Rupture abusive de pourparlers : 24 mai 2022 Cour d’appel de Metz RG n° 21/00888

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Rupture abusive de pourparlers : 24 mai 2022 Cour d’appel de Metz RG n° 21/00888
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24 mai 2022
Cour d’appel de Metz
RG n°
21/00888

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

N° RG 21/00888 – N° Portalis DBVS-V-B7F-FPBD

Minute n° 22/00199

[K]

C/

[R]

Jugement Au fond, origine TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de METZ, décision attaquée en date du 11 Janvier 2021, enregistrée sous le n° 20/00764

COUR D’APPEL DE METZ

3ème CHAMBRE – TI

ARRÊT DU 24 MAI 2022

APPELANT :

M. [T] [K]

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représenté par Me Yves ROULLEAUX, avocat au barreau de METZ

INTIMÉ :

M. [B] [R]

[Adresse 3]

[Localité 5]

Représenté par Me Antoine LEUPOLD, avocat au barreau de METZ

DATE DES DÉBATS : A l’audience publique du 24 mars 2022 tenue par Mme GUIOT-MLYNARCZYK, Magistrat rapporteur qui a entendu les plaidoiries, les avocats ne s’y étant pas opposés et en a rendu compte à la cour dans leur délibéré pour l’arrêt être rendu le 24 mai 2022

GREFFIER PRÉSENT AUX DÉBATS : Mme Sophie GUIMARAES

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

PRÉSIDENT : Mme GUIOT-MLYNARCZYK, Président de Chambre

ASSESSEURS : Mme BASTIDE, Conseiller

M. MICHEL, Conseiller

ARRÊT : Contradictoire

Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;

Signé par Mme GUIOT-MLYNARCZYK, Présidente de Chambre, et par Mme GUIMARAES, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCÉDURE

M. [B] [R] et M. [T] [K] sont respectivement propriétaires de plusieurs lots dans une copropriété située [Adresse 2].

Au motif que M. [R] a rompu abusivement des pourparlers ayant pour objet la vente d’un grenier lui appartenant dans la copropriété, par acte d’huissier du 10 août 2020, M. [K] l’a fait citer devant le tribunal judiciaire de Metz aux fins de le voir condamner à lui payer la somme de 5.510,40 euros avec intérêts au taux légal à compter de la demande et celle de 1.500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux frais et dépens.

Par jugement réputé contradictoire du 11 janvier 2021, le tribunal a débouté M. [K] de toutes ses demandes et l’a condamné aux dépens.

Par déclaration déposée au greffe le 12 avril 2021, M. [K] a formé appel de ce jugement en ce qu’il l’a débouté de ses demandes.

Il demande à la cour d’infirmer la décision, de condamner M. [R] à lui payer la somme de 5.510,40 euros avec intérêts au taux légal à compter de la demande ainsi qu’aux entiers dépens et au paiement d’une indemnité de 4.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

L’appelant expose qu’habitant au 4ème et dernier étage de l’immeuble, il a contacté M. [R] pour acquérir les combles, que celui-ci a accepté sans réserve de lui vendre son grenier pour la somme de 5.000 euros et que l’accord des parties était parfait. Il précise avoir accepté de prendre à sa charge le coût de l’état daté que devait établir le syndic et de le dispenser du diagnostique amiante mais que l’intimé a refusé de signer le projet d’acte vente en raison d’un désaccord sur le montant de sa dette à l’égard de la copropriété, qu’il est intervenu auprès du syndic pour obtenir une réduction de cette dette qui est passée de 3.900 euros à 1.355,87 euros mais qu’après avoir proposé la signature de l’acte pour le 15 juillet 2019, ni l’étude notariale, ni M. [R] ne se sont manifestés, de sorte que la vente n’a pu être réitérée en la forme authentique et que la lettre recommandée qu’il a adressée à l’intimé pour obtenir l’indemnisation de son préjudice est restée vaine.

L’appelant soutient que le tribunal a fait abstraction des mails et courriers émanant du notaire du vendeur, notamment d’un courriel comportant le projet d’acte de vente, le décompte des sommes à virer pour le jour de la signature et un relevé d’identité bancaire, que la réalité des négociations est admise par l’intimé dans ses conclusions et qu’elle est donc désormais acquise aux débats.

Il fait valoir que le projet d’acte préparé par le notaire des vendeurs caractérise leur accord pour lui vendre le grenier et demande à la cour, si elle s’estime insuffisamment informée, d’ordonner l’audition du clerc de notaire chargé de la préparation de l’acte. Il ajoute que le fait que le notaire n’ait pas établi de compromis de vente mais directement un projet d’acte ne comportant aucune condition suspensive, ni réserve, accrédite la thèse selon laquelle l’accord des parties était définitif et parfait et ajoute que le notaire a reçu la procuration de l’épouse de M. [R], exigée pour la réitération de la vente en la forme authentique.

Il prétend que l’absence de concrétisation de l’acte n’a pas pour origine des discussions avec la copropriété sur le montant des charges comme le soutient l’intimé alors que ces discussions se sont engagées postérieurement à l’acte établi par le notaire et suite au refus de M. [R] de signer. Il précise qu’elles ont été entreprises à la seule initiative de l’intimé, sans sa participation, ni sa coopération et qu’elles ne constituaient pas un élément déterminant du consentement du vendeur, qu’aucune pièce ne mentionne que la vente était conditionnée à la détermination de la somme revenant au vendeur après règlement des charges de copropriété et qu’en tout état de cause, il s’agissait d’un litige avec la copropriété, qui ne le concerne pas.

Il soutient que le contrat ayant été formé par l’accord parfait des parties, son action doit prospérer sur le terrain de la responsabilité contractuelle et qu’à défaut, M. [R] a rompu de manière abusive les pourparlers, que sa faute est caractérisée, que l’intimé a fait preuve d’une particulière mauvaise foi en voulant d’abord dissimuler l’existence de sa dette de copropriété et ne l’a pas informé de son renoncement à signer l’acte authentique en conservant le silence malgré ses relances. Sur le préjudice, il expose avoir engagé la somme de 480 euros au titre des deux états datés établis par le syndic dont la charge incombe légalement au vendeur, sollicite également la somme de 3.030,40 euros pour la perte liée à l’immobilisation des fonds suite à la clôture de son PEL et à la perte des avantages liés à ce compte, outre un manque à gagner certain lié à l’impossibilité d’investir ces fonds, et la somme de 2.000 euros au titre de l’indemnisation de son préjudice moral.

M. [R] demande à la cour de déclarer M. [K] irrecevable et mal fondé en son appel, de l’en débouter, de confirmer le jugement rendu le 11 janvier 2021 en toutes ses dispositions et de condamner M. [K] à lui payer la somme de 2.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers frais et dépens.

Il expose que des discussions ont eu lieu entre les parties aux fins de concrétisation de la vente du grenier, qu’un projet d’acte a été élaboré, qu’aucun compromis de vente n’a été établi et qu’aucun accord n’a été donné sur le projet. Il précise que le projet d’acte ne s’est pas concrétisé en raison des discussions qui existaient avec la copropriété sur le montant des charges décompté pour le lot objet de la cession et que la vente était conditionnée par la détermination de la somme revenant au vendeur après règlement des charges de copropriété.

Il soutient que la preuve d’un accord n’est pas rapportée ni celle de la rupture abusive de pourparlers, seuls des contacts ayant été noués. Il observe en outre que si un accord avait été trouvé sur la chose et le prix, celui-ci aurait été conclu en 2018 de sorte que le décompte produit, en date du 30 avril 2019, est hors débat. L’intimé rappelle par ailleurs qu’en vertu de l’article 42 de la loi du 1er juin 1924, en droit local, tout acte portant transfert de propriété souscrit sous une autre forme que devant notaire, doit à peine de nullité être suivi d’un acte authentique, ou en cas de refus de l’une des parties, d’une demande en justice et cela dans les six mois qui suivent la passation de l’acte. Il souligne que la nullité prive l’hypothétique accord de tout effet juridique. Il ajoute que M. [K] ne justifie pas du préjudice subi, que le dommage allégué est totalement hypothétique et qu’il n’est pas fondé.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Vu les écritures déposées le 30 novembre 2021 par M. [R] et le 4 janvier 2022 par M. [K] auxquelles la cour se réfère expressément pour un plus ample exposé de leurs prétentions et moyens.

Vu l’ordonnance de clôture en date du 13 janvier 2022.

Sur la recevabilité de l’appel

Selon l’article 954 du code de procédure civile, les conclusions d’appel doivent formuler expressément les prétentions des parties et les moyens de fait et de droit sur lesquels chacune de ces prétentions est fondée avec indication pour chaque prétention des pièces invoquées et de leur numérotation, ainsi qu’un bordereau récapitulatif des pièces annexé. La partie qui conclut à l’infirmation du jugement doit expressément énoncer les moyens qu’elle invoque sans pouvoir procéder par voie de référence à ses conclusions de première instance.

En l’espèce, si l’intimé conclut au dispositif de ses conclusions à l’irrecevabilité de l’appel, il ne fait valoir aucun moyen au soutien de cette fin de non recevoir, de sorte qu’il doit en être débouté.

Sur la demande de dommages et intérêts

Sur la responsabilité contractuelle, selon l’article 1113 du code civil, le contrat est formé par la rencontre d’une offre et d’une acceptation par lesquelles les parties manifestent leur volonté de s’engager. Cette volonté peut résulter d’une déclaration ou d’un comportement non équivoque de son auteur. Il appartient à celui qui se prévaut d’un contrat d’en rapporter la preuve.

L’article 1231-1 du code civil, dispose que le débiteur est condamné, s’il y lieu, au paiement de dommages et intérêts, soit à raison de l’inexécution de l’obligation, soit à raison du retard dans l’exécution, toutes les fois qu’il ne justifie pas que l’inexécution provient d’une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu’il n’y ait aucune mauvaise foi de sa part.

En l’espèce, il est admis de part et d’autre que des discussions ayant pour objet la vente à M. [K] du grenier appartenant à M. [R], se sont instaurées entre les parties et ces discussions ne sont susceptibles de caractériser un contrat que si elles se sont soldées par un accord sur les éléments essentiels de la cession des locaux.

C’est en vain que M. [K] se prévaut du projet d’acte de vente établi par un notaire alors que la sollicitation d’un notaire n’est pas à elle seule de nature à établir la réalité d’un accord parfait entre les parties et permet tout au plus d’attester qu’une vente est envisagée. Le fait, non démontré, que ce notaire est ‘celui du vendeur’ est à cet égard indifférent, étant observé qu’il n’est ni établi, ni allégué que ce notaire a été sollicité par M. [R]. Les énonciations du projet, en particulier du prix de 5.000 euros sont également sans incidence, dès lors qu’il n’est pas démontré que cette précision a été apportée par l’intimé et qu’elle avait été définitivement fixée entre les parties.

Par ailleurs, le montant des charges de copropriété restant dû et son traitement constituent aussi un élément essentiel du contrat de vente du grenier, au même titre que le prix, et la preuve n’est pas rapportée qu’il a fait l’objet d’un accord quelconque. Il résulte au contraire des débats et des pièces que l’état daté n’a été sollicité que postérieurement à la rédaction du projet d’acte de vente et qu’après l’établissement de cet acte, des discussions relatives aux charges se sont instaurées entre les parties sans aboutir. Ainsi, M. [K] indique notamment dans son courrier du 30 août 2019 avoir refusé de supporter la somme de 800 euros du chef de la dette de charges (pièce n°4) comme le lui proposait l’intimé. L’envoi par l’épouse de celui-ci d’une procuration au notaire est antérieur à ces discussions et dès lors, il ne démontre en rien que celles-ci ont débouché sur un accord .

Il est relevé enfin que, dans sa mise en demeure du 30 août 2019, M. [K] ne se prévaut pas d’un accord parfait sur la vente mais indique au contraire qu’il prend acte du refus de vendre de l’intimé et lui reproche une rupture abusive des pourparlers. Il s’en déduit qu’il ne peut valablement se prévaloir de la conclusion d’un contrat de vente.

Sur la responsabilité délictuelle, l’article 1112 du code civil dispose que l’initiative, le déroulement et la rupture des négociations précontractuelles sont libres. Ils doivent impérativement satisfaire aux exigences de la bonne foi.

En cas de faute commise dans les négociations, la réparation du préjudice qui en découle ne peut avoir pour objet de compenser ni la perte des avantages attendus du contrat non conclu, ni la perte de chance d’obtenir ces avantages. La charge de la preuve de la faute commise dans les négociations, pèse sur celui qui l’invoque.

En l’espèce, il résulte des développements qui précèdent que les négociations engagées entre les parties pour la vente du grenier appartenant à M. [R] n’ont pas abouti. L’état très avancé de ces négociations allégué par M. [K] n’est pas démontré, étant rappelé que celui-ci ne prouve pas l’existence d’un accord sur le prix et que les pièces versées aux débats attestent d’un désaccord sur le montant et la prise en charge des sommes restant dues à la copropriété au titre des combles.

L’appelant ne démontre pas que M. [R] a voulu dissimuler l’existence de sa dette de copropriété comme il le soutient. Il apparaît en outre que le montant de la somme due n’a été déterminé qu’au cours des négociations à la suite de l’établissement de l’état daté et aucune pièce ne permet d’établir que M. [R] en avait connaissance au préalable, étant observé que ce montant a ensuite été révisé à la baisse, que l’intimé le conteste pour partie et que M. [K] indique lui-même dans ses courriers que la somme due doit encore faire l’objet de discussions directement entre l’intéressé et la copropriété.

Le fait qu’il a pris à sa prise charge le coût de l’état daté et est intervenu auprès du syndic pour obtenir une réduction de la dette de copropriété est tout aussi inopérant alors qu’il ne ressort d’aucune pièce que ces démarches ont été demandées par l’intimé ou que celui-ci a conditionné son accord à leur réalisation. A la lecture des courriers de l’appelant, il apparaît que l’engagement de ces démarches relève de sa seule initiative indépendamment de toute sollicitation de M. [R] qui n’a souscrit à cet égard aucun engagement.

L’intimé ne peut non plus être valablement incriminé pour ne pas avoir fait part à l’appelant de sa renonciation à la signature de l’acte. Il résulte en effet des termes de la mise en demeure du 30 août 2019 que le dernier contact entre les parties remonte au début du mois de mai 2019 lorsque M. [K] a refusé la proposition de M. [R] de prendre en charge la dette de copropriété à hauteur de 800 euros et avait ainsi connaissance du désaccord existant entre les parties. Il ressort également des termes de cette lettre que M. [R] a exprimé à nouveau son souhait de vendre son grenier et que c’est M. [K] qui, un mois plus tard, a pris l’initiative de la rupture des pourparlers faute d’élément nouveau, en fixant par l’intermédiaire du notaire une date limite de signature de l’acte au 15 juillet 2019.

Faute de preuve d’une faute commise par M. [R] au cours des négociations et en particulier lors de leur rupture, M. [K] ne peut valablement rechercher sa responsabilité délictuelle. Le jugement déféré est donc confirmé en ce qu’il l’a débouté de sa demande de dommages et intérêts.

Sur l’article 700 du code de procédure civile et les dépens

Les dispositions du jugement sur les dépens et les frais irrépétibles sont confirmées.

M. [K], partie perdante, est condamné au dépens d’appel. Pour des raison d’équité, il est également condamné à payer à M. [R] la somme de 800 en application de l’article 700 du code de procédure civile et débouté de sa demande présentée sur ce fondement.

PAR CES MOTIFS

DEBOUTE M. [B] [R] de sa fin de non recevoir tendant à l’irrecevabilité de l’appel ;

CONFIRME le jugement déféré en ce qu’il a’débouté M. [T] [K] de ses demandes et l’a condamné aux dépens ;

Y ajoutant,

DÉBOUTE M. [T] [K] sa demande fondée sur l’article 700 du code de procédure civile;

CONDAMNE M. [T] [K] à payer à M. [B] [R] la somme de 800 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE M. [T] [K] aux dépens d’appel.

LE GREFFIER LE PRESIDENT

 


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