Saisie-attribution : 21 juillet 2023 Cour d’appel de Rennes RG n° 22/05357

·

·

Saisie-attribution : 21 juillet 2023 Cour d’appel de Rennes RG n° 22/05357
Ce point juridique est utile ?

21 juillet 2023
Cour d’appel de Rennes
RG n°
22/05357

2ème Chambre

ARRÊT N°375

N° RG 22/05357

N° Portalis DBVL-V-B7G-TCRW

Mme [H] [X]

C/

S.A.S. INTRUM CORPORATE

Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

– Me EVENAT

– Me DEPASSE

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 21 JUILLET 2023

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Président : Monsieur David JOBARD, Président de Chambre,

Assesseur : Monsieur Jean-François POTHIER, Conseiller,

Assesseur : Madame Hélène BARTHE-NARI, Conseillère,

GREFFIER :

Madame Ludivine MARTIN, lors des débats et lors du prononcé

DÉBATS :

A l’audience publique du 11 Mai 2023

devant Monsieur Jean-François POTHIER, magistrat rapporteur, tenant seul l’audience, sans opposition des représentants des parties et qui a rendu compte au délibéré collégial

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement le 21 Juillet 2023, après prorogation, par mise à disposition au greffe comme indiqué à l’issue des débats et signé par Monsieur Jean-François POTHIER, Conseiller, ayant participé au délibéré collégial, pour le Président empêché,

****

APPELANTE :

Madame [H] [X]

née le [Date naissance 2] 1959 à [Localité 6] ([Localité 6])

[Adresse 3]

[Localité 4]

Représentée par Me Charlotte EVENAT, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de SAINT-NAZAIRE

(bénéficie d’une aide juridictionnelle Totale numéro 2022/9188 du 28/10/2022 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de RENNES)

INTIMÉE :

SA INTRUM DEBT FINANCE AG représentée par la SAS INTRUM CORPORATE, venant aux droits du CREDIT AGRICOLE CONSUMER FINANCE

[Adresse 1]

[Localité 5]

Représentée par Me Jean-Pierre DEPASSE de la SCP DEPASSE, DAUGAN, QUESNEL, DEMAY, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de RENNES

EXPOSE DU LITIGE

Par ordonnance du 10 février 2012 signifiée le 7 mars suivant, le juge d’instance de Saint-Nazaire a fait injonction à Mme [H] [X] de payer à la société CA Consumer finance, anciennement dénommée Sofinco, la somme de 1 835,48 euros avec intérêts au taux légal à compter du 23 décembre 2011 sur la somme de 1 650 euros.

Poursuivant l’exécution de cette décision, la société CA Consumer Finance a, par acte du 30 avril 2012, fait signifier cette ordonnance rendue exécutoire le 16 avril 2012, et, dans le même acte, délivrer à Mme [X] commandement aux fins de saisie-vente pour avoir paiement d’une somme de 2 186,64 euros en principal, intérêts et frais.

Déclarant venir aux droits de la société CA Consumer Finance en vertu d’une convention de cession de créance du 29 juin 2018, la société Intrum DEBT Finance AG, représentée par la société Intrum Corporate, a, selon procès-verbal du 4 février 2021, fait procéder à la saisie-attribution des comptes ouverts par Mme [X] à la Banque Postale, pour avoir paiement d’une somme de 3 623,54 euros en principal, intérêts et frais.

Puis, la société Intrum DEBT Finance AG a, par acte du 12 février 2021, fait dénoncer à Mme [X] la saisie, et, dans le même acte, lui a fait signifier la cession de créance.

Contestant la régularité de la cession de créance et prétendant n’avoir d’autre revenu que l’allocation d’adulte handicapé, par nature insaisissable, Mme [X] a, par acte du 10 mars 2021, fait assigner la société Intrum DEBT Finance AG devant le juge de l’exécution de Saint-Nazaire en nullité et mainlevée de la saisie-attribution.

La défenderesse a soulevé à titre principal l’irrecevabilité de la contestation de Mme [X], au motif que celle-ci ne rapportait pas la preuve de la dénonciation de sa contestation à l’huissier ayant procédé à la saisie, au plus tard le jour ouvrable suivant la date d’assignation.

Par jugement avant dire droit du 10 novembre 2021, le juge de l’exécution a ordonné la réouverture des débats afin de recueillir les observations des parties sur la fin de non-recevoir tirée de la recevabilité de la contestation de Mme [X].

Par second jugement du 28 juillet 2022, le juge de l’exécution a :

déclaré Mme [X] recevable en sa contestation,

débouté Mme [X] de ses demandes,

condamné Mme [X] à payer à la société Intrum DEBT Finance AG, représentée par la société Intrum Corporate, la somme de 300 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux dépens.

Mme [X] a relevé appel de ce jugement par deux déclarations distinctes du 30 août 2022, et, par ordonnance du 8 septembre 2022, le conseiller de la mise en état a prononcé la jonction des deux procédures.

Aux termes de ses dernières conclusions du 10 octobre 2022, elle demande à la cour de réformer le jugement attaqué et de :

prononcer la nullité de la saisie-attribution,

ordonner la mainlevée de la saisie-attribution,

condamner la société Intrum DEBT Finance AG aux entiers dépens.

Aux termes de ses dernières conclusions du 12 octobre 2022, la société Intrum DEBT Finance AG conclut quant à elle à la confirmation du jugement attaqué, et sollicite la condamnation de Mme [X] au paiement d’une indemnité de 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux dépens de première instance et d’appel.

Les parties ont été invitées à s’expliquer par note en délibéré sur l’application du délai de prescription de l’article L. 137-2 devenu L. 218-2 du code de la consommation à la créance d’intérêts.

Par note du 7 juillet 2023, la société Intrum DEBT Finance AG a indiqué s’en remettre à l’appréciation de la cour concernant l’application aux intérêts, du délai de prescription prévu à l’article L. 137-2 devenu L. 218-2 du code de la consommation, applicable au regard de la nature de la créance, suite à l’avis sur saisine rendu par la Cour de cassation le 4 juillet 2016.

Par note du 10 juillet 2023, Mme [X] a indiqué que, suite à cet avis, les professionnels ne peuvent plus exiger du consommateur, dans le cadre de l’exécution d’un titre exécutoire, le règlement des intérêts échus plus de deux ans auparavant, de sorte que le décompte en l’espèce est erroné puisque le créancier revendique le règlement des intérêts échus plus de deux ans auparavant.

Elle en tire comme conséquence que la saisie-attribution pratiquée serait nulle, et que l’exécution forcée des intérêts attachée au principal serait prescrite.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure ainsi que des prétentions et moyens des parties, la cour se réfère aux énonciations de la décision attaquée ainsi qu’aux dernières conclusions déposées par les parties, l’ordonnance de clôture ayant été rendue le 13 avril 2023.

EXPOSE DU LITIGE

Les dispositions du jugement attaqué ayant déclaré Mme [X] recevable en sa contestation, exemptes de critiques devant la cour, seront confirmées.

Sur l’inopposabilité de la cession de créance

Mme [X] soutient qu’à la date à laquelle la saisie-attribution a été pratiquée, soit le 4 février 2021, la cession de créance intervenue au profit de la société Intrum DEBT Finance AG lui demeurait inopposable, celle-ci lui ayant été notifiée postérieurement le 12 février 2021, de sorte que la saisie aurait été pratiquée par un créancier illégitime à son égard.

Cependant, ainsi que l’a pertinemment relevé le juge de l’exécution, cette cession est opposable au débiteur à la date de sa notification, réalisée en même temps que la dénonciation de la saisie-attribution, et ne nécessitait pas d’être préalablement notifiée à Mme [X], dès lors que celle-ci ne justifie pas avoir procédé au paiement entre les mains d’un tiers, de telle sorte qu’il n’existe pas d’atteinte à ses droits empêchant la réalisation de la saisie-attribution au motif d’une notification tardive de la cession de créance.

Au surplus, le défaut d’accomplissement des formalités de l’article 1690 du code civil ne rend pas le cessionnaire irrecevable à réclamer au débiteur cédé l’exécution de son obligation quand cette exécution n’est susceptible de faire grief à aucun droit advenu depuis la naissance de la créance au débiteur cédé.

Or, Mme [X] ne rapporte pas la preuve d’un grief ayant pour fondement l’absence de notification préalable de la cession de créance, la saisie-attribution pratiquée n’étant pas en lien causal avec l’absence de notification alléguée de la cession de créance au débiteur cédé.

C’est dès lors à juste titre que le juge de l’exécution a estimé que l’irrégularité soulevée était sans fondement et l’a rejetée.

Sur le pouvoir de représentation de la société Intrum corporate

Contrairement à ce que soutient Mme [X], la saisie-attribution a bien été pratiquée par la société Intrum DEBT Finance AG, représentée par la société Intrum Corporate.

Il est également justifié par les pièces produites d’un pouvoir général de représentation régulier par la société Intrum corporate de la société Intrum DEBT Finance AG, selon acte sous seing privé du 6 janvier 2020, soit antérieurement à la saisie-attribution pratiquée le 4 février 2021.

Le moyen tiré d’un défaut de pouvoir de la personne ayant représenté le créancier lors des opérations de saisie-attribution, est dénuée de fondement et sera rejeté.

Sur la saisissabilité des ressources de Mme [X]

Mme [X] soutient qu’elle n’aurait pas d’autre revenu que son allocation d’adulte handicapé, par nature insaisissable.

Cependant, ainsi que l’a exactement relevé le premier juge, il ne résulte pas suffisamment des relevés de compte bancaire produits à la date de la saisie-attribution que le compte bancaire était crédité uniquement de l’allocation adulte handicapé selon notification de décision du 24 juillet 2020, de sorte que son compte serait insaisissable en application de l’article L. 921-5 du code de la sécurité sociale, dès lors que Mme [X] produit des relevés de compte à compter du 6 janvier 2021, présentant un solde créditeur de 610,03 euros, sans que la provenance du crédit puisse être identifié, et que, d’autre part, le premier versement de la caisse d’allocation familiale date du 5 février 2021, alors que la saisie-attribution a été pratiquée le 4 février 2021.

En outre, comme le fait valoir à juste titre l’intimée, la saisie a été pratiquée non seulement sur son compte courant, créditeur de la somme de 663,89 euros au jour de la saisie, mais également sur un compte livret d’épargne populaire, ainsi que sur un compte livret A, dont il n’est pas démontré qu’ils auraient été alimentés exclusivement par l’allocation d’adulte handicapé.

Le jugement sera donc confirmé en ce qu’il a rejeté le moyen tiré de l’insaisissabilité des sommes saisies.

Sur la créance

Mme [X] soutient encore que la cession de créance ne permettrait pas d’individualiser ou même de lui assurer que sa dette figure parmi les créances cédées.

Cependant, aucun formalisme n’est exigé quant aux modalités d’identification des créances objet de la cession, pourvu que l’acte de cession contienne les éléments permettant l’identification et une individualisation des créances cédées.

Or, pour justifier de sa qualité à agir, la société Intrum DEBT Finance AG produit la convention de cession de créance passée le 29 juin 2018 entre la société CA Consumer Finance et la société Intrum DEBT Finance AG, ainsi qu’un extrait de l’annexe des créances cédées.

Il ressort en effet de cet extrait que figurent très précisément les nom et prénom de la débitrice et la référence du contrat cédé par la société CA Consumer Finance n° 81353982575, qui correspond au numéro figurant sur l’exemplaire du contrat souscrit par Mme [X].

Mme [X] prétend également que le décompte établi par l’huissier qui a procédé à la saisie ne serait pas assez détaillé.

Cependant, comme l’a exactement relevé le premier juge, le décompte figurant sur le procès-verbal de saisie est suffisamment précis, dans la mesure où il distingue de manière parfaitement distincte le montant en principal, les intérêts échus, ainsi que les frais dont la liste est détaillée.

De même, chaque provision est détaillée pour le montant correspondant.

Mme [X] n’apporte ainsi aucun élément de nature à remettre en cause le décompte de l’huissier qui satisfait aux dispositions de l’article R. 211-1 du code des procédures civiles d’exécution.

Il s’ensuit que la société Intrum DEBT Finance AG dispose donc d’un titre exécutoire constatant l’existence d’une créance liquide et exigible à hauteur de la somme principale de 1 835,48 euros, outre les intérêts et les frais, servant de fondement à la saisie-attribution.

Cependant, il est de principe que les créances périodiques nées d’une créance en principal fixée par un titre exécutoire à la suite de la fourniture d’un bien ou d’un service par un professionnel à un consommateur, ce qui est le cas en l’espèce, sont soumises au délai de prescription biennal prévu à l’article L. 137-2 devenu article L. 218-2 du code de la consommation.

Conformément à l’article L. 141-4 devenu article R. 632-1 du code de la consommation, il entre dans les pouvoirs du juge de soulever d’office ces dispositions.

Or, la cour observe que le décompte du procès-verbal de saisie-attribution en date du 4 février 2021 comporte, outre un capital de 1835,48 euros, une créance d’intérêts de 638,32 euros calculée au taux légal sur le principal de 1 650 euros sur la période du 12 juin 2014 au 4 février 2021.

Les poursuites en recouvrement de la créance d’intérêts ne sont donc recevables que pour ceux échus depuis le 4 février 2019, deux ans avant la date de la saisie-attribution, le surplus étant irrecevable comme prescrit.

Contrairement à ce que soutient Mme [X], l’inexactitude du calcul des intérêts moratoires n’est pas de nature à entraîner la nullité de la saisie-attribution, dont il suffit de rectifier la portée.

Il convient en conséquence de donner effet à la saisie-attribution dans la limite du capital de 1 835,48 euros et des intérêts au taux légal sur le principal de 1 650 euros échus entre le 4 février 2019 et la saisie-attribution du 4 février 2021, outre les frais d’exécution de 1 144,23 euros par ailleurs non contestés (201,72 + 456,12 + 186,40 + 21,06 + 90,42 + 77,65 + 51,07 + 59,79).

Mme [X], qui succombe, supportera les dépens de première instance et d’appel, sans qu’il y ait matière à application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile au bénéfice de quiconque, tant en première instance qu’en cause d’appel.

PAR CES MOTIFS, LA COUR :

Infirme le jugement rendu le 28 juillet 2022 par le juge de l’exécution de Saint-Nazaire en ce qu’il a validé la saisie-attribution pratiquée le 4 février 2021 par la société Intrum DEBT Finance AG sur les comptes bancaires de Mme [X] pour la somme de 3 623,54 euros, et condamné Mme [X] à payer à la société Intrum DEBT Finance AG la somme de 300 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

Donne effet à la saisie-attribution dans la limite du capital de 1 835,48 euros et des intérêts au taux légal sur le principal de 1 650 euros échus entre le 4 février 2019 et le 4 février 2021, outre les frais d’exécution de 1 144,23 euros ;

Confirme le jugement attaqué en ses autres dispositions ;

Dit n’y avoir lieu à application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile tant en première instance qu’en cause d’appel ;

Condamne Mme [H] [X] aux dépens de première instance et d’appel ;

Rejette toutes autres demandes contraires ou plus amples.

LE GREFFIER LE PRESIDENT

 


0 0 votes
Évaluation de l'article
S’abonner
Notification pour
guest
0 Commentaires
Le plus ancien
Le plus récent Le plus populaire
Commentaires en ligne
Afficher tous les commentaires
Chat Icon
0
Nous aimerions avoir votre avis, veuillez laisser un commentaire.x