Rupture brutale de relation commerciale : 2 juin 2022 Cour d’appel de Paris RG n° 19/16012

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Rupture brutale de relation commerciale : 2 juin 2022 Cour d’appel de Paris RG n° 19/16012
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Copies exécutoiresREPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 5 – Chambre 5

ARRET DU 02 JUIN 2022

(n° , 9 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 19/16012 – N° Portalis 35L7-V-B7D-CAQUN

Décision déférée à la Cour : Jugement du 01 Juillet 2019 -Tribunal de Commerce de BORDEAUX – RG n° 2018F00792

APPELANTE

Madame [O] [C]

née le 14 octobre 1962 à ANGOULÊME (16) de nationalité française

demeurant 21, rue Duluc 33000 BORDEAUX

Représentée par Me Matthieu BOCCON GIBOD de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, avocat au barreau de PARIS, toque : C2477, avocat postulant

Ayant pour avocat plaidant M. Hervé MAIRE (Avocat au barreau de BORDEAUX)

INTIMES

Monsieur [S] [F]

né le 25 Janvier 1955 à BORDEAUX (33000) de nationalité Française

demeurant 14, Chemin de Couder 33880 SAINT CAPRAIS DE BORDEAUX

SARL ACTIV CONSEIL

Ayant son siège social 1, rue Pablo Neruda- ZAC Madère

33140 VILLENAVE D’ORNON

immatriculée au RCS sous le n° 805 315 561

Représentés par Me Pascale FLAURAUD, avocat au barreau de PARIS, toque : K0090, avocat postulant

Ayant pour avocat plaidant M. Jean-Baptiste LANOT (Avocat au barreau de BORDEAUX)

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 17 Février 2022, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame Marie-Annick PRIGENT, présidente de chambre, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Marie-Annick PRIGENT, présidente de chambre

Madame Nathalie RENARD, présidente de chambre

Madame Christine SUDRY, conseillère

qui en ont délibéré

Greffier, lors des débats : Madame Anaïs DECEBAL

ARRET :

– contradictoire

– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– signé par Marie-Annick PRIGENT, Présidente du Pôle 5 chambre 5 et par Yulia TREFILOVA, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

*****

FAITS ET PROCÉDURE :

M. [S] [F] a créé un cabinet de courtage en assurances qu’il exploitait sous l’enseigne Active Conseil.

En mars 2003, M. [S] [F], épouse Mme [O] [C] sous le régime de la séparation de biens, cette dernière l’aidant alors au cabinet de courtage pendant plusieurs années.

La collaboration de M. [F] et de Mme [C] a débuté en 2002.

Le 19 juin 2007, Mme [C] opte pour le statut de « conjoint collaborateur non salarié ». M. [F] verse à Mme [C] des sommes d’argent nettes de toutes charges sociales et fiscales.

Entre 2015 et 2016, M. [F] et Mme [C] se séparent.

Le 08 février 2016, M. [F] indique à Mme [C] par lettre recommandée avec accusé de réception que, compte tenu de son absence du cabinet depuis le 04 janvier 2016, il prend acte de sa décision de mettre fin à leur collaboration professionnelle et arrête par conséquent de lui verser les sommes d’argent convenues.

Mme [C] répond à M. [F] par lettre recommandée avec accusé de réception qu’elle conteste être à l’origine de l’arrêt de sa collaboration professionnelle avec le cabinet Activ Conseil.

Par acte du 28 juillet 2017, M. [F] cède son fonds de commerce à la société ML Courtage SARL qui change sa dénomination sociale pour prendre celle de « Activ Conseil ».

Par acte d’huissier de justice en date du 27 juillet 2018, Mme [C] fait assigner M. [F] devant le tribunal de commerce de Bordeaux sur le fondement de la rupture brutale des relations commerciales établies  en paiement d’une indemnité de 115 000 euros.

Par acte d’huissier de justice en date du 30 juillet 2018, Mme [C] fait assigner la société Activ Conseil SARL devant le tribunal de commerce de Bordeaux.

Par jugement du 1er juillet 2019, le tribunal de commerce de Bordeaux a :

-Dit la société Activ Conseil SARL hors de la cause et rejeté les demandes de Mme [O] [C] à son égard ;

-Débouté Mme [O] [C] de sa demande de condamner M. [S] [F] de la somme de 115.000,00 euros à titre de dommages et intérêts ;

-Débouté M. [S] [F] de sa demande de dommages et intérêts ;

-Condamné Mme [O] [C] à payer à M. [S] [F] la somme de 2.500,00 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

-Dit n’y avoir lieu à exécution provisoire ;

-Condamné Mme [O] [C] aux dépens, dont frais de greffe liquidés à la somme de 95,66 euros et dont TVA de 15,94 euros.

Par déclaration du 05 août 2019, Mme [O] [C] a interjeté appel de ce jugement en ce qu’il a :

-Mis la société Activ Conseil hors de cause ;

-Rejeté les demandes de Mme [C] tendant à voir :

Avant dire droit et toutes défenses au fond :

-Ecarter des débats les pièces 32, 33 et 34 du défendeur pour déloyauté ;

-Enjoindre au défendeur de retirer de ses écritures toutes références auxdites pièces ;

-A défaut, donner acte à Madame [C] de ce qu’elle se réserve la possibilité de toute voie de droit qui s’impose de ce chef pour obtenir réparation du préjudice en résultant,

A titre principal :

-Vu l’article L.442-6-I-5° du code de commerce, constater la rupture brutale des relations commerciales avec Activ Conseil ;

-En conséquence, condamner ensemble la société Activ Conseil et Monsieur [S] [F] à luipayer la somme de 115.000 euros à titre de dommages et intérêts ;

-Les condamner à 2.000,00 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

-Les condamner aux entiers dépens y compris les frais d’exécution ;

-Débouté Mme [C] de sa demande tendant à voir condamner Monsieur [S] [F] à lui payer la somme de 115.000 euros à titre de dommages et intérêts ;

-Condamné Madame [C] à payer 2.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

-Condamné Madame [C] aux entiers dépens.

‘Plus généralement, l’appel porte sur toutes dispositions non visées au dispositif et faisant grief à l’appelante selon les moyens qui seront développés dans ses conclusions’.

Dans ses dernières conclusions notifiées par le RPVA le 10 février 2022, Madame [C] demande à la cour de :

-Dire et juger recevable et bien fondé l’appel interjeté par Madame [C],

-En conséquence, réformer la décision en toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau,

Vu l’article L.442-6-I-5° du code de commerce :

A titre principal :

-Dire et juger recevables et bien fondées les demandes formées par Madame [C] ;

-Constater la rupture brutale des relations commerciales avec Activ Conseil ;

En conséquence :

-Condamner ensemble, la société Activ Conseil et Monsieur [S] [F] à la somme de 115.000 euros à titre de dommages et intérêts,

-Les condamner à 2.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

-Les condamner aux entiers dépens y compris les frais d’exécution,

-Dire et juger irrecevables, à tout le moins non fondées, l’appel incident et la demande reconventionnelle formée par les intimés,

-Déclarer irrecevables les pièces adverses n°8, 9, 10, 11, 13, 14 et 19,

En conséquence,

-Les débouter de toutes les demandes fins et conclusions.

Dans ses dernières conclusions d’appel incident notifiées par le RPVA le 09 février 2022, Monsieur [F] et la société Activ Conseil demandent à la cour de :

Vu les articles 1382 et suivants du code civil,

Vu l’article L.442-6-I du code de commerce,

A titre principal :

-Confirmer le jugement rendu le 1er juillet 2019 par le tribunal de commerce de Bordeaux, en ce qu’il a débouté Madame [C] de sa demande en condamnation à hauteur de 115.000 euros de dommages et intérêts dirigée contre Monsieur [F] et la société Activ Conseil,

-Juger que la société Activ Conseil n’a jamais eu aucun lien contractuel avec Mme [C],

-Prononcer la mise hors de cause de la société Activ Conseil,

-Juger que Mme [C] collaborait à l’activité de son époux en qualité de conjoint collaborateur,

-Juger qu’aucune relation commerciale n’a jamais été instituée entre eux,

-Débouter Mme [C] de l’ensemble de ses demandes,

A titre subsidiaire :

-Juger que Mme [C] ne rapporte la preuve d’aucun préjudice,

-La débouter de ses demandes,

-La condamner à payer à M. [F] :

– 49.378 euros de cotisations retraite (payées à la CAMAVAC)

– 166.578 euros de cotisations sociales (trop payées)

– 202.515 euros d’impôts sur le revenu (trop payés)

En tout état de cause :

-Confirmer le jugement de première instance en ce qu’il a condamné Madame [C] à payer à Monsieur [F] la somme de 2.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et l’a condamnée aux entiers dépens,

Y ajoutant :

-Réformer le jugement entrepris en ce qu’il a débouté M. [F] de sa demande de dommages et intérêts et condamner Mme [C] à payer à Monsieur [F] et à la société Activ Conseil la somme de 5.000 euros chacun pour action abusive, en réparation du préjudice causé,

-La condamner à leur payer à chacun la somme de 5.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, au titre de la procédure d’appel,

-La condamner aux entiers dépens de l’instance, dont distraction au profit de Maître Pascale Flauraud, conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

La cour renvoie, pour un plus ample exposé des faits, prétentions et moyens des parties, à la décision déférée et aux écritures susvisées, en application des dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.

L’ordonnance de clôture a été prononcée le 10 février 2022.

MOTIFS

Sur la demande de Madame [C] d’irrecevabilité des pièces adverses 8, 9,10, 11,13, 14 et 19

Seule la pièce 19 est discutée dans la présente procédure. Il s’agit d’un courrier en date du 7 décembre 2004 de M.[F] que Mme [C] conteste. Cette seule contestation est insuffisante pour déclarer irrecevable cette pièce. Les autres pièces susvisées n’étant pas utiles à la résolution du litige, il y a lieu de rejeter la demande d’irrecevabilité de Mme [C].

Sur les demandes formulées à l’égard de la société Activ Conseil

Madame [C] fait valoir que :

-La société Activ Conseil est cessionnaire du cabinet et doit donc être partie à la procédure.

-Elle était en affaires avec la société Activ Conseil au titre d’une rétrocession d’honoraires selon le contrat du 07 mai 2004.

Monsieur [F] et la société Activ Conseil répliquent que :

-Il y a une confusion entre le nom commercial Activ Conseil et la société Activ Conseil. Le nom commercial était utilisé par M. [F] pour son activité qu’il exerçait en personne. La société ayant racheté le fonds de commerce de M. [F] (dont fait partie le nom commercial) a choisi « Activ Conseil » comme dénomination sociale.

-Le fonds de commerce ne constitue pas une entité autonome, les contrats conclus par le commerçant ne sont pas compris dans la vente du fonds (sauf exceptions, comme les contrats de travail).

Mme [C] n’a entretenu sur le plan professionnel des relations qu’avec M.[F], celui-ci exerçant son activité sous l’enseigne Activ Conseil qui n’a aucun statut juridique. La société ML Courtage, devenue la société Activ Conseil, cessionnaire du fonds appartement à M. [F], a acquis ce fonds le 28 juillet 2017, postérieurement à la rupture professionnelle entre ce dernier et Mme [C], intervenue le 8 février 2016.

Par des motifs pertinents que la cour adopte, le tribunal a mis hors de cause la société Activ Conseil ; le jugement sera confirmé de ce chef.

Sur la demande d’indemnisation de Madame [C].

Mme [C] soutient que :

-L’article L.442-6-5.1 du code de commerce permet de sanctionner toute rupture brutale des relations commerciales réalisée sans préavis d’une durée suffisante,

-Les sommes qu’elle a perçues ne constituaient pas des libéralités versées entre conjoints, mais des commissions correspondant à un travail quotidien réel,

-M. [F] a rompu la relation commerciale en l’absence de préavis, dans un contexte anormal et vexatoire, et en laissant Mme [C] dans une situation financière précaire.

-Elle aurait dû bénéficier d’un préavis raisonnable lui permettant de prévoir la fin du versement de ses commissions et de réorganiser son activité.

-compte tenu de l’ancienneté des relations commerciales qui duraient depuis plus de 14 ans, de l’importance des sommes rapportées au cabinet et de son état de dépendance économique, elle aurait dû bénéficier d’un préavis minimum d’une année.

Monsieur [F] réplique que :

-Mme [C] ne pourrait se prévaloir que de deux statuts : celui d’agent commercial et celui de mandataire d’intermédiaire d’assurances. Elle ne remplit les conditions d’aucun de ces deux statuts,

-Mme [C] était conjoint collaborateur,

– Il ne s’agit pas d’une rupture brusque, puisqu’il n’y a jamais eu de relation commerciale, ses attributions étaient en outre très restreintes,

-Le courrier du 08 février 2016 est la prise d’acte par M. [F] de la cessation de la collaboration de Mme [C] à sa seule initiative.

L’article L.442-6, I, 5° du code de commerce dans sa rédaction applicable au litige dispose qu’engage la responsabilité de son auteur et l’oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers, de rompre brutalement, même partiellement, une relation commerciale établie, sans préavis écrit tenant compte de la durée de la relation commerciale et respectant la durée minimale de préavis déterminée, en référence aux usages du commerce, par des accords interprofessionnels.

L’article L.121-4 du code de commerce dispose que : 1° Le conjoint du chef d’une entreprise artisanale, commerciale ou libérale qui y exerce de manière régulière une activité professionnelle opte pour l’un des statuts suivants : 1° Conjoint collaborateur ; 2° Conjoint salarié ; 3° Conjoint associé… III. – Les droits et obligations professionnels et sociaux du conjoint résultent du statut pour lequel il a opté ».

Aux termes de l’article R.121-1 du code de commerce, est considéré comme conjoint collaborateur le conjoint d’un chef d’une entreprise commerciale, artisanale ou libérale, qui exerce une activité professionnelle régulière dans l’entreprise sans percevoir de rémunération et sans avoir la qualité d’associé au sens de l’article 1832 du code civil.

Par déclaration du 19 juin 2007, Mme [C] a opté pour le statut de conjoint collaborateur. Lorsqu’elle a effectué ce choix, Mme [C] collaborait à l’activité de M. [F] depuis l’année 2004 et avait quitté un poste de cadre dans une société de financement.

Mme [C] ne fonde sa demande que sur la rupture brutale des relations commerciales. Si Mme [C] a travaillé au sein du cabinet de courtage en assurances de M.[F], elle ne conteste pas son statut de conjoint collaborateur mais demande à ce que les relations professionnelles qu’elle a entretenues avec ce dernier soient qualifiées de commerciales en raison de la contribution qu’elle a apportée et qui ont justifié les versements effectués en sa faveur.

Les parties sont d’accord pour fixer ces versements à la somme de 785.829 euros de 2004 à 2016 euros en 13 années de collaboration. Mme [C] fait valoir qu’elle a apporté 43 % des clients du cabinet ce que conteste M. [F]. Elle ne démontre pas qu’elle était associée de celui-ci.

Par courrier envoyé le 07 mai 2004 à Mme [C], Monsieur [S] [F] lui proposait de percevoir « 50% des honoraires d’audit HT perçus par le cabinet Activ Conseil sur les audits réalisables et réalisés que vous aurez apportés, et 50 % des commissions HT de premières années, et 50 % des commissions récurrentes HT pour les années suivantes, perçues par le Cabinet Activ Conseil, sur les affaires nouvelles découlant des audits réalisables et réalisés que vous aurez apportés ».

Par courrier du 7 décembre 2004, les versement ont été réduits à 33 %. Ces pourcentages ont été fixés unilatéralement par M. [F].

Cette proposition était antérieure à la décision de Mme [C] d’opter pour le statut de conjoint collaborateur ; les parties ont cependant poursuivi leurs pratiques antérieures en ce que M. [F] a continué à verser à son épouse des sommes correspondant à un pourcentage de chiffre d’affaires de son entreprise.

M.[F] a adressé le courrier suivant à Mme [C] le 8 février 2016 par lettre recommandée avec avis de réception :

«[O],

Depuis 2002, tu collabores à l’activité du cabinet et bénéficie du statut de conjoint collaborateur ;

Le 9 novembre dernier, tu m’a annoncé que tu avais un amant.

Comme plusieurs jours auparavant, sans aucun résultat, lundi 4 janvier 2016, alors que je tentais de t’expliquer la nécessité de respecter un minimum d’horaires fixes de présence au cabinet, eu égard à la nature de l’activité mais aussi par respect tant pour les clients que pour moi-même, tu m’as expliqué que c’était totalement impossible pour toi.

Tu m’as rendu la clé du cabinet le jour même et depuis tu n’es pas revenue.

Depuis tu m’as annoncé que tu souhaitais te mettre à ton compte.

Aussi tu comprendras que je prends acte que tu as décidé de mettre fin à notre collaboration professionnelle, et au travail que tu effectuais au cabinet, ce qui aura pour conséquence l’arrêt du versement du pourcentage de commissions dont nous étions convenu jusqu’ici’

[S] [F]. »

Mme [C] a répondu à ce courrier avec pour objet : « réponse à ta LR/AR du 8 février 2016. Rétablissement de la vérité concernant le prétendu arrêt de notre collaboration professionnelle et donc de mon statut de conjoint collaborateur. »

Elle y indique qu’elle n’est pas à l’origine de l’arrêt de leur collaboration professionnelle ( « c’est toi qui m’a supprimé l’accès à Generali, m’as chassée du bureau et refuses que je travaille depuis mon domicile. »)

A aucun moment, Mme [C] ne conteste son statut de conjoint collaborateur : dans son courrier en réponse à son mari, Mme [C] indique : ‘l’arrêt du statut de conjoint collaborateur se fait à la demande du conjoint collaborateur, et je n’ai rien demandé. Je suis donc toujours conjoint collaborateur.’ Elle a ajouté qu’elle avait effectué ce choix qui lui permettait d’exercer une activité professionnelle tout en se consacrant à sa famille.

Il n’y a pas lieu d’analyser la nature et l’importance de l’activité que Mme [C] a déployée au sein du cabinet de courtage en assurance de M. [F], puisqu’en qualité de conjoint collaborateur, elle s’engageait à exercer une activité professionnelle pour le compte de celui-ci.

Le statut de conjoint collaborateur impliquait l’absence de rémunération pour Mme [C].

L’existence d’une relation commerciale entre deux personnes physiques ou morales nécessite qu’elles soient indépendantes financièrement et statutairement ce qui n’était pas le cas de Mme [C].

Les sommes d’argent que Mme [C] a reçues de M.[F] n’ont pas été versées dans le cadre d’une activité indépendante qu’elle a exercée pour son compte. Elle ne justifie d’ailleurs d’aucune déclaration de revenus tirés de cette activité. Du fait de son statut de conjoint collaborateur, Mme [C] a accepté d’être dépendante de l’activité de son mari quant à son statut et ses ressources ce qui exclut que les sommes qu’il lui a versées ainsi que sa collaboration au sein du cabinet de courtage en assurance puissent permettre de qualifier leurs relations de commerciales.

Il résulte des différents échanges entre les époux que leur rupture est avant tout conjugale ce qui entraîné également la fin de leur collaboration professionnelle.

Mme [C] ne démontrant pas l’existence d’une relation commerciale entre elle et M.[F], sa demande d’indemnisation sur le fondement de l’article L.442-6, I, 5° du code de commerce sera rejetée.

Sur la demande des intimés de dommages-intérêts pour procédure abusive

Il résulte de l’article 1240 du code civil, qu’une partie ne peut engager sa responsabilité pour avoir exercé une action en justice ou s’être défendue que si l’exercice de son droit a dégénéré en abus. L’appréciation inexacte qu’une partie fait de ses droits n’étant pas, en soi, constitutive d’une faute, l’abus ne peut se déduire du seul rejet des prétentions par la juridiction.

M.[F] ayant versé à son épouse des sommes d’argent qu’il a qualifiées de commissions constituées d’un pourcentage sur le chiffre d’affaires du cabinet de courtage d’assurances qu’il exploitait, celle-ci a pu se méprendre sur les droits qu’elle pouvait en retirer.

Quant à la SARL Activ Conseil, ayant repris l’enseigne du cabinet exploité par M. [F], la confusion susceptible d’en résulter exclut qu’il puisse être retenu que l’action intentée par Mme [C] ait dégénéré en abus ;

En conséquence, la demande de ce chef des intimés sera rejetée.

Sur les demandes accessoires

Les dispositions de première instance relatives aux frais irrépétibles et aux dépens seront confirmées.

Mme [C] qui succombe sera condamnée aux dépens d’appel et devra verser à M.[F] et à la SARL Activ Conseil, la somme de 3000 euros chacun sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Statuant publiquement et contradictoirement,

REJETTE la demande de Madame [C] d’irrecevabilité des pièces adverses 8, 9,10, 11,13, 14 et 19,

CONFIRME le jugement en toute ses dispositions,

CONDAMNE Mme [C] à verser à M.[F] et à la SARL Activ Conseil, la somme de 3000 euros chacun sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

REJETTE toute autre demande,

CONDAMNE Mme [C] aux dépens d’appel qui pourront être recouvrés par Maître Pascale Flauraud, avocate, conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

La Greffière La Présidente

 


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