Rupture brutale de relation commerciale : 20 mai 2022 Cour d’appel de Paris RG n° 20/06167

·

·

Rupture brutale de relation commerciale : 20 mai 2022 Cour d’appel de Paris RG n° 20/06167
Ce point juridique est utile ?

RÉPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 5 – Chambre 11

ARRÊT DU 20 MAI 2022

(n° 2022/ , 9 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 20/06167 – N° Portalis 35L7-V-B7E-CBXNA

Décision déférée à la Cour : Jugement du 08 Avril 2020 -Tribunal de Commerce de PARIS – RG n° 2018000507

APPELANTES

S.A.S. TCLR anciennement dénommée CALLR, prise en la personne de ses représentants légaux,

[Adresse 1]

[Localité 5]

Registre du Commerce et des Sociétés de Paris sous le numéro 528 684 079

Représentée par Me Virginie DOMAIN, avocat au barreau de PARIS, toque : C2440

Ayant pour avocate plaidante Me Julie COUJOU, avocat au barreau de PARIS, toque : K0192

S.E.L.A.R.L. AJRS

prise en la personne de Me [K] [T], es-qualité de commissaire à l’exécution du plan de la société TCLR anciennement dénommée CALL R, désignée en cette fonction par Jugement du Tribunal de commerce de Paris du 27 décembre 2018,

[Adresse 7]

[Localité 6]

Registre du Commerce et des Sociétés de Paris sous le numéro 510 227 432

Représentée par Me Virginie DOMAIN, avocat au barreau de PARIS, toque : C2440

Ayant pour avocate plaidante Me Julie COUJOU, avocat au barreau de PARIS, toque : K0192

S.E.L.A.R.L. FIDES

prise en la personne de Me [W] [H] es-qualité de mandataire judiciaire de la société TCLR anciennement dénommée CALL R

[Adresse 3]

[Localité 4]

Représentée par Me Virginie DOMAIN, avocat au barreau de PARIS, toque : C2440

Ayant pour avocate plaidante Me Julie COUJOU, avocat au barreau de PARIS, toque : K0192

INTIMÉE

S.A.S. VERIZON FRANCE

prise en la personne de ses représentants légaux

[Adresse 2],

[Localité 8]

Registre du Commerce et des Sociétés de Nanterre sous le n° 398 517 169

Représentée par Me Vonnick LE GUILLOU du PARTNERSHIPS DLA PIPER FRANCE LLP, avocat au barreau de PARIS, toque : R235

Ayant pour avocate plaidante Me Audrey LEMNIAI, avocat au barreau de PARIS

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile,

l’affaire a été débattue le 03 Février 2022, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant M. Denis ARDISSON, Président de la chambre, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

M. Denis ARDISSON, Président de la chambre

Mme Marion PRIMEVERT, Conseillère

Mme Marie-Sophie L’ELEU DE LA SIMONE, Conseillère

Greffière, lors des débats : Mme Mathilde BOUDRENGHIEN

ARRÊT :

– contradictoire

– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour initialment prévue le 22 avril 2022, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– signé par M. Denis ARDISSON, Président de la chambre et par Marylène BOGAERS, Greffière présent lors du prononcé.

******

1. Par un jugement du 8 avril 2020, le tribunal de commerce de Paris a, avec exécution provisoire, reconnu la créance de la société Verizon France (‘société Verizon’) sur la société CallR pour la somme de 515.619,26 euros au titre des trois factures émises les 1er novembre, 1er décembre et 13 décembre 2016 pour des appels de téléphonie, y compris des intérêts de retard, fixé cette créance au passif du redressement judiciaire de la société CallR dont 30 % à verser (154.685,77 euros) à la société Verizon en application du plan de redressement, débouté la société CallR de toutes ses demandes de dommages et intérêts et condamner la société Call à payer les dépens et la somme de 3.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

2. Appel a été interjeté le 27 avril 2020 par la société CallR nouvellement dénommée société TCLR représentée par la société AJRS et Me [K] [T], désignées commissaires à l’exécution au plan, et la société Fides et M. [W] [H] désignés mandataires judiciaires.

3. Par conclusions remises par le réseau privé virtuel des avocats le 2 décembre 2020, la société TCLR, représentée par la société AJRS et Me [K] [T] commissaires à l’exécution au plan et la société Fides et M. [W] [H] désignés mandataires judiciaires, demande, en application des articles 1134, 1147, 1315 du code civil, L. 441-9, L. 442-6 (ancien), L.622-22, L. 622-25 et R. 622-23 du code de commerce et 9 du code de procédure civile, de :

– déclarer recevable et bien fondé l’appel,

– infirmer le jugement en toutes ses dispositions,

à titre principal,

– juger que l’objet de l’instance est désormais limité à fixer la créance éventuelle de la société Verizon au passif de la société TCLR,

– constater que la société TCLR n’a été informée que le 20 juillet 2016 du principe d’une augmentation tarifaire appliquée rétroactivement aux mois de juin et juillet 2016,

– constater que société TCLR n’a été informée que le 22 septembre 2016 du montant de l’augmentation tarifaire relative au trafic acheminé aux mois de juin et juillet 2016,

– débouter la société Verizon de l’ensemble de ses demandes, fins et prétentions,

subsidiairement,

– limiter toute admission au passif de la société TCLR au titre de la facture S030113858 émise le 13 décembre 2016 à la somme de 191.432,518 Euros, soit un paiement à concurrence de 57.429,75 Euros, représentant 30% du montant en principal,

– limiter toute admission au passif de la société TCLR au titre des factures W030260176 et W030261967 émises les 1 er novembre et 1 er décembre 2016 à la somme de 6.118,27 euros soit un paiement à concurrence de 1.835,47 euros représentant 30% du montant en principal,

– dire que les factures W030263786 et W030265578 émises les 1er janvier et 1er février 2017 n’ont pas fait l’objet d’une déclaration de créance ni d’un relevé de forclusion et en conséquence rejeter leur admission au passif de la société TCLR,

– juger que toute créance reconnue à la société Verizon ne donnerait lieu à paiement de la société TCLR qu’à concurrence de 30% de son montant en principal, conformément aux termes de l’Option 2 du plan arrêté par Jugement du 27 décembre 2018,

– dire que la société Verizon a commis une faute au regard des articles L. 441-9 et L. 442-6 du code de commerce,

– dire que la seule indemnisation due à TCLR au regard de la rupture brutale des relations commerciales établies s’élève à 82.889 euros,

– dire que le dommage causé par la société Verizon est égal au montant de la facturation litigieuse qui serait mise à la charge de TCLR et a minima 82.889 euros,

– condamner la société Verizon à payer à TCLR à titre de dommages et intérêts l’équivalent de toute somme qui serait mise à la charge de TCLR au titre de la facturation litigieuse,

– ordonner la compensation,

en tout état de cause,

– débouter la société Verizon de toutes ses demandes,

– condamner la société Verizon au paiement de la somme de 20.000 euros sur le fondement de l’article 700 code de procédure civile,

– condamner la société Verizon aux dépens de première instance et d’appel dont distraction au profit de Me Virginie Domain conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile ;

4. Par conclusions remises par le réseau privé virtuel des avocats le 8 septembre 2021, la société Verizon France demande, en application des articles l’article 1134 (ancien) du code civil, L. 442-6 et L. 622-22 du code de commerce, de :

à titre principal,

– confirmer le jugement en toutes ses dispositions,

– rejeter toute demande des appelantes,

à titre subsidiaire,

– constater que la société Verizon est titulaire d’une créance de 255.097,88 euros à l’encontre de la société CallR,

– fixer sa créance au passif du redressement judiciaire de la société CallR à la somme de 255.097,88 euros, dont 30% à verser à la société Verizon France en application du plan de redressement, soit 76.529,364 euros,

en tout état de cause,

– condamner les appelantes à payer à la société Verizon France la somme de 20.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux dépens.

SUR CE, LA COUR,

Pour un exposé complet des faits et de la procédure, la cour renvoie expressément au jugement déféré et aux écritures des parties.

5. Il sera succinctement rapporté que le 1er juillet 2011, la société Verizon France, opérateur de télécommunications électroniques, a souscrit à la cession au profit de la société CallR du contrat-cadre pour la fourniture de services de télécommunications et d’accès à Internet qu’elle avait convenu avec la société Odioweb, et dont le prix pour les services à la voix était calculé en fonction des communications effectuées.

6. En 2016, les opérateurs mobiles français ont décidé d’introduire un surcoût pour les appels à la voix vers les mobiles et émis soit depuis un numéro international hors zone Europe et Etats-Unis, soit sans numéro ou au moyen d’un format de numéro incorrect, ce dont la société Verizon a informé ses propres clients pour répercurter ces surcoûts par deux courriels, adressé pour la société CallR, à l’adresse ‘[Courriel 10]’, et indiquant le 5 mai 2016 un surcoût de 0.50 euros par minute, révisé dans un courriel du 14 mai 2016, à 0.10 euros par minute.

7. Par courriel du 20 juillet 2016, la société Verizon a informé la société CallR des niveaux d’appels anormaux émis depuis ses numéros à destination d’appareils mobiles en France pouvant donner lieu à surfacturation et qui représentaient 43% du trafic en juin, et 81% en juillet 2016.

8. Les parties ne s’étant pas accordées amiablement sur le paiement de la somme de 478.581,29 euros représentative de la tarification pour les appels anormaux des mois de juin et juillet 2016, puis la société CallR ayant cessé d’acquitter les factures émises en novembre et décembre 2016, la société Verizon l’a assignée le 26 juin 2017 devant le tribunal de commerce de Paris en paiement de la somme de 515.619,26 euros avant d’assigner aussi la société AJRS désignée administrateur de la société CallR lors du redressement judiciaire ordonné par la juridiction commerciale le 13 février 2018.

I. Sur la régularité de la notification de la hausse tarifaire

9. Pour entendre infirmer le jugement en ce qu’il l’a condamnée à payer les trois factures en particulier celle du 16 décembre 2016 au titre de la surfacturation des appels hors zone Europe et Etats-Unis en juin et juillet 2016, et conclure à l’inopposabilité de la révision de la hausse tarifaire, la société CallR conteste, en premier lieu, la faculté de la société Verizon d’imposer la révision de ses tarifs en soutenant que l’acte de cession de la société Odioweb du 1er juillet 2011 ne visait que le transfert d’un bon de commande ‘SIP INTERCONNECT OUTBOUND EMEA’ et non celui du contrat-cadre du 6 octobre 2010 stipulant les clauses dont se prévaut la société Verizon.

10. Au demeurant, ainsi que le relève la société Verizon, d’après une traduction non contestée, le bon de commande stipule que ‘Les Services décrits ci-dessous sont fournis par Verizon France, à laquelle il est fait référence dans ce Bon de Commande et dans tous les documents annexes comme ‘Verizon Business’. Ce Bon de Commande est soumis en application du Contrat Cadre (International) de Services, ou de sa version applicable à la vente en gros, selon le cas (‘Contrat-cadre’), lequel, conjointement avec ce Bon de Commande, définit les termes et conditions applicables à la fourniture et l’utilisation des Services décrits ci-dessous. Les mots et phrases définis dans le Contrat-cadre applicable ont la même signification dans ce Bon de Commande’, ce dont il résulte que le contrat-cadre et ses conditions ont régulièrement été transférés à la société CallR.

11. En deuxième lieu, la société CallR conclut que la société Verizon ne l’a pas régulièrement informée de la révision des tarifs en prétendant qu’elle aurait dû lui être notifiée dans les conditions du point 19.1 du contrat stipulant que ‘toute notification relative au présent contrat ou à une commande de service le sera valablement soit par lettre recommandée avec accusé de réception, soit par télécopie confirmée dans les 48 heures par courrier’, le point 13.2 du contrat prévoyant en outre que ‘toute modification du contrat devra, pour être valable faire l’objet d’un avenant signé par le Client Signataire et [VERIZON]’.

12. Toutefois, cette stipulation générale, ni non plus le point 13.2, ne s’appliquent à la stipulation spéciale du contrat indiquant à son point 5.3 que ‘Verizon Business pourra cependant modifier les Frais d’Appel relatifs aux service voix pendant la Durée minimum d’une commande de service sous réserve de respecter un préavis de sept (7) jours’, le point 5.4 du contrat réservant la possibilité pour le client ‘de refuser les nouveaux prix par la résiliation par lettre recommandée avec accusé de réception envoyée au plus tard à la d’effet (sic) de la révision de Prix. La date effective der résiliation sera la date de mise en place des nouveaux prix’.

13. En troisième lieu la société CallR estime que l’avis sur les tarifs n’a pu lui être valablement opposé par le courriel adressé le 5 mai 2016 à l’adresse ‘[Courriel 10]’ alors d’une part, que cette adresse, comme celle de ‘[email protected]’ à partir de laquelle aurait été accusée la réception de cet avis, ne sont mentionnées ni à l’acte de cession, ni au contrat-cadre.

14. D’autre part, que le bon de commande vise quatre autres adresses : ‘[Courriel 14]’ pour le contact commercial, ‘[Courriel 9]’ pour ce qui concerne la facturation (‘billing contact’), ‘[email protected]’ en ce qui concerne la coordination de projet et ‘[Courriel 15]’ en ce qui concerne les problématiques techniques, la société CallR.

15. Et encore, que l’avis ne pouvait être communiqué à une autre adresse que celle [Courriel 9] alors que le point 24.2 du contrat stipule que ‘les relations contractuelles entre le client et Verizon Business sont réglées par les dispositions du présent contrat et celles des bons de commande en vigueur. En cas de contradiction entre les dispositions du contrat et celles des Bon de commande, ces dernières prévaudront’.

16. Enfin, la société CallR relève que dans leurs échanges, la société Verizon n’a jamais correspondu avec elle à l’adresse [Courriel 10], mais transmis ses informations, le 20 octobre 2015, à l’adresse [Courriel 11] et [Courriel 11] pour proposer une modification contractuelle consistant dans le transfert du contrat, en janvier 2016, aux adresses [Courriel 14], [Courriel 12], et [Courriel 13] pour préciser les modalités pour passer commande, le 16 mars 2016, à l’adresse [Courriel 14] pour informerd’un changement d’organisation au sein de l’équipe des ventes de Verizon, le 12 mai 2016, à l’adresse [Courriel 14] pour rapporter une usurpation d’un numéro d’appelant, le 14 juin 2016, à l’adresse [email protected] pour une opération de maintenance, le 23 juin 2016 à l’adresse [Courriel 14] pour un accusé de réception d’une nouvelle commande et le 20 juillet 2016 aux adresses [Courriel 11] et [Courriel 11] pour informer la société CallR d’un trafic anormal.

17. Néanmoins, il ne résulte pas des stipulations du contrat-cadre, du bon de commande ou même, de la nature de l’avis devant être délivré pour les modifications tarifaires, que les adresses électroniques pour correspondre entre les entreprises à ce titre constituent un élément essentiel du contrat, en sorte qu’elles ne sont pas présumées entrer dans la prévision du point 24.2 du contrat précité.

18. En outre, non seulement la société CallR ne dénie pas être propriétaire de l’adresse [Courriel 10] à partir de laquelle la société Verizon a émis son courriel du 4 mai 2016 l’informant du changement des tarifs, ni même n’allègue que le titulaire de l’adresse [Courriel 10] n’était pas habilité à recevoir les informations dans l’intérêt de l’entreprise. mais elle ne conteste pas non plus paramétrer la redirection des adresses de sa messagerie, ce dont il se déduit la preuve qu’elle a accusé réception de l’avis de la modification tarifaire d’après les termes de son courriel du 5 mai 2016 dans lequel elle indique prendre en compte l’avis.

19. En quatrième lieu, la société CallR conclut que le courriel ‘du 20 juillet 2016 ne peut pas être considéré comme une notification préalable à l’augmentation tarifaire des mois de juin et juillet 2016’, pour soutenir ‘que ce n’est que le 22 septembre 2016 qu’elle a pu prendre connaissance du montant de l’augmentation tarifaire (478.581,30 €) pour les seuls mois de juin et juillet 2016’, ‘et alors que la facture correspondant à l’augmentation litigieuse sur les mois de juin et juillet 2016 ne sera émise que le 13 décembre 2016’, la société CallR déduit, au visa de l’article 1134 du code civil, ancien, que ‘faute de notification conforme, toute modification faite en violation des dispositions contractuelles est sanctionnée par une inopposabilité’.

20. Enfin, la société CallR invoque le principe de l’estoppel pour conclure à l’interdiction de la société Verizon de réclamer le bénéfice des stipulations du contrat-cadre pour la délivrance de son avis tarifaire, alors que devant la cour d’appel de Paris – arrêt du 23 novembre 2007 n°05/18506 – elle s’est prévalue, à l’encontre d’un autre de ses clients, de stipulations contractuelle pour l’efficacité de la notification au moyen d’une lettre recommandée avec accusé de réception.

21. Cependant, il n’est pas stipulé au contrat-cadre ou au bon de commande d’autre modalité pour la délivrance de l’avis sur une modification des frais d’appel relatifs au services voix, que celle fixée aux points 5.3 et 5.4 du contrat-cadre retenus au point 12 de l’arrêt ci-dessus.

22. Par ailleurs, le principe de l’estoppel ne trouve pas à s’appliquer dans la contradiction d’un moyen opposé à une partie dans une autre instance, la cour relevant de surcroît de l’arrêt que la société CallR met aux débats qu’il tranche une cause de notification en matière de facturation différente de celle discutée en l’espèce.

23. Par conséquent, le jugement sera confirmé en ce qu’il a retenu la régularité de l’avis que la société CallR n’a pas dénoncé dans les conditions du point 5.4 du contrat-cadre précité.

II. Sur le bien fondé des factures

24. Pour contester le jugement qui a retenu le bien fondé des factures, et s’opposer en premier lieu à celle n° S030113858 mise en paiement le 13 décembre 2016 pour la somme de 478.581,30 euros, et correspondant à la surcharge des tarifs modifiés depuis le 4 mai et relevé par la société Verizon pour la fourniture de minutes à la voix en juin et juillet 2016, la société CallR conteste, d’une part, la réalité de ces communications ainsi que celle du départ entre leur trafic irrégulier et régulier, et en relevant de seconde part, que cette tarification est supérieure de près de quatre fois à celle que les propres fournisseurs de la société Verizon prétend lui avoir imposée.

25. Au demeurant, la société CallR qui dispose de l’accès aux consommations de communication à la voix de ses abonnés supporte, en aval de la facturation du trafic de télécommunications que la société Verizon lui a fournies, la charge de la preuve du trafic et de sa nature qu’elle a revendu à ses abonnés, et tandis qu’elle ne met aux débats aucune information propre à en contester le détail des télécommunications facturées, le moyen sera écarté, le moyen tiré de l’écart de prix étant sans emport sur le tarif tel que la société CallR l’a accepté dans les conditions retenues au point I. de l’arrêt ci-dessus.

26. La société CallR conclut d’autre part à l’inopposabilité de cette facture qui, pour être mise en paiement en décembre 2016, contrevient à l’interdiction de la facturation tardive, suivant la prescription de l’article L. 441-3 du code de commerce, dans sa version applicable jusqu’au 26 avril 2019, ainsi qu’à l’interdiction de l’obtention d’avantages rétroactifs suivant la prescription de l’article L.442-6 II, a), du code de commerce dans sa version aussi applicable jusqu’au 26 avril 2019.

27. Néanmoins, il est constant que la société Verizon a appelé la facturation de la fourniture de ces services surfacturés dès le début du mois de septembre 2016, de sorte que les moyens manquent en fait.

28. En deuxième lieu, la société conteste devoir les factures W030260176 et W030261967 émises les 1er novembre et 1er décembre 2016 (Pièces n° 27 et 28) pour les sommes de 15.608,71 euros et 13.942,51 euros, sans cependant davantage établir la preuve qu’elle supporte, ainsi que cela est relevé au paragraphe 25 ci-dessus, que la facturation ne correspond pas à la fourniture des télécommunications qu’elle a revendues.

29. Enfin en troisième lieu, la société Verizon ne revendique pas le paiement ou l’inscription au passif de la société CallR des factures W030263786 et W030265578 qui n’ont pas fait l’objet d’une déclaration de créances, en sorte qu’il n’y pas lieu de les discuter.

30. En conséquence, la cour retiendra que l’objet des factures de la société Verizon est bien fondé.

III. Sur les dommages et intérêts fondée sur la menace de la rupture de la relation commerciale

31. Pour la première fois en cause d’appel, la société CallR prétend à des dommages et intérêts représentatifs de la facturation des télécommunications anormales en opposant le bénéfice des dispositions de l’article L.442-6 I, 4° du code de commerce, en vigueur jusqu’au 24 avril 2019, selon lesquelles ‘engage la responsabilité de son auteur et l’oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers, d’obtenir ou de tenter d’obtenir, sous la menace d’une rupture brutale totale ou partielle des relations commerciales, des conditions manifestement abusives concernant les prix, les délais de paiement, les modalités de vente ou les services ne relevant pas des obligations d’achat et de vente’.

32. Cependant, non seulement la société CallR n’étaye cette demande sur ce fondement d’aucune pièce dans ses conclusions, mais il se déduit des courriels échangés entre les parties la preuve que la société Verizon a offert de compenser pour partie le coût du trafic anormal des télécommunications que la société CallR a vendues en juin et juillet 2016 sans qu’une menace de rupture de la relation commerciale ait été caractérisée jusqu’en février 2017, en sorte que le moyen manque en fait et la demande de ce chef sera rejetée.

IV. Sur la demande de dommages et intérêts fondée sur le déséquilibre significatif

33. Pour prétendre encore pour la première fois en cause d’appel à des dommages et intérêts représentatifs de la facturation des télécommunications depuis un numéro international hors zone Europe et Etats-Unis, la société CallR se prévaut des dispositions de l’article L. 442-6 I, 2° du code de commerce, en vigueur jusqu’au 26 avril 2019, selon lesquelles ‘engage la responsabilité de son auteur et l’oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers de soumettre ou de tenter de soumettre un partenaire commercial à des obligations créant un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties’.

34. La société CallR impute cette faute de la société Verizon sur la base du délai de 7 jours pour accepter la hausse tarifaire intervenue à compter du 4 mai 2016 dont elle soutient qu’il n’était pas proportionné avec l’exercice de son droit de résiliation et concluant aussi que la modification tarifaire imposée unilatéralement, à effet immédiat, en l’absence de toute clause, est illicite.

35. Si aux termes de ses conclusions, la société Verizon ne répond pas au moyen, il est cependant manifeste que l’obligation de résilier le contrat-cadre à défaut d’accepter cette hausse tarifaire dans le délai de 7 jours n’est pas proportionnée avec le délai utile et raisonnable pour la société CallR d’apprécier l’opportunité d’informer ses propres abonnés de la répercussion de cette hausse ou de souscrire un nouveau contrat avec un autre fournisseur de télécommunications électroniques, en sorte que cette clause de préavis est à l’évidence illicite.

36. En conséquence, la société Verizon sera condamnée à payer la somme de 478.581,30 euros à titre de dommages et intérêts correspondant à la surcharge des tarifs pour la fourniture de minutes à la voix en juin et juillet 2016 facturés le 13 décembre 2016.

37. Et en l’état de la discussion sur les factures mises aux débats, la cour ordonnera d’office la compensation de cette somme avec la condamnation au paiement de la facture n° S030113858 retenue par les premiers juges et limitera par conséquent à 29.551,22 euros, la créance due par la société CallR au titre des factures W030260176 et W030261967 émises les 1er novembre et 1er décembre 2016 pour les sommes de 15.608,71 euros et 13.942,51 euros, et dont l’objet et la cause ont indiscutablement été acceptés par la société CallR six mois après l’avis de la hausse tarifaire.

V. Sur la rupture brutale de la relation commerciale établie

38. La société CallR prétend, à nouveau pour la première fois en cause d’appel, à la condamnation de la société Verizon à lui payer la somme de 82.889 euros de dommages et intérêts fondés sur l’article L. 446-6 I, 5°, du code de commerce, dans sa version en vigueur avant le 19 avril 2019, et relatifs à la rupture brutale de la relation commerciale qu’elle impute à la société Verizon qui a suivie de la hausse tarifaire substantielle qu’elle lui a imposée ainsi que de la stipulation au contrat-cadre du bref délai de 7 jours pour accepter, ou résilier la convention, ceci, alors que leur relation commerciale était établie depuis six ans et qu’elle a entraîné, d’après ses comptes annuels mis aux débats, une chute de son chiffre d’affaires de 50 % enregistrée en décembre 2017.

39. Au demeurant, il est constant que la relation commerciale s’est poursuivie après l’avis sur la modification tarifaire le 4 mai 2016 sans discontinuer pendant cinq mois jusqu’en septembre 2016, que la société CallR a indiqué s’être tournée vers d’autres fournisseurs de téléphonie à compter d’octobre 2016, sans que par ailleurs elle ait cessé de se fournir auprès de la société Verizon jusqu’au mois de février 2017, et tandis d’autre part, qu’il n’est pas démontré, la preuve que les conditions tarifaires rendait impossible la poursuite de la relation commerciale, et qu’enfin, la société CallR n’établit pas la preuve d’une chute de son chiffre d’affaires jusqu’en février 2017, il ne se déduit pas que la société Verizon a été à l’origine d’une rupture brutale, fut-elle partielle, de la relation commerciale, en sorte que la demande de ce chef sera rejetée.

VI. Sur les frais irrépétibles et les dépens

40. Chacune des parties succombant partiellement dans leurs demandes, il convient d’infirmer le jugement en ce qu’il a décidé des dépens et des frais irrépétibles et statuant à nouveau de ces chefs y compris en cause d’appel, la cour laissera à la société Verizon et à la société TCLR la charge des dépens et des frais irrépétibles qu’elles ont chacune exposés.

PAR CES MOTIFS, statuant publiquement

Infirme le jugement en toutes ses dispositions, sauf celle qui a retenu le bien fondé de l’objet de la créance de la société Verizon France pour la somme de 515.619,26 euros euros ;

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Fixe à 478.581,30 euros le montant des dommages et intérêts dus par la société Verizon France à la société TCLR sur le fondement de l’article L. 442-6 I, 2° du code de commerce ;

Après compensation,

Fixe la créance de la société Verizon France au passif du redressement judiciaire de la société TCLR à la somme de 29.551,22 euros, dont 30% à verser en application du plan de redressement ;

Laisse aux parties la charge des dépens et des frais irrépétibles qu’elles ont chacune exposés en première instance et en appel ;

Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

 


0 0 votes
Évaluation de l'article
S’abonner
Notification pour
guest
0 Commentaires
Le plus ancien
Le plus récent Le plus populaire
Commentaires en ligne
Afficher tous les commentaires
Chat Icon
0
Nous aimerions avoir votre avis, veuillez laisser un commentaire.x