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27 juin 2019
Cour d’appel de Bordeaux
RG n°
17/07053
COUR D’APPEL DE BORDEAUX
PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE
————————–
ARRÊT DU : 27 JUIN 2019
(Rédacteur : Catherine BRISSET, conseiller,)
N° RG 17/07053 – N° Portalis DBVJ-V-B7B-KGCT
[N] [I]
[U] [J]
c/
[D] [X]
Nature de la décision : AU FOND
Grosse délivrée le :
aux avocats
Décision déférée à la cour : jugement rendu le 08 novembre 2017 par le Tribunal d’Instance de LIBOURNE (RG : 1116000435) suivant déclaration d’appel du 21 décembre 2017
APPELANTS :
[N] [I]
né le [Date naissance 1] 1974 à [Localité 1]
de nationalité Française
demeurant [Adresse 1]
[U] [J]
née le [Date naissance 2] 1965 à [Localité 2]
de nationalité Française
demeurant [Adresse 1]
Représentés par Me Michel PUYBARAUD de la SCP MICHEL PUYBARAUD, avocat au barreau de BORDEAUX et assistés par Me Christine MAZE de la SELARL DELOM MAZE, avocat au barreau de BORDEAUX
INTIMÉ :
[D] [X]
né le [Date naissance 3] 1941 à [Localité 3]
de nationalité Française
demeurant [Adresse 2]
Représenté par Me Elodie FOURMON-LECLERCQ, avocat au barreau de LIBOURNE
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 786 et 912 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 23 mai 2019 en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Catherine BRISSET, conseiller, chargé du rapport,
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Marie-Hélène HEYTE, président,
Jean-Pierre FRANCO, conseiller,
Catherine BRISSET, conseiller,
Greffier lors des débats : Séléna BONNET
ARRÊT :
– contradictoire
– prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile.
* * *
Selon acte sous seing privé du 1er février 2015, M. [X] a consenti à M. [I] et Mme [J] un bail d’habitation portant sur une maison située [Adresse 3].
Par acte du 3 septembre 2015, le bailleur a fait délivrer aux locataires commandement de payer les loyers, commandement visant la clause résolutoire.
Par acte d’huissier du 2 août 2016, dénoncé au représentant de l’Etat dans le département, M. [X] a fait assigner M. [I] et Mme [J] devant le tribunal d’instance de Libourne aux fins, à titre principal, de constat de la résiliation du bail, paiement des loyers et expulsion des locataires.
Par jugement du 8 novembre 2017, le tribunal a, en substance :
Constaté la résiliation du bail à compter du 3 novembre 2015,
Condamné solidairement M. [I] et Mme [J] à payer à M. [X] la somme de 12 231,84 euros au titre des loyers impayés en mai 2017,
Fixé à compter de juin 2017 l’indemnité d’occupation au montant du loyer et de la provision pour charges,
Ordonné l’expulsion des locataires,
Condamné solidairement M. [I] et Mme [J] à remettre en état d’habitabilité les lieux loués ainsi qu’à supprimer la fenêtre créée sans autorisation, le mur devant être refait tel qu’en l’état initial,
Condamné solidairement les locataires à raser le hangar et à remettre le terrain en état,
Assorti ces condamnations à la remise en état d’une astreinte de 50 euros par jour de retard à l’issue d’un délai de 240 jours suivant la signification,
S’est réservé la liquidation de l’astreinte,
Condamné M. [X] à payer à M. [I] et Mme [J] une somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts,
Condamné solidairement les locataires à payer à M. [X] la somme de 800 euros par application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
Rejeté les autres demandes.
Pour statuer ainsi le tribunal a constaté que la clause résolutoire était acquise au regard du commandement de payer infructueux et que les locataires ne pouvaient invoquer l’exception d’inexécution pour être à l’origine de l’état inhabitable du logement. Il a considéré que le bailleur avait rompu de manière abusive les pourparlers quant à la vente de l’immeuble.
M. [I] et Mme [J] ont relevé appel du jugement le 21 décembre 2017, appel partiel auquel ils ont joint une annexe sur les chefs du jugement discutés.
Par arrêt du 5 juillet 2018, compte tenu de l’accord des parties, il a été ordonné une médiation judiciaire confiée à Mme [N].
Par ordonnance du 21 novembre 2018, le conseiller chargé du contrôle des médiations a constaté la caducité de la mesure et autorisé les parties à se faire remettre les fonds consignés à la régie d’avance et de recettes de cette cour.
Dans leurs dernières écritures en date du 14 mars 2018, auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé des moyens et prétentions, les appelants formulent les demandes suivantes :
Déclarer M. [I] et Mme [J] bien fondé en leur appel et y faire droit,
Réformer le jugement du tribunal d’instance de Libourne rendu en date du 8 novembre 2017 et :
Constater les manquements de M. [X] quant aux obligations lui incombant en tant que propriétaire,
Reconnaître et dire que le bien est inhabitable en l’état,
Constater l’exception d’inexécution,
Débouter en conséquence M. [X] de ses demandes concernant le remboursement des loyers de juin 2015 à mai 2017 ainsi que sur l’expulsion de ses locataires,
Reconventionnellement,
Déclarer recevables M. [I] et Mme [J] en leurs demandes,
Dire et juger que préalablement au bail signé le 1er février 2015, M. [X] a intentionnellement entretenu M. [I] et Mme [J] dans la croyance d’une vente viagère future, du bien litigieux,
Reconnaître que M. [I] et Mme [J] ont été trompés et ont effectué d’importants travaux de rénovation pour un montant de 19 800 euros, dans le bien qu’ils pensaient alors acquérir en viager,
Dire et juger que M. [X] a brusquement rompu les pourparlers causant alors un important préjudice à M. [I] et Mme [J],
Condamner M. [X] au paiement de la somme de 19 800 euros pour les travaux qu’il a laissé effectuer par M. [I] et Mme [J], alors qu’il a brutalement rompu les pourparlers et refusé de leur vendre le bien,
Condamner M. [X] à effectuer les travaux permettant une jouissance durable et paisible à ses locataires dans le mois suivant signification du jugement à intervenir et ce, sous astreinte de 100 euros par jour de retard.
Dire et juger que M. [X] aura la charge matérielle et financière de remettre dans son état antérieur tout élément souhaité en raison de la croyance fautive qu’il a entretenue auprès des défendeurs, les laissant entreprendre leurs travaux à leur guise,
Condamner M. [X] au paiement de la somme de 2 500 euros en vertu de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens, dont distraction au profit de la SELARL Delom-Maze en vertu de l’article 699 du code de procédure civile.
Confirmer le jugement déféré en ce qu’il a condamné M. [X] en raison de sa mauvaise foi et de son comportement fautif visant à tromper M. [I] et Mme [J], à la somme de 5 000 euros pour la rupture abusive des pourparlers et le préjudice moral subi par les défendeurs.
En tout état de cause :
Condamner M. [X] au paiement de la somme de 2 500 euros en vertu de l’article 700 du code de procédure civile, pour les frais irrépétibles engendrés par la présente procédure d’appel, ainsi qu’aux entiers dépens, dont distraction au profit de maître Michel Puybaraud en vertu de l’article 699 du code de procédure civile.
Ils font valoir que suite au départ de la précédente locataire le logement était inhabitable et que M. [X], conscient des travaux à envisager, leur a proposé une acquisition en viager. Ils soutiennent que c’est dans ces conditions qu’ils sont entrés dans les lieux dès mai 2014 et ont commencé les travaux avec l’accord de M. [X]. Ils invoquent un revirement de M. [X] qui a refusé de vendre et que c’est dans ces conditions que le bail a été signé alors que le logement n’était pas habitable et que le bailleur a refusé de réaliser les travaux. Ils invoquent l’exception d’inexécution et soutiennent que c’est à tort que le premier juge a constaté la résiliation du bail. Ils demandent à être indemnisés de la rupture des pourparlers de vente et des travaux déjà réalisés par eux. Ils demandent également que M. [X] soit condamné à la réalisation de travaux permettant la jouissance normale du bien.
Dans ses dernières écritures en date du 26 avril 2018, auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé des moyens et prétentions, M. [X] demande à la cour de :
Réformer le jugement entrepris en ce qu’il sera constaté qu’il n’y a pas eu proposition de vente de l’immeuble en viager ni rupture de pourparlers,
En conséquence, dire et juger qu’il n’y a pas lieu à condamnation de Monsieur [X] à verser la somme de 5.000 euros à Monsieur [I] et Madame [J] pour rupture abusive de pourparlers,
– Confirmer le jugement entrepris en toutes ses autres dispositions,
– Condamner solidairement Monsieur [I] et Madame [J] à verser à Monsieur [X] la somme de 2.500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
– Condamner solidairement Monsieur [I] et Madame [J] aux entiers dépens dont ceux de première instance.
Il conteste toute proposition de vente du bien en viager et par suite toute rupture des pourparlers à ce titre. Il ajoute que suite au départ de la précédente locataire le logement était sale mais non pas insalubre et sans équipement sanitaire, de sorte, qu’après nettoyage, il était en état d’être loué. Il conteste toute exception d’inexécution faisant valoir que ce sont les locataires qui sont à l’origine de l’état du bien pour avoir procédé à des destructions diverses. Il conteste avoir donné son accord pour la réalisation de travaux et s’oppose à la demande en remboursement.
La clôture de la procédure a été prononcée selon ordonnance du 9 mai 2019.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Après l’échec du processus de médiation, les parties n’ont pas conclu à nouveau de sorte qu’il convient de statuer au vu des écritures par elles déposées avant que cette mesure ne soit ordonnée.
Les ‘dire et juger’ ou ‘reconnaître’ figurant au dispositif des écritures des appelants ne constituent pas des prétentions au sens du code de procédure civile mais tout au plus le récapitulatif de leurs moyens.
Sur le fond, pour conclure à l’infirmation du jugement, les appelants font valoir qu’ils pensaient pouvoir acquérir le bien en viager et que c’est dans ces conditions qu’ils ont entrepris d’importants travaux dans l’immeuble, alors que le propriétaire en rompant brutalement les pourparlers leur a causé un préjudice.
S’il est manifeste que des discussions ont existé entre les parties, il n’en demeure pas moins qu’il n’est pas établi l’existence d’un accord. En effet, aucune des attestations produites ne fait état d’un prix qui aurait pu être envisagé ou discuté par les parties au jour de l’entrée des appelants dans les lieux. Or, il est admis que cette entrée dans les lieux a préexisté à la formalisation d’un acte entre elles.
C’est dans ces conditions qu’il convient d’envisager le bail signé entre les parties. Cet acte a été établi le 1er février 2015 et mentionne une prise d’effet du bail à cette même date alors qu’il résulte des écritures concordantes des parties que les locataires sont entrés dans les lieux en avril ou mai 2014, mais en toute hypothèse plusieurs mois avant la date d’effet stipulée à l’acte.
Le bail contenait une clause résolutoire. Le premier juge a exactement constaté que les loyers n’avaient pas été payés et que le bailleur s’était prévalu de la clause résolutoire dans le commandement de payer du 3 septembre 2015 de sorte qu’à défaut de régularisation, la clause résolutoire était acquise au 3 novembre 2015.
Pour s’opposer à cette acquisition les locataires se prévalent de l’exception d’inexécution en faisant valoir que le bailleur met à leur disposition un logement qui n’est pas habitable et ne correspond pas à un logement décent au sens de la loi du 6 juillet 1989.
Ils est exact que le logement n’est pas actuellement habitable puisqu’il s’agit d’un immeuble en cours de travaux de rénovation et qu’en l’état les éléments d’équipement permettant l’habitation normale ne sont pas posés. Toutefois, les appelants ne peuvent se prévaloir de cette carence puisqu’ils sont eux même à l’origine de cette situation pour avoir entamé les travaux. En effet, il résulte du procès verbal de sortie de la précédente locataire qu’au mois d’avril 2014, l’immeuble était restitué sale et présentait par ailleurs une certaine vétusté. Toutefois les éléments d’équipement indispensables, cuisine, salle de bain, chauffage, alimentation électrique étaient bien présents. Ce sont les appelants qui sont à l’origine de la disparition des éléments d’équipement indispensable à l’habitabilité des lieux puisqu’ils indiquent eux même avoir entamé des travaux de rénovation importants. L’état de l’immeuble procède uniquement de ces travaux qu’ils ont entrepris et ne relève donc pas d’une exception d’inexécution par le bailleur.
Dès lors qu’ils ont accepté de signer le bail du 1er février 2015 et qu’ils ne peuvent se prévaloir de l’exception d’inexécution, il y lieu au regard des effets du commandement de confirmer le jugement en ce qu’il a constaté la résiliation du bail, ordonné leur expulsion. La dette locative en loyers et indemnités d’occupation a été exactement appréciée par le premier juge étant observée qu’elle n’est pas contestée par le bailleur et que la contestation des locataires procédait de l’exception d’inexécution non retenue.
Dès lors que le bail est résilié, le bailleur ne saurait être condamné à la réalisation de travaux. Quant aux travaux de remise en état sollicités par le bailleur et ordonnés par le premier juge, il convient tout d’abord de constater qu’ils ont été demandés dans des termes par trop généraux ne permettant pas une exécution forcée. Mais surtout cette demande de remise en état procède de l’affirmation du bailleur selon laquelle il n’aurait jamais donné son accord pour les travaux. Or, la cour ne peut suivre une telle analyse. Il apparaît tout d’abord que M. [X] est domicilié dans l’immeuble immédiatement voisin de celui donné à bail. S’il a pu être hospitalisé à certaines périodes cela n’a pas concerné toute la durée pendant laquelle les appelants ont eu la jouissance du bien. Il est manifeste qu’il ne pouvait que constater l’exécution des travaux. Cette connaissance qu’il avait des travaux procède outre de la configuration des lieux et de l’ampleur des travaux, des attestations qu’il produit. Ses premières réclamations portaient sur le seul paiement des loyers et non sur la réalisation de ces travaux. Dès lors que ces travaux étaient en cours au jour où il a consenti le bail par écrit, il ne saurait soutenir qu’ils ont été réalisés en dehors de son consentement et qu’il peut prétendre à la remise dans un état antérieur, au demeurant impossible matériellement compte tenu de l’ampleur de la rénovation entreprise.
Le jugement sera donc réformé en ce qu’il a condamné les appelants à remettre le logement en état d’habitabilité, à raser le hangar et à remettre le terrain en état et M. [X] débouté de ces demandes.
Les appelants ne peuvent qu’être déboutés de leur demande en paiement de la somme de 19 800 euros au titre des travaux qu’ils ont effectués. En effet, s’il est certain qu’il a existé des discussions et si les parties, qui ont manifestement fort peu qualifié leurs relations juridiques à l’origine, auraient eu intérêt à les poursuivre, motif pour lequel il leur avait été proposé une médiation, il n’en demeure pas moins que c’est de leur propre chef que les appelants ont entamé des travaux de rénovation. Ils l’ont manifestement fait en pensant agir pour leur propre compte mais ne peuvent prétendre au remboursement de travaux qu’ils ont bien entrepris d’initiative sur le fonds d’autrui.
Le jugement sera confirmé en ce qu’il a rejeté leur demande de condamnation de M. [X] en paiement de la somme de 19 800 euros. Il sera en revanche réformé en ce qu’il a condamné M. [X] au paiement de la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts. En effet, au delà de discussions qui ont pu avoir lieu entre les parties on ne peut constater de rupture brutale et fautive dans la mesure où aucun élément ne permet de caractériser des discussions très avancées en particulier sur le prix de vente, aucun prix n’étant jamais évoqué. Les appelants ont bien fait preuve d’imprudence en entamant les travaux sans aucun titre, sans pouvoir être indemnisés de ce fait.
Au regard de la solution adoptée où chacune des parties succombe pour partie en ses prétentions, il n’apparaît pas inéquitable que chacune d’elle conserve à sa charge les frais non compris dans les dépens par elle exposés tant en première instance, où le jugement sera réformé de ce chef, qu’en cause d’appel ainsi que les dépens d’appel. L’expulsion étant prononcée suite au commandement de payer, le jugement sera confirmé sur le sort des dépens comprenant le coût du commandement de payer.
PAR CES MOTIFS
La Cour,
Confirme le jugement entrepris en ce qu’il a :
Constaté la résiliation du bail à compter du 3 novembre 2015,
Condamné solidairement M. [I] et Mme [J] à payer à M. [X] la somme de 12 231,84 euros au titre des loyers impayés en mai 2017,
Fixé à compter de juin 2017 l’indemnité d’occupation au montant du loyer et de la provision pour charges,
Ordonné l’expulsion des locataires,
– Statué sur le sort des dépens de première instance,
L’infirme pour le surplus et statuant à nouveau,
Déboute M. [X] de ses demandes de remise en état,
Déboute M. [I] et Mme [J] de leurs demandes en paiement de la somme de 19 800 euros au titre des travaux et de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts,
Dit n’y avoir lieu à application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
Laisse à chacune des parties la charge des dépens d’appel par elle exposés.
Le présent arrêt a été signé par Marie-Hélène HEYTE, président, et par Madame Séléna BONNET, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le Greffier,Le Président,