Rupture abusive de pourparlers : 17 janvier 2018 Cour de cassation Pourvoi n° 16-24.382

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Rupture abusive de pourparlers : 17 janvier 2018 Cour de cassation Pourvoi n° 16-24.382
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17 janvier 2018
Cour de cassation
Pourvoi n°
16-24.382

COMM.

JT

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 17 janvier 2018

Rejet non spécialement motivé

Mme MOUILLARD, président

Décision n° 10027 F

Pourvoi n° G 16-24.382

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, a rendu la décision suivante :

Vu le pourvoi formé par la société Millet, société par actions simplifiée, dont le siège est […]                               ,

contre l’arrêt rendu le 12 juillet 2016 par la cour d’appel de Pau (2e chambre, section 1), dans le litige l’opposant à la société Abengoa Bioenergy France, société anonyme, dont le siège est […]                            ,

défenderesse à la cassation ;

La société Abengoa Bioenergy France a formé un pourvoi incident contre le même arrêt ;

Vu la communication faite au procureur général ;

LA COUR, en l’audience publique du 21 novembre 2017, où étaient présents : Mme Mouillard, président, Mme Y… , conseiller référendaire rapporteur, Mme Riffault-Silk, conseiller doyen, M. Graveline, greffier de chambre ;

Vu les observations écrites de la SCP Claire Leduc et Solange Vigand, avocat de la société Millet, de la SCP Célice, Soltner, Texidor et Périer, avocat de la société Abengoa Bioenergy France ;

Sur le rapport de Mme Y… , conseiller référendaire, l’avis de Mme X…, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Vu l’article 1014 du code de procédure civile ;

Attendu que les moyens de cassation du pourvoi principal et le moyen unique de cassation du pourvoi incident, annexés, qui sont invoqués à l’encontre de la décision attaquée, ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

Qu’il n’y a donc pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée ;

REJETTE les pourvois ;

Laisse à chacune des parties la charge de ses dépens ;

Vu l’article 700 du code de procédure civile, rejette leurs demandes ;

Ainsi décidé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du dix-sept janvier deux mille dix-huit.

MOYENS ANNEXES à la présente décision

Moyens produits par la SCP Claire Leduc et Solange Vigand, avocat aux Conseils, pour la société Millet, demanderesse au pourvoi principal

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Il est reproché à l’arrêt attaqué d’avoir débouté la société Millet de sa demande d’indemnisation pour rupture abusive des pourparlers précontractuels ;

AUX MOTIFS QUE la cour relève que les pourparlers ont été interrompus, non pas en raison d’un brusque revirement de la SA ABF, mais du fait de l’exécution unilatérale du projet de contrat par la SAS Millet ; que les messages de la SA ABF des 2 et 3 juillet 2013 laissent en effet à penser que cette dernière était tout à fait prête à poursuivre la discussion ; que compte tenu de ces éléments, la SAS Millet sera déboutée de sa demande de dommages-intérêts ;

ALORS QUE se rend coupable d’une rupture abusive de pourparlers et engage pour cette raison sa responsabilité civile délictuelle la personne physique ou juridique qui, après de longues et difficiles négociations, annonce la « validation » définitive du contrat avant de faire subitement connaître à son interlocuteur son refus de se lier contractuellement, sans être en mesure d’invoquer un motif légitime ; qu’il résulte des constatations de l’arrêt (spéc. p.6, § 6 et s. et suite p.7) qu’après des pourparlers qui ont connu maintes péripéties et se sont étalés sur une durée de près de deux mois, au point que la date initialement prévue de commencement d’exécution du contrat (1er juin 2013) a été largement dépassée, le représentant de la société ABF a fini par informer son interlocuteur, dans la soirée du 1er juillet 2013, que le contrat serait « validé » le lendemain matin ; qu’en ne recherchant pas si, dans un tel contexte, le motif avancé par la société ABF pour justifier son revirement in extremis, tiré de la circonstance que la société Millet avait commencé d’exécuter le contrat sans attendre sa finalisation définitive, constituait un motif légitime de rupture des pourparlers et non ce que la société Millet qualifiait dans ses conclusions de « saut d’humeur » (cf. ses écritures, p.13, spéc. les 3 derniers §), incompatible avec ce que postule l’obligation de négocier de bonne foi, la Cour prive son arrêt de base légale au regard de l’article 1382, devenu 1240, du Code civil.

SECOND MOYEN DE CASSATION

Il est reproché à l’arrêt attaqué, infirmatif sur ce point, d’avoir condamné la société Millet à payer à la société ABF la somme de 11.890,12 euros au titre du remboursement de la facture de la société Sobegi ;

AUX MOTIFS QUE l’intimée demande à être remboursée d’une facture de 11.890,12 euros TTC qu’elle a dû payer à la société Sobegi au titre de l’immobilisation des wagons sur la plateforme de cette dernière à Lacq jusqu’au 7 mai2014 ; que selon la SAS Millet, la facture a été établie « pour les besoins de la cause » par la société Sobegi, qui réalise plus de 80 % de son chiffre d’affaires avec la SA ABF et qui est donc dépendante économiquement de cette dernière ; que par ailleurs, il n’est pas établi que cette facture ait été acquittée ; qu’il résulte des mails et courriers échangés entre les parties au présent litige et la société Sobegi que cette dernière s’est en quelque sorte retrouvée « prise en otage » dans le conflit opposant la SAS Millet et la SA ABF, la première lui intimant l’ordre de recevoir les wagons sur sa plateforme et la seconde de les refouler
, les deux sociétés refusant par ailleurs toutes les deux de prendre en charge les frais de traction et de stationnement ; que la SA ABF a finalement accepté que la facture de la société Sobegi lui soit adressée, pour « débloquer la situation » et permettre notamment que les wagons soient restitués à la SAS Millet, ce qui a été effectif le 7 mai 2014 ; qu’il est établi que la SA ABF s’est bien acquittée de la facture ; que, dans ces conditions, il convient de faire droit à la demande reconventionnelle de la SA ABF et de condamner la SAS Millet à lui payer la somme de 11.890,12 euros, infirmant de ce chef le jugement déféré ;

ALORS QU’il incombe à celui qui a sciemment acquitté la dette d’autrui, sans être subrogé dans les droits du créancier, de démontrer que la cause dont procède ce paiement implique pour le débiteur l’obligation de rembourser ; qu’en l’espèce, les constatations de l’arrêt excluent un paiement fait par erreur; que ce paiement n’a pu davantage procéder d’une gestion d’affaires, en l’état du refus préalablement exprimé par la société Millet de prendre à sa charge les frais de traction et de stationnement ; que dès lors, à supposer même que la société Millet ait pu être regardée comme débitrice de ces frais à l’égard de la société Sobegi, la cour ne pouvait, au seul vu du paiement prétendument effectué par la société ABF, ordonner son remboursement sans constater que la société ABF s’était trouvée subrogée dans les droits de la société Sobegi, ni faire ressortir que la cause du paiement effectué par la société ABF impliquait pour la société Millet l’obligation de lui rembourser les sommes ainsi versées ; qu’ainsi son arrêt s’en trouve dépourvu de toute base légale au regard des articles 1236 et 1249 du Code civil, dans leurs rédactions antérieures à l’entrée en vigueur de l’ordonnance du 10 février 2016. Moyen produit par la SCP Célice, Soltner, Texidor et Périer, avocat aux Conseils, pour la société Abengoa Bioenergy France, demanderesse au pourvoi incident

Il est fait grief à l’arrêt attaqué d’AVOIR déclaré recevable la demande de dommages-intérêts formée par la société MILLET sur le fondement de la rupture abusive de pourparlers précontractuels ;

AUX MOTIFS QUE « la SA ABF soutient que la demande de dommages-intérêts formée par la SAS MILLET sur le fondement de la rupture abusive des pourparlers constitue une prétention nouvelle et doit par conséquent être déclarée irrecevable sur le fondement de l’article 564 du Code de procédure civile. Il résulte cependant de l’article 565 du Code de procédure civile que les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu’elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge même si leur fondement juridique est différent. En l’espèce, si la demande principale et la demande subsidiaire de l’appelante repose sur des fondements juridiques différents, cependant elles tendent aux mêmes fins, à savoir l’obtention par la SAS MILLET de dommages-intérêts en indemnisation du préjudice subi. La demande de dommages-intérêts de la SAS MILLET formée sur le fondement de la rupture abusive des pourparlers est donc recevable » ;

ALORS QUE les parties ne peuvent soumettre à la Cour de nouvelles prétentions ; que des prétentions différentes ne sont pas nouvelles à la condition qu’elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge, même si leur fondement juridique est différent ; que constitue une prétention nouvelle irrecevable la demande présentée en appel par une partie tendant à obtenir paiement de dommages-intérêts pour rupture abusive de pourparlers, après avoir demandé en première instance le paiement de dommages-intérêts pour inexécution du contrat prétendument conclu entre les parties, dès lors que ces deux demandes ne tendent pas au même but, l’une visant à voir constater l’inexistence d’un contrat et la réparation du préjudice subi du fait de la rupture des négociations et l’autre, la constatation de la conclusion de ce même contrat et la réparation du préjudice subi du fait de l’absence d’exécution de celui-ci ; qu’en jugeant le contraire, au prétexte que les demandes tendaient toutes deux à l’indemnisation « du préjudice subi », la Cour d’appel a violé l’article 564 du Code de procédure civile.

 


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