Saisie-attribution : 6 juillet 2023 Cour d’appel d’Aix-en-Provence RG n° 20/01033

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Saisie-attribution : 6 juillet 2023 Cour d’appel d’Aix-en-Provence RG n° 20/01033
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6 juillet 2023
Cour d’appel d’Aix-en-Provence
RG n°
20/01033

COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE

Chambre 3-3

ARRÊT AU FOND

DU 06 JUILLET 2023

N° 2023/95

Rôle N° RG 20/01033 – N° Portalis DBVB-V-B7E-BFPJ4

Société CREDIT AGRICOLE PROVENCE COTE D’AZUR

C/

[G] [C]

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Me Layla TEBIEL

Me David GERBAUD-EYRAUD

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal Judiciaire hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de DIGNE LES BAINS en date du 10 Janvier 2020 enregistrée au répertoire général sous le n° 18/00316.

APPELANTE

CREDIT AGRICOLE PROVENCE COTE D’AZUR, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux,

dont le siège social est sis [Adresse 3]

représentée par Me Layla TEBIEL de la SCP CABINET BUVAT-TEBIEL, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE substituée par Me Laure ATIAS, avocat au barreau D’AIX-EN-PROVENCE

INTIME

Monsieur [G] [C]

né le [Date naissance 1] 1938 à [Localité 6],

demeurant [Adresse 4]

représenté par Me David GERBAUD-EYRAUD, avocat au barreau D’AIX-EN-PROVENCE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 16 Mai 2023, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame Françoise PETEL, Conseillère, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Monsieur Philippe DELMOTTE, Président

Madame Françoise PETEL, Conseillère

Madame Françoise FILLIOUX, Conseillère

Greffier lors des débats : Madame Laure METGE.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 06 Juillet 2023.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 06 Juillet 2023

Signé par Monsieur Philippe DELMOTTE, Président et Madame Laure METGE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

Le 25 octobre 2016, la Direction Générale des Finances Publiques a adressé à la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Provence-Côte d’Azur, dans les livres de laquelle M. [G] [C] était titulaire de comptes, un avis à tiers détenteur pour un montant de 10.702 euros.

Le 7 novembre 2016, la banque a bloqué ladite somme sur le compte courant n°[XXXXXXXXXX02].

Le 6 décembre 2016, le contrôleur des Finances Publiques de [Localité 5] a indiqué à la banque qu’il était donné mainlevée, à concurrence de la somme de 359 euros, de l’avis à tiers détenteur précité.

La Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Provence-Côte d’Azur a, par erreur, procédé à une mainlevée totale.

Le solde du compte de M. [G] [C] ne permettant plus d’exécuter l’avis à tiers détenteur, la banque, à la demande du Trésor Public, lui a réglé la somme de 10.343 euros, par chèque du 18 janvier 2018.

Par lettre recommandée du 21 février 2018, la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Provence-Côte d’Azur a mis en demeure M. [G] [C] de lui rembourser ladite somme.

Selon exploit du 27 mars 2018, la banque a fait assigner M. [G] [C] en paiement devant le tribunal de grande instance de Digne-les-Bains.

Par jugement du 10 janvier 2020, cette juridiction, devenue tribunal judiciaire, a :

‘ constaté l’absence d’intérêt légitime de la SA Crédit Agricole Provence-Côte d’Azur au paiement de la somme,

‘ constaté l’absence de subrogation légale,

‘ débouté la SA Crédit Agricole Provence-Côte d’Azur de sa demande fondée sur la subrogation légale,

‘ rejeté toutes les autres demandes de la SA Crédit Agricole Provence-Côte d’Azur,

‘ débouté M. [C] de ses demandes sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

‘ condamné la SA Crédit Agricole Provence-Côte d’Azur aux entiers dépens,

‘ dit n’y avoir lieu à exécution provisoire du jugement.

Suivant déclaration du 21 janvier 2020, la société Crédit Agricole Provence-Côte d’Azur a interjeté appel de cette décision.

Aux termes de ses conclusions notifiées et déposées le 21 avril 2020, auxquelles il est expressément référé par application des dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, l’appelante demande à la cour de :

‘ réformer le jugement rendu le 10 janvier 2020 par le tribunal judiciaire de Digne-les-Bains en ce qu’il constate son absence d’intérêt légitime au paiement de la somme,

‘ réformer le jugement rendu le 10 janvier 2020 par le tribunal judiciaire de Digne-les-Bains en ce qu’il constate l’absence de subrogation légale,

‘ réformer le jugement rendu le 10 janvier 2020 par le tribunal judiciaire de Digne-les-Bains en ce qu’il la déboute de sa demande fondée sur la subrogation légale,

‘ réformer le jugement rendu le 10 janvier 2020 par le tribunal judiciaire de Digne-les-Bains en ce qu’il rejette toutes ses autres demandes,

‘ réformer le jugement rendu le 10 janvier 2020 par le tribunal judiciaire de Digne-les-Bains en ce qu’il la condamne au paiement des entiers dépens,

statuant à nouveau :

‘ dire qu’elle a un intérêt légitime au paiement de la somme de 10.343 euros,

‘ constater que la subrogation légale a eu lieu par le seul effet de la loi à son profit,

‘ condamner en conséquence M. [C] à lui payer la somme de 10.343 euros, assortie du taux légal à compter de la mise en demeure du 21 février 2018,

‘ condamner M. [C] à lui payer la somme de 3.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

‘ le condamner aux entiers dépens comprenant ceux de première instance, distraits au profit de Me [I] sur son affirmation de droit.

Par conclusions notifiées et déposées le 20 juillet 2020, auxquelles il est expressément référé en application des dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, M. [G] [C] demande à la cour de :

‘ le recevoir dans sa constitution d’intimé, dans le cadre de la présente procédure d’appel RG n°2001/01033,

‘ confirmer le jugement du tribunal judiciaire de Digne-les-Bains du 10 janvier 2020 n°RG 18/00316,

‘ débouter, en conséquence, en cause d’appel, le Crédit Agricole Provence-Côte d’Azur de toutes ses demandes, fins et conclusions à son égard,

‘ condamner le Crédit Agricole Provence-Côte d’Azur à lui payer, au regard de son âge et de son état de faiblesse, une somme de 5.000 euros au titre d’une procédure abusive à son encontre,

‘ condamner le Crédit Agricole Provence-Côte d’Azur à lui payer une somme de 2.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

‘ condamner le Crédit Agricole Provence-Côte d’Azur aux entiers dépens de l’instance.

MOTIFS

L’appelante fait grief au tribunal de l’avoir déboutée de ses demandes au motif que l’intérêt légitime, qui n’est pas défini par l’article 1346 du code civil, ne saurait résulter d’une faute de la banque dans ses rapports avec le Trésor Public.

Elle soutient que l’absence d’intérêt légitime au paiement ne saurait s’appliquer qu’au cas de celui qui a payé mû par une intention libérale à l’égard du débiteur, que le jugement appelé est donc critiquable en ce qu’il refuse de lui reconnaître un intérêt légitime à payer alors précisément que cet intérêt découle de ce qu’elle était juridiquement tenue de régler et que la charge définitive de la dette reposait sur M. [G] [C].

Ce dernier réplique que, précision faite qu’en outre l’avis à tiers détenteur ne mentionnait pas la nature de l’imposition à l’origine de son émission, la banque n’a pas, alors que le défaut de notification au redevable de l’impôt constitue une irrégularité de forme qui vicie la procédure de recouvrement, contrôlé le fait qu’il s’était vu notifier personnellement l’avis à tiers détenteur, et a ainsi commis une faute, laquelle est venue s’insérer dans un contexte où il allait être confronté pour la première fois à un litige de fonds avec l’administration fiscale portant sur la cotisation foncière des entreprises.

L’intimé ajoute que c’est sur la seule erreur de la société Crédit Agricole Provence-Côte d’Azur qu’il y a eu une mainlevée complète de l’avis à tiers détenteur, que, malgré l’obligation de loyauté qu’elle avait à son égard, la banque, qui a restitué la somme de 10.343 euros aux impôts alors que son compte n’était pas provisionné, ne l’a pas davantage averti de la situation et du paiement en retour de ce solde, que la condition de subrogation légale constituée par l’intérêt légitime au paiement ne peut lui être opposée alors que cet intérêt de l’appelante est le résultat de sa propre faute.

Sur ce, il doit tout d’abord être observé que le tiers détenteur, en l’occurrence la société Crédit Agricole Provence-Côte d’Azur, n’a nullement pour rôle de vérifier la régularité de la procédure engagée par l’administration fiscale, alors d’ailleurs que l’avis litigieux destiné à la banque porte mention de ce que son créancier a été informé de cette mesure par notification séparée, à l’encontre de M. [G] [C].

Il résulte par ailleurs des pièces que ce dernier verse lui-même aux débats, et plus particulièrement d’un courrier qu’il a adressé à l’appelante le 15 novembre 2016, qu’il a été averti par celle-ci de ce que la somme de 10.702 euros avait été bloquée au jour de l’avis à tiers détenteur.

L’intimé informait alors l’établissement bancaire de ce qu’il avait pris attache avec le service des impôts concerné et contestait l’avis du 25 octobre 2016.

Ceci étant, outre que M. [G] [C] ne justifie aucunement du devenir des demandes de dégrèvement par lui formulées auprès des services fiscaux, lesquelles sont d’ailleurs, au vu des lettres destinées à cette administration qu’il produit, relatives à des avis postérieurs à celui concerné par la présente instance, cette contestation est sans incidence sur les obligations du tiers détenteur, auquel le comptable public n’a notamment pas à fournir un quelconque certificat de non-contestation, et qui est quant à lui tenu, par application de l’article L262 du livre des procédures fiscales, au paiement des sommes visées à l’avis, lequel comporte l’effet d’attribution immédiate prévu à l’article L.211-2 du code des procédures civiles d’exécution selon les dispositions de l’article L263 alors en vigueur du livre précité.

Ainsi, en application de ces textes, la société Crédit Agricole Provence-Côte d’Azur, personnellement débitrice à compter de sa date des causes de l’avis du 25 octobre 2016 envers le Trésor Public, avait l’obligation de verser à celui-ci les sommes y figurant, avec la précision que ledit avis portait sur l’ensemble des comptes du débiteur, dont les objections quant au numéro du compte utilisé sont inopérantes, et les rendait indisponibles.

Eu égard à la mainlevée donnée à concurrence de la somme de 359 euros le 6 décembre 2016, l’appelante était, à compter de cette date, redevable de la somme de 10.343 euros dès lors que celle-ci, existante à la date de la saisie, avait alors immédiatement fait l’objet d’une attribution au profit du saisissant.

Elle ne pouvait dès lors se soustraire, vis-à-vis de ce dernier, au règlement de ladite somme, qui, en raison de l’erreur par elle effectivement commise en procédant à une mainlevée totale, n’est cependant intervenu que le 18 janvier 2018.

Mais, si ce paiement, d’ailleurs ainsi retardé, est le résultat d’une erreur de la banque, il reste qu’il a libéré envers l’administration fiscale M. [G] [C] sur qui doit peser la charge définitive de la dette, et qui ne saurait invoquer à son profit l’erreur concernant les relations entre le tiers détenteur et le Trésor Public.

Dès lors, la société Crédit Agricole Provence-Côte d’Azur, dont l’intérêt légitime était d’éviter la procédure devant le juge de l’exécution que ne pouvait manquer d’engager sur le fondement des dispositions de l’article R211-9 du livre des procédures fiscales le service des impôts, comme le lui rappelait celui-ci dans notamment un courriel du 14 mars 2017, est fondée à se prévaloir de la subrogation légale au sens de l’article 1346 du code civil.

En conséquence, l’intimé doit être condamné à lui verser ladite somme de 10.343 euros, outre intérêts au taux légal à compter de sa mise en demeure.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Statuant publiquement et contradictoirement,

Infirme le jugement entrepris,

Statuant à nouveau,

Condamne M. [G] [C] à payer à la société Crédit Agricole Provence-Côte d’Azur la somme de 10.343 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 21 février 2018,

Condamne M. [G] [C] à payer à la société Crédit Agricole Provence-Côte d’Azur la somme de 2.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

Le condamne aux dépens, ceux d’appel distraits conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

LE GREFFIER LE PRESIDENT

 


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