes déterminant ces flux, le rapport Finexsi énonce :

«’4.5.6. Observations sur les aléas opérationnels (réchauffement climatique, accidents mécaniques, décisions préfectorales) et l’utilisation du P50

Tout d’abord, les Appelants affirment que « les estimations de P50 sur lesquelles Finexsi s’est fondée pour déterminer la production d’électricité ne sont pas fiables et ne permettent pas d’estimer une production d’électricité 80 ».

Ensuite, les Appelants remettent en cause la pertinence de notre chiffrage du gain manqué en affirmant qu’il tiendrait pour acquise la production annuelle d’électricité au cours des 25 années d’exploitation des parcs 81.

À ce titre, les Appelants produisent des extraits des facteurs de risques issus de la communication financière de BORALEX sur la variabilité de la ressource 82 et des analyses de productibles d’autres parcs éoliens. Par ailleurs, les Appelants affirment que notre chiffrage occulterait l’existence d’évènements industriels, tel qu’une panne 83, ou les décisions préfectorales 84 pouvant réduire la rentabilité des éoliennes.

Premièrement, nous observons que les Appelants n’ont communiqué aucune information relative à la production annuelle réelle des 2 parcs qui viendraient infirmer nos hypothèses.

Deuxièmement, nous avons retenu le P50 dans la mesure où c’était la référence publique utilisée par InnoVent elle-même pour modéliser le compte prévisionnel du parc d’EPL. En effet, les projections de trésorerie communiquées aux investisseurs ‘ à travers la plateforme Lendosphère ‘ avaient été déterminées sur la base d’un « Net P50 jours » 85 .

Troisièmement, nous rappelons que le niveau de production d’électricité retenu dans notre chiffrage correspond aux P50 établis par DNV (ex GL [Z] [O]), société indépendante de référence, au titre de ces 2 parcs, qui s’élèvent à :

o 2.730 heures 86 ou 105.000 MWh pour BLS. Nous observons que ce P50 est cohérent avec le niveau de productible du parc communiqué par InnoVent sur la plateforme Lendosphère 87 (100.000 MWh/an pour une puissance 36MW, ce qui implique un productible de 106.700 MWh/an pour une puissance du site révisée à 38,4MW 88 ). Par ailleurs, nous relevons que ce niveau de productible (105.000 MWh/an) est inférieur à la production réelle du parc en 2018 (environ 114.000MWh 89).

o 2.690 heures 90 ou 94.800 MWh pour EPL. Ce niveau de productible est cohérent avec celui retenu par InnoVent dans le cadre de ses prévisions communiquées aux investisseurs à travers la plateforme Lendosphère (productible de 94.500 MWh 91).

Par ailleurs, tel que cela ressort des deux rapports DNV 92 93 , le P50 tient compte, entre autres, de la disponibilité des éoliennes (taux de panne implicite) et d’autres aléas. En effet, les P50 évalués intègrent différentes sources de « perturbations » qui pourraient entraîner une perte de productible comme le taux de disponibilité des turbines qui représente le pourcentage de pertes en lien avec les actions de maintenance ainsi que les pannes. La disponibilité ne représente pas que le taux de panne implicite, mais le taux de panne ainsi que le temps pour réparer (entretien curatif) et pour entretenir les turbines (entretien préventif).

De surcroît, et comme rappelé ci-avant, l’actualisation des flux de trésorerie futurs au taux de 6,5% permet également de tenir compte de ces aléas opérationnels.

Enfin comme rappelé ci-avant, l’analyse du chiffrage doit être globale et ne peut se limiter à chacun des paramètres pris isolément dont le productible. À ce titre, nous rappelons que nos estimations d’EBITDA sont cohérentes avec les données historiques des 2 parcs, d’une part, et avec les propres projections d’InnoVent d’autre part (cf. section 4.5).’»

Sur la seule question de l’utilisation du P50 comme estimateur de la quantité d’énergie future produite, la société InnoVent et M. [A] rappellent à juste raison l’avertissement donné par GL [Z] [O] dans les études relatives à chacun des deux sites en cause et selon lequel, en exonération de la responsabilité de ce technicien, celui-ci mentionne que rien dans ces documents ne garantit une vitesse de vent ou une production d’énergie particulière. Par ailleurs, le P50 est effectivement contractuellement défini, notamment pour les besoins de la détermination du prix de cession, comme le niveau prévisible de production d’énergie de la ferme éolienne concernée, avec autant de probabilité que le niveau effectif se situe au-dessus ou en-dessous de ce niveau prévisible. Il s’agit donc de la médiane d’une distribution de probabilités concernant le niveau de production d’énergie, laquelle renseigne sans aucune certitude sur le niveau de production qui sera effectivement atteint par les installations concernées.

Alors que la cour est liée par le principe de réparation intégrale de réparation du préjudice certain, rien ne garantit que le scénario contrefactuel médian ainsi choisi par la société Boralex avec son technicien le cabinet Finexsi corresponde à une véritable espérance de gain.

Il s’agit là d’une faiblesse remarquable de l’analyse de la société Boralex.

Si le cabinet Finexsi tente de justifier ce choix au motif que c’est là la référence publique utilisée par InnoVent elle-même pour modéliser le compte prévisionnel du parc d'[Localité 5], puisqu’en effet, les projections de trésorerie communiquées aux investisseurs ‘ à travers la plateforme Lendosphère ‘ avaient été déterminées sur la base d’un « Net P50 jours », la cour doit avoir égard au fait que les comptes prévisionnels à destination des investisseurs ne peuvent pas être opposés au rédacteur de ces mêmes comptes pour l’évaluation du préjudice qu’il lui est demandé d’indemniser. En effet, le principe de certitude est propre à la réparation du préjudice, et celui-ci ne saurait être partiellement déterminé par l’accord prétendu de l’auteur du dommage à partir d’une démarche radicalement étrangère à tout calcul de préjudice.

Il ne peut pas se déduire de l’accord de la société InnoVent et de M. [A] pour recourir au P50 pour l’évaluation du prix de cession des titres que cette grandeur soit pertinente pour l’évaluation du préjudice. Semblablement, ce ne peut être une violation de la formule de prix que de faire valoir, pour les appelants, que le P90 serait un meilleur indicateur d’un préjudice certain dès lors qu’il s’agit du seuil de production qu’il y aurait 90% de chances de dépasser.

La société Boralex ne prouve nullement que le P50 soit l’indicateur de référence de l’industrie éolienne pour mesurer la production d’électricité future dans le but de déterminer un préjudice de gain manqué.

Au demeurant, la société Finexsi n’est nullement spécialisée en industrie puisqu’il s’agit d’un expert et conseil financier et son intervention est postérieure à la conclusion du contrat cadre de développement.

Ce n’est pas parce qu’un article tiré de la presse numérique spécialisée indique que l’évaluation de l’énergie du vent par la vitesse moyenne de celui-ci conduit à une sous-évaluation pouvant atteindre 100% que le recours à la valeur médiane que constitue le P50 constitue une alternative valable pour la détermination du gain manqué.

En outre, si le rapport du cabinet Finexsi indique, pour [Localité 3], expose avoir tenu compte d’un niveau de productible (105.000 MWh/an) inférieur à la production réelle du parc en 2018 (environ 114.000MWh), cela ne permet pas pour autant de tirer des conclusions pour le futur.

Au reste, l’évaluation selon la méthode des flux financiers actualisés suppose une hypothèse de production électrique couvrant l’espérance de durée d’exploitation des éoliennes, sachant que la durée de vie théorique est de 25 ans.

Par ailleurs, la société Boralex admet une moindre production réelle à [Localité 5] que le P50 déterminé par GL [Z] [O] et l’explique par l’effet de sillage réalisé par un parc d’éoliennes construit à proximité qui a affecté la vitesse moyenne du vent et pour lequel la société InnoVent a été indemnisée. Le moyen de la société Boralex consiste à dire sur ce point que cette perte étant compensée par une indemnisation de l’exploitant détenu par InnoVent, il n’y a pas lieu d’en tenir compte pour la détermination de son préjudice de gain manqué. Toutefois, la cour, tenue à une logique juridique, ne peut se prononcer que sur le préjudice certain découlant directement du manquement contractuel, et toute incertitude sur le niveau de production affecte le manque à gagner indemnisable, peu important les éventuelles et incertaines compensation indemnitaires.

La société Boralex, à qui incombe la charge de la preuve du préjudice qu’elle allègue, ne reproche pas valablement à la société InnoVent de ne pas lui avoir donné les éléments tirés de l’exploitation réelle des parcs d’éolienne considérés et permettant de le mieux évaluer. Le cabinet Finexsi fait au fil de son rapport cette même observation de défaut de communication à l’égard de la société Boralex, ce dont il ne peut être tiré de conséquence sous peine d’inverser la charge de la preuve.

En droit, si le rapport du cabinet Finexsi, technicien d’une seule des parties, n’est pas dénué de force probante pour le seule motif qu’il n’est pas contradictoire, c’est à la condition que des éléments extérieurs vienne corroborer ses indications.

Or, si sur nombre de contestations ayant été soulevées par la société InnoVent et M. [A], le rapport démontre avoir tenu compte des approches des appelants que ceux-ci avaient documentées, et même adopté des positions plutôt prudentes, sur la difficulté née de la contestation du recours au P50 pour l’estimation des flux financiers actualisés, ni les écritures ni les pièces de la société Boralex ne suffisent à conforter l’analyse adoptée par la société Boralex et son technicien le cabinet Finexsi.

Il résulte de ce qui précède que la cour ne peut pas retenir que le préjudice allégué de 27’242’780 euros soit, pour le tout, un préjudice certain.

S’agissant de savoir si un préjudice certain est néanmoins établi en l’espèce, les appelants affirment que tel n’est pas le cas dès lors que :

– d’une part, la société Boralex, qui aurait dû commencer par investir plus de 125 millions d’euros, aurait subi une perte pour toute réduction significative de la rentabilité future,

– et, d’autre part, l’investissement n’est rentable que si les gains escomptés de 2023 à 2043 sont strictement supérieurs à 80’% des montants projetés par Finexsi, ainsi que le soulignent MM. [N] et [C] dans leur consultation,

il est exact que les termes de cette dernière consultation démontrent qu’elle a été réalisée avec des données fournies par les appelants eux-mêmes, et qu’elle est étayée par nombre d’éléments non vérifiables.

Toutefois, il est bien certain, ainsi que le remarque la société Boralex, que la société InnoVent a elle-même dû investir pour faire sortir de terre les deux parcs, si bien que la seule différence d’investissement entre les appelants et la société Boralex, si la cession avait eu lieu, aurait consisté dans le prix d’achat des parcs.

Cependant, le prix d’achat des parcs a été pris en compte dans l’évaluation des Capex, aux termes du rapport Finexsi, qui a été vérifié sur ce point par la cour, ce qui n’est pas valablement contesté par les appelants qui, sinon auraient pu reprocher un enrichissement sans cause à la société Boralex au moyen de son action indemnitaire.

En outre le rapport du cabinet Finexsi évoque comme une évidence mathématique et, à juste titre que la modification des paramètres de ses calculs entraîne une variation des flux financiers futurs escomptés.

Par conséquent, dès lors que rien ne conduit à estimer que l’exploitation des champs d’éolienne sur leur espérance de durée d’exploitation pourrait être déficitaire, il sera retenu qu’il existe un préjudice certain de gain manqué qu’il convient d’évaluer.

La certitude de ce préjudice exclut de retenir une perte de chance.

Au regard de l’ensemble de ces éléments, la cour estime que la société Boralex démontre subir un préjudice de perte de gain manqué qui ne peut être inférieur à 2’500 000 euros mais dont rien ne prouve qu’il soit supérieur.

Le jugement entrepris sera donc réformé sur ce point.

Il n’est pas contesté qu’il résulte des conventions des parties une obligation solidaire entre M. [A] et la société InnoVent, le jugement entrepris devant être confirmé sur ce dernier point.

– Sur les autres demandes

Il résulte de ce qui précède que l’abus de procédure n’est pas caractérisé, dès lors que dans le cadre de la présente instance la société InnoVent et M. [A] n’ont pas excédé les limites de leur droit de se défendre en justice.

En outre, il n’appartient pas à la cour de se prononcer sur les éventuels abus de procédure afférent à d’autres instances.

Le jugement entrepris sera donc confirmé en ce qu’il a débouté la société Boralex de sa demande en dommages-intérêts pour abus de droit.

Il n’apparaît pas justifié en l’espèce d’ordonner l’exécution sous astreinte du présent arrêt sur le fondement de l’article L.131-1 du code des procédures civiles d’exécution.

En équité, la société InnoVent et M. [A] seront condamnés in solidum à payer à la société Boralex une indemnité au titre de l’article 700 du code de procédure civile dont le montant sera précisé au dispositif du présent arrêt.

La société InnoVent et M. [A] seront également condamnés in solidum aux dépens d’appel.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Ecarte des débats l’arrêt du 30 novembre 2021 de la cour d’appel de Paris, pôle 5 chambre 16 dite chambre commerciale internationale rendu entre les sociétés Boralex et InnoVent ;

Dit M. [A] et la société InnoVent mal fondés en leur demande d’irrecevabilité de la prétention de la société Boralex à voir assortir le présent arrêt d’une astreinte ;

Réforme le jugement entrepris mais seulement en ce qu’il a statué sur le prix de cession des titres et sur le montant des dommages-intérêts pour condamner solidairement et in solidum la société InnoVent et M. [A] à verser à la société Boralex la somme de 50’695’127,00 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi ;

Statuant de nouveau sur les chefs réformés,

Condamne solidairement la société InnoVent et M. [A] à payer à la société Boralex une somme de 2’500 000 euros (deux millions cinq cents mille euros) à titre de dommages-intérêts ;

Pour le surplus,

Confirme le jugement entrepris ;

Condamne in solidum la société InnoVent et M. [A] à payer à la société Boralex une somme de 100’000,00 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile en appel ;

Condamne in solidum la société InnoVent et M. [A] aux dépens d’appel ;

Rejette les prétentions plus amples ou contraires des parties.

Le greffier

Valérie Roelofs

Le président

Dominique Gilles

 


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