Réutilisation des oeuvres des journalistes : l’URSSAF veille

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Réutilisation des oeuvres des journalistes : l’URSSAF veille
Ce point juridique est utile ?

L’affaire concerne un contrôle de l’Urssaf sur la société éditrice de revues [10] pour la période de 2013 à 2015, avec des chefs de redressement concernant les droits d’auteur des journalistes salariés. Après contestation et règlement partiel, le tribunal judiciaire de Bobigny a confirmé une partie des redressements et condamné la société à payer des cotisations et majorations de retard. La société a interjeté appel, demandant l’annulation des redressements et des observations de l’Urssaf. L’Urssaf demande la confirmation du jugement. L’Agessa, devenue la Sécurité Sociale des Artistes Auteurs, n’est pas représentée. L’affaire est en attente de jugement.

Selon l’article L.242-1 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction applicable, pour le calcul des cotisations des assurances sociales, des accidents du travail et des allocations familiales, sont considérées comme rémunérations toutes les sommes versées aux travailleurs en contrepartie ou à l’occasion du travail, tandis que l’article L.132-42 du code de la propriété intellectuelle prévoit que les droits d’auteur mentionnés aux articles L. 132-38 et suivants n’ont pas le caractère de salaire. Ils sont déterminés conformément aux articles L. 131-4 et L. 132-6.

L’article L.7112-1 du code du travail dispose que toute convention par laquelle une entreprise de presse s’assure, moyennant rémunération, le concours d’un journaliste professionnel est présumée être un contrat de travail. Par application des articles L.311-2 et L.311-3 16°du code de la sécurité sociale, sont obligatoirement affiliés au régime général de la sécurité sociale les journalistes professionnels et assimilés, au sens des articles L. 761-1 et L. 761-2 du code du travail, dont les fournitures d’articles, d’informations, de reportages, de dessins ou de photographies à une agence de presse ou à une entreprise de presse quotidienne ou périodique, sont réglées à la pige, quelle que soit la nature du lien juridique qui les unit à cette agence ou entreprise.

L’article L.132-36 du code de la propriété intellectuelle précise que, par dérogation à l’article L. 131-1 et sous réserve des dispositions de l’article L. 121-8, la convention liant un journaliste professionnel ou assimilé au sens des articles L. 7111-3 et suivants du code du travail, qui contribue, de manière permanente ou occasionnelle, à l’élaboration d’un titre de presse, et l’employeur emporte, sauf stipulation contraire, cession à titre exclusif à l’employeur des droits d’exploitation des oeuvres du journaliste réalisées dans le cadre de ce titre, qu’elles soient ou non publiées.

Aux termes de l’article L.132-37 du code de la propriété intellectuelle, l’exploitation de l’oeuvre du journaliste sur différents supports, dans le cadre du titre de presse défini à l’article L. 132-35 du dit code, a pour seule contrepartie le salaire, pendant une période fixée par un accord d’entreprise ou, à défaut, par tout autre accord collectif, au sens des articles L. 2222-1 et suivants du code du travail.

L’article L.132-35 du code la propriété intellectuelle entend, par titre de presse, l’organe de presse à l’élaboration duquel le journaliste professionnel a contribué, ainsi que l’ensemble des déclinaisons du titre, quels qu’en soient le support, les modes de diffusion et de consultation, à l’exclusion des services de communication audiovisuelle au sens de l’article 2 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication. Est assimilée à la publication dans le titre de presse la diffusion de tout ou partie de son contenu par un service de communication au public en ligne ou par tout autre service, édité par un tiers, dès lors que cette diffusion est faite sous le contrôle éditorial du directeur de la publication dont le contenu diffusé est issu ou dès lors qu’elle figure dans un espace dédié au titre de presse dont le contenu diffusé est extrait. Est également assimilée à la publication dans le titre de presse la diffusion de tout ou partie de son contenu par un service de communication au public en ligne édité par l’entreprise de presse ou par le groupe auquel elle appartient ou édité sous leur responsabilité, la mention du dit titre de presse devant impérativement figurer.

L’article L.132-38 de ce code précise que l’exploitation de l’oeuvre dans le titre de presse, au-delà de la période prévue à l’article L. 132-37, est rémunérée, à titre de rémunération complémentaire sous forme de droits d’auteur ou de salaire, dans des conditions déterminées par l’accord d’entreprise ou, à défaut, par tout autre accord collectif.

L’article L.132-39 du code de la propriété intellectuelle prévoit que lorsque la société éditrice ou la société qui la contrôle, au sens de l’article L. 233-16 du code de commerce, édite plusieurs titres de presse, un accord d’entreprise peut prévoir la diffusion de l’oeuvre par d’autres titres de cette société ou du groupe auquel elle appartient, à condition que ces titres et le titre de presse initial appartiennent à une même famille cohérente de presse. Cet accord définit la notion de famille cohérente de presse ou fixe la liste de chacun des titres de presse concernés.

L’exploitation de l’oeuvre du journaliste au sein de la famille cohérente de presse doit comporter des mentions qui permettent une identification du dit journaliste et, si l’accord le prévoit, du titre de presse dans lequel l’oeuvre a été initialement publiée.

Ces exploitations hors du titre de presse tel que défini à l’article L. 132-35 du présent code donnent lieu à rémunération complémentaire, sous forme de droits d’auteur ou de salaire, dans des conditions déterminées par l’accord d’entreprise mentionné au premier alinéa du présent article.

Enfin, l’article L.132-40 du code la propriété intellectuelle dispose que toute cession de l’oeuvre en vue de son exploitation hors du titre de presse initial ou d’une famille cohérente de presse est soumise à l’accord exprès et préalable de son auteur exprimé à titre individuel ou dans un accord collectif, sans préjudice, dans ce deuxième cas, de l’exercice de son droit moral par le journaliste.

Ces exploitations donnent lieu à rémunération sous forme de droits d’auteur, dans des conditions déterminées par l’accord individuel ou collectif.

La solution juridique apportée à cette affaire est que les rémunérations complémentaires versées sous forme de droits d’auteur pour la réexploitation des œuvres journalistiques doivent être assujetties au régime général de la sécurité sociale, sauf si les conditions de l’article L.132-40 du code de la propriété intellectuelle sont remplies. En l’absence d’accord exprès et préalable des auteurs individuellement ou par accord collectif pour la cession des droits d’exploitation des œuvres, les droits d’auteur ne peuvent être versés et les rémunérations doivent être soumises aux cotisations sociales. Ainsi, dans le cas présent, le redressement des cotisations de sécurité sociale opéré par l’Urssaf est justifié et la décision de la Cour de confirmer ce redressement est correcte.

1. Il est essentiel de respecter les dispositions de l’article L.132-40 du code de la propriété intellectuelle lors de la cession des droits d’exploitation des œuvres, en obtenant un accord exprès et préalable de l’auteur, que ce soit individuellement ou par accord collectif.

2. En l’absence d’accord collectif, il est impératif de documenter de manière claire et précise tout accord individuel de cession des droits d’exploitation des œuvres, en fournissant des copies des courriers datés et signés par les auteurs concernés.

3. En cas de réutilisation des œuvres journalistiques en dehors du titre de presse initial, il convient de déterminer si ces exploitations donnent lieu à une rémunération sous forme de droits d’auteur ou de salaire, en se référant aux conditions définies par un accord d’entreprise ou collectif.

Contexte de l’affaire

La société [8] justifie, au regard de l’extrait k-bis versé aux débats (pièce n°12), qu’elle vient aux droits de la société [7] en raison d’une fusion-absorption ayant pris effet au 1er janvier 2023.

Dispositions légales en jeu

Selon l’article L.242-1 du code de la sécurité sociale, pour le calcul des cotisations des assurances sociales, des accidents du travail et des allocations familiales, sont considérées comme rémunérations toutes les sommes versées aux travailleurs en contrepartie ou à l’occasion du travail. L’article L.132-42 du code de la propriété intellectuelle précise que les droits d’auteur n’ont pas le caractère de salaire.

Statut des journalistes professionnels

L’article L.7112-1 du code du travail prévoit que toute convention par laquelle une entreprise de presse s’assure le concours d’un journaliste professionnel est présumée être un contrat de travail. Les journalistes professionnels sont obligatoirement affiliés au régime général de la sécurité sociale.

Exploitation des œuvres des journalistes

Les articles L.132-36 à L.132-40 du code de la propriété intellectuelle encadrent l’exploitation des œuvres des journalistes, notamment en ce qui concerne les droits d’auteur et les cessions d’exploitation.

Redressement de cotisations

Les inspecteurs du recouvrement de l’Urssaf ont effectué un redressement de cotisations de sécurité sociale pour les années 2014 et 2015, concernant des rémunérations complémentaires versées sous forme de droits d’auteur aux journalistes.

Arguments de la société [8]

La société [8] soutient que les rémunérations complémentaires litigieuses étaient justifiées par des accords individuels avec les journalistes concernés, autorisant la réexploitation de leurs œuvres hors du titre de presse initial.

Décision de la Cour

La Cour a confirmé le redressement des cotisations de sécurité sociale, considérant que la société [8] n’avait pas justifié de l’existence d’accords exprès et préalables des auteurs pour la cession des droits d’exploitation des œuvres. Ainsi, les rémunérations complémentaires devaient être assujetties au régime général de la sécurité sociale.

Réglementation applicable

– Code de la sécurité sociale
– Article L.242-1
– Code de la propriété intellectuelle
– Article L.132-42
– Article L.7112-1
– Article L.132-36
– Article L.132-37
– Article L.132-35
– Article L.132-38
– Article L.132-39
– Article L.132-40
– Code du travail
– Article L.7112-1
– Code de commerce
– Article L.233-16
– Loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986

Avocats et magistrats intervenants

– Me Frédéric LALLEMENT, avocat au barreau de PARIS
– Me Olivier CHAPPUIS, avocat au barreau de PARIS
– Mme [X] [P], représentante de l’URSSAF ILE DE FRANCE

Mots-clefs

– société
– fusion-absorption
– rémunérations
– droits d’auteur
– contrat de travail
– journalistes professionnels
– sécurité sociale
– titre de presse
– exploitation des œuvres
– accord d’entreprise
– accord collectif
– cession des œuvres
– rémunération complémentaire
– Urssaf
– redressement de cotisations
– exploitation hors du titre de presse
– accord exprès et préalable
– cession régulière des droits d’exploitation
– lien salarial

Définitions juridiques

– Société: Organisation regroupant des personnes qui collaborent pour atteindre un objectif commun.
– Fusion-absorption: Opération par laquelle une société absorbe une autre société, entraînant la disparition de cette dernière.
– Rémunérations: Sommes versées en contrepartie d’un travail ou d’une prestation.
– Droits d’auteur: Droits exclusifs accordés à l’auteur d’une œuvre pour protéger son travail.
– Contrat de travail: Accord entre un employeur et un salarié définissant les conditions de travail.
– Journalistes professionnels: Personnes exerçant le métier de journaliste de manière régulière et rémunérée.
– Sécurité sociale: Système de protection sociale assurant la prise en charge des risques sociaux.
– Titre de presse: Publication périodique diffusant des informations et des articles d’actualité.
– Exploitation des œuvres: Utilisation commerciale des œuvres protégées par le droit d’auteur.
– Accord d’entreprise: Accord conclu entre la direction et les représentants du personnel au sein d’une entreprise.
– Accord collectif: Accord conclu entre les représentants des salariés et les employeurs au niveau d’une branche professionnelle.
– Cession des œuvres: Transfert des droits d’exploitation d’une œuvre à un tiers.
– Rémunération complémentaire: Somme versée en plus du salaire de base pour récompenser une performance ou un travail supplémentaire.
– Urssaf: Organisme chargé de collecter les cotisations sociales des entreprises et des travailleurs indépendants.
– Redressement de cotisations: Rectification des cotisations sociales dues par une entreprise suite à un contrôle de l’Urssaf.
– Exploitation hors du titre de presse: Utilisation d’une œuvre journalistique en dehors du support initial de publication.
– Accord exprès et préalable: Accord formel et préalable nécessaire pour toute cession de droits d’exploitation.
– Cession régulière des droits d’exploitation: Transfert légal des droits d’exploitation d’une œuvre conformément à la législation en vigueur.
– Lien salarial: Relation de subordination entre un employeur et un salarié.

Montants / Préjudice

– La société [8] est condamnée aux dépens d’appel
– La société [8] est condamnée à payer à l’Urssaf Ile de France la somme de 2.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile

Parties impliquées

– SAS [7]
– URSSAF ILE DE FRANCE
– AGESSA

* * *

REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 6 – Chambre 12

ARRÊT DU 22 Mars 2024

(n° , 2 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : S N° RG 20/01337 – N° Portalis 35L7-V-B7E-CBOPG

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 29 Janvier 2020 par le Tribunal de Grande Instance de BOBIGNY RG n° 19/01607

APPELANTE

SAS [7]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

[Localité 4]

représentée par Me Frédéric LALLEMENT, avocat au barreau de PARIS, toque : P0480 substitué par Me Olivier CHAPPUIS, avocat au barreau de PARIS, toque : P0224

INTIMEES

URSSAF ILE DE FRANCE

Division des recours amiables et judiciaires

[Adresse 12]

[Localité 5]

représentée par Mme [X] [P] en vertu d’un pouvoir général

AGESSA

[Adresse 2]

CS 30011

[Localité 3]

non comparante, non représentée

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 11 Janvier 2024, en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Marie-Odile DEVILLERS, Présidente de chambre

Monsieur Gilles BUFFET, Conseiller

Monsieur PHILIPPE BLONDEAU, Conseiller

qui en ont délibéré

Greffier : Madame Claire BECCAVIN, lors des débats

ARRÊT :

– REPUTE CONTRADICTOIRE

– prononcé

par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

-signé par Madame Marie-Odile DEVILLERS, Présidente de chambre et Madame Claire BECCAVIN, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La cour statue sur l’appel interjeté par la société [8], venant aux droits de la société [7], d’un jugement rendu le 29 janvier 2020 par le tribunal judiciaire de Bobigny, dans un litige l’opposant à l’Urssaf Ile de France (l’Urssaf), en présence de la Sécurité Sociale des Artistes Auteurs, venant aux droits de l’Agessa.

FAITS, PROCEDURE, PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

La société [10] était une filiale du groupe [9] qui a pour objet l’édition de revues et de périodiques dans le domaine de la presse.

Cette société a fait l’objet d’un contrôle par l’Urssaf au titre de la période du 1er janvier 2013 au 31 décembre 2015.

Elle s’est vue notifiée deux lettres d’observations du 4 novembre 2016 portant sur différents chefs de redressement, notamment, pour la première lettre d’observations, un chef de redressement n°12 “Journalistes salariés : droits d’auteur/droits de revente” et, concernant la seconde lettre d’observations, une observation pour le compte de l'[6] n°2 “Journalistes salariés : droits d’auteur/droits de revente”.

Par courrier recommandé avec demande d’accusé de réception du 7 décembre 2016, la société [10] a contesté le bien fondé du chef de redressement n°12 et de l’observation pour le compte de l’Agessa n°2.

Par lettre recommandée avec demande d’accusé de réception du 14 décembre 2016, les inspecteurs du recouvrement de l’Urssaf n’ont pas donné une suite favorable à cette contestation.

La société s’est vue notifiée une mise en demeure du 21 décembre 2016, visant la lettre d’observations du 4 novembre 2016, portant sur le paiement, pour les années 2013 à 2015, d’un montant global de 93.109 euros comprenant un montant de 81.360 euros de cotisations dues et 11.749 euros de majorations de retard.

Le 11 janvier 2017, la société [10] a procédé au règlement des chefs de redressement non contestés.

Après vaine saisine de la commission de recours amiable, la société [7], venant aux droits de la société [10], a porté le litige, le 19 avril 2017, devant une juridiction de sécurité sociale.

Par jugement du 29 janvier 2020, le tribunal judiciaire de Bobigny a :

– déclaré recevable mais mal fondé le recours de la société [7],

– confirmé le chef de redressement n°12 “journalistes salariés : droits d’auteur/droits de revente” pour un montant de 4.229 euros pour l’année 2014 et 14.738 euros pour l’année 2015,

– confirmé l’observation Agessa n°2 “journalistes salariés : droits d’auteur/droits de revente”,

– condamné la société [7] à payer à l’Urssaf la somme de 18.967 euros de cotisations et 2.739 euros de majorations de retard au titre du chef de redressement n°12 “journalistes salariés : droits d’auteur/droits de revente” pour les années 2014 et 2015,

– débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires,

– dit n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamné la société [7] aux dépens de l’instance.

Par courrier recommandé avec demande d’accusé de réception du 7 février 2020, la société [7] a interjeté appel de ce jugement.

Aux termes de ses conclusions écrites soutenues oralement par son conseil, la société [8] demande à la cour de :

– lui donner acte de ce qu’elle vient aux droits de la société [7], par suite d’une opération de fusion-absorption du 1er janvier 2023,

– la dire recevable et bien fondée en ses conclusions de reprise d’instance,

– infirmer le jugement querellé,

statuant à nouveau,

– dire et juger que les rappels de cotisations réclamés par l’Urssaf au point n°12 de l’état de redressement du 4 novembre 2016 ne sont pas fondés,

– annuler, en conséquence, ce chef de redressement,

– annuler l’observation formulée au point n°2 de la lettre d’observations notifiée le 4 novembre 2016 par l’Urssaf pour le compte de l’Agessa,

– annuler la mise en demeure notifiée le 21 décembre 2016 par l’Urssaf à la société [7],

– condamner l’Urssaf à lui verser la somme de 21.706 euros en remboursement de la somme versée le 21 avril 2017 au titre du chef de redressement n°12,

– débouter l’Urssaf de ses demandes,

– condamner l’Urssaf à lui payer la somme de 5.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.

Aux termes de ses conclusions écrites soutenues oralement par son représentant, l’Urssaf demande à la cour de :

– dire l’appel de la société [8] recevable mais mal fondé,

– confirmer le jugement en ce qu’il a confirmé le chef de redressement n°12 et les observations [6],

– confirmer le jugement en ce qu’il a condamné la société au paiement des sommes de 18.967 euros de cotisations et 2.739 euros de majorations de retard,

– en tout état de cause, débouter la société [8] de l’ensemble de ses demandes et la condamner au paiement de 2.500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.

Bien que régulièrement citée par courrier recommandé du 19 juin 2023 dont l’accusé de réception a été signé par son destinataire, l’Agessa, devenue la Sécurité Sociale des Artistes Auteurs, n’est pas représentée à l’audience du 11 janvier 2024.

Le présent arrêt est réputé contradictoire par application des dispositions des articles 473 et 474 du code de procédure civile.

En application du deuxième alinéa de l’article 446-2 et de l’article 455 du code procédure civile, il est renvoyé aux conclusions des parties remises à la cour à l’audience du 11 janvier 2024 pour plus ample exposé de leurs moyens.

SUR CE, LA COUR

La société [8] justifie, au regard de l’extrait k-bis versé aux débats (pièce n°12), qu’elle vient aux droits de la société [7] en raison d’une fusion-absorption ayant pris effet au 1er janvier 2023.

Selon l’article L.242-1 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction applicable, pour le calcul des cotisations des assurances sociales, des accidents du travail et des allocations familiales, sont considérées comme rémunérations toutes les sommes versées aux travailleurs en contrepartie ou à l’occasion du travail, tandis que l’article L.132-42 du code de la propriété intellectuelle prévoit que les droits d’auteur mentionnés aux articles L. 132-38 et suivants n’ont pas le caractère de salaire. Ils sont déterminés conformément aux articles L. 131-4 et L. 132-6.

L’article L.7112-1 du code du travail dispose que toute convention par laquelle une entreprise de presse s’assure, moyennant rémunération, le concours d’un journaliste professionnel est présumée être un contrat de travail. Par application des articles L.311-2 et L.311-3 16°du code de la sécurité sociale, sont obligatoirement affiliés au régime général de la sécurité sociale les journalistes professionnels et assimilés, au sens des articles L. 761-1 et L. 761-2 du code du travail, dont les fournitures d’articles, d’informations, de reportages, de dessins ou de photographies à une agence de presse ou à une entreprise de presse quotidienne ou périodique, sont réglées à la pige, quelle que soit la nature du lien juridique qui les unit à cette agence ou entreprise.

L’article L.132-36 du code de la propriété intellectuelle précise que, par dérogation à l’article L. 131-1 et sous réserve des dispositions de l’article L. 121-8, la convention liant un journaliste professionnel ou assimilé au sens des articles L. 7111-3 et suivants du code du travail, qui contribue, de manière permanente ou occasionnelle, à l’élaboration d’un titre de presse, et l’employeur emporte, sauf stipulation contraire, cession à titre exclusif à l’employeur des droits d’exploitation des oeuvres du journaliste réalisées dans le cadre de ce titre, qu’elles soient ou non publiées.

Aux termes de l’article L.132-37 du code de la propriété intellectuelle, l’exploitation de l’oeuvre du journaliste sur différents supports, dans le cadre du titre de presse défini à l’article L. 132-35 du dit code, a pour seule contrepartie le salaire, pendant une période fixée par un accord d’entreprise ou, à défaut, par tout autre accord collectif, au sens des articles L. 2222-1 et suivants du code du travail.

L’article L.132-35 du code la propriété intellectuelle entend, par titre de presse, l’organe de presse à l’élaboration duquel le journaliste professionnel a contribué, ainsi que l’ensemble des déclinaisons du titre, quels qu’en soient le support, les modes de diffusion et de consultation, à l’exclusion des services de communication audiovisuelle au sens de l’article 2 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication. Est assimilée à la publication dans le titre de presse la diffusion de tout ou partie de son contenu par un service de communication au public en ligne ou par tout autre service, édité par un tiers, dès lors que cette diffusion est faite sous le contrôle éditorial du directeur de la publication dont le contenu diffusé est issu ou dès lors qu’elle figure dans un espace dédié au titre de presse dont le contenu diffusé est extrait. Est également assimilée à la publication dans le titre de presse la diffusion de tout ou partie de son contenu par un service de communication au public en ligne édité par l’entreprise de presse ou par le groupe auquel elle appartient ou édité sous leur responsabilité, la mention du dit titre de presse devant impérativement figurer.

L’article L.132-38 de ce code précise que l’exploitation de l’oeuvre dans le titre de presse, au-delà de la période prévue à l’article L. 132-37, est rémunérée, à titre de rémunération complémentaire sous forme de droits d’auteur ou de salaire, dans des conditions déterminées par l’accord d’entreprise ou, à défaut, par tout autre accord collectif.

L’article L.132-39 du code de la propriété intellectuelle prévoit que lorsque la société éditrice ou la société qui la contrôle, au sens de l’article L. 233-16 du code de commerce, édite plusieurs titres de presse, un accord d’entreprise peut prévoir la diffusion de l’oeuvre par d’autres titres de cette société ou du groupe auquel elle appartient, à condition que ces titres et le titre de presse initial appartiennent à une même famille cohérente de presse. Cet accord définit la notion de famille cohérente de presse ou fixe la liste de chacun des titres de presse concernés.

L’exploitation de l’oeuvre du journaliste au sein de la famille cohérente de presse doit comporter des mentions qui permettent une identification du dit journaliste et, si l’accord le prévoit, du titre de presse dans lequel l’oeuvre a été initialement publiée.

Ces exploitations hors du titre de presse tel que défini à l’article L. 132-35 du présent code donnent lieu à rémunération complémentaire, sous forme de droits d’auteur ou de salaire, dans des conditions déterminées par l’accord d’entreprise mentionné au premier alinéa du présent article.

Enfin, l’article L.132-40 du code la propriété intellectuelle dispose que toute cession de l’oeuvre en vue de son exploitation hors du titre de presse initial ou d’une famille cohérente de presse est soumise à l’accord exprès et préalable de son auteur exprimé à titre individuel ou dans un accord collectif, sans préjudice, dans ce deuxième cas, de l’exercice de son droit moral par le journaliste.

Ces exploitations donnent lieu à rémunération sous forme de droits d’auteur, dans des conditions déterminées par l’accord individuel ou collectif.

Les inspecteurs du recouvrement de l’Urssaf ont effectué, dans le point n°12 de la lettre d’observations du 4 novembre 2016, un redressement de cotisations de sécurité sociale pour les années 2014 et 2015, en relevant que la société [10] versait à ses journalistes, en plus de leurs rémunérations, des sommes qualifiées de droits d’auteur; que, concernant la réutilisation des oeuvres de ses journalistes et la justification du traitement de ces sommes et de leur déclaration en droits d’auteur auprès de l’Agessa, la société n’avait pas fourni d’explications probantes, la société n’ayant pas conclu d’accord d’entreprise et aucun accord collectif n’étant applicable sur ce point au sein de l’entreprise, de sorte que les rémunérations complémentaires litigieuses devaient être assujetties au régime général de la sécurité sociale. Les motifs repris dans l’observation Agessa n°2 sont quasi-identiques.

La société [8] fait valoir que les rémunérations complémentaires litigieuses sur 2014 et 2015 versées sous forme de droits d’auteurs, déclarés comme tels à l’Agessa, ont porté sur la réexploitation des oeuvres (articles ou photos) sur des sites extérieurs au groupe [9] ; que ces reventes d’oeuvres journalistiques s’inscrivaient notamment dans le cadre d’un accord conclu entre la société [10] et le groupe [11] ; que ces rémunérations complémentaires répondent aux conditions de l’article L.132-40 du code de la propriété intellectuelle en ce qu’elles concernent des reventes extérieures au groupe [9] et en ce que les collaborateurs journalistes de la société [10] ont individuellement consenti à ces reventes ; qu’il est justifié d’accords individuels, suppléant l’absence d’accord collectif, par la production de lettres-accords conclues le 10 avril 2014 entre la société [10] (en tant qu’éditrice du site Infobébés.com) et deux de ses collaboratrices (Mmes [F] et [D]), les autres collaborateurs concernés ayant chacun signé avec la société une lettre accord sur le même modèle ; qu’aux termes de ces accords, ces journalistes ont consenti expressément à la reproduction de certaines de leurs contributions publiées sur le site Infobébés.com en 2013, dans le cadre de leur contrat de travail, à destination de certains supports édités par le groupe [11], pour le monde entier et moyennant la rétrocession par l’employeur d’une somme forfaitaire pour chaque contribution réglée sous forme de droits d’auteur ; que les accords individuels conclus n’ont pas à répondre au formalisme des articles L.131-3 et suivants du code de la propriété intellectuelle pour les contrats de cession de droits d’auteur dont seuls les auteurs concernés peuvent se prévaloir de l’inobservation ; que ni l’Urssaf ni l’Agessa, qui sont totalement étrangères aux cessions de droit d’auteur sur les oeuvres quant à leur exploitation hors titre de presse initial, ne sont recevables à objecter que les journalistes concernés n’auraient pas donné leur accord exprès et préalable à ces cessions au sens de l’article 132-40 du code de la propriété intellectuelle ; que les accords conclus avec les journalistes concernés, qui respectent le formalisme prévu par les articles L.131-3 et suivants du code de la propriété intellectuelle, présentent bien un caractère exprès et préalable, ces accords ayant été régularisés en amont de l’accord global portant sur la cession des contributions des collaborateurs de la société [10] au profit du groupe [11] ; qu’en toute hypothèse, au regard de l’article L.132-40 du code de la propriété intellectuelle, la réexploitation des oeuvres ne peut donner lieu qu’à une rémunération sous forme de droits d’auteur, à seule charge pour les parties concernées de s’entendre, dans le cadre d’un accord collectif ou individuel, sur les modalités de calcul et de versement des droits d’auteur.

Il n’est pas contesté que les rémunérations litigieuses versées sous forme de droits d’auteur concernaient la réexploitation des oeuvres hors du titre de presse initial ou d’une famille cohérente de presse, de sorte que seules les dispositions de l’article L.132-40 du code la propriété intellectuelle pouvaient recevoir application.

L’Urssaf fait valoir que le redressement opéré est justifié en ce que les sommes versées à titre de droits d’auteur devaient être réintégrées dans le régime général des salaires et donner lieu à cotisations sociales; L’Urssaf est recevable, dans ce cadre, à se prévaloir du non-respect par la société des dispositions de l’article L.132-40 susvisé, dès lors qu’elle soutient que la cession des oeuvres en vue de leur exploitation hors du titre de presse ou d’une famille cohérente de presse serait intervenue hors accord exprès et préalable exprimé soit à titre individuel par les auteurs concernés ou par accord collectif, la contestation de l’Urssaf ne portant pas sur le formalisme spécifique édicté au profit des auteurs par le code de la propriété intellectuelle délimitant de manière précise l’étendue et la durée de la cession du droit d’exploitation des oeuvres.

L’appelante ne conteste pas qu’elle n’a conclu aucun accord collectif avec les salariés concernés avant la cession du droit d’exploitation des oeuvres au profit du groupe [11].

Elle se borne à produire aux débats (pièces 10 et 13) un double de courriers datés du 10 avril 2014 qu’elle aurait adressés à Mmes [D] et [F], dont l’exploitation des oeuvres a été cédée au groupe [11], autorisant cette exploitation moyennant rétribution sous forme de droits d’auteur.

Or, la société appelante ne communique aucune copie de ces courriers datés et signés par leurs destinataires, et ne produit pas plus les courriers sollicitant la cession de l’exploitation des droits d’auteur auprès des autres journalistes dont le nom est mentionné dans l’annexe 2 de la lettre d’observations du 4 novembre 2016.

Par conséquent, la société ne justifie de l’existence d’aucun accord à la cession, exprès et préalable, des auteurs exprimé à titre individuel.

Les conditions de l’article L.132-40 du code de la propriété intellectuelle n’étant pas réunies, aucune cession régulière des droits d’exploitation des oeuvres n’est valablement intervenue et aucun droit d’auteur ne pouvait donc être versé aux journalistes concernés qui étaient restés dans un seul lien salarial à l’égard de l’employeur.

C’est donc à bon droit que les inspecteurs du recouvrement de l’Urssaf ont assujetti les rémunérations complémentaires versées au titre des droits d’auteur au régime général de la sécurité sociale par application combinée des articles L.7111-3, L. 7111-4, L. 7112-1 du code du travail et L.311-3 16° et L.242-1 du code de la sécurité sociale.

Le jugement sera confirmé.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

DECLARE recevable l’appel interjeté par la société [8],

CONFIRME en toutes ses dispositions le jugement rendu le 29 janvier 2020 par le tribunal judiciaire de Bobigny,

CONDAMNE la société [8] aux dépens d’appel,

CONDAMNE la société [8] à payer à l’Urssaf Ile de France la somme de 2.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.

La greffière La présidente

 


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