Saisie-attribution : 21 juillet 2023 Cour d’appel d’Orléans RG n° 22/02593

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Saisie-attribution : 21 juillet 2023 Cour d’appel d’Orléans RG n° 22/02593
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21 juillet 2023
Cour d’appel d’Orléans
RG n°
22/02593

COUR D’APPEL D’ORLÉANS

CHAMBRE COMMERCIALE, ÉCONOMIQUE ET FINANCIÈRE

GROSSES + EXPÉDITIONS : le 21/07/2023

la SCP VALERIE DESPLANQUES

la SCP LAVAL – FIRKOWSKI

ARRÊT du : 21 JUILLET 2023

N° : 134 – 23

N° RG 22/02593 –

N° Portalis DBVN-V-B7G-GVTC

DÉCISION ENTREPRISE : Jugement du Juge de l’exécution de TOURS en date du 13 Septembre 2022

PARTIES EN CAUSE

APPELANTE :- Timbre fiscal dématérialisé N°: 1265283715756380

La C.R.C.A.M. DE LA TOURAINE ET DU POITOU

Agissant par son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 4]

[Localité 10]

Ayant pour avocat postulant Me Valerie DESPLANQUES, membre de la SCP VALERIE DESPLANQUES, avocat au barreau d’ORLEANS, et pour avocat plaidant Me Thierry CHAS, membre de la SARL ARCOLE, avocat au barreau de TOURS

D’UNE PART

INTIMÉS : – Timbre fiscal dématérialisé N°: 1265287493858171

Monsieur [O] [P] [G] [Z]

né le [Date naissance 1] 1976 à [Localité 12]

[Adresse 18]

[Localité 11] BELGIQUE

Ayant pour avocat Me Olivier LAVAL, membre de la SCP LAVAL – FIRKOWSKI, avocat au barreau d’ORLEANS

Madame [Y] [C] [X] [K] divorcée [Z]

née le [Date naissance 3] 1980 à [Localité 17]

[Adresse 13]

[Localité 11] BELGIQUE

Ayant pour avocat Me Olivier LAVAL, membre de la SCP LAVAL – FIRKOWSKI, avocat au barreau d’ORLEANS

TRESOR PUBLIC

Pris en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

Pôle de Recouvrement Spécialisé d’Indre et Loire

[Adresse 8]

[Localité 6]

Défaillant

URSSAF CENTRE VAL DE LOIRE

Etablissement Public

Prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 5]

[Localité 9]

Défaillant

D’AUTRE PART

DÉCLARATION D’APPEL en date du : 08 Novembre 2022

ORDONNANCE DE CLÔTURE du : 25 Mai 2023

COMPOSITION DE LA COUR

Lors des débats à l’audience publique du JEUDI 08 JUIN 2023, à 14 heures, Madame Carole CHEGARAY, Président de la chambre commerciale à la Cour d’Appel D’ORLEANS et Madame Fanny CHENOT, Conseiller, en charge du rapport, ont entendu les avocats des parties en leurs plaidoiries, avec leur accord, par application de l’article 805 et 907 du code de procédure civile.

Après délibéré au cours duquel Madame Carole CHEGARAY, Président de la chambre commerciale à la Cour d’Appel D’ORLEANS, et Madame Fanny CHENOT, Conseiller, ont rendu compte à la collégialité des débats à la Cour composée de :

Madame Carole CHEGARAY, Président de la chambre commerciale à la Cour d’Appel d’ORLEANS,

Madame Fanny CHENOT, Conseiller,

Madame Ferréole DELONS, Conseiller,

Greffier :

Madame Marie-Claude DONNAT, Greffier lors des débats et du prononcé,

ARRÊT :

Prononcé publiquement par arrêt réputé contradictoire le VENDREDI 21 JUILLET 2023 par mise à la disposition des parties au Greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

EXPOSE DU LITIGE :

Suivant acte authentique reçu le 21 juillet 2006 par Maître [I], notaire associés à [Localité 14] (37), la société Caisse régionale de crédit agricole mutuel de la Touraine et du Poitou (ci-après le Crédit agricole) a consenti à M. [O] [Z] et Mme [Y] [K], à l’époque son épouse, un prêt immobilier d’un montant de 122 009 euros, remboursable en une mensualité de 587,50 euros suivie de 360 mensualités de 586,01 euros incluant les intérêts au taux conventionnel de 4,05 % l’an.

Les emprunteurs ont ultérieurement divorcé et, par ordonnance du 14 mai 2018 signifiée le 30 mai suivant, le juge d’instance de Niort a ordonné la suspension des obligations de Mme [K] envers le Crédit agricole au titre de ce prêt pendant une durée de deux années.

Par actes des 20 avril et 22 juin 2020, le Crédit agricole a fait délivrer à chacun de M. [Z] et de Mme [K] un commandement de payer valant saisie immobilière portant sur un immeuble situé [Adresse 2] à [Localité 16], cadastré section A n° [Cadastre 7], ce pour avoir paiement de la somme de 120 894,345 euros arrêtée au 16 janvier 2020.

Ces commandements ont été publiés le 15 septembre 2020 au service de la publicité foncière de [Localité 15], volume 2020 S n° 3 et 4.

Par actes des 14 et 25 septembre 2020, dénoncés le 16 septembre suivant à l’URSSAF centre Val de Loire ainsi qu’au Trésor public, créanciers inscrits, le Crédit agricole a fait assigner M. [Z] et Mme [K] à l’audience d’orientation du juge de l’exécution du tribunal judiciaire de Tours aux fins de vente de l’immeuble saisi.

Par jugement du 25 mai 2021, après avoir observé, de première part que la signification du commandement délivré à M. [Z], domicilié en Belgique, était régi par les dispositions des articles 7 et 9 du règlement CE n°0 1393/2007 du parlement européen et du conseil du 13 novembre 2007 relatif à la signification et à la notification dans les Etats membres des actes judiciaires et extrajudiciaires en matière civile et commerciale ; d’autre part que chacun des commandements avait été signifié pendant la période juridiquement protégée instaurée en application de la loi d’urgence pour faire face à l’épidémie de Covid-19 n° 2020-290 du 23 mars 2020, le juge de l’exécution chargé des saisies-immobilières du tribunal judiciaire de Tours a sursis à statuer sur l’intégralité des demandes et ordonné la réouverture des débats à l’audience du 22 juin 2021, dépens réservés, en invitant M. [Z], Mme [K] et le Crédit agricole à présenter leurs observations sur l’application du règlement CE n° 1393/2007 du 13 novembre 2007 ainsi que sur l’incidence des ordonnances n° 2020-304 et 306 sur la régularité, voire la validité, de la procédure de saisie immiobilière.

Par jugement du 13 septembre 2022, le même juge a :

Vu les articles R.322-15 et suivants du code des procédures civiles d’exécution,

– rejeté les demandes en nullité des commandements aux fins de saisie immobilière,

– rejeté la demande formée par M. [O] [Z] tendant à voir prononcer la caducité du commandement délivré le 20 avril 2020 par la société Caisse régionale de crédit agricole mutuel de la Touraine et du Poitou,

– dit irrecevables les demandes aux fins de vente forcée de l’immeuble formées par la société Caisse régionale de crédit agricole mutuel de la Touraine et du Poitou contre Mme [Y] [K], divorcée [Z],

– déclaré prescrites les échéances des mois d’avril 2017 à février 2018 du prêt n°00004631287 « prêt tout habitat » fondant la saisie,

– invité la société Caisse régionale de crédit agricole mutuel de la Touraine et du Poitou à produire un décompte détaillé actualisé de sa créance,

– sursis à statuer sur le surplus des demandes et ordonné la réouverture des débats à l’audience du 11 octobre 2022 à 11 heures,

– rappelé que la présente vaut convocation,

– réservé les dépens.

Pour statuer comme il l’a fait, le premier juge a retenu en substance :

– que nonobstant les circonstances singulières dans lesquelles la saisie en cause a été engagée, pendant la période juridiquement protégée instaurée en application de la loi n° 2020-290 par l’ordonnance n° 2020-306 qui, en matière de saisies-immobilières, a finalement été fixée du 12 mars au 23 juin 2020, il ne résulte pour autant aucune nullité de ce que les commandements en cause ne mentionnent pas les dispositions de l’article 2, II, 3° de l’ordonnance n° 2020-304 qui, dans sa rédaction en vigueur à la date de signification de ces commandements, ne précisait pas le terme exact de la suspension instaurée, qui n’a été fixé que par l’ordonnance n° 2020-595 du 20 mai 2020, ou encore que ces commandements ne mentionnent pas les dispositions de l’ordonnance n° 2020-304 susceptibles de bénéficier aux débiteurs,

– que par application des dispositions combinées du règlement CE n° 1393/2007 et des articles 687-2 et 647-1 du code de procédure civile, la signification du commandement délivré à M. [Z] en Belgique est réputée avoir été faite, à l’égard du Crédit agricole, le 20 avril 2020 (date d’expédition de l’acte par l’huissier à l’autorité étrangère compétente), qu’il s’ensuit que le délai de publication de deux

mois prévu à peine de caducité du commandement avait débuté le 20 avril 2020, mais que ce délai a été suspendu jusqu’au 24 juin suivant [terme de la période juridiquement protégé], de sorte que la publication, le 15 juillet 2020, est intervenue en temps utile,

– que le délai de grâce qu’instaure l’article L. 314-20 du code de la consommation, pris en sa rédaction applicable à la cause, emporte interdiction pour le créancier de poursuivre le débiteur qui en bénéficie,

– que si l’ordonnance rendue le 14 mai 2018 par le tribunal d’instance de Niort suspendait les obligations de Mme [K] à l’égard du Crédit agricole pendant un délai de deux ans qui expirait le 14 mai 2020, ce délai a été prorogé jusqu’au 23 septembre 2020 par l’article 3, alinéa 1er de l’ordonnance 2030-306, qu’il s’ensuit que Mme [K] bénéficiait toujours de l’effet suspensif de la décision judiciaire du tribunal d’instance de Niort le 22 juin 2020, date à laquelle le Crédit agricole lui a fait délivrer le commandement qui constitue l’acte préalable fondant la procédure de saisie immobilière,

– que dès lors que, à la date de délivrance du commandement, la créance du Crédit agricole n’était pas exigible au sens de l’article L. 311-2 du code des procédures civiles d’exécution, le créancier était dépourvu du droit d’agir contre Mme [K] et doit en conséquence être déclaré irrecevable en ses demandes dirigées contre cette dernière,

– que l’ordonnance de suspension prise en faveur de Mme [K] n’a en revanche produit aucun effet interruptif sur le délai de la prescription biennale qui courait à l’égard de M. [Z] en application de l’article L. 218-2 du code de la consommation, de sorte que les échéances échues entre avril 2017, date du premier impayé non régularisé et le 13 février 2018, date de la saisie-attribution constituant le premier acte interruptif de la prescription, sont prescrites et qu’il convient de surseoir à statuer en invitant le poursuivant à produire les éléments permettant de procéder au calcul de sa créance déduction faite du montant des échéances prescrites, avec leurs intérêts.

Le Crédit agricole a relevé appel de cette décision par déclaration du 8 novembre 2022, en ce qu’elle a :

– dit irrecevables les demandes aux fins de vente forcée de l’immeuble formées par la société Caisse régionale de crédit agricole mutuel de la Touraine et du Poitou,

– déclaré prescrites les échéances des mois d’avril 2017 à février 2018 du prêt n°00004631287 « prêt tout habitat » fondant la saisie,

– invité la société Caisse régionale de crédit agricole mutuel de la Touraine et du Poitou à produire un décompte détaillé actualisé de sa créance.

Dans ses dernières conclusions notifiées le 26 avril 2023 par voie électronique, qui ne contiennent aucune prétention qui ne figurait pas déjà dans celles qui ont été signifiées le 27 janvier et le 6 février 2023 aux créanciers inscrits, le Crédit agricole demande à la cour de :

Vu les articles R 322-18 et R 322-19 du code de procédure civile,

– déclarer l’appel de la Caisse régionale de crédit agricole mutuel de la Touraine et du Poitou recevable,

Et sur le fond,

– le déclarer bien fondé et infirmer le jugement en ce qu’il a dit irrecevable à l’encontre de Mme [Y] [K] divorcée [Z] sa demande aux fins de vente forcée de l’immeuble et en ce qu’il a par ailleurs déclaré prescrites les échéances des

mois d’avril 2017 à février 2018 du prêt fondant la saisie immobilière et a invité la Caisse régionale de crédit agricole mutuel de la Touraine et du Poitou à produire un décompte actualisé de sa créance,

– subsidiairement sur la prescription, donner acte à la Caisse régionale de crédit agricole mutuel de la Touraine et du Poitou de ce que pour M. [Z] elle s’en rapporte à justice sur la déduction de la somme de 6 446,11 € du chef de cette prescription,

– sur le surplus du jugement entrepris, déclarer M. [Z] et Mme [K] non fondés en leur appel incident et confirmer le jugement sur ce point,

Par ailleurs et en cas d’évocation,

– déclarer M. [Z] et Mme [K] mal fondés en leurs contestations tendant à l’annulation ou la réduction de la clause pénale,

– donner acte à la Caisse régionale de crédit agricole mutuel de la Touraine et du Poitou de ce qu’elle s’en rapporte à justice sur la demande de vente amiable de l’immeuble avec prix plancher fixé à 70 000 euros,

– lui donner également acte de ce qu’en cas de vente forcée elle s’en rapporte à justice sur la révision à la hausse de la mise à prix sauf à rappeler dans ce cas que cette révision est sans préjudice de l’application éventuelle des dispositions de l’article R 322-47 du code des procédures civiles d’exécution,

– renvoyer la cause et les parties devant le juge de l’exécution pour la suite de la procédure,

– statuer ce que de droit sur les dépens.

Dans leurs dernières conclusions notifiées le 25 avril 2023 par voie électronique, M. [Z] et Mme [K] demandent à la cour de :

– juger irrecevable l’appel qu’à cru devoir interjeter la Caisse régionale de crédit agricole mutuel de la Touraine et du Poitou à l’encontre d’un jugement rendu le 13 septembre 2022 par le juge de l’exécution du tribunal judiciaire de Tours,

Subsidiairement et si l’appel interjeté par la Caisse régionale de crédit agricole mutuel de la Touraine et du Poitou devait être jugé recevable :

– juger M. [Z] et Mme [K] recevables et bien fondés en leur appel incident,

Y faisant droit,

Infirmer le jugement entrepris en ce qu’il a :

* rejeté les demandes tendant à voir prononcer la nullité et/ou la caducité des commandements aux fins de saisie vente immobilière,

* sursis à statuer sur les demandes de M. [Z] et Mme [K] concernant la clause pénale, l’autorisation de vendre le bien immobilier à l’amiable, sa mise à prix et l’affectation de ce prix,

Statuant à nouveau,

– prononcer la nullité et/ou la caducité des commandements de payer valant saisie signifiés à M. [Z] le 20 avril 2020 et à Mme [K] le 27 mai 2020,

En conséquence,

– juger les demandes de la Caisse régionale de crédit agricole mutuel de la Touraine et du Poitou irrecevables aussi bien à l’égard de M. [Z] que de Mme [K],

Subsidiairement,

– juger n’y avoir lieu à application de la clause pénale et à tout le moins en réduire le montant,

En conséquence,

– enjoindre à la Caisse régionale de crédit agricole mutuel de la Touraine et du Poitou de produire un nouveau décompte tenant compte aussi bien de la prescription des échéances des mois d’avril 2017 à février 2018 du prêt n°00004631287 « prêt tout habitat » que de la non application ou la réduction de la clause pénale,

– autoriser M. [Z] et Mme [K] à vendre amiablement le bien immobilier objet de la saisie,

– fixer à 70 000 € le prix en deçà duquel l’immeuble ne pourra pas être vendu,

En cas de vente sur adjudication,

– fixer la mise à prix à un montant qui soit en adéquation avec l’estimation du bien et les conditions du marché,

– juger que le prix de vente sera affecté prioritairement au remboursement du capital,

– confirmer la décision entreprise en ce qu’elle a :

* dit irrecevables les demandes aux fins de vente forcée de l’immeuble formées par la Caisse Régionale de Crédit Agricole mutuel de la Touraine et du Poitou contre Mme [Y] [K] divorcée [Z],

* déclaré prescrites les échéances des mois d’avril 2017 à février 2018 du prêt n°00004631287 « prêt tout habitat » fondant la saisie,

* invité la Caisse régionale de crédit agricole mutuel de la Touraine et du Poitou à produire un décompte détaillé actualisé de sa créance,

– débouter la Caisse régionale de crédit agricole mutuel de la Touraine et du Poitou de toutes fins et prétentions contraires,

En tout état de cause,

– condamner la Caisse régionale de crédit agricole mutuel de la Touraine et du Poitou à verser à Mme [Y] [K] et M. [O] [Z] la somme de 3 000 euros chacun sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, en remboursement des frais irrépétibles exposés en première instance et celle de 3 000 euros chacun, en remboursement des frais irrépétibles exposés en appel,

– la condamner aux entiers dépens de première instance et d’appel et accorder, en ce qui concerne ces derniers, à la société civile professionnelle Laval – Firkowski, le droit prévu à l’article 699 du code de procédure civile.

Pour un plus ample exposé des faits et des moyens des parties, il convient de se reporter à leurs dernières conclusions récapitulatives.

L’instruction a été clôturée par ordonnance du 25 mai 2023, pour l’affaire être plaidée le 8 juin suivant et mise en délibéré à ce jour sans que l’URSSAF et le Trésor public, créanciers inscrits respectivement assignés à personne morale les 18 et 20 janvier 2023, aient constitué avocat.

SUR CE, LA COUR :

Sur la recevabilité de l’appel :

M. [Z] et Mme [K] soutiennent que l’appel du Crédit agricole, qui n’a pas été formé selon la procédure à jour fixe prévue à l’article R. 322-19 du code des procédures civiles d’exécution, est irrecevable, en précisant, d’une part que le jugement entrepris a été rendu après que le premier juge, suivant une première décision rendue le 25 mai 2021, avait ordonné la réouverture des débats à

« l’audience d’orientation » du 21 juin pour que les parties s’expliquent sur l’application du règlement CE n° 1393/2007 du 13 novembre 2007 ainsi que sur l’incidence des ordonnances n° 2020-304 et 306 sur la régularité voire la validité de la procédure de saisie immobilière ; d’autre part que dans un arrêt du 26 septembre 2019 (n° 15-24.702), la deuxième chambre civile de la Cour de cassation a précisé que l’appel des jugements rendus par le juge de l’exécution « à l’audience d’orientation » relève de la procédure à jour fixe.

Le crédit agricole rétorque que l’article R. 322-19 ne vise que « le » jugement d’orientation, que l’arrêt de la Cour de cassation dont se prévalent les intimés est une décision d’espèce, qui n’a pas été diffusée et qui lui apparaît critiquable, et assure que le jugement dont il a fait appel, qui ne tranche qu’une partie des contestations soulevées par les débiteurs saisis, qui ne mentionne pas le montant retenu pour sa créance et qui ne détermine pas les modalités de vente de l’immeuble saisi, n’est pas « le » jugement d’orientation. Il en déduit que son appel formé selon la procédure ordinaire doit être déclaré recevable.

Aux termes du premier alinéa de l’article R. 322-19 du code des procédures civiles d’exécution, l’appel contre le jugement d’orientation est formé, instruit et jugé selon la procédure à jour fixe sans que l’appelant ait à se prévaloir dans sa requête d’un péril.

Dans l’arrêt du 26 septembre 2019 dont discutent les parties (pourvoi n° 15-24.702), la deuxième chambre civile de la Cour de cassation a censuré les juges du fond qui, comme le soutient le Crédit agricole, avaient considéré que le jugement d’orientation est celui qui oriente la procédure en statuant sur la fixation de créance et l’orientation de la vente.

A cette conception fonctionnelle du jugement d’orientation, la Cour de cassation a préféré une conception organique, et posé une règle d’unification du recours, en jugeant qu’au sens de l’article R. 322-19 du code des procédures civiles d’exécution, le jugement d’orientation est le jugement rendu à l’audience d’orientation par le juge de l’exécution.

L’arrêt du 26 septembre 2019 n’a certes pas été diffusé, mais dans un arrêt qui, lui, avait été publié au bulletin annuel de la Cour de cassation, la deuxième chambre civile avait déjà eu l’occasion de dire ce qu’est le jugement d’orientation, en jugeant qu’en cas de renvoi partiel, l’audience d’orientation doit être regardée comme ayant eu lieu même si le juge de l’exécution n’a pas totalement vidé son délibéré ou s’il a ordonné un sursis à statuer (Civ. 2, 17 novembre 2011, n° 10-25.439).

Si le jugement d’orientation a pour objet, in fine, de statuer sur la vente de l’immeuble saisi -vente amiable ou forcée-, la teneur de ce jugement est différente selon les contestations soulevées et les demandes incidentes formées.

L’article R. 322-15 du code des procédures civiles d’exécution précise en effet qu’à l’audience d’orientation, le juge de l’exécution vérifie que le créancier est muni d’un titre exécutoire et que le bien objet de la saisie immobilière est saisissable, avant de statuer sur les contestations et demandes incidentes éventuelles, de décider de l’orientation de la procédure vers une vente amiable ou une vente forcée et, enfin, de

fixer la créance du poursuivant.

Dans certaines hypothèses, le juge de l’exécution peut donc être amené à rendre un jugement d’orientation qui ne fixe pas la créance du poursuivant et qui n’oriente pas non plus la vente de l’immeuble, mais qui aboutit, en l’absence de titre exécutoire par exemple, à la mainlevée de la saisie immobilière. Ce jugement n’en reste pas moins « le » jugement d’orientation, dont l’appel ne pourrait être formé autrement que selon la procédure à jour fixe.

Au cas particulier, le Crédit agricole peut d’autant moins soutenir que le jugement déféré ne serait pas « le » jugement d’orientation, et que le « le jugement d’orientation viendra plus tard », que dans le jugement en cause, le juge de l’exécution a déclaré le poursuivant ‘irrecevable’ en ses demandes aux fins de vente forcée formées contre Mme [K], de sorte que, à l’égard de cette dernière, le jugement déféré constitue sans doute possible le jugement d’orientation.

Dès lors, faute d’avoir formé appel du jugement déféré selon la procédure à jour fixe, comme il est prévu à l’article R. 322-19 du code des procédures civiles d’exécution, le Crédit agricole ne peut qu’être déclaré irrecevable en son appel, étant si besoin rappelé que le présent litige est indivisible.

Sur les demandes accessoires :

Le Crédit agricole, qui succombe au sens de l’article 696 du code de procédure civile, devra supporter les dépens de l’instance et sera débouté de sa demande fondée sur les dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

Sur ce dernier fondement, le Crédit agricole sera condamné à régler à chacun de M. [Z] et de Mme [K], à qui il serait inéquitable de laisser la charge de la totalité des frais qu’ils ont exposés et qui ne sont pas compris dans les dépens, une indemnité de procédure de 1 500 euros.

PAR CES MOTIFS

Déclare la société Caisse régionale de crédit agricole mutuel de la Touraine et du Poitou irrecevable en son appel,

Condamne la société Caisse régionale de crédit agricole mutuel de la Touraine et du Poitou à payer à M. [O] [Z] la somme de 1 500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile,

Condamne la société Caisse régionale de crédit agricole mutuel de la Touraine et du Poitou à payer à Mme [Y] [K] la somme de 1 500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile,

Rejette la demande de la société Caisse régionale de crédit agricole mutuel de la Touraine et du Poitou formée sur le même fondement,

Condamne la société Caisse régionale de crédit agricole mutuel de la Touraine et du Poitou aux dépens d’appel,

Accorde à la SCP Laval – Firkowski le bénéfice des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

Arrêt signé par Madame Carole CHEGARAY, Président de la chambre commerciale à la Cour d’Appel d’ORLEANS, présidant la collégialité et Madame Marie-Claude DONNAT , Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

 


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