Rupture brutale de relation commerciale : 4 juillet 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 22/11351

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Rupture brutale de relation commerciale : 4 juillet 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 22/11351
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Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Chambre commerciale internationale

POLE 5 – CHAMBRE 16

ARRET DU 04 JUILLET 2023

(n° 62 /2023 , 15 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 22/11351 – N° Portalis 35L7-V-B7G-CF7LT

Décision déférée à la Cour : Jugement du 07 Juin 2022 -Tribunal de Commerce de PARIS 04 – RG n° 2020044262

APPELANTES

Société RUGET METALS ZRT

société de droit hongrois,

ayant son siège social : [Adresse 2] (HONGRIE)

prise en la personne de ses représentants légaux,

Société TEGUR

société par actions simplifiée,

immatriculée au RCS de BOURG-EN-BRESSE sous le numéro 329 914 014

ayant son siège social : [Adresse 3]

prise en la personne de ses représentants légaux,

Ayant pour avocat postulant : Me Matthieu BOCCON GIBOD de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, avocat au barreau de PARIS, toque : C2477

Ayant pour avocat plaidant: Me Thierry DUMOULIN, avocat au barreau de LYON

INTIMEE

SCHNEIDER ELECTRIC INDUSTRIES

société par actions simplifiée,

immatriculée au RCS de NANTERRE sous le numéro 954 503 439

ayant son siège social : [Adresse 1]

prise en la personne de ses représentants légaux,

Ayant pour avocat postulant et plaidant : Me Cédric FISCHER de la SCP FISCHER TANDEAU DE MARSAC SUR & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : P0147

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 15 Mai 2023, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant M. Daniel BARLOW, Président de chambre, et Mme Laure ALDEBERT, Conseillère chargée du rapport.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

M. Daniel BARLOW, Président de chambre

Mme Fabienne SCHALLER, Présidente de chambre

Mme Laure ALDEBERT, Conseillère

Greffier, lors des débats : Mme Najma EL FARISSI

ARRET :

– contradictoire

– prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– signé par Daniel BARLOW, président de chambre et par Najma EL FARISSI, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

* *

*

I/ FAITS ET PROCEDURE

1-La société Ruget Metal Zrt, une société de droit hongrois (ci-après « Ruget ») spécialisée dans le domaine de la tôlerie et de la peinture industrielle, qui a pour société mère la société Tegur de droit français immatriculée au registre du commerce et des sociétés de Bourg en Bresse.

2-La société Schneider Electric Industries (ci-après « Schneider ») est une société de droit français spécialisée dans la fabrication et la vente de matériel électrique immatriculée au registre du commerce et des sociétés de Nanterre.

3-Le 28 mars 2003, la société Schneider et la société Ruget ont conclu un contrat de fourniture de composants métalliques pour une durée de cinq ans dont le terme était fixé au 31 mars 2008.

4-A l’échéance du contrat, les relations commerciales se sont poursuivies sur la base de modalités renégociées chaque année.

5-Le 19 novembre 2019, la société Schneider a informé la société Ruget de son intention de mettre fin à leur coopération.

6-Des négociations se sont engagées en vue de formaliser un accord de désengagement qui n’a pas abouti.

7-Le 30 janvier 2020 la société Ruget a cédé ses actifs à la société hongroise Ferzol moyennant le prix de 200 000 euros (ci-après la cession Ruget-Ferzol).

8-Estimant que la société Schneider avait brutalement mis un terme à leur coopération sans lui laisser un délai de préavis suffisant, la société Ruget a par exploit en date du 29 septembre 2020 fait assigner la société Schneider devant le tribunal de commerce de Paris en paiement d’une indemnisation sur le fondement des dispositions de l’article L 442-1 II du code de commerce.

9-La société Tegur est intervenue à la procédure en demande sur le fondement de l’article 1240 du code civil pour obtenir réparation du préjudice qu’elle estimait subir par ricochet sur la valeur des actifs de la société Ruget qu’elle avait cédés selon elle à vil prix.

10-Au cours de la procédure devant les premiers juges, la société Schneider a saisi le tribunal d’une demande de communication de pièces concernant la cession Ruget-Ferzol et les négociations intervenues pour la vente des actifs Ruget par la société Tegur.

11- Par jugement avant-dire droit du 10 mai 2021, le tribunal a fait partiellement droit à la demande de la société Schneider de production de pièces dans les termes suivants :

Déboute la SA SCHNEIDER ELECTRIC INDUSTRIES de sa demande de communication de tous documents écrits établis en vue et à l’occasion des négociations de la cession des actions de la Société de droit hongrois RUGET METALS Zrt ;

Ordonne la production par la Société de droit hongrois RUGET METALS Zrt de la copie certifiée conforme, traduite en français, du contrat de cession de la Société de droit hongrois RUGET METALS Zrt, que cette copie soit transmise exclusivement à l’avocat de la SA SCHNEIDER ELECTRIC INDUSTRIES ; sans que ce dernier ne puisse en aucune manière en montrer le contenu à son client ; cette production est assortie d’une astreinte de 30 € par jour passé un délai de 60 jours après la notification du présent jugement, et ce pendant un délai de 30 jours ;

12-Par un jugement en date du 7 juin 2022, le tribunal de commerce de Paris a statué en ces termes :

« -DEBOUTE la société de droit hongrois Ruget Metals Zrt et la SAS Tegur de leur demande de dommages intérêts au titre du secret des affaires ;

-DEBOUTE la société de droit hongrois Ruget Metals Zrt et la SAS Tegur de leur demande sur l’irrecevabilité du document concerné ;

-CONDAMNE la SA Schneider Electric Industries à verser à la société de droit hongrois Ruget Metals Zrt la somme de 285 000 euros en réparation du préjudice subis au titre de la rupture brutale partielle de la relation commerciale établie ;

-DEBOUTE la SAS Tegur de sa demande de dommages et intérêts au titre de son préjudice sur la vente des actifs de la société de droit hongrois Ruget Metals Zrt ;

-CONDAMNE la SA Schneider Electric Industries à payer à la société de droit hongrois Ruget Metals Zrt la somme de 7 000 euros au titre de l’article 700 du CPC ;

-CONDAMNE la SAS Tegur à payer à la SA Schneider Electric Industries la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du CPC ;

-DEBOUTE les parties de leurs demandes autres, plus amples ou contraires ;

-CONDAMNE la SA Schneider Electric Industries aux dépens, dont ceux à recouvrer par le greffe, liquidés à la somme de 160,26 euros dont 26,28 euros de TVA. »

13-Par déclaration en date du 15 juin 2022 les sociétés Tegur et Ruget ont interjeté appel de cette décision.

14-Durant la procédure, les parties ont adhéré au protocole de procédure applicable devant la chambre commerciale internationale.

15-Au cours de la mise en état, la société Schneider a soulevé à nouveau un incident de communication de pièces tendant à obtenir des sociétés Ruget et Tegur, comme en première instance, qu’elles produisent l’acte de cession des actifs Ruget-Ferzol et les éléments relatifs à la négociation de la cession.

16-Par ordonnance du conseiller de la mise en état en date du 8 décembre 2022, les demandes de la société SE ont été rejetées.

17-La clôture a été prononcée le 18 avril 2023 et l’affaire est appelée à l’audience de plaidoiries du 15 mai 2023.

II/ PRETENTIONS DES PARTIES

18-Dans leurs conclusions notifiées par voie électronique le 16 avril 2023, les sociétés Tegur et Ruget Metals, demandent à la cour, au visa des articles 122 et 1240 du code de procédure civile, L 152-1, L 152-3, L152-6, L 442-1 II, L 442-4, L.153-1, L.151-1 et suivants du code de commerce, de bien vouloir:

– INFIRMER le jugement rendu le 7 juin 2022 par le Tribunal de Commerce de Paris en ce qu’il a :

‘ déboute la Société de droit hongrois RUGET METALS Zrt et la SAS TEGUR de leur demande de dommages intérêts au titre du secret des affaires,

‘ déboute la Société de droit hongrois RUGET METALS Zrt et la SAS TEGUR de leur demande sur 1’irrecevabilité du document concerné,

‘ condamne la SA SCHNEIDER ELECTRIC INDUSTRIES à verser à la Société de droit hongrois RUGET METALS Zrt la somme de 285 000 € en réparation du préjudice subie au titre de la rupture brutale partielle de la relation commerciale établie,

‘ déboute la SAS TEGUR de sa demande de dommages et intérêts au titre de son préjudice sur la vente des actifs de la Société de droit hongrois RUGET METALS Zrt,

‘ condamne la SAS TEGUR à payer à la SA SCHNEIDER ELECTRIC INDUSTRIES la somme de 2 000 € au titre de l’article 700 du CPC,

‘ déboute les parties de leurs demandes autres, plus amples ou contraires mais uniquement lorsqu’il déboute partiellement ou totalement la Société de droit hongrois RUGET METALS Zrt et la SAS TEGUR de leurs demandes,

‘ condamne la SA SCHNEIDER ELECTRIC INDUSTRIES aux dépens, dont ceux à recouvrer par le greffe, liquidés à la somme de 160,26 € dont 26,28 € de TVA.

Statuant à nouveau :

– JUGER infondé l’appel incident de la société SCHNEIDER ELECTRIC INDUSTRIES SAS et l’en DEBOUTER.

– JUGER que le droit français est applicable au présent litige.

– JUGER recevables et bien fondées la Société RUGET METALS Zrt et la SAS TEGUR en leurs demandes,

Y faisant droit,

– JUGER que la société SCHNEIDER ELECTRIC INDUSTRIES SAS a violé le secret des affaires et que la société TEGUR et la société RUGET METALS Zrt sont fondées à demander la réparation du préjudice en résultant sur le fondement de l’article L152-1du Code de commerce,

– JUGER irrecevables la pièce 21 produite par la société SCHNEIDER ELECTRIC INDUSTRIES SAS et ses conclusions en date du 1er mars 2022 ainsi que toutes conclusions antérieures ou postérieures qui feraient référence aux éléments protégés par le secret des affaires.

– CONDAMNER la société SCHNEIDER ELECTRIC INDUSTRIES SAS à payer à la société TEGUR et la société RUGET METALS Zrt la somme de 100 000 euros en réparation du préjudice résultant de la violation du secret des affaires.

– JUGER que la société SCHNEIDER ELECTRIC INDUSTRIES SAS a rompu brutalement les relations commerciales établies avec la société RUGET METALS Zrt.

– JUGER que le préavis dont devait bénéficier la société RUGET METALS Zrt est de 24 mois.

– CONDAMNER la société SCHNEIDER ELECTRIC INDUSTRIES SAS à payer à la société RUGET METALS Zrt la somme de 1 543 000 d’euros (Un million cinq cent quarante-trois mille euros) en réparation de son préjudice résultant de la rupture brutale.

– JUGER que la société TEGUR est fondée à demander réparation du préjudice subi du fait de la rupture brutale de relations commerciales établies sur le fondement de l’article 1240 du code civil.

– CONDAMNER la société SCHNEIDER ELECTRIC INDUSTRIES SAS à payer à la société TEGUR la somme de 1 600 000 d’euros (Un million six cent mille euros) en réparation de son préjudice à ce titre.

SUR L’APPEL DE SCHNEIDER ELECTRIC INDUSTRIES SAS CONTRE LE JUGEMENT DU 10 MAI 2021

– JUGER irrecevable et infondé l’appel de la Société SCHNEIDER ELECTRIC INDUSTRIES SAS à l’encontre du jugement du 10 mai 2021.

– JUGER que les Sociétés RUGET METALS Zrt et TEGUR ont transmis les documents permettant d’établir l’existence de négociations concernant la cession des actions de la Société RUGET METALS Zrt dès mars 2019.

– JUGER irrecevable et infondée la demande de la Société SCHNEIDER ELECTRIC INDUSTRIES SAS de voir ordonner aux sociétés RUGET METALS Zrt et TEGUR :

« de produire aux débats les contrats de cession d’actifs et de biens immobiliers de Ruget du 30 janvier 2020.

de produire aux débats tous documents écrits établis en vue et à l’occasion des négociations de la cession des actions de la société Ruget Metalz Zrt.

de débouter Ruget Metals Zrt et Tegur de l’ensemble de leurs demandes, fins et conclusions.

de condamner in solidum les sociétés Ruget Metals Zrt et Tegur à payer la somme de 20.000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi que les entiers dépens. »

Subsidiairement, si la cour devait faire droit à la demande de la société SCHNEIDER ELECTRIC INDUSTRIES SAS :

– JUGER que la demande de la société SCHNEIDER ELECTRIC INDUSTRIES SAS devra être limitée aux seuls éléments liés de prix de cession des actifs figurant dans la convention de cession d’actifs signée le 30 janvier 2020 entre la Société RUGET et la Société FERZOL.

EN TOUT ETAT DE CAUSE :

– CONDAMNER la société SCHNEIDER ELECTRIC INDUSTRIES SAS aux entiers dépens, incluant les frais de l’expertise privée de Messieurs [M] et [C].

– CONDAMNER la société SCHNEIDER ELECTRIC INDUSTRIES SAS à payer à chacune des sociétés RUGET METALS Zrt et TEGUR la somme de 15 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

– DEBOUTER la société SCHNEIDER ELECTRIC INDUSTRIES SAS de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions.

19- Dans ses conclusions notifiées par voie électronique le 17 avril 2023, la société Schneider demande à la cour de bien vouloir :

– REFORMER le jugement avant dire droit du tribunal de commerce de Paris du 10 mai 2021 en ce qu’il a limité la communication du contrat de cession d’actifs Ruget au conseil de SE Industries.

– INFIRMER le jugement avant dire droit du tribunal de commerce de Paris du 10 mai 2021 en ce qu’il a rejeté la demande de communication des documents établis en vue et à l’occasion des négociations de la cession des actifs et biens immobiliers de Ruget.

– CONFIRMER le jugement du tribunal de commerce de Paris du 7 juin 2022 en ce qu’il a :

– Débouté la société de droit hongrois Ruget Metals Zrt et la SAS Tegur de leur demande de dommages intérêts au titre du secret des affaires,

– Débouté la société de droit hongrois Ruget Metals Zrt et la SAS Tegur de leur demande sur l’irrecevabilité du document concerné,

– Débouté la SAS Tegur de sa demande de dommages et intérêts au titre de son préjudice sur la vente des actifs de la société de droit hongrois Ruget Metals Zrt,

– INFIRMER le jugement du tribunal de commerce de Paris du 7 juin 2022 en ce qu’il a :

‘ Condamné la SA Schneider Electric Industries à verser à la société de droit hongrois Ruget Metals Zrt la somme de 285.000 € en réparation du préjudice subi au titre de la rupture brutale partielle de la relation commerciale établie,

‘ Condamné la SA Schneider Electric Industries à payer à la société de droit hongrois Ruget Metals Zrt la somme de 7.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

Statuant à nouveau,

– ORDONNER à Ruget Metals Zrt et la SAS Tegur de produire aux débats les contrats de cession d’actifs de Ruget du 30 janvier 2020.

– ORDONNER à Ruget Metals Zrt et la SAS Tegur de produire aux débats tous documents écrits établis en vue et à l’occasion des négociations de la cession des actions de la société Ruget Metals Zrt.

– DEBOUTER Ruget Metals Zrt et Tegur de l’ensemble de leurs demandes, fins et conclusions

– CONDAMNER in solidum les sociétés Ruget Metals Zrt et Tegur à payer la somme de 40.000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi que les entiers dépens qui seront recouvrés par FTMS Avocats conformément à l’article 699 du code de procédure civile.

III/ MOTIFS DE LA DECISION

Sur l’appel du jugement avant-dire droit du 10 mai 2021

20-La société Schneider forme, au terme de ses conclusions d’appel incident, appel de la décision du 10 mai 2021 en ce que le tribunal a limité la communication du contrat de cession d’actifs Ruget au conseil de Schneider Industries et rejeté sa demande de communication des documents établis en vue et à l’occasion des négociations de la cession des actifs et biens immobiliers de Ruget.

21-Elle soutient que le tribunal de commerce ne pouvait pas ordonner que le contrat de cession des actifs Ruget soit remis à son conseil sans qu’il puisse s’en prévaloir dans les débats s’agissant d’une pièce que le tribunal a lui-même jugé nécessaire à la solution du litige et qui devait être soumise au débat contradictoire.

22-Elle demande en conséquence d’infirmer la décision et d’ordonner aux sociétés Ruget et Tegur de communiquer les contrats de cession d’actifs Ruget ainsi que tous autres documents établis en vue et à l’occasion des négociations de la cession des actifs Ruget.

23-Les sociétés Ruget et Tegur concluent à l’irrecevabilité et au mal fondé de l’appel du jugement du 10 mai 2021et demandent subsidiairement de juger que la demande de la société Schneider devra être limitée aux seuls éléments liés au prix de cession des actifs figurant dans la convention de cession d’actifs signée le 30 janvier 2020.

24-Elles reprochent à la société Schneider d’avoir communiqué cette pièce à la procédure en violation de l’obligation que le tribunal avait faite de ne pas le faire puisque le tribunal avait réservé cette communication à son conseil et estime que ce faisant la société Schneider a violé le secret des affaires et qu’elle est bien fondée à en demander réparation sur le fondement de l’article L 152-1 du code de commerce à hauteur de 100 000 euros.

25-Elles en déduisent que la pièce numérotée 21 par la société Schneider est irrecevable ainsi que ses conclusions qui y font référence.

SUR CE :

Sur la recevabilité

26-Les sociétés n’invoquent pas les dispositions sur lesquelles elles se fondent pour prétendre à l’irrecevabilité de l’appel formé par la société Schneider contre le jugement rendu par le tribunal de commerce le 10 mai 2021.

27-Le jugement dont il s’agit est une décision avant dire droit rendue dans le cadre de l’instruction de l’instance, sur un incident de communication de pièces avant de statuer au fond.

28-Il convient de relever que selon les dispositions de l’article 795 du code de procédure civile la société Schneider ne pouvait pas faire immédiatement appel de cette décision qui ne pouvait être frappée d’appel qu’avec le jugement sur le fond.

29-Il résulte de ce qui précède que l’appel formé par la société Schneider contre ce jugement dans le cadre de son appel incident, qui a pour effet d’élargir l’effet dévolutif de l’appel principal, est recevable.

Sur le bien fondé

30-La demande porte sur la communication de convention de cession d’actifs signée le 30 janvier 2020 entre la société Ruget et la société Ferzol, d’une part, et sur les justificatifs des négociations, d’autre part.

Sur la communication de la convention de cession d’actifs signée le 30 janvier 2020 entre la société RUGET et la société FERZOL

31-Selon l’article L. 151-1 du code de commerce :

Est protégée au titre du secret des affaires toute information répondant aux critères suivants:

1° Elle n’est pas, en elle-même ou dans la configuration et l’assemblage exacts de ses éléments, généralement connue ou aisément accessible pour les personnes familières de ce type d’informations en raison de leur secteur d’activité;

2° Elle revêt une valeur commerciale, effective ou potentielle, du fait de son caractère secret;

3° Elle fait l’objet de la part de son détenteur légitime de mesures de protection raisonnables, compte tenu des circonstances, pour en conserver le caractère secret

32-L’article L. 153-1, 2° énonce que :

Lorsque, à l’occasion d’une instance civile ou commerciale ayant pour objet une mesure d’instruction sollicitée avant tout procès au fond ou à l’occasion d’une instance au fond, il est fait état ou est demandée la communication ou la production d’une pièce dont il est allégué par une partie ou un tiers ou dont il a été jugé qu’elle est de nature à porter atteinte à un secret des affaires, le juge peut, d’office ou à la demande d’une partie ou d’un tiers, si la protection de ce secret ne peut être assurée autrement et sans préjudice de l’exercice des droits de la défense:

(…)

2° Décider de limiter la communication ou la production de cette pièce à certains de ses éléments, en ordonner la communication ou la production sous une forme de résumé ou en restreindre l’accès, pour chacune des parties, au plus à une personne physique et une personne habilitée à l’assister ou la représenter;

33-En l’espèce, il ressort des stipulations du paragraphe 16 de la convention passée entre la société Ruget et la société Ferzol que lesdites sociétés ont prévu une clause de confidentialité au terme de laquelle elles se sont engagées à traiter de manière strictement confidentielle toute information révélée au cours des négociations et ou liée à l’objet des dispositions de cette convention.

34-Il résulte de ces énonciations et constatations que les sociétés ont volontairement placé le contrat sous le sceau de la confidentialité de sorte que la société Ruget pouvait se prévaloir du secret des affaires dont la protection a été assurée par le tribunal en limitant sa communication au conseil de la société Schneider.

35-C’est pour tenir compte de la protection du secret des affaires et des nécessités liées à la résolution du litige que le tribunal de commerce a jugé nécessaire de restreindre cette communication et qu’il a pu le faire conformément aux dispositions de l’article L 153-1 2° du code de commerce précitées sans porter en soi atteinte au principe de la contradiction.

36-Il convient en conséquence de confirmer ce chef de la décision.

Sur la demande de communication des autres pièces correspondant aux justificatifs des négociations

37-Selon l’article 132 du code de procédure civile, la partie qui fait état d’une pièce s’oblige à la communiquer à toute autre partie à l’instance.

38-En l’occurrence, la demande de communication forcée de pièces formée par la société Schneider concerne l’administration de la preuve des faits allégués par la société Tegur à l’appui de sa demande en réparation du préjudice qu’elle invoque sur le fondement de l’article 1240 du code civil, que la société Schneider trouve insuffisante.

39-Il ressort de la procédure que la société Tegur ne fait pas directement ni précisément état des pièces demandées par la société Schneider dans ses écritures de sorte qu’il n’y a pas lieu d’y faire droit sur le fondement de l’article 132 du code de procédure civile, étant observé que cette demande de production forcée tend en réalité à pallier la prétendue carence de la preuve des appelantes dans leurs allégations.

40-L’intégralité de la demande sera rejetée et les dispositions du jugement du 10 mai 2021 seront confirmées.

Sur la violation du secret des affaires

41-Les sociétés Ruget et Tegur mettent en avant le fait que l’acte de cession d’actifs Tegur- Ferzol a été en réalité transmis à Schneider par son avocat et communiquée à la procédure en violation des dispositions du jugement du 10 mai 2021 constituant selon elles une atteinte au secret des affaires dont elles demandent réparation sur le fondement des articles L 152-1 et suivants du code de commerce.

42-La société Schneider soutient en réponse que les appelantes ne démontrent pas que la convention de transfert des actifs remplit les conditions pour relever du secret des affaires.

Elle ajoute que quand bien même il s’agirait d’une information protégée, elle est tiers à la convention et n’était pas tenue à une obligation de confidentialité qui n’incombe qu’aux parties et qu’en tout état de cause les appelantes ne démontrent pas l’existence d’un préjudice.

SUR CE :

43-L’article L 152-1 du code de commerce dispose que toute atteinte au secret des affaires telle que prévue aux articles L. 151-4 à L. 151-6 engage la responsabilité civile de son auteur.

44-S’il n’est pas contesté que la pièce litigieuse a été communiquée à la société Schneider par son avocat et produite au débat sous le numéro 21 alors que le tribunal en avait restreint l’accès à ce dernier, la cour relève que les appelantes incriminent non pas le comportement de la société Schneider mais celle de son conseil de sorte que leur demande dirigée contre l’intimée ne saurait prospérer.

45-Au vu de ces constatations, la cour déboutera les sociétés Ruget et Tegur de leurs demandes, en observant à titre surabondant que, pour les motifs retenus par les premiers juges, elles n’établissent pas l’existence d’un préjudice subi du fait de la communication au débat de cette pièce qui leur sert également au soutien de leurs allégations dans leurs écritures au §246.

Sur la rupture brutale de la relation commerciale

Sur le droit applicable

46- Les sociétés appelantes demandent au terme de leur dispositif de juger le droit français applicable.

47- Suivant l’article 954 du code de procédure civile, il n’y a pas lieu d’examiner cette prétention qui n’est soutenue par aucun moyen invoqué dans la discussion, étant observé au demeurant que les parties conviennent d’appliquer le droit français sur le fondement duquel elles ont conclu et qui était le droit initialement convenu selon les dispositions du contrat de fournitures de composants initial du 28 mars 2003.

Sur le fond

48-A l’appui de son appel, la société Ruget soutient être victime d’une rupture brutale de relations commerciales établies justifiant au minimum 24 mois de préavis au lieu des 6 mois accordés par le tribunal de commerce.

49-A cet égard, elle fait valoir qu’en l’absence de toute faute de sa part, la rupture annoncée verbalement le 19 novembre 2019 est intervenue sans préavis écrit.

50-Elle expose que cette décision a conduit à l’arrêt ferme et définitif de leur coopération dès 2020, après 17 années de relations commerciales stables et habituelles et alors qu’elle réalisait l’essentiel de sa marge avec la société Schneider.

51-Elle conteste la reprise par la société Ferzol de ses relations commerciales avec la société Schneider et la prise en compte dans le calcul du préavis de l’arrêt de son activité.

52- Elle demande en réparation de son préjudice la somme de 1 543 000 euros calculée sur la perte de marge sur coûts variable sur deux usines SE ZEG et SE Alpes sur une durée de deux ans à l’appui d’un rapport d’expertise comptable établi le 17 juillet 2020 complété le 22 décembre 2021.

53-En réplique, la société Schneider soutient avoir invoqué des motifs graves pour mettre fin à la relation commerciale intervenue le 19 novembre 2019.

54-A ce titre elle évoque de nombreux problèmes rencontrés depuis le début de l’année 2019 auxquels la société Ruget n’a pas remédié soulignant son incapacité à faire face au volume des commandes sollicitées et son manque de compétitivité.

55- Elle fait également valoir qu’elle a proposé à la société Ruget un préavis de onze mois suffisant au regard de la durée de la relation commerciale établie excluant le caractère brutal de la rupture et qu’en l’absence d’accord sur le protocole formalisant le désengagement des commandes, elle a poursuivi ses relations commerciales avec le repreneur de la société Ruget, la société Ferzol.

56-Elle souligne en tout état de cause le caractère excessif de la durée d’un préavis de 24 mois supérieur au plafond de 18 mois prévu par l’article L 442-1 II du code de commerce et le refus par la société Ruget d’accepter le préavis de 11 mois qu’elle lui avait proposé dans le protocole d’accord du 13 février 2020 prévoyant la poursuite de commandes jusqu’au 31 octobre 2020.

57- Elle fait observer que la société Ruget n’était tenue par aucune clause d’exclusivité et pouvait développer sa clientèle.

58-Elle soutient enfin que la poursuite des commandes avec la société Ferzol exclut le droit à indemnisation de la société Ruget avec laquelle la relation s’est poursuivie, la société Ruget ayant au demeurant cessé toute activité.

59-Elle ajoute à titre subsidiaire qu’à supposer que la société Ruget ait droit à une indemnisation, son préjudice ne peut être calculé que sur la période où elle a pu subir une perte de marge soit jusqu’au 20 février 2020, date d’effet de la cession de son activité à la société Ferzol.

60-Elle en déduit que le délai de préavis ne peut excéder en conséquence trois mois, du 19 novembre 2019 au 20 février 2020 et que la décision qui a retenu un délai de préavis de six mois doit être infirmée sur ce chef.

61- Elle fait valoir que le calcul du préjudice établi à la demande de la société Ruget dans son intérêt de manière non contradictoire par deux experts comptables le 17 juillet 2020 corrigé le 22 décembre 2021 n’est pas fiable.

62-Elle fait observer que s’étant mises d’accord dés le début de l’année 2019 sur un désengagement de la société Ruget sur quatre usines de Schneider, elle ne peut solliciter qu’une indemnisation au titre de l’éventuelle perte de marges sur coûts variables qu’à partir du chiffre d’affaires mensuel moyen limité aux deux usines SE ZEG et SE Alpes calculés sur les trois dernières années, 2017-2018-2019.

63-Elle indique qu’en retenant le taux moyen de marge sur coûts variables retenu dans le rapport d’expertise, l’indemnité supposée serait alors de 72 000 euros.

Sur la brutalité de la rupture

64-Selon l’article L442-1 II du code de commerce :

« II. – Engage la responsabilité de son auteur et l’oblige à réparer le préjudice causé le fait, par toute personne exerçant des activités de production, de distribution ou de services de rompre brutalement, même partiellement, une relation commerciale établie, en l’absence d’un préavis écrit qui tienne compte notamment de la durée de la relation commerciale, en référence aux usages du commerce ou aux accords interprofessionnels.

En cas de litige entre les parties sur la durée du préavis, la responsabilité de l’auteur de la rupture ne peut être engagée du chef d’une durée insuffisante dès lors qu’il a respecté un préavis de dix-huit mois.

65-Ces dispositions « ne font pas obstacle à la faculté de résiliation sans préavis, en cas d’inexécution par l’autre partie de ses obligations ou en cas de force majeure ».

66-Il en résulte que la gravité du comportement d’une partie à une relation commerciale autorise l’autre partie à y mettre fin sans préavis.

67-Au cas présent, l’existence d’une relation commerciale établie n’est pas contestée par les parties qui conviennent de l’ancienneté de leur coopération qui a duré 17 ans.

68-Elles conviennent que la rupture est intervenue le 19 novembre 2019, date à laquelle Schneider a annoncé verbalement à la société Ruget l’arrêt ferme et définitif de la coopération dès le début de l’année 2020. Il n’est pas non plus contesté que le terme effectif de leur relation est intervenu à la fin du mois de décembre 2019 soit un peu plus d’un mois après l’annonce de la rupture.

69-Pour s’exonérer de sa responsabilité, la société Schneider oppose à la société Ruget ses propres fautes en lui reprochant un manquement à ses obligations quant aux tarifs qu’elle aurait imposés, aux arriérés de commandes, à son incapacité à faire face à la production pour répondre à ses besoins la contraignant à se tourner vers d’autres fournisseurs.

70-Cependant ces griefs qui n’ont fait l’objet d’aucun avertissement ni d’aucune mise en demeure, ne ressortent pas des emails communiqués au débat par la société Schneider qui ne font pas état d’une faute mais d’échanges sur les quantités commandées et la révision des grilles tarifaires des produits que les parties négociaient entre elles chaque année.

71-Il ressort en outre du protocole adressé par la société SE à la société Ruget le 13 février 2020 qu’elle a reconnu mettre fin aux relations commerciales pour des raisons de réorganisation industrielle et proposé à la société Ruget une poursuite des commandes jusqu’en octobre 2020 équivalant à un préavis de onze mois selon ses propres déclarations de sorte que l’existence d’une situation grave et urgente qui aurait justifié l’impossibilité de poursuivre la relation commerciale n’est aucunement établie.

72-Il résulte de ce qui précède que le tribunal de commerce a pu statuer comme il l’a fait et retenir qu’en l’absence d’un motif grave, la fin des relations commerciales devait s’accompagner d’un délai de préavis suffisant.

73-La société Schneider conteste cette analyse en prétendant que la relation s’est poursuivie avec la société Ferzol cessionnaire du contrat à qui elle a continué de s’adresser pour passer ses commandes.

74-Toutefois la société Schneider ne démontre pas que la cession des actifs Ruget s’est accompagnée de la transmission à titre particulier du contrat dont aucune mention ne figure dans l’acte de cession Ruget-Frezol, étant observé que la société Ruget s’est bornée à annoncer par email les 6 et 17 février 2020 à la société Schneider qu’elle avait cédé à la société Ferzol son activité sans évoquer une quelconque reprise de ce contrat qui au demeurant était terminé et ne pouvait être cédé.

75-La circonstance selon laquelle la société Schneider a par la suite passé commande à la société Ferzol ne démontre aucune intention de se situer dans la continuation des relations antérieures dans la mesure où cette décision résulte du seul choix de Schneider après avoir arrêté ses relations commerciales avec la société Ruget.

76-Il ressort de ces constatations et appréciations que la société Schneider qui ne justifie d’aucune circonstance objective justifiant la rupture, a engagé sa responsabilité en mettant un terme à la relation commerciale établie avec la société Ruget sans préavis écrit le 19 novembre 2019.

Sur le préavis et l’indemnisation

77-Le délai du préavis suffisant s’apprécie en tenant compte de la durée de la relation commerciale et des autres circonstances au moment de la notification de la rupture et en cas d’insuffisance du préavis, le préjudice en résultant est évalué en fonction de la durée du préavis jugée nécessaire.

78-Le préjudice réparable est celui lié à la brutalité de la rupture et non à la rupture elle-même.

79- Celui-ci s’évalue au jour de la rupture par rapport à la durée de préavis jugée suffisante sans tenir compte des circonstances postérieures à la notification.

80-Au moment de la rupture des relations commerciales, la durée des relations était de 17 ans.

81-Il ressort du rapport d’expertise comptable produit par la société Ruget que les commandes des usines de la société Schneider ont représenté plus de 50% de son chiffre d’affaires puis de 2016 à 2019 entre 30 et 40% du chiffre d’affaires total.

82-Il est indiqué que « le chiffre d’affaires a connu une forte baisse entre 2008 et 2015 passant de 7,8M d’euros à 3,9 M puis s’est stabilisé autour de 2,5 M entre 2016 et 2018, la société SE ayant commencé à réduire son activité avec la société Ruget avant l’annonce de la rupture de la relation commerciale »

83-Compte tenu de l’ancienneté des relations entre les parties, du volume d’affaires réalisé et du désengagement progressif de la société SE, la durée du préavis en sera fixée à 12 mois étant rappelé que la suffisance du délai s’apprécie par rapport aux circonstances au moment de la notification de la rupture sans pouvoir tenir compte des circonstances postérieures. L’évaluation du délai ne peut en conséquence tenir compte de l’arrêt d’activité de la société Ruget qui est une circonstance intervenue postérieurement qui n’ôte pas son caractère brutal à la rupture.

84 – Si les parties ne s’opposent pas sur le raisonnement des experts-comptables consistant pour apprécier le préjudice à calculer la marge sur coûts variables perdus et à soustraire la partie du chiffre d’affaire réalisé jusqu’à la fin de l’année 2019 date à laquelle les relations ont définitivement cessé, la société Schneider conteste les modalités de détermination du chiffre d’affaires qui a été retenu dans le premier rapport d’expertise comptable du 17 juillet 2020.

85-Il ressort cependant de la note en réponse des experts-comptables du 22 décembre 2021 que, conformément aux observations formulées par la société Schneider, le calcul de l’indemnité a été revu à la baisse en tenant compte du seul chiffre d’affaires réalisé avec les usines SE Alpes et SE ZEG calculé sur la moyenne des années 2017, 2018 et 2019.

86-Dans ces conditions et selon la méthode de calcul retenue par les experts-comptables à partir des données fournies, il sera pris en compte la moyenne mensuelle du chiffre d’affaires des deux entités SE Alpes et SE ZEG pour calculer le montant du préjudice subi soit la somme de 170 000 euros de chiffre d’affaires à laquelle il sera appliqué un taux de marge brute de 39,47% selon 170 000 euros X 12 mois (durée du préavis) = 2 040 000 euros.

87- De cette somme sera déduit le chiffre d’affaires réalisé par Ruget en 2019, soit la somme de 170 000 euros, ce qui donne un chiffre d’affaires perdu de 1 870 000 euros (2 040 000 ‘ 170 000) auquel il sera appliqué une marge brute de 39,47%.

88-Le montant des dommages et intérêts alloué à la société Ruget sera, dès lors évalué à 1 870 000 euros X 39,47 % = 738 000 euros.

89-Il y a lieu dès lors par infirmation du jugement déféré sur ce chef de porter la somme accordée à la société Ruget en réparation de son préjudice subi à la somme de 738 000 euros en réparation de la rupture brutale des relations commerciales.

Sur la demande de la société Tegur

89-La société Tegur soutient, sur le fondement de l’article 1240 du code civil, subir par ricochet un préjudice du fait de la rupture des relations commerciales intervenue brutalement entre sa filiale Ruget et la société Schneider le 19 novembre 2019.

90-Elle expose qu’elle avait initié des négociations depuis mars 2019 pour vendre sa participation dans la société Ruget dont les titres étaient valorisés entre 1,6 et 1,7 millions, et avoir été obligée de renégocier le prix de cession et à vendre les actifs Ruget pour un prix dérisoire de 200 000 euros.

91-Elle sollicite une indemnisation du gain manqué qu’elle estime avoir subi du fait de la vente des actifs Ruget à un prix largement inférieur à celui qu’elle aurait pu espérer si elle avait conservé son client principal Schneider.

92-En réponse la société Schneider fait valoir l’absence de tout commencement de preuve de l’existence d’un préjudice faisant observer que la perte d’un client ne représentant que 35% de son chiffre d’affaires ne peut impacter à ce point la valeur d’une société.

SUR CE :

93-Si un tiers peut invoquer sur le fondement de la responsabilité délictuelle la rupture brutale d’une relation commerciale dès lors que ce manquement lui a causé un préjudice, force est constater qu’en l’espèce la société Tegur n’établit pas souffrir de la brutalité de la rupture mais de la rupture elle-même dont le caractère fautif n’est pas établi, étant rappelé que la possibilité de rupture est consubstantielle à toute relation contractuelle.

94-Il s’ensuit que la demande est mal fondée et que la décision sera confirmée sur chef.

Sur les demandes accessoires

95-Les dispositions du jugement sur les frais irrépétibles et les dépens seront confirmées.

96-La société Schneider qui succombe principalement sera condamnée aux dépens sans qu’il y ait lieu d’y inclure les frais de l’expertise privée faite à la demande des sociétés Ruget et Tegur ; Elle sera condamnée à verser à la société Ruget la somme de 10 000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

97-La société Tegur qui succombe sera déboutée de sa demande formée au titre des frais irrépétibles et condamnée à verser à la société Schneider la somme de 5000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

IV /DISPOSITIF

Par ces motifs, la Cour :

1) Reçoit l’appel formé par la société Schneider Electric Industries contre le jugement avant dire droit rendu le 10 mai 2021 et confirme la décision,

2) Confirme le jugement en ses dispositions soumises à la cour, sauf sur le montant de la somme allouée à la société Ruget au titre de la rupture brutale des relations commerciales,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

3)Dit que la société Schneider Electric Industrie a rompu brutalement les relations commerciales qu’elle entretenait avec la société Ruget Metals

4) Dit que la société Ruget Metals aurait dû bénéficier d’un délai de préavis de 12 mois,

5) Condamne la société Schneider Electric Industries à verser à société Ruget Metals la somme de 738 000 euros à titre de dommages et intérêts pour non-respect du délai de préavis lors de la rupture des relations commerciales,

6) Condamne la société Schneider Electric Industries à verser à la société Ruget Metals la somme de 10 000 (dix mille) euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

7) Condamne la société Tegur à verser à la société Schneider Electric Industries la somme de 5 000 euros (cinq mille euros) sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

8)Condamne la société Schneider Electric Industrie aux dépens de la procédure d’appel qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

LA GREFFIERE, LE PRESIDENT,

 


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