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11 mai 2022
Cour d’appel de Colmar
RG n°
20/01957
MINUTE N° 244/22
Copie exécutoire à
– Me Joseph WETZEL
– Me Mathilde SEILLE
Le 11.05.2022
Le Greffier
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D’APPEL DE COLMAR
PREMIERE CHAMBRE CIVILE – SECTION A
ARRET DU 11 Mai 2022
Numéro d’inscription au répertoire général : 1 A N° RG 20/01957 – N° Portalis DBVW-V-B7E-HLNY
Décision déférée à la Cour : 12 Juin 2020 par la première chambre civile du Tribunal judiciaire de MULHOUSE
APPELANTES :
S.A.R.L. LE CAP VERS
prise en la personne de son représentant légal
7, place Thiebaut Hening 68210 DANNEMARIE
S.C.I. VERS LE SUD
prise en la personne de son représentant légal
10, rue André Malraux 68210 DANNEMARIE
Représentées par Me Joseph WETZEL, avocat à la Cour
INTIMEE :
S.C.I. VOLTAIRE
prise en la personne de son représentant légal
7 Place Thiebaut Hening 68210 DANNEMARIE
Représentée par Me Mathilde SEILLE, avocat à la Cour
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l’article 805 modifié du Code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 10 Novembre 2021, en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant Mme PANETTA, Présidente de chambre, et M. ROUBLOT, Conseiller.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Mme PANETTA, Présidente de chambre
M. ROUBLOT, Conseiller
Mme ROBERT-NICOUD, Conseillère
qui en ont délibéré.
Greffier, lors des débats : Mme VELLAINE
ARRET :
– Contradictoire
– prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de Procédure Civile.
– signé par Mme Corinne PANETTA, présidente et Mme Régine VELLAINE, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
FAITS PROCÉDURE PRÉTENTIONS DES PARTIES :
Par acte notarié en date du 05 janvier 2009, la société LE CAP VERS a acquis le fonds de commerce d’une société CASA DI GEPETTO et repris le bail commercial consenti par la société VOLTAIRE.
En cours de bail, les époux [X], associés et co-gérants de la société LE CAP VERS, ont souhaité procéder à l’acquisition des murs et diverses réunions ont eu lieu avec la gérante de la société VOLTAIRE, Mme [G].
Le 28 novembre 2017, Me [Z], notaire, rédigea une attestation relative aux pourparlers en cours considéré par les appelants comme un acte de vente.
Le 08 avril 2018, Mme [G] a informé les époux [X] que la vente ne pourra se réaliser en l’absence d’accord.
Par un acte introductif d’instance déposé au greffe le 07 novembre 2018 et arguant d’une rupture abusive des pourparlers, la société LE CAP VERS a attrait la société VOLTAIRE devant le Tribunal judiciaire de MULHOUSE.
Par jugement du 12 juin 2020, le Tribunal judiciaire de MULHOUSE a déclaré les demandes de la société LE CAP VERS recevables, a déclaré irrecevable l’intervention volontaire de la société VERS LE SUD, a débouté la société LE CAP VERS de ses demandes à l’encontre de la société VOLTAIRE, a condamné la société LE CAP VERS à payer à la société VOLTAIRE la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du CPC, a débouté la société VOLTAIRE de sa demande à l’encontre de la société VERS LE SUD sur le fondement des dispositions de l’article 700 du CPC, a débouté la société LE CAP VERS de sa demande à l’encontre de la société VOLTAIRE sur le fondement des dispositions de l’article 700 du CPC, a condamné la société LE CAP VERS aux dépens de l’instance, a ordonné l’exécution provisoire de la décision en ce compris s’agissant des dispositions relatives aux dépens de l’instance.
Par déclaration faite au greffe le 15 juillet 2020, les sociétés LE CAP VERS et SCI VERS LE SUD ont interjeté appel de cette décision.
Par déclaration faite au greffe le 25 novembre 2020, la société VOLTAIRE s’est constituée intimée.
Par ses dernières conclusions du 2 novembre 2021, auxquelles était joint le bordereau de communication de pièces récapitulatif, qui n’a fait l’objet d’aucune contestation, les sociétés LE CAP VERS et SCI VERS LE SUD demandent à la Cour de recevoir l’appel, le déclarer bien fondé, d’infirmer le jugement entrepris, statuant à nouveau, à titre principal, de donner acte à la société VERS LE SUD de son intervention volontaire, de la déclarer recevable et bien fondée, de dire et juger que la société VOLTAIRE a été fautive dans la rupture des pourparlers causant divers préjudices tant à la société LE CAP VERS qu’à la société VERS LE SUD et en lien direct avec la faute engageant sa responsabilité précontractuelle, en conséquence, de condamner la société VOLTAIRE à payer à la société LE CAP VERS les montants suivants : la somme de 74 885,22 euros TTC au titre du préjudice matériel relatif aux travaux entrepris, la somme de 8 750 euros au titre des frais dépensés dans le cadre de la négociation, la somme de 10 000 euros au titre du préjudice moral, de condamner la société VOLTAIRE à payer à la société VERS LE SUD la somme de 4 300 euros au titre des frais engagés par cette dernière, à titre subsidiaire, de dire et juger
que la société VOLTAIRE bénéfice d’un enrichissement sans cause au titre des travaux entrepris au sein des murs exploités par la partie demanderesse, de dire et juger que la société VOLTAIRE doit en conséquence payer à la société LE CAP VERS un montant de 74 885,22 euros TTC outre les intérêts légaux à compter de la décision à intervenir, en tout état de cause, de condamner la société VOLTAIRE à payer à la société LE CAP VERS 5 000 euros au titre de l’article 700 du CPC, de condamner la société VOLTAIRE aux dépens des deux instances.
Par ses dernières conclusions du 1er novembre 2021, auxquelles était joint le bordereau de communication de pièces récapitulatif, qui n’a fait l’objet d’aucune contestation, la société VOLTAIRE demande à la Cour de déclarer les sociétés LE CAP VERS et VERS LE SUD régulières mais mal fondées en leur appel, de le rejeter, en conséquence, de confirmer en son entier dispositif le jugement du 12 juin 2020, de débouter les sociétés appelantes de toutes leurs fins et prétentions, de condamner in solidum les sociétés appelantes à payer à la société intimée une somme de 5 000 euros en application de l’article 700 du CPC, de condamner in solidum les sociétés appelantes aux entiers frais et dépens de l’instance d’appel.
La Cour se référera aux dernières conclusions des parties pour plus ample exposé des faits, de la procédure et des prétentions des parties.
L’ordonnance de clôture est intervenue le 03 novembre 2021.
L’affaire a été appelée et retenue à l’audience du 10 Novembre 2021.
MOTIFS DE LA DECISION :
Il convient tout d’abord de relever que l’intérêt à agir de la SARL LE CAP VERT n’a pas été critiqué.
Sur l’intervention volontaire de la SCI VERS LE SUD :
La SCI VOLTAIRE a sollicité la confirmation de l’entier dispositif du jugement entrepris dans ses dernières écritures.
La SARL LE CAP VERS et la SCI VERS LE SUD ont sollicité l’infirmation du jugement entreprise, et ont sollicité que la Cour donne acte à la SCI VERS LE SUD de son intervention volontaire.
Le premier juge a retenu que la société VERS LE SUD n’indiquait pas lesquels de ses droits étaient susceptibles d’être conservés par le succès de l’action introduite par la SARL LE CAP VERS, alors que ces personnes morales étaient distinctes, que la SCI VERS LE SUD a été créée dans le seul but de procéder à l’acquisition des locaux appartenant à la SCI VOLTAIRE et que la réalisation de la vente n’était pas un enjeu du litige.
La SCI VERS LE SUD sollicite l’indemnisation de son préjudice propre et résultant de la rupture des pourparlers et a donc un intérêt à soutenir l’argumentation développée par la société le CAP VERS.
Dans ces conditions, l’intervention volontaire de la SCI VERS LE SUD doit être déclarée recevable, étant précisé que c’est par erreur que le premier juge avait noté dans sa décision la SARL VERS LE SUD et non la SCI VERS LE SUD.
Sur les demandes en dommages et intérêts présentées par les sociétés appelantes :
Au soutien de leurs prétentions, les sociétés LE CAP VERS et SCI VERS LE SUD affirment, que selon l’article 1112 du Code civil et la jurisprudence de la Cour de cassation une rupture peut être qualifiée de fautive en fonction du degré d’avancement des pourparlers, que la jurisprudence prend en considération le montant des frais engagés par l’une des parties, que les pourparlers étaient extrêmement avancés, que le prix convenu était de 235 000 euros hors frais de notaire et droit d’enregistrement, qu’aucune réserve n’avait été formulée, que le projet d’acte avait été rédigé par le notaire, que d’importants travaux ont été réalisés pour un montant de 74 885,22 euros TTC, qu’un prêt bancaire a été mis en place par la société LE CAP VERS, que Mme [G] a fait croire que la vente se ferait, qu’elle a attendu la fin des travaux pour manifester son refus de procéder à la vente de l’immeuble, que la rupture était bien abusive.
Sur les préjudices, les sociétés appelantes font valoir que le préjudice se trouve dans les frais occasionnés par la négociation et les études préalablement faites, que les dépenses prises en charge avoisinent les 74 885,22 euros TTC avec les travaux réalisés avant la rupture des pourparlers et qui étaient nécessaires pour rendre les locaux conformes à leur destination et qui devaient normalement être à la charge de la société bailleresse, qu’au moment des pourparlers deux financements avaient été prévus, un prêt au nom de la société VERS LE SUD et un prêt au nom de la société LE CAP VERS, que les co-gérants ont baissé leur rémunération mensuelle de 41%, que la société LE CAP VERS s’est faite assister d’un comptable, qu’une indemnisation consécutive au comportement fautif de la société VOLTAIRE est demandée, que la société VERS LE SUD a été constituée inutilement entraînant des coûts non négligeables, qu’un préjudice moral a aussi été subi, que l’exploitant des lieux s’est focalisé sur cette acquisition et sur cette signature.
Au soutien de ses prétentions, la société VOLTAIRE affirme, sur l’existence de pourparlers, qu’aucun pourparlers n’a été engagé avec les sociétés appelantes, que les pourparlers ont été engagés avec les époux [X] personnes physiques, que les deux offres de prêt précitées ne sont pas produites, que la société LE CAP VERS ne rapporte pas la preuve de son intervention dans les pourparlers initiés.
Sur la rupture abusive des pourparlers, la société VOLTAIRE soutient que les pourparlers n’avaient pas de caractère avancé, que la vente n’avait pas de caractère sérieux au stade où il restait des interrogations quant à la capacité de paiement des époux [X], que la société VERS LE SUD n’était pas partie aux pourparlers, qu’aucune offre de prêt ou tout autre document quant à la réalité du financement, n’est versée au débat, que le local commercial est détenu par la société VOLTAIRE, qu’un acte de vente revêt le caractère d’un acte de disposition qui ne rentre pas dans les pouvoirs de la gérance, que l’acte de disposition nécessite une autorisation de l’assemblée générale des associés, qu’aucune promesse de vente ni compromis de vente n’a été convenu, que la société intimée a fait savoir lors d’une rencontre en avril 2018 qu’elle n’entendait pas supporter les travaux qui relevaient de l’exploitant, que concernant le préjudice lié aux frais d’assistance comptable la preuve qu’il s’agit de véritables honoraires liés aux pourparlers n’est pas apportée, qu’aucune preuve du préjudice moral n’est apportée, que les sociétés appelantes ne peuvent se prévaloir de leur propre turpitude et de la particulière légèreté avec laquelle les travaux ont été engagés.
Les premiers juges ont rappelé les dispositions du code civil applicables en l’espèce et ont rappelé les éléments constitutifs d’une rupture abusive de pourparlers, à savoir l’existence de pourparlers entre les parties, l’existence d’une faute de la SCI VOLTAIRE dans la rupture des pourparlers et l’existence d’un préjudice et d’un lien de causalité avec la faute alléguée.
Il résulte de la lecture des pièces communiquées par les parties appelantes au soutien de leur argumentation :
– que par courrier du 28 Novembre 2017, adressé à Monsieur et Madame [L] [X], Maître [Z] écrit : ‘je viens vers vous concernant votre projet d’acquisition du local du restaurant à DANNEMARIE, 7 place Thiebaut Haening (‘) ,Vous trouverez ci-joint une attestation pour compléter votre demande de prêt (‘) Dans l’hypothèse où vous souhaitez que nous communiquions par mail dans le cadre de l’instruction de votre dossier et que le projet d’acte vous soit adressé par ce biais’
– que par une attestation du 28 Novembre 2017, Maître [Z] indique que : ‘la société dénommée ‘SCI VOLTAIRE’, ( ‘) vend au profit de Monsieur et Madame [L] [X]-[V] [D], demeurant à DANNEMARIE (‘) les biens et droits immobiliers comme suit (‘)’.
– que le contrat de crédit consenti en juillet 2018, par la caisse de crédit mutuel de la porte d’Alsace à la SARL LE CAP VERS pour un montant de 125 000 € est un prêt professionnel qui concerne des ‘travaux restaurant et matériel’, et qu’aucun projet de convention de prêt pour l’acquisition du bien immobilier par la SCI VERS LE SUD n’a été produit aux débats.
– que dans un courrier du 12 Juillet 2018, le conseil de Monsieur et Madame [X], évoquent des pourparlers très avancés portant sur la vente des biens immobiliers situés à DANNEMARIE,
– que si le caractère très avancé des pourparlers est établi, il n’est versé aux débats aucune pièce justifiant de l’existence de pourparlers entre la SCI VOLTAIRE et la SCI VERS LE SUD ou la SARL LE CAP VERS ou entre la SCI VOLTAIRE et Monsieur et Madame [X] agissant en qualité de gérants de l’une de ces sociétés.
En conséquence, c’est à bon droit que le premier juge a relevé que les pourparlers étaient intervenus entre la SCI VOLTAIRE et Monsieur et Madame [X], en leurs noms propres.
Ainsi, la décision entreprise sera confirmée en ce qui concerne la SARL LE CAP VERS, et la Cour, ajoutant à la décision critiquée, car l’intervention volontaire de la SCI VERS LE SUD a été déclarée recevable, déboutera la SCI VERS LE SUD de l’intégralité de ses demandes en dommages et intérêts fondées sur la rupture des pourparlers avec la SCI VOLTAIRE.
Sur l’enrichissement sans cause :
Sur l’enrichissement qu’elles qualifient d’injustifié de la société VOLTAIRE, les sociétés appelantes affirment que selon la jurisprudence celui qui profite après la rupture d’un avantage obtenu au cours des pourparlers peut être tenu à restitution afin de réparer l’enrichissement sans cause, que la société LE CAP VERS s’est appauvri avec les travaux effectués, que la société VOLTAIRE doit être condamnée à payer l’intégralité des montants au titre des travaux entrepris par la société LE CAP VERS.
Sur l’enrichissement sans cause ainsi invoqué, la société VOLTAIRE fait valoir que la société appelante n’a engagé aucune discussion avec la société intimée, que la société LE CAP VERS a engagé des travaux sans la moindre autorisation de la société intimée, que la quasi-intégralité des travaux relève de la catégorie des travaux locatifs liés à l’exploitation du fonds de commerce, que l’appauvrissement n’est que la conséquence du comportement fautif de la société LE CAP VERS qui la prive de toute action sur le fondement de l’enrichissement sans cause, que la société LE CAP VERS a agi dans son seul intérêt.
Sur l’enrichissement sans cause invoqué par les sociétés appelantes, la cour adoptera les motifs pertinents des premiers juges, en rappelant seulement que les travaux dont le remboursement est sollicité par la SARL LE CAP VERS sont liés à l’exploitation de son restaurant et trouvent leur cause dans le contrat de bail commercial.
Les sociétés appelantes ayant succombé dans l’essentiel de leurs prétentions, tant en première instance qu’à hauteur de Cour, la décision entreprise sera confirmée quant aux dépens de première instance et à l’application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, elles seront condamnées in solidum aux dépens de l’appel et leur demande présentée à hauteur de Cour sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile sera rejetée.
L’équité commande l’application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile au profit de la SCI VOLTAIRE.
P A R C E S M O T I F S
La Cour,
Confirme le jugement rendu le 12 juin 2020, par le Tribunal judiciaire de MULHOUSE, sauf en ce qu’il déclare irrecevable l’intervention volontaire de la SCI VERS LE SUD,
Statuant à nouveau sur le chef infirmé,
Déclare recevable l’intervention volontaire de la SCI VERS LE SUD,
Y Ajoutant,
Déboute la SCI VERS LE SUD de ses demandes en dommages et intérêts,
Condamne in solidum la SCI VERS LE SUD et la SARL LE CAP VERS aux dépens d’appel,
Condamne in solidum la SCI VERS LE SUD et la SARL LE CAP VERS à verser à la SCI VOLTAIRE, la somme de 2 000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
Rejette la demande présentée par la SCI VERS LE SUD et la SARL LE CAP VERS sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
La Greffière :la Présidente :