Rupture abusive de pourparlers : 13 mai 2022 Cour d’appel de Paris RG n° 20/11464

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Rupture abusive de pourparlers : 13 mai 2022 Cour d’appel de Paris RG n° 20/11464
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13 mai 2022
Cour d’appel de Paris
RG n°
20/11464

Copies exécutoiresRÉPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 4 – Chambre 1

ARRÊT DU 13 MAI 2022

(n° 2022/ , 6 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 20/11464 – N° Portalis 35L7-V-B7E-CCGRL

Décision déférée à la Cour : Jugement du 27 Juillet 2020 -Tribunal judiciaire de Bobigny

– RG n° 17/07675

APPELANTE

S.C.I. GASTON GUINESS prise en la personne de Monsieur [K] [O] agissant en qualité de Gérant,

RCS de Bobigny : 805 154 093

[Adresse 3]

[Localité 2]

Représentée par Me Olivier PLACKTOR, avocat au barreau de PARIS, toque : D2036

INTIMÉE

Commune [Localité 2] dont le siège est sis :

[Adresse 4], représentée par son maire en exercice

[Localité 2]

Représentée par Me Benoît JORION, avocat au barreau de PARIS, toque : E1758

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 28 janvier 2022,en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposé, devant Madame Monique CHAULET, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

M. Claude CRETON, président de chambre

Mme Monique CHAULET, conseillère

Mme Muriel PAGE., conseillère

Greffier, lors des débats : Mme Marylène BOGAERS.

ARRÊT :

– contradictoire

– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour initialement prévue le 11 mars 2022 puis prorogée au 15 avril 2022, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– signé par M. Claude CRETON, président de chambre et par Mme Marylène BOGAERS, greffier, présent lors de la mise à disposition.

******

La commune de [Localité 2], propriétaire des lots numéro 3,4 et 6 de la copropriété sise [Adresse 3] à [Localité 2] cadastrée section AD numéro [Cadastre 1] a, lors de la séance de son conseil municipal le 16 décembre 2013, adopté la résolution suivante relative à la vente par la commune de ces lots à la SCI Gaston Guiness :

« (‘)

Vu le courrier de la SCI Gaston Guiness en date du 13 novembre 2013, acceptant les conditions de vente proposées par la ville ;

Considérant qu’un accord amiable pourrait intervenir moyennant le prix de 2900 € le mètre carré en valeur occupée pour le lot numéro 3 et 3400 € le mètre carré en valeur libre pour les lots 4 et 6, et moyennant l’établissement d’une promesse de vente prévoyant notamment l’engagement des acquéreurs à ne pas dépasser le montant de 12 € par mètre carré par mois en cas de mise en location, sauf à justifier dans le délai d’un an de travaux réalisés dans les règles de l’art ;

Entendu l’exposé du rapporteur ;

Après avoir délibéré ;

DÉCIDE:

Article 1er : la cession, moyennant le prix de 2900 € le mètre carré en valeur occupée pour le lot numéro 3 et 3400 € le mètre carré en valeur libre pour les lots 4 et 6 soit les 247/millièmes des parties communes de la copropriété sise [Adresse 3], cadastrée section AD numéro [Cadastre 1] pour 103 m², au profit de la SCI Gaston Guiness, est approuvé.

Article 2 : l’établissement d’une promesse de vente prévoyant notamment l’engagement des acquéreurs à ne pas dépasser le montant de 12 € par mètre carré par mois en cas de mise en location, sauf à justifier dans le délai d’un an de travaux réalisés dans les règles de l’art est approuvé.

Article 3 : le maire ou son représentant est habilité à signer les actes intervenir (‘) ».

La commune de [Localité 2] a indiqué, par courrier en date du 3 février 2014, à la SCI Gaston Guiness que le dossier avait été transmis à un notaire chargé de la rédaction de la promesse de vente.

Par mail en date du 26 mars 2014, le notaire de la commune indiquait au notaire de la SCI que la promesse de vente à établir ne concernerait que le lot 3 et que les lots 4 et 6 seraient l’objet d’une promesse de vente ultérieure.

Une date de signature de la promesse a été arrêtée pour le 11 juillet 2014 et M. [O], représentant de la SCI Gaston Guiness, a versé la somme de 6229 euros entre les mains de son notaire le 1er juillet 2014.

Par mail du 2 juillet 2014, le notaire de la commune indiquait au notaire de la SCI qu’il était impératif que celle-ci soit immatriculée lors de la signature de la promesse de vente.

Le rendez-vous de signature de la promesse a été reporté à la demande du notaire de la commune et, faute de réponse de la commune, la SCI Gaston Guiness a, le 10 septembre 2014, fait délivrer une sommation d’avoir à comparaître le 26 septembre 2014 au maire de la commune de [Localité 2] afin de signer la promesse de vente portant sur les lots 3, 4 et 6 de l’immeuble du [Adresse 3] à [Localité 2].

Le 26 septembre 2014, un procès-verbal de défaut a été dressé à l’encontre de la commune de [Localité 2] par M. [V], notaire.

Le 29 mai 2015, la SCI Gaston Guiness a fait délivrer une nouvelle sommation d’avoir à comparaître maire de la commune afin de signer l’acte de vente portant sur lesdits lots

Le 23 juin 2015 un procès-verbal de défaut a été dressé par M. [V] à l’encontre de la commune de [Localité 2] à la requête de la SCI Gaston Guiness.

Par acte du 12 juillet 2017 la SCI Gaston Guiness a fait assigner la commune de [Localité 2] devant le tribunal judiciaire de Bobigny aux fins de déclarer la vente parfaite à son égard, assignation qui a été publiée et enregistrée par le service de la publicité foncière de Bobigny le 30 mai 2018.

Par jugement du 27 juillet 2020, le tribunal judiciaire de Bobigny a :

Débouté la SCI Gaston Guinessde sa demande au titre de la vente parfaite,

Dit qu’il n’y a pas eu d’accord sur la chose et le prix entre les parties,

Dit que la commune de [Localité 2] est toujours propriétaire des lots 3, 4 et 6 de la copropriété sise [Adresse 3] à [Localité 2], cadastrée AD numéro [Cadastre 1] et qu’elle n’est pas tenue de réitérer sa proposition de vente,

Débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires,

Condamné la SCI Gaston Guiness à payer à la commune de [Localité 2] la somme de 2000€ au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

Condamné la SCI Gaston Guiness aux dépens.

Pour statuer ainsi le tribunal a jugé que la délibération indique qu’un accord pourrait intervenir mais non pas que celui-ci est intervenu et que la promesse de vente était une condition formelle de ce futur accord ; qu’en outre la SCI n’était pas immatriculée le 2 juillet 2014 ni lors de la rédaction du projet les 8 et 9 juillet 2014 alors que la commune faisait de cette condition une condition impérative, qu’enfin le projet de vente ne concernait que le lot 3 et non les autres lots et que la surface des lots n’était pas mentionnée mais seulement le prix au mètre carré.

La SCI Gaston Guiness a interjeté appel du jugement.

Au terme de ses dernières conclusions, elle demande à la cour d’infirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Bobigny le 27 juillet 2020 et, statuant à nouveau, de :

A titre principal, dire et juger la vente formée entre les parties par accord sur la chose et le prix et dire la propriété acquise de droit à l’acheteur à l’égard du vendeur,

En conséquence :

‘ dire la SCI Gaston Guiness propriétaire des lots numéros 3,4 et 6 et les 247/millièmes des parties communes de la copropriété sise [Adresse 3] à [Localité 2] cadastrée section AD numéro [Cadastre 1] pour 103 m²,

‘ enjoindre à l’exécutif de la collectivité territoriale, à savoir le maire de la commune de [Localité 2], de signer ou de se faire représenter par tout mandataire de son choix pour signer tous actes nécessaires à la réitération de la vente par acte authentique à recevoir par M. [B] [V], notaire à Paris, au profit de la SCI Gaston Guiness, des lots ci-dessus désignés et ce au prix de 116 580 € pour le lot 3 et 119 000 € pour les lots 4 et 5 ensemble,

‘ dire qu’à défaut de comparution ou de représentation de l’exécutif de la commune à l’acte authentique de vente dans un délai de 90 jours à compter de la signification du jugement à intervenir, celui-ci en tiendra le lieu et voudra acte de vente à son profit,

‘ dire que s’agissant des conditions d’usage de la vente, celles figurant dans le projet de promesse de vente finalisée entre les parties le 8 juillet 2014 et celles des dispositions supplétives du code civil s’appliqueront à défaut de meilleur accord entre les parties,

‘ donner acte à la SCI Gaston Guiness de ce qu’elle s’acquittera du parfait paiement du prix convenu lors de la réitération de la vente par acte authentique ou à défaut lorsqu’elle sera irrévocablement titrée par décision judiciaire définitive et non susceptible de recours,

‘ dire qu’à défaut de réitération par acte authentique pour la protection du droit de propriété de l’acquéreur, le jugement à intervenir sera publié aux services chargés de la publicité foncière à la diligence de l’acheteur et aux frais de la commune de [Localité 2],

‘ condamner la commune de [Localité 2] à lui payer la somme de 1236 € de dommages et intérêts par mois au titre de la privation de jouissance des biens immobiliers susdits correspondant à la perte des revenus locatifs sur la base de 12 € par mois et ce jusqu’à l’entrée en jouissance effective de l’acheteur pour l’ensemble des lots,

‘ condamner la commune de [Localité 2] à lui payer des intérêts au taux légal à compter de la sommation du 9 septembre 2014 sur la somme de 6229 € immobilisés depuis le 1er juillet 2014 au titre de l’indemnité d’immobilisation convenue de 5829 € et de l’avance sur provision sur frais d’acte de 400 €,

A titre subsidiaire constater le comportement fautif du maire, M. [U] [L], qui s’est refusé sans explication et en dépit des sommations adressées assigner la promesse de vente et condamner en conséquence la commune de [Localité 2] à lui payer la somme de 150 000 € à titre de dommages-intérêts pour rupture abusive de pourparlers et inexécution des décisions exécutoires du conseil municipal,

En toute hypothèse, condamner la commune de [Localité 2] à lui payer la somme de 15 000 € à titre de dommages-intérêts pour résistance abusive tant il est manifeste que ce n’est qu’en se prévalant de sa propre turpitude que la commune a résisté aux demandes,

Condamner la commune de [Localité 2] à lui payer la somme de 10 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens incluant le coût des sommations, des procès-verbaux de carence, des frais d’assignation et des frais de publicité foncière.

Au terme de ses dernières conclusions, la commune de [Localité 2] demande à la cour de :

A titre principal :

confirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu le 27 juillet 2001 par le tribunal judiciaire de Bobigny,

rejeter l’ensemble des demandes présentées par la SCI Gaston Guiness,

En conséquence :

dire que la commune de [Localité 2] est toujours propriétaire des lots 3, 4 et 6 et les 247/millièmes des parties communes de la copropriété sise [Adresse 3] à [Localité 2] cadastrée section AD numéro [Cadastre 1] pour 103 m²,

dire qu’il n’y a pas eu de vente formée entre les parties en l’absence d’accord sur la chose,

dire que la commune de [Localité 2] n’est pas tenue de réitérer sa proposition de vente

A titre subsidiaire :

évaluer la demande de dommages-intérêts présentés par la SCI Gaston Guiness à de plus justes proportions,

évaluer la valeur des lots une plus juste appréciation compte-tenu du marché immobilier actuel,

En tout état de cause :

condamner la SCI Gaston Guiness à lui verser la somme de 3000 € titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

condamner la SCI Gaston Guiness aux dépens.

SUR CE

Sur les demandes au titre de la vente

Les moyens invoqués par la SCI Gaston Guiness au soutien de son appel ne font que réitérer, sans justification complémentaire utile, ceux dont les premiers juges ont connu et auxquels ils ont répondu par des motifs exacts et pertinents que la cour adopte, sans qu’il soit nécessaire de suivre les parties dans le détail de leur discussion.

En effet, la délibération du conseil municipal de la commune de [Localité 2] en date du 16 décembre 2013 sur laquelle se fonde la SCI Gaston Guiness pour soutenir qu’un accord est intervenu sur la chose et sur le prix et que cet accord vaut vente parfaite, stipule, en son article 2, l’établissement d’une promesse de vente prévoyant notamment l’engagement des acquéreurs à ne pas dépasser le montant de 12 € par m² par mois en cas de mise en location sauf à justifier dans le délai d’un an de travaux réalisés dans les règles de l’art.

Il résulte de la délibération que la commune avait fait de la signature d’une promesse de vente contenant cette condition particulière un élément constitutif de son consentement.

Si cette délibération vise le courrier de la SCI Gaston Guiness du 13 novembre 2013 acceptant les conditions de vente proposée par la ville, ce courrier n’est pas produit aux débats et aucun élément ne démontre que la SCI Gaston Guiness avait accepté cette limitation apportée par la commune à l’usage du bien dont elle devenait propriétaire.

En conséquence, bien que l’absence de signature de la promesse soit imputable à la commune, il n’est pas démontré que les parties étaient d’accord sur les conditions de la vente et le jugement sera confirmé en ce qu’il a rejeté la demande de la SCI Gaston Guiness de se voir déclarer propriétaire des lots 3, 4 et 6 représentant les 247/millièmes des parties communes de la copropriété sise [Adresse 3] à [Localité 2] cadastrée section AD numéro [Cadastre 1] pour 103 m².

Le jugement sera également confirmé en ce qu’il a débouté la SCI Gaston Guiness de sa demande de dommages et intérêts pour privation de jouissance qui est la conséquence du rejet de sa demande visant à voir déclarer la vente parfaite et de sa demande de dommages et intérêts pour résistance abusive.

La demande de la SCI Gaston Guiness au titre des intérêts sur l’indemnité d’immobilisation sera rejetée dès lors qu’elle ne démontre pas que le versement de cette somme est intervenu dans le cadre d’un accord entre les parties.

Sur la rupture abusive des pourparlers

La SCI Gaston Guiness ne produit aucun élément de nature à établir la réalité du préjudice qu’elle aurait subi du fait d’une rupture abusive des pourparlers, en conséquence sa demande de dommages-intérêts à ce titre, qui ne figurait pas dans le jugement, sera rejetée.

Sur l’application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile

Le jugement sera confirmé de ce chef et la SCI Gaston Guiness sera condamnée à verser à la commune de [Localité 2] la somme de 3000 € pour les frais irrépétibles engagés en cause d’appel en application de ces dispositions.

PAR CES MOTIFS : Statuant publiquement,

Confirme le jugement du tribunal judiciaire de Bobigny du 27 juillet 2020 en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

Déboute la SCI Gaston Guiness de sa demande au titre des intérêts sur l’indemnité d’immobilisation et de sa demande de dommages-intérêts pour rupture abusive des pourparlers,

Condamne la SCI Gaston Guiness à payer à la commune de [Localité 2] la somme de 3000€ au titre des frais irrépétibles engagés en cause d’appel en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

Condamne la SCI Gaston Guiness aux dépens

LE GREFFIER,

LE PRÉSIDENT,

 


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