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9 avril 2019
Cour d’appel de Lyon
RG n°
17/06751
N° RG 17/06751 – N° Portalis DBVX-V-B7B-LIJF
Décision du
Tribunal de Grande Instance de Lyon
Au fond du 05 septembre 2017
RG : 15/04148
ch n°9 cab 09 F
D…
Société KEYRUS
C/
D…
Société SOCIETE KEYRUS
Société ANAHOME IMMOBILIER
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE LYON
1ère chambre civile B
ARRET DU 09 Avril 2019
APPELANTS :
M. C… D…
né le […] à (93)
[…]
Représenté par la SAS TUDELA ET ASSOCIES, avocats au barreau de LYON
Assisté de la SELARL ARMAND ASSOCIES, avocats au barreau de PARIS
La Société KEYRUS représentée par ses dirigeants légaux domiciliés audit siège […]
Représentée par la SAS TUDELA ET ASSOCIES, avocats au barreau de LYON
Assistée de la SELARL ARMAND ASSOCIES, avocats au barreau de PARIS
INTIMÉS :
La Société ANAHOME IMMOBILIER, SAS représentée par son représentant légal domicilié de droit audit siège […]
Représentée par la SELARL BRUMM & ASSOCIES SPE D’AVOCATS ET D’EXPERTS-COMPTABLES, avocats au barreau de LYON
* * * * * *
Date de clôture de l’instruction : 20 Décembre 2018
Date des plaidoiries tenues en audience publique : 12 Mars 2019
Date de mise à disposition : 09 Avril 2019
Composition de la Cour lors des débats et du délibéré :
– Françoise CARRIER, président
– Michel FICAGNA, conseiller
– Florence PAPIN, conseiller
assistés pendant les débats de Julien MIGNOT, greffier
A l’audience, Florence PAPIN a fait le rapport, conformément à l’article 785 du code de procédure civile.
Arrêt contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d’appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,
Signé par Françoise CARRIER, président, et par Myriam MEUNIER, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
* * * *
EXPOSÉ DE L’AFFAIRE
La Société ANAHOME IMMOBILIER exerce une activité de promotion immobilière et de marchand de biens, notamment de bureaux.
Elle est propriétaire d’un immeuble dénommé […] sis […] cadastré Section […] , […], […], […], […], […], […], […], […], […], […], […], […], et […].
L’immeuble est composé d’un rez-de-chaussée et de deux étages à usage tertiaire de bureaux, d’une SHON de 2 267,10 m², ainsi que de 63 emplacements de stationnement.
Par mandat en date du 6 octobre 2014, la Société ANAHOME IMMOBILIER a confié la vente de cet immeuble à la Société CAPIUM IMMOBILIER, qui l’a présenté à la Société KEYRUS.
La Société KEYRUS, représentée par son Président M. C… D…, a proposé, par courrier en date du 1er décembre 2014, d’acquérir l’immeuble via la création d’une Société civile Immobilière et les sociétés sont entrées en voie de négociation.
Par courriel en date du 4 mars 2015, le notaire de M. C… D… et de la Société KEYRUS a informé le notaire de la Société ANAHOME IMMOBILIER que ses clients ne souhaitaient plus acquérir le bien objet de la vente.
Par exploit en date du 25 mars 2015, la société ANAHOME IMMOBILIER a assigné la société KEYRUS et son dirigeant, M. C… D… aux fins :
– A titre principal : De dire et juger qu’une vente parfaite a été conclue entre les parties et que le refus abrupt de M. C… D… et de la Société KEYRUS de régulariser la vente cause à la Société ANAHOME IMMOBILIER un préjudice dont elle demande réparation,
– A titre subsidiaire : De dire et juger que M. C… D… et la société KEYRUS ont commis une rupture abusive des pourparlers, faute qui engage leur responsabilité et dont ils devront réparation à la Société ANAHOME IMMOBILIER,
Par jugement en date du 5 septembre 2017, le tribunal de grande instance de Lyon a condamné in solidum la société KEYRUS et M. C… D… à payer à la société ANAHOME IMMOBILIER la somme de 60 000 € à titre de dommages et intérêts, ainsi que 3 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile et les dépens de l’instance.
Par déclaration en date du 29 septembre 2017, la société KEYRUS a interjeté appel total du jugement intervenu.
Par déclaration du 3 octobre 2017, M. C… D… a interjeté appel total du jugement intervenu.
Les deux instances ont fait l’objet d’une jonction.
La société KEYRUS et M. C… D… demandent à la cour de :
Vu le jugement du Tribunal de Grande Instance de Lyon du 5 septembre 2017
Vu l’article 1382 du code civil,
– INFIRMER le jugement en ce qu’il a condamné solidairement la société KEYRUS et M. C… D… à payer la somme de 60 000 € à titre de dommages et intérêts pour rupture abusive de pourparlers et la somme de 3 000 € au titre de l’article 700 du CPC,
Statuant à nouveau :
– DÉBOUTER la société ANAHOME IMMOBILIER de l’ensemble de ses prétentions.
– Condamner la société ANAHOME IMMOBILIER à la somme de 8 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens dont distraction au profit de la société d’avocats TUDELA, conformément aux offres de droit.
Ils soutiennent l’absence de rupture brutale ou abusive des pourparlers et à titre subsidiaire l’absence de préjudice subi.
Ils font valoir que :
– nonobstant le fait qu’un RDV de signature ait été pris le 13 février 2015, les parties n’étaient pas parvenues à un accord sur des points essentiels à savoir : la durée de la promesse unilatérale de vente et le délai imparti pour la condition suspensive liée à l’obtention d’un financement du bien, (pièces 9 et 10), cela expliquant le refus de signer le 13 février, même s’ils maintenaient leur intérêt pour le dossier, sous réserve d’un accord sur ces deux points,
– au 4 mars, ce désaccord subsistait puisque la Société ANAHOME IMMOBILIER propose le 29 mai comme date de réitération alors qu’elle demandait le 15 juin, et n’évoque pas la date de réalisation de la condition suspensive et introduit un point de discussion sur un point pourtant acquis dont les conséquences juridiques sont différentes : la signature d’une promesse unilatérale de vente et non synallagmatique, (pièce 12) cette seconde promesse l’engageant,
– une partie peut mettre fin aux pourparlers sans avoir à expliciter sa décision, l’autre partie ayant connaissance des points d’achoppement,
– la promesse qu’il était prévue de signer prévoyait une faculté de rétractation sans délai ni indemnité, qu’il ne peut lui être mis à charge des obligations délictuelles dont les parties avaient contractuellement prévu de les dispenser,
– le préjudice d’immobilisation ne peut donner lieu à indemnisation dans le cadre des pourparlers, les préjudices au titre des frais engagés et d’image ne sont pas justifiés.
La Société ANAHOME IMMOBILIER demande à la cour de :
Vu les articles 1134, 1589 et 1382 et 1383 anciens du code civil,
Vu les pièces versées aux débats,
– DIRE ET JUGER que M. D… et la Société KEYRUS engagent leur responsabilité du fait de la rupture abusive des pourparlers,
En conséquence,
– CONFIRMER le jugement intervenu en ce qu’il a jugé que le comportement fautif de la société KEYRUS dans la rupture des négociations est fautif et que la société ANAHOME IMMOBILIER est fondée à rechercher, sur le fondement de l’article 1382 ancien du code civil, la responsabilité de la société KEYRUS et de M. C… D…,
STATUANT A NOUVEAU
– CONDAMNER in solidum M. D… et la Société KEYRUS à payer à la Société ANAHOME IMMOBILIER la somme de 360 000 € en réparation des préjudices subis,
– DÉBOUTER M. D… et la Société KEYRUS de leur demande de condamnation à l’encontre de la société ANAHOME IMMOBILIER à leur payer 8 000 € au titre de l’article 700 et les dépens,
– CONDAMNER in solidum M. D… et la Société KEYRUS à payer à la Société ANAHOME IMMOBILIER la somme de 5.000 € au titre de l’article 700 du CPC.
CONDAMNER in solidum M. D… et la Société KEYRUS en tous les dépens de l’instance.
Elle fait valoir que :
– il y avait un accord sur le prix et l’objet,
– l’existence de pourparlers établis et aboutis est manifeste, le vendeur ayant accepté l’offre,
– elle a accepté toutes les conditions de la société KEYRUS, celle-ci ne cessant de rajouter de nouvelles conditions non substantielles,
– il est faux et de mauvaise foi de prétendre qu’elle n’a jamais accepté les dates proposées,
– ils ont décidé au dernier moment de ne pas acheter sans fournir d’explication,
– concernant leur préjudice, il leur a été demandé de nombreuses études préliminaires qui ont nécessité de recourir à un géomètre, qu’elle a dû solliciter à de nombreuses reprises son notaire et a perdu du temps, les négociations s’étant déroulées d’octobre 2014 à mars 2015, période durant laquelle elle a été privée de réaliser une opération sur ce bien,
– elle chiffre ce préjudice d’immobilisation à 10% du prix de vente soit 360 000 euros.
En application des dispositions de l’article 455 du code de procédure civile il est expressément renvoyé pour les faits, prétentions et arguments des parties aux conclusions récapitulatives déposées.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur l’étendue de la saisine :
Attendu qu’en application de l’article 954 du code de procédure civile, la cour ne doit statuer que sur les prétentions énoncées au dispositif ;
Attendu que ne constituent pas des prétentions au sens de l’article 4 du code de procédure civile les demandes des parties tendant à voir ‘constater’ ou ‘donner acte’ ;
Sur le fond :
Attendu que si la rupture des négociations contractuelles est libre, les circonstances qui l’entourent peuvent être abusives,
Attendu qu’à la proposition d’acquisition, sous condition suspensive d’obtention du financement et de signature d’un acte sous seing privé, formée par lettre en date du 1er décembre 2014, par la société ANAHOME, M. D… avait répondu par mention en date du 11 décembre 2014 sur le courrier ‘bon pour accord sous réserve de la signature d’une promesse synallagmatique de vente avant le 23 décembre 2014 et d’une réitération par acte authentique avant le 28 décembre 2015″,
que compte tenu des multiples réserves et conditions émises, il ne peut être considéré qu’à cette date, il y avait un accord sur la chose et le prix, liant les parties, mais uniquement un accord entre professionnels à entrer en voie de négociations,
qu’à la date du 23 décembre 2014, aucune promesse n’a été signée, les parties étant en cours de négociation au sujet de la signature d’une promesse, non pas synallagmatique mais unilatérale, de vente,
Attendu qu’il résulte des échanges entre les parties que subsistait le 23 février 2015 entre elles un désaccord sur la durée de la promesse et la date de réitération ainsi que sur la durée de la condition suspensive, désaccord portant sur des points importants avec une divergence entre elles de presque deux mois concernant la durée de la condition suspensive,
que ce désaccord a fait obstacle à la signature de la promesse à cette date,
Attendu qu’alors que les différents projets échangés par les parties concernaient jusque là une promesse unilatérale, il est proposé par mail du 4 mars 2015, par le vendeur, la signature d’une promesse synallagmatique de vente, alors que les conséquences juridiques sont différentes en ce que la promesse unilatérale n’engageait pas le bénéficiaire mais uniquement le vendeur ce d’autant que la cour observe que le dernier projet échangé, au mois de février, ne comportait aucune indemnité d’immobilisation,
Attendu qu’il résulte de ces éléments que la société KEYRUS avait, compte tenu des divergences évoquées importantes qui persistaient entre elles malgré le stade avancé des négociations entamées depuis plusieurs mois, un motif légitime de rompre les pourparlers et n’a pas commis d’abus,
Attendu que la décision déférée est par conséquent infirmée, et la société ANAHOME IMMOBILIER déboutée de l’ensemble de ses demandes,
Sur les dépens et l’article 700 du code de procédure civile :
Attendu que la société ANAHOME IMMOBILIER est condamnée aux dépens et à payer à la société KEYRUS la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
Infirme la décision déférée,
Statuant à nouveau,
Déboute la société ANANHOME IMMOBILIER de toutes ses demandes ;
Condamne la société ANAHOME IMMOBILIER à verser à la société KEYRUS une indemnité de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
Condamne la société ANAHOME IMMOBILIER aux dépens qui seront recouvrés par le conseil de la partie adverse conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile,
Déboute les parties de toutes demandes plus amples ou contraires.
LE GREFFIER LA PRÉSIDENTE