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19 janvier 2018
Cour d’appel de Paris
RG n°
15/21628
Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE
aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 5 – Chambre 11
ARRÊT DU 19 JANVIER 2018
(n° , 14 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : 15/21628
Décision déférée à la Cour : Jugement du 28 Septembre 2015 -Tribunal de Commerce de PARIS – RG n° 2014062178
APPELANTES
SARL TIM
prise en la personne de ses représentants légaux
[Adresse 1]
[Adresse 1])
N° SIRET : 314 649 401 (Pointe-à-Pitre)
représentée par Me Jean-Patrick DELMOTTE, avocat au barreau de PARIS, toque : P0014
SARL TIM – MARTINIQUE
prise en la personne de ses représentants légaux
[Adresse 2]
[Adresse 2])
N° SIRET : 440 513 232 (Fort de France)
représentée par Me Jean-Patrick DELMOTTE, avocat au barreau de PARIS, toque : P0014
INTIMEE
SAS LABORATOIRES URGO
prise en la personne de ses représentants légaux
[Adresse 3]
[Adresse 3]
N° SIRET : 433 842 044 (Dijon)
représentée par Me Edmond FROMANTIN, avocat au barreau de PARIS, toque : J151
assistée de Me Boris RUY, avocat plaidant du barreau de LYON
COMPOSITION DE LA COUR :
L’affaire a été débattue le 07 Décembre 2017, en audience publique, devant la Cour composée de :
Mme Michèle LIS SCHAAL, présidente de la chambre,Mme Françoise BEL, présidente de chambre
M. Gérard PICQUE, magistrat honoraire en charge de fonctions juridictionnelles
qui en ont délibéré.
Un rapport a été présenté à l’audience dans les conditions prévues à l’article 785 du code de procédure civile.
Greffier, des débats : Saoussen HAKIRI
ARRÊT :
– contradictoire,
– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile,
– signé par Mme Michèle LIS SCHAAL, présidente et par Mme Saoussen HAKIRI, greffier présent lors du prononcé.
Faits et procédure
En 1973, la société LABORATOIRES URGO (ci-après URGO) a confié l’exclusivité de la vente de ses produits aux sociétés TIM et TIM MARTINIQUE qui distribuent des produits pharmaceutiques dans les Antilles françaises.
Après avoir mis fin en 2010 à ce contrat initial par un protocole transactionnel, les sociétés URGO, TIM et TIM MARTINIQUE ont poursuivi leurs relations commerciales en concluant le 26 juillet 2010 deux nouveaux contrats d’une durée de 3 ans, renouvelables par la suite annuellement par tacite reconduction.
Le 14 février 2013, la société URGO a notifié aux sociétés TIM et TIM MARTINIQUE sa décision de résilier lesdits contrats au terme d’un préavis de 23 mois. Afin de respecter le préavis contractuel de 24 mois, la société URGO a également proposé d’indemniser les sociétés TIM et TIM MARTINIQUE sur la base d’un mois de son taux de marge.
Une négociation portant sur la mise en place d’une éventuelle collaboration basée sur de nouveaux principes a parallèlement été menée par les sociétés URGO, TIM et TIM MARTINIQUE. Cette négociation n’a cependant pas aboutie.
Les sociétés TIM et TIM MARTINIQUE ont alors considéré que la société URGO avait rompu de façon abusive leurs relations commerciales.
Par assignation délivrée le 24 octobre 2014 à la société URGO, les sociétés TIM et TIM MARTINIQUE ont saisi le Tribunal de commerce de Paris d’une demande visant à condamner la société URGO à leur payer la somme de 1.296.911,80 euros en réparation du préjudice subi du fait de la rupture brutale des relations commerciales établies.
Par jugement rendu le 28 septembre 2015, le Tribunal de commerce de Paris a :
dit que le préavis de 24 mois accordé par la société URGO aux sociétés TIM et TIM MARTINIQUE était d’une durée suffisante et que la société URGO n’a pas rompu brutalement les relations commerciales établies au sens de l’article L. 442-6-I,5° du code de commerce
dit que le préavis consenti a été effectif
dit que la rupture contractuelle n’est pas abusive
dit que la rupture des pourparlers n’était pas fautive
débouté les sociétés TIM et TIM MARTINIQUE de l’ensemble de leurs demandes indemnitaires
débouté la société URGO de sa demande de dommages et intérêts
interdit aux sociétés TIM et TIM MARTINIQUE d’utiliser le logo « Laboratoires URGO » ou tout autre signe distinctif des laboratoires URGO sous astreinte de 100 euros par infraction constatée, à l’issu d’un délai de huit jours à compter de la signification du présent jugement, déboutant pour le surplus
ordonné l’exécution provisoire du présent jugement
condamné in solidum les sociétés TIM et TIM MARTINIQUE à verser à la société URGO la somme de 15.000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile
débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires
condamné in solidum les sociétés TIM et TIM MARTINIQUE aux dépens
Le Tribunal de commerce de Paris a d’abord constaté que le caractère établi des relations commerciales qu’entretenaient les sociétés URGO, TIM et TIM MARTINIQUE n’était pas contesté.
Les premiers juges ont ensuite estimé que le préavis contractuel de 24 mois était parfaitement suffisant pour permettre aux sociétés TIM et TIM MARTINIQUE de trouver des fournisseurs alternatifs et de contracter avec eux afin de s’approvisionner en produits concurrents des produits de la société URGO.
Ils ont également décidé que les sociétés TIM et TIM MARTINIQUE ne pouvaient valablement soutenir avoir été maintenues par la société URGO dans la croyance de la pérennité de leurs relations commerciales jusqu’au 13 septembre 2014, date de la rupture définitive des pourparlers engagés. Ils expliquent que la société URGO les avait en effet informées dès le 13 février 2013 de la fin de leur relation contractuelle au 31 janvier 2015. Ils ont par conséquent jugé que le préavis contractuel consenti aux sociétés TIM et TIM MARTINIQUE avait été effectif du 14 février 2013, date d’envoi du courrier de résiliation jusqu’au 31 janvier 2015, peu important que les parties aient, pendant ce temps, procéder à des négociations.
Le Tribunal de commerce de Paris a rappelé qu’il n’existait pas de droit à la reconduction perpétuelle du contrat et que seules sont garanties les conséquences pécuniaires résultant des conditions de la rupture. Les premiers juges ont donc souligné le caractère discrétionnaire du droit de rompre de la société URGO ‘ sauf le respect d’un préavis. Ils ont par conséquent refusé de porter une appréciation sur les raisons pour lesquelles cette dernière a décidé de mettre un terme à sa relation contractuelle avec les sociétés TIM et TIM MARTINIQUE.
Les premiers juges ont en outre décidé que les sociétés TIM et TIM MARTINIQUE ne rapportaient pas la preuve que la société URGO aurait rompu fautivement les pourparlers engagés entre les parties le 9 septembre 2014.
Les sociétés TIM et TIM MARTINIQUE ont régulièrement interjeté appel du jugement par déclaration du 29 octobre 2015.
Prétentions des parties
Par leurs conclusions signifiées par RPVA le 29 novembre 2016, auxquelles il est fait référence pour plus ample exposé des motifs, de leurs moyens et de leur argumentation, les sociétés TIM et TIM MARTINIQUE sollicitent de la Cour de :
Vu les articles L. 442-6-I, L. 420-2-1 et L. 420-4, III du code de commerce,
Vu les articles 1134 et 1135 du code civil,
Infirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu par le Tribunal de commerce de Paris le 28 septembre 2015
En conséquence,
dire que la société LABORATOIRES URGO a rompu brutalement des relations commerciales établies au sens de l’article L. 442-6-I, 5° du code de commerce
constater que le préavis dont jouissaient les sociétés TIM et TIM MARTINIQUE n’a pas été effectif
constater que la rupture contractuelle imposée par la société URGO aux sociétés TIM et TIM MARTINIQUE est abusive
dire que la rupture des pourparlers opposée par la société URGO aux sociétés TIM et TIM MARTINIQUE est déloyale et de ce fait fautive
Partant,
juger que les sociétés TIM et TIM MARTINIQUE sont bien fondées dans leurs demandes indemnitaires
En conséquence,
A titre principal,
condamner la société URGO à payer aux société TIM et TIM MARTINIQUE, en réparation du préjudice subi du fait de la rupture brutale de relation commerciale établie, la somme de 1.027.514 euros correspondant à dix-neuf mois de préavis dont elles n’ont pu bénéficier effectivement, ainsi répartie
pour la société TIM MARTINIQUE : 397.879 euros
pour la société TIM : 629.635 euros
A titre subsidiaire,
condamner la société URGO à payer aux sociétés TIM et TIM MARTINIQUE, en réparation du préjudice subi du fait de la rupture brutale de relation commerciale établie, la somme de 703.036,1 euros correspondant à treize mois de préavis dont elles n’ont pu bénéficier effectivement, dans l’hypothèse où la Cour considérerait que le préavis effectif a commencé à courir le 14 mars 2014, soit
pour la société TIM MARTINIQUE : 272.233 euros
pour la société TIM : 430.803,1 euros
En tout état de cause,
condamner la société URGO à payer aux sociétés TIM et TIM MARTINIQUE, en réparation du préjudice subi du fait de la rupture abusive des pourparlers et du contrat la somme forfaitaire de 900.000 euros, décomposée comme suit :
pour la société TIM MARTINIQUE : 300.000 euros
pour la société TIM : 600.000 euros
condamner la société URGO à payer aux sociétés TIM et TIM MARTINIQUE, en réparation du préjudice subi du fait du refus de reprise des stocks portant sur les produits ayant une date de péremption inférieure à 18 mois la somme de 20.739,57 euros, décomposée comme suit
pour la société TIM MARTINIQUE : 18.130,33 euros
pour la société TIM : 2.609,24 euros
condamner la société URGO à payer aux sociétés TIM et TIM MARTINIQUE, à titre d’indemnité portant sur le 24ème mois de préavis contractuel seulement partiellement réglé, la somme de 26.226,66 euros, décomposée comme suit
pour la société TIM MARTINIQUE : 9.358,33 euros
pour la société TIM : 16.868,33 euros
réformer le jugement rendu par le Tribunal de commerce de Paris en ce qu’il a condamné in solidum les sociétés TIM et TIM MARTINIQUE au paiement au bénéfice de la société URGO de la somme de 15.000 euros au titre des frais de l’article 700 du code de procédure civile
condamner la société URGO à verser aux sociétés TIM et TIM MARTINIQUE la somme de 10.000 euros chacune au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile
condamner la société URGO aux dépens.
Sur la rupture brutale des relations commerciales établies,
Les sociétés TIM et TIM MARTINIQUE soutiennent que le préavis que leur a accordé la société URGO n’a pas été effectif.
Elles expliquent dans un premier temps qu’elles avaient engagé des négociations avec la société URGO avant même la réception du courrier de résiliation de cette dernière et qu’elles se trouvaient donc dans l’attente légitime de la formalisation d’un nouveau contrat ayant pour but de poursuivre leurs relations commerciales. Elles rappellent que la discussion sur ce nouveau partenariat futur s’est poursuivie malgré le courrier de rupture de la société URGO. Elles citent ainsi un courrier de la société URGO du 25 mars 2013 dans lequel cette dernière écrivait « nous ne souhaitons pas nécessairement aboutir à un arrêt total et définitif de nos relations ». Elles citent également un courrier du 16 mai 2013 dans lequel la société URGO fait part des efforts de son équipe pour « faire évoluer notre relation commerciale ». Elles prétendent donc la société URGO tenait envers elles deux discours, l’un leur assurant sa volonté de mettre un terme à toute relation contractuelle et l’autre leur faisant croire que le maximum était fait pour qu’un accord puisse être trouvé entre les parties.
Elles soulignent le comportement déloyal de la société URGO en rappelant que le 29 mai 2013, elles étaient parvenues à un accord de principe sur le maintien d’une relation contractuelle. Elles expliquent que la négociation en cours depuis le début de l’année 2013 avait pour but une renégociation des tarifs. Or elles soutiennent qu’elles n’avaient aucune raison d’accepter une diminution des prix en période de préavis à défaut de conclusion d’un nouveau contrat. Elles ajoutent qu’un projet de contrat a même été envoyé par la société URGO le 14 mars 2014. Elles affirment qu’après plusieurs modifications et contre-propositions, la société URGO a, le 9 septembre 2014, brutalement mis fin aux négocations engagées. Elles expliquent que dans son courrier du 9 septembre 2014, cette dernière confirme la résiliation des contrats du 26 juillet 2010, preuve que ladite résiliation avait été mise en suspend par les négociations.
Les sociétés TIM et TIM MARTINIQUE soutiennent par conséquent que le préavis n’a pu commencer à courir qu’à compter du 9 septembre 2014 et n’a donc duré que 5 mois.
Les sociétés TIM et TIM MARTINIQUE soutiennent en outre que la société URGO aurait détourné les dispositions législatives de la loi Lurel pour ne pas respecter la procédure de rupture des relations commerciales prévue au contrat. Elles expliquent ainsi que la société URGO les a privé de leur exclusivité territoriale pendant la durée du préavis. Or elles rappellent qu’existe un tempérament à l’article L. 420-2-1 du code de commerce, qui interdit dans les DOM-TOM tout accords accordant des droits exclusifs d’importation à une entreprise. Elles expliquent ainsi que l’article L. 420-4 du code de commerce prévoit une exception « pour des motifs tirés de l’efficacité économique, réservant aux consommateurs une partie du profit ». Elles assurent que ces deux critères se retrouvent dans l’accord de distribution exclusive conclu avec la société URGO puisque leur intervention permettait d’une part la distribution fiable et régulière des produits URGO en Martinique et en Guadeloupe grâce à une logistique particulièrement efficace et contribuait d’autre part à l’amélioration de l’accès aux produits pharmaceutiques pour les usagers sans entraîner un coût supplémentaire pour ces derniers.
Sur la rupture abusive des pourparlers et du contrat,
Sur la rupture du contrat,
Les sociétés TIM et TIM MARTINIQUE soutiennent que la résiliation d’un contrat peut, même si le préavis est respecté, revêtir un caractère abusif en raison des circonstances qui accompagnent la rupture.
Elles rappellent qu’en raison de l’obligation de concurrence que leur imposait la société URGO, elles se trouvaient dans une situation de dépendance économique impliquant, pour cette dernière, le respect d’un devoir de bonne foi renforcé. Elles expliquent que cette situation exigeait que les parties mènent la négociation jusqu’à son terme avant de mettre fin d’un commun accord aux contrats de 2010 pour les remplacer par d’autres.
Or elles rappellent que la société URGO a fait le choix de rompre le contrat le 14 février 2013 afin de renforcer encore sa position de force et d’obtenir, par l’exercice d’une pression, une renégociation à la baisse des tarifs.
Elles ajoutent que la société URGO a de même invoqué abusivement la loi Lurel afin de s’affranchir de l’exclusivité contractuelle qui leur était accordée, renforçant la pression qu’elle exerçait.
Elles prétendent également que la société URGO les a dénigrées dans un communiqué envoyé aux partenaires commerciaux pendant la durée d’exécution du préavis. Elles rappellent que les contrats du 26 juillet 2010 prévoyaient, dans leur article 14.6 que les parties se mettraient d’accord sur la rédaction de tout communiqué post-contractuel. Elles affirment que la société URGO ne les a cependant pas consulté et a utilisé des termes irrespectueux portant atteinte à leur image.
Sur la rupture des pourparlers,
Les sociétés TIM et TIM MARTINIQUE rappellent que la société URGO a attendu plus d’un an après l’accord de principe de mai 2013 pour leur envoyer un projet de contrat. Elles soutiennent que la société URGO a manifestement cherché à gagner du temps afin de faire pression sur elles pour qu’elles acceptent de nouvelles conditions bien moins avantageuses. Elles expliquent que ces conditions étaient tellement déséquilibrées qu’elles ne pouvaient que les refuser. Elles affirment donc que la société URGO a conduit les pourparlers avec une extrême mauvaise foi sans jamais faire aucune concession dans la négociation. Elles assurent que la déloyauté dont a fait preuve la société URGO a brisé le lien de confiance existant entre les partenaires et a nécessairement conduit à la rupture des pourparlers.
Sur la récupération des stocks de marchandises,
Les sociétés TIM et TIM MARTINIQUE soutiennent que la société URGO n’avait aucune raison de leur interdire de revendre les stocks dont la date limite de péremption était inférieure à 18 mois puisqu’elles les avaient déjà réglés. Elles expliquent qu’elles n’ont pris aucun risque en choisissant d’acheter des médicaments avec une courte date de péremption puisque l’espérance légitime de conclure un nouveau contrat leur assurait de pouvoir les écouler et parce qu’elles risquaient, sans lesdits médicaments, d’être en rupture de stocks.
Par ses conclusions signifiées par RPVA le 10 avril 2017, auxquelles il est fait référence pour plus ample exposé des motifs, de leurs moyens et de leur argumentation, la société URGO sollicite de la Cour de :
Vu les articles 1134 et 1382 du code civil, l’article L. 442-6,I, 5° du code de commerce
Vu les contrats de distribution conclus le 26 juillet 2010
Vu les courriers de résiliation du 14 février 2013 et tous autres éléments versés aux débats
confirmer le jugement querellé, sauf en ce qui concerne la demande indemnitaire de la société URGO du fait du comportement abusif des sociétés TIM et TIM GUADELOUPE
condamner in solidum les sociétés TIM et TIM MARTINIQUE à verser à la société URGO la somme de 10.000 euros à titre de dommages et intérêts, en réparation de leur comportement abusif, résultant notamment de la diffusion du communiqué du 12 janvier 2015
condamner in solidum les sociétés TIM et TIM MARTINIQUE à payer à la société URGO la somme de 20.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile
condamner in solidum les sociétés TIM et TIM MARTINIQUE aux entiers dépens
Sur la rupture brutale des relations commerciales établies,
La société URGO soutient que par son courrier de résiliation du 14 février 2013, elle entendait ne pas reconduire dans les mêmes termes la relation contractuelle existante avec les sociétés TIM et TIM MARTINIQUE. Elle explique que la loi Lurel remettait directement en cause les modèles de distribution exclusifs, tels que le modèle de contrat conclu avec les appelantes. Ce faisant, elle soutient qu’elle n’a pas eu l’intention de faire obstacle à toute vente de produit après des sociétés TIM et TIM MARTINIQUE. Elle soutient que ces dernières n’ont pas souhaité adhérer à la restructuration du réseau de distribution des produits URGO et que la cessation de tout courant d’affaires entre elles ne résulte donc que de leur choix.
La société URGO soutient qu’aucune des échanges ayant eu lieu dans l’intervalle février 2013/septembre 2014 ne laisse apparaître qu’elle aurait renoncé à sa décision de résilier les contrats et au préavis initialement notifié aux sociétés TIM et TIM MARTINIQUE. Elle rappelle que le préavis court ainsi dès l’envoi de son courrier de résiliation en date du 14 février 2013. Elle réaffirme par conséquent que le déroulé de négociations ne remet aucunement en cause l’effectivité du préavis. Elle soutient que ces négociations sont justement la preuve qu’elle ne souhaitait plus continuer la relation contractuelle qu’elle entretenait avec les sociétés TIM et TIM MARTINIQUE dans les mêmes termes et conditions. Elle explique qu’il faut replacer l’ensemble des courriers échangés dans leur contexte et que la référence « aux relations commerciales » qu’elle indique vouloir poursuivre dans le respect de la loi Lurel ne renvoie qu’aux relations commerciales qu’elle se devait de maintenir avec les sociétés TIM et TIM MARTINIQUE pendant la durée du préavis contractuel.
Elle assure que le courrier du 29 mai 2013 ne doit pas s’analyser en un accord de principe sur la poursuite d’un nouveau partenariat. Elle explique que ce courrier ne se rapporte qu’à une négociation de prix entre les parties à la suite d’une diminution du tarif de prise en charge d’un produit décidée par l’assurance-maladie.
Elle cite un courrier de la société TIM en date du 26 février 2014 par lequel cette dernière la relance afin de faire avancer les négociations. Elle en déduit qu’à cette date la certitude d’un nouveau partenariat n’était donc toujours pas acquise. Elle soutient que le fait de confirmer le préavis dans son courrier du 9 septembre 2014 démontre une fois de plus qu’elle n’avait jamais renoncé au dit préavis.
Sur la résiliation contractuelle abusive,
La société URGO soutient qu’en résiliant les contrats du 26 juillet 2010 elle n’a fait qu’user de la faculté donnée aux parties de mettre fin unilatéralement à leurs relations contractuelles moyennant le respect d’un préavis de 24 mois. Elle rappelle que les contrats du 26 juillet 2010 permettait également aux parties de substituer tout ou partie du préavis contractuel par le versement d’une indemnité compensatrice prorata temporis.
Elle soutient qu’un préavis d’une durée de 24 mois est un préavis particulièrement long s’agissant d’un contrat conclu moins de trois ans avant la notification de la résiliation. Elle rappelle que ce préavis avait été justement négocié parallèlement à un accord transactionnel mettant fin à un litige survenu entre les parties concernant la durée du préavis d’un contrat précédent. Elle estime donc que les sociétés TIM et TIM MARTINIQUE ont suffisamment été éclairées lors de la conclusion des contrats le 26 juillet 2010 et qu’elles ne peuvent donc plus se plaindre de la durée du préavis de 24 mois.
La société URGO prétend ensuite qu’elle n’a commis aucune faute pendant la période de préavis.
Elle affirme dans un premier temps que les sociétés TIM et TIM MARTINIQUE n’étaient pas dans une situation de dépendance économique du fait d’une clause de non-concurrence qui les obligeait. Elle rappelle que cette clause n’était que le pendant de l’exclusivité de distribution accordée aux sociétés TIM et TIM MARTINIQUE.
Elle affirme dans un second temps qu’elle n’a exercé aucune pression sur les sociétés TIM et TIM MARTINIQUE afin de renégocier des tarifs à la baisse lui permettant de réduire l’impact de la baisse des tarifs imposés par l’assurance-maladie Elle rappelle en effet que cette baisse ne concerne qu’une petite partie de ses produits et qu’elle a elle-même supportée cette diminution. Elle ajoute que le terme du préavis contractuel était largement postérieur à l’entrée en vigueur de la nouvelle tarification des produits si bien que la résiliation des contrats de distribution ne pouvait constituer un réel moyen de pression sur la renégociation avec les sociétés TIM et TIM MARTINIQUE, à court terme, des conditions tarifaires.
Elle affirme dans un troisième temps qu’elle n’a pas violé l’article 14.6 des contrats en publiant un communiqué auprès des partenaires commerciaux. Elle estime que cet article ne vise que les communiqués destinés aux clients, c’est à dire destinés aux pharmacies d’officine et non aux grossistes. Elle rappelle qu’à quelques mois du terme des contrats conclus avec les sociétés TIM et TIM MARTINIQUE, il était nécessaire d’informer les grossistes se trouvant en situation de concurrence avec ces dernières. Elle explique qu’en s’abstenant de publier un tel communiqué, elle aurait couru le risque d’une rupture de la distribution de ses produits.
Elle affirme, enfin, qu’elle n’a pas détourné les dispositions de la loi Lurel afin de faire pression sur les sociétés TIM et TIM MARTINIQUE. Elle rappelle que cette loi prohibe, sous de très lourdes sanctions, toute exclusivité de distribution au profit d’un opérateur économique situé en outre-mer. Elle soutient que les sociétés TIM et TIM MARTINIQUE ne justifient pas des conditions leur permettant de bénéficier de l’exception à cette interdiction. Elle explique que ces dernières ne démontrent pas les gains d’efficacité qu’elles allèguent.
Sur la rupture abusive de pourparlers précontractuels,
La société URGO soutient qu’elle n’a commis aucune faute dans le déroulé des négociations et qu’elle n’a pas donné aux sociétés TIM et TIM MARTINIQUE l’assurance que les contrats de distribution seraient poursuivis.
Elle explique que la négociation a été longue et ardue si bien que les sociétés TIM et TIM MARTINIQUE ne pouvaient avoir l’espérance, dès le commencement, qu’un nouveau contrat allait être conclu. De même elle soutient que ces dernières ne pouvaient croire en le renouvellement de leur partenariat du seul fait qu’elle leur ait proposé, en avril 2014, de commercialiser une nouvelle référence. Elle rappelle qu’elle était en effet tenu d’exécuter une période de préavis pendant laquelle elle devait maintenir les relations commerciales avec les sociétés TIM et TIM MARTINIQUE.
Elle soutient que les négociations en vue d’une éventuelle poursuite de la relation commerciale avec les sociétés TIM et TIM MARTINIQUE n’ont débuté que le 14 mars 2014, par l’envoi à ces dernières, d’une proposition d’accord.
Elle rappelle que le courrier du 17 juin 2014 révèle qu’à cette date de nombreux points de désaccord subsistaient encore entre les parties, notamment concernant la durée du contrat, le cadre contractuel et les conditions tarifaires. Elle prétend que ces divergences étaient de nature à ôter aux sociétés TIM et TIM MARTINIQUE tout assurance quant au renouvellement des contrats du 26 juillet 2010.
Sur la reprise des stocks,
La société URGO soutient que les sociétés TIM et TIM MARTINIQUE n’ont pas dans leur stock résiduel de produits ayant une date de péremption éloignée d’au moins 18 mois. Elle prétend qu’en tout état de cause, la durée du préavis aurait permis à ces dernières d’anticiper la présence dans leur stock de médicaments à la date de péremption courte. Elle affirme que les sociétés TIM et TIM MARTINIQUE ont consciemment pris le risque de laisser s’accroitre le volume de leur stock au lieu de l’écouler en prévision de la fin du contrat de distribution.
Sur le montant de l’indemnité dû au titre du 24ème mois de préavis,
La société URGO soutient que l’indemnité qu’elle doit aux sociétés TIM et TIM MARTINIQUE doit se calculer sur la base de 0,5 mois et non pas d’un mois. Elle explique que le préavis effectif a duré 23 mois et demi, du 14 février 2013 au 31 janvier 2015.
Sur les demandes reconventionnelles de la société URGO,
La société URGO cite un courrier des sociétés TIM et TIM MARTINIQUE envoyé à l’ensemble de leurs clients le 12 janvier 2015 dans lequel ces dernière qualifient d’ « infraction volontaire aux termes contractuels » la fin de leurs relations contractuelles. Elle explique que les sociétés TIM et TIM MARTINIQUE ont ainsi jeté le discrédit sur la société URGO. Elle soutient qu’elle a ainsi subit un préjudice moral qui doit être réparé.
Elle prétend également que malgré la résiliation des contrats de distribution, les sociétés TIM et TIM MARTINIQUE ont continué de faire usage du logo « Urgo ».
A l’audience de plaidoirie du 5 octobre 2016, les parties ont été invitées à présenter leurs observations sur le cumul des responsabilités délictuelle et contractuelle.
Observations sur le principe du non-cumul des responsabilités contractuelle et délictuelle
Par observation signifiées par RPVA le 7 novembre 2017, les sociétés TIM et TIM MARTINIQUE soutiennent qu’elles n’ont pas violé le principe du non-cumul des responsabilités contractuelle et délictuelle.
Elles citent l’arrêt rendu par la CJUE le 14 juillet 2016 (affaire [T]) qui retient qu’une action indemnitaire fondée sur une rupture brutale de relations commerciales établies de longue date ne relève pas de la matière délictuelle, s’il existe, entre les parties, une relation contractuelle tacite. Elles soutiennent donc que leurs demandes formées au visa de l’article L. 442-6, I, 5° du code de commerce relève de la nature contractuelle.
Dans le cas où la Cour retiendrait le caractère délictuel des demandes formées sur l’article L. 442-6, I,5° du code de commerce, elles expliquent que le principe de non-cumul n’exclut pas la possibilité pour la victime de se prévaloir des deux fondements de responsabilité civile si des faits et préjudices distincts peuvent être invoqués.
Or elles prétendent qu’elles demandent à la Cour de réparer trois préjudices distincts :
le préjudice résultant de la brutalité de la rupture des relations commerciales établies, c’est à dire du non-respect d’un préavis effectif suffisant
le préjudice résultant du manquement de la société URGO à diverses obligations contractuelles telles que l’obligation de loyauté et de bonne foi, l’article 14.6 des contrats du 26 juillet 2010 ou le refus de la société URGO de reprendre les stocks
le préjudice résultant de la rupture abusive des pourparlers
Elles affirment que le préjudice causé par la brutalité de la rupture ne se confond pas avec des préjudices contractuels qui ont été causés par une faute du cocontractant au moment de la rupture du contrat.
Par une note en délibéré signifiée par RPVA le 8 novembre 2017, la société URGO s’en remet à la sagesse de la Cour pour trancher la question de l’existence d’un cumul des responsabilités contractuelle et délictuelle. Elle rappelle néanmoins que les sociétés TIM et TIM MARTINIQUE invoquent cumulativement la rupture brutale des relations commerciales établies sur le fondement de l’article L. 442-6, I, 5° du code de commerce et la rupture abusive des contrats de distribution du 26 juillet 2010 sur le fondement de l’article 1134 du code civil. Elle précise que les sociétés TIM et TIM MARTINIQUE fondent ces deux demandes sur un même fait générateur ‘ les correspondances du 14 février 2013.
SUR CE ;
Sur le cumul de la responsabilité contractuelle et la responsabilité fondée sur la rupture brutale des relations commerciales,
Considérant que la société LABORATOIRES URGO (ci-après URGO) a confié en 1973 l’exclusivité de la vente de ses produits aux sociétés TIM et TIM MARTINIQUE qui distribuent des produits pharmaceutiques dans les Antilles françaises,
qu’après avoir mis fin en 2010 à ce contrat initial par un protocole transactionnel, les sociétés URGO, TIM et TIM MARTINIQUE ont poursuivi leurs relations commerciales en concluant le 26 juillet 2010 deux nouveaux contrats d’une durée de 3 ans, renouvelables par la suite annuellement par tacite reconduction,
que le 14 février 2013, la société URGO a notifié aux sociétés TIM et TIM MARTINIQUE sa décision de résilier lesdits contrats au terme d’un préavis de 23 mois à effet au 31 janvier 2015 auquel s’ajoutait une indemnité sur la base d’une marge mensuelle pour le 24è mois,
que les parties ont alors entamé des pourparlers afin de renégocier les conditions tarifaires,
que les pourparlers entre les parties n’ayant pas abouti, les sociétés TIM sollicitent au visa des articles L 442-6 I 5° du code de commerce et 1134 et 1135 du code civil, dans leur rédaction applicable à la cause, la réparation de leurs préjudices qui résulteraient tant de la rupture brutale des relations commerciales établies que de la rupture abusive contractuelle de leurs relations commerciales avec la société URGO,
que la responsabilité civile encourue par l’ auteur d’ une rupture brutale de relations commerciales établies en application de l’article L 442-6 I 5° du code de commerce est de nature délictuelle (Cass.com 20 mai 2014 n° 12-26.705, Cass.com 18 janvier 2011),
que cette jurisprudence constante de la chambre commerciale de la cour de cassation a été maintenue après l’arrêt du 14 juillet 2016 évoqué par les sociétés TIM de la Cour de Justice de l’union européenne qui a décidé sur le fondement du règlement Bruxelles I bis qu’une action indemnitaire fondée sur une rupture brutale des relations commerciales établies de longue date relevait de la matière contractuelle s’il existait entre les parties une relation contractuelle tacite,
que cet arrêt portait sur un litige comprenant un élément d’extranéité ( société italienne), ce qui n’est pas le cas en l’espèce,
qu’en effet, comme l’écrivait la Cour d’appel de céans dans un arrêt du 5 décembre 2016 ( n° 15/ 16 766) , l’article L 442-6 du code de commerce relève de la responsabilité déictuelle au moitif que:
” les dispositions de l’article L 442-6 du code de commerce, qui sanctionnent une rupture brutale des relations commerciales, n’ont pas de lien direct avec la bonne ou mauvaise exécution du contrat, elles relèvent de la responsabilité délictuelle;”,
que la règle de non-cumul des responsabilités contractuelle et délictuelle ne reçoit application que dans les rapports entre contractants ce qui est le cas en l’ espèce, les parties étant liées par de nombreux contrats,
que de plus, les sociétés TIM n’invoquent pas la responsabilité contractuelle pour rupture abusive fondée sur les articles 1134 et 1135 du code civil à titre subsidiaire mais cumulativement avec la responsabilité délictuelle résultant de la rupture brutale, en soutennat que la société URGO a rompu les relations commerciales établies au sens de l’article L 442-6 I, 5° en ne respectant pas un préavis effectif suffisant et que la rupture était abusive sur le fondement des articles 1134 et 1135 du code civil en ne respectant pas son obligtaion de loyauté et de bonne foi,
que les deux responsabilités sont fondées sur le même fait générateur,
qu’ en conséquence, leurs demandes qui portent sur le préjudice résultant de la brutalité de la rupture des relations commerciales établies et le préjudice résultant du manquement de la société URGO à diverses obligations contractuelles telles que l’obligation de loyauté et de bonne foi et les demandes qui en découlent telles que le paiement du 24è mois de préavis non intégralement payé et doivent donc être déclarées irrecevables;
Sur le dénigrement des sociétés TIM par la société URGO et sur le courrier envoyé par les sociétés TIM le 12 janvier 2015,
Considérant que les sociétés TIM soutiennent que la société URGO a envoyé à leurs partenaires commerciaux un communiqué qui les dénigraient en portant atteinte à leur image pendant la durée du préavis,
qu’elles rappellent que ce communiqué était contraire à l’article 14.6 des contrats du 26 juillet 2010 qui prévoyait que les parties devaient se mettre d’accord sur la rédaction de tout communiqué post-contractuel,
que cette disposition s’applique aux relations contractuelles après la transaction du 26 juillet 2010 ( communication sur les nouvelles modalités de distribution des produits sur le territoire) mais ne concerne pas la rupture des pourparlers,
qu’en l’espèce, la société URGO n’ a fait qu’informer les grossistes à quelques mois de l’expiration des contrats en cours afin qu’aucune ruptiure de la distribution de ses produits n’ait lieu,
que la société URGO n’ a donc commis aucune faute,
qu’il est établi que les sociétés TIM ont envoyé à leurs clients le 12 janvier 2015 un courrier dans lequel elles qualifient ” la fin d’une exclusivité : infraction volontaire aux termes contractuels ” la fin de leurs relations contractuelles avec la société URGO,
que ce courrier n’établit pas que les sociétés TIM aient jeté le discrédit sur la société URGO,
qu’en outre la société URGO ne démontre pas avoir subi un préjudice moral,
qu’il y a donc lieu à confirmer le jugement entrepris qui a débouté les parties de ces chefs de demande;
Sur la rupture des pourparlers,
Considérant que les sociétés TIM soutiennent que la société URGO a attendu plus d’un an après l’accord de principe de mai 2013 pour leur envoyer un projet de contrat,
qu’elles estiment que la société URGO a manifestement cherché à gagner du temps afin de faire pression sur elles pour qu’elles acceptent de nouvelles conditions bien moins avantageuses et que ces conditions étaient tellement déséquilibrées qu’elles ne pouvaient que les refuser,
qu’elles affirment donc que la société URGO a conduit les pourparlers avec une extrême mauvaise foi sans jamais faire aucune concession dans la négociation conduisant à la rupture des pourparlers;
Considérant que si l’auteur d’une rupture fautive de pourparlers peut voir sa responsabilité délictuelle engagée en application des articles 1382 et 1383 du code civil, dans leur rédcation applicable à la cause, encore faut-il démontrer à son encontre l’existence d’une faute, d’un préjudice et d’un lien de causalité entre les deux,
que les éléments dont il faut tenir compte sont notamment:
la durée des pourparlers,
l’état d’avancement des pourparlers,
le fait d’avoir suscité la confiance dans la conclusion du contrat,
mais considérant qu’en l’espèce, la société URGO a décidé de procéder à une modification substancielle du contrat (modification des conditions financières et tarifaires du contrat et fin de la clause d’exclusivité en raison de la loi LUREL) et a donc informé les sociétés TIM pour ouvrir avec elles des négociations à partir du courrier du 14 février 2013 qui annonçait la fin de leurs relations commerciales (au sens de ” dans les conditions actuelles”), au 1er janvier 2015 accordant un préavis de 23 mois soit suffisamment en amont pour permettre aux sociétés TIM d’envisager des solutions alternatives et a rompu les pourparlers devant le refus des sociétés TIM de modifier les conditions tarifaires du contrat,
qu’il convient de rappeler que des négociations avaient déjà eu lieu en 2010 avec la fin du contrat initial et avait donné lieu à une transaction et que deux nouveaux contrats avaient été conclus le 26 juillet 2010,
que la longueur des pourparlers démontre l’ardeur des discussions qui se sont avérées laborieuses,
que les sociétés TIM n’ont pas établi de faute à la charge de la société URGO dans l’arrêt des pourparlers,
qu’elles ne peuvent donc pas légitimement soutenir qu’elles avaient l’espérance certaine qu’un nouveau contrat serait conclu en raison des négociations précédentes, du courrier du 14 février 2013 et de la difficulté des négociations,
que le fait que la société URGO ait proposé en avril 2014, de commercialiser une nouvelle référence s’explique par l’exécution du préavis et son obligation de poursuivre les relations commerciales jusqu’à son terme, .
que la société URGO a envoyé le 14 mars 2014 une proposition de contrat, refusée par les société TIM, démontrant sa volonté de négocier de bonne foi,
que le courriel du 17 juin 2014 des sociétés TIM établissent les nombreux désaccords entre les parties subsistants ( contesttaion formelle de la rupture du contrat, durée du contrat, contrat sélectif ou exclusif) ôtant aux sociétés TIM leur certitude sur le renouvellement des contrats du 26 juillet 2010 et annonçait la rupture du 09 septembre 2014, date de la rupture définitive des pourparlers dans les termes suivants: ” (…) Je constate à cet effet qu’après un an et demi d’échanges, nous n’avons toujours pas réussi à rapprocher nos positions et que nous toujours en désaccord sur des points fondamentaux tels que la résiliation des contrats Guadeloupe et martinique, l’application de la loi du 20 novembre 2012, ou encore les modalités d’une éventuelle poursuite de notre collaboration sous une autre forme.
Face à ce constat d’échec des discussions, je suis donc au regret de confirmer les termes de notre courrier de résilaition du 14 février 2013 du contrat Guadeloupe, qui prendra donc fin le 31 janvier 2015, conformément à ce qui avait indiqué dans ledit courrier.”,
qu’en conséquence, il convient de confirmer le jugement entrepris qui a débouté les sociétés TIM de ce chef de demande;
Sur la récupération des stocks,
Considérant que les sociétés TIM et TIM MARTINIQUE soutiennent que la société URGO n’avait aucune raison de leur interdire de revendre les stocks dont la date limite de péremption était inférieure à 18 mois puisqu’elles les avaient déjà réglés,
qu’elles expliquent qu’elles n’ont pris aucun risque en choisissant d’acheter des médicaments avec une courte date de péremption puisque l’espérance légitime de conclure un nouveau contrat leur assurait de pouvoir les écouler et parce qu’elles risquaient, sans lesdits médicaments, d’être en rupture de stocks;
Considérant que la société URGO réplique que les sociétés TIM et TIM MARTINIQUE n’ont pas dans leur stock résiduel de produits ayant une date de péremption éloignée d’au moins 18 mois,
qu’en tout état de cause, la durée du préavis aurait permis à ces dernières d’anticiper la présence dans leur stock de médicaments à la date de péremption courte,
qu’elle affirme que les sociétés TIM et TIM MARTINIQUE ont consciemment pris le risque de laisser s’accroitre le volume de leur stock au lieu de l’écouler en prévision de la fin du contrat de distribution;
mais considérant qu’il résulte de l’article 6 du contrat du 26 juillet 2010, que la société TIM importe et distribue les produits pour son propre compte et à ses risques et qu’elle doit détenir à tout moment un stock de produits suffisant pour répondre à trois mois de la demande moyenne en produits sur le territoire,
que l’article 14.2 du contrat concerne la restitution des stocks de produits par TIM avec une date limite de vente restante minimum de 18 mois, encore en sa possession et non vendus moyennant remboursement par URGO, dans la limite maximale de 5% du minimum de ventes annuelles de produits pour l’année considérée, du prix de revient, soit le prix d’achat, plus frais de port et assurances, plus douanes, plus octroi de mer et toutes taxes qui pourraient venir s’y ajouter ou s’y substituer,
qu’ainsi, les sociétés TIM avaient un délai suffisamment long pour pouvoir écouler leurs stocks et ne peuvent donc légitimement en réclamer la récupération par URGO,
qu’il convient donc de confirmer le jugement entrepris qui a rejeté ce chef de demande;
Considérant qu’il y a également lieu à confirmer le jugement entrepris qui a interdit aux sociétés TIM d’utiliser le logo « Laboratoires URGO » ou tout autre signe distinctif des laboratoires URGO sous astreinte de 100 euros par infraction constatée, à l’issue d’un délai de huit jours à compter de la signification du jugement entrepris, la marque URGO appartenant à la société URGO ;
Considérant que l’exercice d’ une action en justice ne dégénère en abus que s’ il constitue un acte de malice ou de mauvaise foi ou s’ il s’ agit d’ une erreur grave équipollente au dol ce que la société URGO n’ a pas établi,
qu’en l’espèce, les sociétés TIM n’ ont fait qu’user de leur droit s’ ester en justice,
qu’il y a donc lieu à rejeter la demande de la société URGO de ce chef de demande ;
Considérant qu’il convient de condamner in solidum les sociétés TIM à payer à la société URGO la somme de 20 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
PAR CES MOTIFS ;
La Cour,
DECLARE irrecevable la demande d’indemnisation des sociétés TIM et TIM MARTINIQUE fondée sur la responsabilité délictuelle de l’article L 442-6 I, 5° du code de commerce et sur la responsabilité contractuelle des articles 1134 et 1135 du code civil et les demandes qui en découlent ;
En conséquence,
Statuant à nouveau,
INFIRME le jugement entrepris du chef de ces demandes ;
LE CONFIRME pour le surplus ;
DEBOUTE les parties de leurs plus amples prétentions ;
CONDAMNE in solidum les sociétés TIM à payer à la société URGO la somme de 20 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
LES CONDAMNE in solidum aux entiers dépens.
Le greffier Le président