Responsabilité et Indemnisation dans le Transport Maritime : Éclaircissements sur les Obligations du Commissionnaire et la Preuve du Préjudice

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Responsabilité et Indemnisation dans le Transport Maritime : Éclaircissements sur les Obligations du Commissionnaire et la Preuve du Préjudice
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La clôture de l’affaire a eu lieu le 27 mai 2024, avec une audience prévue le 25 juin 2024. Madame [Y] [J] et Monsieur [C] [S] ont demandé la réforme d’un jugement du 7 avril 2022, sollicitant des indemnités pour préjudice matériel, moral, retard d’exécution, et frais de justice, en invoquant la responsabilité des sociétés Lhn, Msc et Naviland Cargo. Ils reprochent à Lhn un manquement à son obligation de conseil et un retard de livraison, ainsi qu’un défaut d’information concernant un vol survenu dans leur container. Les sociétés Msc et Naviland Cargo contestent les demandes, arguant que les appelants n’ont pas prouvé leur préjudice et n’ont pas émis de réserves lors de la réception du container. Elles invoquent également des limitations de responsabilité. La société Lhn demande l’infirmation du jugement en ce qui concerne sa condamnation. La Cour a finalement infirmé le jugement, déboutant les consorts [J] et [S] de leurs demandes d’indemnisation pour préjudice matériel, tout en maintenant le débouté concernant le retard de livraison et le préjudice moral. Les consorts [J] et [S] ont été condamnés aux dépens.

REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

15 octobre 2024
Cour d’appel de Toulouse
RG n°
22/03233
15/10/2024

ARRÊT N°378

N° RG 22/03233

N° Portalis DBVI-V-B7G-O7G7

SM/ND

Décision déférée du 07 Avril 2022

TJ de TOULOUSE

20/01270

M. GUICHARD

[Y] [J]

[C] [S]

C/

SOCIETE MSC MEDITERRANEAN SHIPPING COMPANY FRANCE (MSC)

SOCIETE MEDITERRANEAN SHIPPING COMPANY (MSC)

S.A.R.L. L.H.N

S.A.S. NAVILAND CARGO

INFIRMATION PARTIELLE

Grosse délivrée

le

à

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D’APPEL DE TOULOUSE

2ème chambre

***

ARRÊT DU QUINZE OCTOBRE DEUX MILLE VINGT QUATRE

***

APPELANTS

Madame [Y] [J]

[Adresse 2],

[Adresse 2]

[Adresse 2] CANADA

Représentée par Me Julie AMIGUES de la SELARL ACT, avocat au barreau de BORDEAUX

Représentée par Me Kauser TOORAWA, avocat au barreau de TOULOUSE

Monsieur [C] [S]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

[Adresse 2] CANADA

Représenté par Me Julie AMIGUES de la SELARL ACT, avocat au barreau de BORDEAUX

Représenté par Me Kauser TOORAWA, avocat au barreau de TOULOUSE

INTIMEES

SOCIETE MEDITERRANEAN SHIPPING COMPANY FRANCE (MSC)

[Adresse 4]

[Adresse 4]

Représentée par Me Jacques MONFERRAN de la SCP MONFERRAN – ESPAGNO – SALVADOR, avocat postulant au barreau de TOULOUSE et par Me Fabrice LEMARIE de la SELARL MARGUET & LEMARIE, avocat postulant au barreau du HAVRE

MSC – SOCIETE MEDITERRANEAN SHIPPING COMPANY

[Adresse 1]

[Adresse 1] SUISSE

Représentée par Me Jacques MONFERRAN de la SCP MONFERRAN – ESPAGNO – SALVADOR, avocat postulant au barreau de TOULOUSE et par Me Fabrice LEMARIE de la SELARL MARGUET & LEMARIE, avocat postulant au barreau du HAVRE

S.A.R.L. L.H.N

[Adresse 3]

[Adresse 3]

Représentée par Me Vincent ROBERT de la SELARL DESARNAUTS HORNY ROBERT DESPIERRES, avocat postulant au barreau de TOULOUSE et par Me Pascal HUCHET de la SCP HUCHET DOIN, avocat plaidant au barreau du HAVRE

S.A.S. NAVILAND CARGO

[Adresse 5]

[Adresse 5]

Représentée par Me Patrick EVRARD de la SCP STREAM, avocat plaidant au barreau de PARIS et par Me Isabelle LORTHIOS, avocat postulant au barreau de TOULOUSE

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 805 et 907 du Code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 25 Juin 2024, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant S. MOULAYES, Conseillère chargée du rapport et V. SALMERON présidente.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

V. SALMERON, présidente

S. MOULAYES, conseillère

M. NORGUET, conseillère

Greffier, lors des débats : A. CAVAN

ARRET :

– CONTRADICTOIRE

– prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties

– signé par V. SALMERON, présidente, et par A. CAVAN, greffier de chambre.

Faits et procédure

Décidant d’aller vivre au Canada, Madame [Y] [J] et Monsieur [C] [S] ont sollicité la société Lhn, en qualité de commissionnaire de transport, afin de procéder au déménagement de leurs meubles et objets personnels ; cette dernière a mis à leur disposition un container de 60m3, arrivé à destination le 12 juillet 2019.

A cette date, ils ont constaté que le scellé apposé sur le container était différent de celui initialement apposé, et ils affirment que certains de leurs biens ont disparu.

La société Lhn a sous-traité à la compagnie Msc la réalisation de ce déménagement par voie terrestre et maritime, qui a elle-même confié à la société Naviland Cargo la phase de préacheminement terrestre jusqu’au port de départ.

La société Naviland Cargo a quant à elle confié au transporteur routier Jimenez, le transfert du container depuis le domicile des consorts [J] ‘ [S] jusqu’à sa plateforme ferroviaire.

Les parties affirment que dans la nuit du 5 au 6 juin 2019, le container des consorts [J] ‘ [S] a fait l’objet d’une effraction, alors qu’il se trouvait sur la plateforme ferroviaire de Naviland Cargo.

Madame [J] et Monsieur [S] ont mis la société Lhn en demeure de les indemniser de leurs préjudices, en premier lieu par un courrier de leur avocat canadien du 9 août 2019, puis par leur conseil en France les 7 octobre, 23 octobre, 17 novembre et 12 décembre 2019, en vain.

Par acte du 9 avril 2020, Monsieur [C] [S] et Madame [Y] [J] ont fait délivrer assignation devant le tribunal judiciaire de Toulouse à la Sarl Lhn, la société anonyme Msc-Mediterranean Shipping Company France et la Sas Naviland Cargo, afin d’être indemnisés des conséquences de vols de leurs affaires personnelles.

La société Msc-Mediterranean Company, société anonyme de droit helvétique est intervenue volontairement aux débats et avec la société française éponyme, elles ont assigné la Sas Naviland Cargo le 18 mai 2020.

La société Lhn a assigné la société Msc de droit helvétique prise en la personne de la société française et la société Naviland Cargo.

Les procédures ont été jointes par une ordonnance du juge de la mise en état du 24 juin 2020.

Par jugement du 7 avril 2022, le tribunal judiciaire de Toulouse a :

– dit que la demande est recevable,

– condamné in solidum les sociétés Lhn, Msc Sa et Naviland Cargo à payer à Monsieur [S] ou à Madame [J] la somme de 2 000 euros dans la limite de la somme de 1 400 euros pour la société Naviland Cargo,

– débouté les consorts [S]-[J] de leur demande en paiement de la somme de 5 000 euros au titre de l’abus de résistance en justice,

– débouté les consorts [S]-[J] de leur demande en paiement in solidum de la somme de 500 euros et de celle de 5 000 euros,

– condamné in solidum les sociétés Lhn, Msc Sa et Naviland Cargo aux dépens et à payer la somme de 1 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

– condamné in solidum les sociétés Msc Sa et Naviland Cargo à garantir la société Lhn de la condamnation au paiement de la somme de 2 000 euros, la société Naviland Cargo dans la limite de la somme de 1 400 euros et de même à la garantir de la condamnation aux dépens et article 700 prononcée au profit des consorts [S]-[J],

– condamné in solidum les sociétés Msc Sa et Naviland Cargo aux dépens de la société Lhn dont distraction au profit de Maître Desarnauts et à payer la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamné la société Naviland Cargo à relever la société Msc Sa à hauteur de la somme de 1 400 euros, outre les dépens et articles 700 alloués aux demandeurs et à la société Lhn,

– dit n’y avoir lieu à écarter l’exécution provisoire.

Par déclaration en date du 29 août 2022, Madame [Y] [J] et Monsieur [C] [S] ont relevé appel de l’ensemble des chefs du jugements, à l’exception de ceux relatifs à la recevabilité de la demande et à l’exécution provisoire.

Le 10 janvier 2023, le conseiller de la mise en état a adressé aux parties une proposition de médiation, que les appelants, Madame [Y] [J] et Monsieur [C] [S], ont accepté le 18 janvier 2023 mais qui est restée sans réponse du côté des intimés.

La clôture est intervenue le 27 mai 2024, et l’affaire a été appelée à l’audience du 25 juin 2024.

Prétentions et moyens

Vu les conclusions responsives et récapitulatives notifiées le 16 mai 2023 auxquelles il est fait expressément référence pour l’énoncé du détail de l’argumentation, de Madame [Y] [J] et Monsieur [C] [S] demandant, au visa des articles L132-4 et suivants du code de commerce, 1240 et suivants du code civil, de :

Réformer le jugement rendu le 7 avril 2022,

En conséquence,

– condamner in solidum les sociétés Lhn, Msc et Naviland Cargo à payer aux consorts [J] et [S] la somme de 23 355,65 euros en réparation de leur préjudice matériel résultant du vol d’objets personnels dans le container objet du contrat ;

– condamner in solidum les sociétés Lhn, Msc et Naviland Cargo à payer aux consorts [J] et [S] la somme de 5000 euros en réparation du préjudice moral et de jouissance provenant des tromperies et silence opposé par ces sociétés ;

– condamner in solidum les sociétés Lhn, Msc et Naviland Cargo à payer aux consorts [J] et [S] la somme de 500 euros à retard de l’exécution du contrat ;

– condamner in solidum les sociétés Lhn, Msc et Naviland Cargo à payer aux consorts [J] et [S] la somme de 8000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens.

Ils affirment qu’il se déduit des documents contractuels, que Lhn est commissionnaire de transport, et qu’elle demeure responsable des opérations confiées par ses clients en dépit des sous-traitances.

Ils lui reprochent un manquement à son obligation de conseil concernant la souscription d’une assurance, et l’établissement d’une liste des effets personnels entreposés dans le container.

Ils invoquent ensuite un retard de livraison, dans la mesure où il ressort de leurs échanges avec Lhn que la livraison initiale devait intervenir le 21 juin 2019 ; il n’appartenait pas au tribunal d’apprécier si le retard était anormalement élevé, mais simplement de le constater.

Ils reprochent ensuite à Lhn de ne pas les avoir informés de l’effraction survenue dans la nuit du 5 au 6 juin 2019, et sollicitent l’indemnisation de leur préjudice moral et de jouissance résultant de cette faute.

Les consorts [J] ‘ [S] invoquent par ailleurs la responsabilité délictuelle de Msc et Naviland Cargo, qui leur ont sciemment dissimulé le vol intervenu dans leur container.

Vu les conclusions d’intimée en réponse n°2 notifiées le 5 juin 2023 auxquelles il est fait expressément référence pour l’énoncé du détail de l’argumentation, de la société Mediterranean Shipping Company France et la société Msc ‘ Mediterranean Shipping Company demandant, au visa des articles L132-6 et L133-1 et suivants du code de commerce, décret n°2013-293 du 5 avril 2013, R5422-23 du code des transports, articles 9 du code de procédure civile et 1353 du code civil, 1119 du code civil de :

– à titre principal :

– confirmer le jugement en ce qu’il débouté Mme [J] et M. [S] de leurs prétentions au titre d’un retard et au titre d’une tromperie ;

– réformer le jugement en ce qu’il a condamné la société Msc au titre des manquants ;

Et statuant à nouveau,

– débouter Mme [J] et M. [S] de toutes leurs demandes.

– subsidiairement, si la Cour d’appel devait rejeter les appels incidents et entrer en voie de condamnation à l’encontre des sociétés Msc et/ou Msc France, soit sur la demande principale de Mme [J] et de M. [S], soit sur la demande en garantie de la société Lhn ;

– confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a appliqué la limitation de responsabilité à hauteur de 2.000 euros et limiter toute condamnation contre les sociétés Msc et/ou Msc France à ce montant ;

– réformer le jugement entrepris en ce qu’il a limité la garantie due par la société Naviland Cargo à 1.400 euros ;

Et statuant à nouveau,

– condamner la société Naviland Cargo à relever et garantir les sociétés Msc et/ou Msc France indemnes de toute condamnation qui serait prononcée à son encontre en principal, garantie, dommages et intérêts, intérêts, frais irrépétibles et dépens.

– en tout état de cause :

– condamner la ou les parties qui succomberont à payer aux sociétés Msc et Msc France une indemnité de 5.000 euros sur le fondement de l’article 700 du Cpc ainsi qu’aux dépens.

La compagnie Msc affirme que les appelants ne rapportent pas la preuve de leur préjudice, ni de l’indemnisation qu’ils sollicitent, et rappelle qu’ils n’ont pas formalisé de réserves lors de la réception du container.

Le simple changement du scellé original, et la production de factures d’achats, ne suffisent pas à rapporter la preuve de la matérialité du vol dont ils se prévalent.

Elle ajoute n’avoir pris aucun engagement sur une date de livraison, et s’oppose en conséquence à toute indemnisation au motif d’un retard.

Enfin elle conteste toute dissimulation, et affirme n’avoir été informée par Naviland qu’au mois de décembre 2019 du vol avec effraction commis dans la nuit du 5 au 6 juin 2019.

A titre subsidiaire, elle invoque les limitations légales de responsabilité du commissionnaire de transport, et de garantie.

Vu les conclusions d’intimée et d’appel incident n°2 notifiées le 2 juin 2023 auxquelles il est fait expressément référence pour l’énoncé du détail de l’argumentation, de la société Naviland Cargo demandant, au visa des articles 1353 du code civil, L132-8 et L133-3 du code de commerce, L224-63 du code de la consommation, de :

– à titre principal :

– infirmer le jugement du tribunal judiciaire de Toulouse en date du 7 avril 2022 en ce qu’il a, tout en constatant que les demandeurs ne rapportaient pas la preuve du préjudice allégué, cru pouvoir condamner la société Naviland Cargo à indemniser Madame [Y] [J] et Monsieur [C] [S], même dans la limite de 1.400 euros,

Et statuant à nouveau,

– dire et juger que les demandes formées Madame [Y] [J] et Monsieur [C] [S], qui ne rapportent pas la preuve de la réalité et de l’étendue du préjudice dont ils réclament l’indemnisation, sont injustifiées et mal fondées,

– rejeter, en conséquence, l’ensemble des demandes, fins et conclusions formées par [Y] [J] et Monsieur [C] [S] contre la société Naviland Cargo,

– subsidiairement,

– confirmer le jugement du tribunal judiciaire de Toulouse du 7 avril 2022 en ce qu’il a appliqué la clause limitative de responsabilité stipulée dans les conditions générales de vente Naviland Cargo et limité, en conséquence l’indemnité à la charge de Naviland Cargo tant au profit de Madame [Y] [J] et Monsieur [C] [S], qu’aux appelants en garantie, à la somme de 1.400 euros.

– limiter, en conséquence, toute indemnité qui serait ordonnée à l’encontre de la société Naviland Cargo à la somme de 1400 euros et rejeter toutes les autres demandes, fins et conclusions formées à son encontre.

– à titre infiniment subsidiaire :

– limiter toute indemnité qui serait ordonnée à l’encontre de la société Naviland Cargo à la somme de 2000 euros conformément aux dispositions du contrat type commission de transport issu du décret n° 2013-293 du 5 avril 2013 et rejeter toutes les autres demandes, fins et conclusions formées à son encontre,

– en tout état de cause :

– confirmer le jugement du tribunal judiciaire de Toulouse du 7 avril 2022 en ce qu’il a débouté Madame [Y] [J] et Monsieur [C] [S] de leur demande en paiement de la somme de 5.000 euros au titre d’un préjudice moral et de jouissance qui résulterait d’une prétendue tromperie et de 500 euros au titre d’un retard non démontré dans l’exécution du contrat,

– condamner Madame [Y] [J] et Monsieur [C] [S] à verser à la société Naviland Cargo, la somme de 5.000 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens.

La société Naviland Cargo conteste avoir dissimulé à son mandant toute information sur l’effraction survenue dans la nuit du 5 au 6 juin 2019 ; elle rappelle avoir changé le plomb de scellement, et qu’en dépit de ce changement évident, les appelants n’ont adressé une lettre de réclamation que plusieurs semaines après la livraison, sans émettre de réserve à la réception.

En dépit de ses demandes, les appelants n’ont pas produit d’inventaire des objets entreposés dans le container.

Elle s’oppose en conséquence à toute indemnisation des consorts [J] ‘ [S], qui sont défaillants dans l’administration de la preuve de leur préjudice.

Elle conteste également toute tromperie ou dissimulation, et conclut au rejet des demandes indemnitaires de ce chef.

A titre subsidiaire, elle sollicite l’application de ses limites de garanties.

Vu les conclusions en réponse et d’appel incident notifiées le 24 février 2023 auxquelles il est fait expressément référence pour l’énoncé du détail de l’argumentation, de la Sarl Lhn demandant de :

– à titre principal, statuant sur l’appel incident régularisé par la société Lhn,

– infirmer le jugement entrepris en ce qu’il a condamné in solidum les Sociétés Lhn, Msc Sa et Naviland Cargo au paiement aux consorts [S] et [J] de la somme de 2.000 euros en confirmant en revanche la décision entreprise sur le terrain du débouté des consorts [S] et [J] de leur réclamation des sommes de 5.000 euros et 500 euros et statuant à nouveau,

– juger purement et simplement mal-fondée l’intégralité des demandes formées par Madame [Y] [J] et Monsieur [C] [S] pour les en débouter,

– à titre subsidiaire, sur l’appel principal des consorts [J] et [S],

– juger purement et simplement mal-fondé l’appel interjeté par les consorts [J] et [S] du jugement du tribunal judiciaire de Toulouse en date du 7 avril 2022 pour les en débouter et confirmer la décision entreprise en toutes ses dispositions,

– condamner in solidum Madame [Y] [J] et Monsieur [C] [S] au paiement d’une somme de cinq mille euros (5.000 euros) en application de l’article 700 du cpc ainsi qu’aux entiers dépens dont distraction, pour ceux d’appel, au profit de Maître Vincent Robert, associé de la Selarl Desarnauts-Horny Robert-Despierres, avocats aux offres de droit en application de l’article 699 du cpc.

Elle rappelle qu’il incombe aux appelants qui se prévalent d’un préjudice d’en rapporter la preuve, et que dans la mesure où ils sont défaillants, ils ne peuvent qu’être déboutés de leurs demandes.

A titre subsidiaire, elle affirme que le commissionnaire de transport est fondé à exciper des limitations de responsabilité de ses substitués ; elle invoque en tout état de cause la garantie de la compagnie Msc et de la société Naviland Cargo.

MOTIFS

Sur les demandes indemnitaires

Le contrat-type de commission de transport (article 2.2) vient définir le commissionnaire de transport comme « tout prestataire de services qui organise librement et fait exécuter, sous sa responsabilité et en son nom propre, le déplacement des marchandises d’un lieu à un autre selon les modes et les moyens de son choix pour le compte d’un donneur d’ordre »

L’article L1432-7 du code des transports dispose que les contrats de commission de transport sont, quel que soit le mode de transport, soumis aux règles prévues aux articles L. 132-3 à L. 132-9 du code de commerce.

Aux termes de l’article L132-4 du code de commerce, le commissionnaire de transport est garant de l’arrivée des marchandises et effets dans le délai déterminé par la lettre de voiture, hors les cas de la force majeure légalement constatée.

L’article L132-5 de ce même code ajoute qu’il est garant des avaries ou pertes de marchandises et effets, s’il n’y a stipulation contraire dans la lettre de voiture, ou force majeure.

Enfin, selon l’article L132-6, il est garant des faits du commissionnaire intermédiaire auquel il adresse les marchandises.

Le commissionnaire de transport assume donc une double responsabilité, à la fois en tant que garant de la bonne fin de l’opération de transport (responsabilité du fait personnel) et en tant que garant de son substitué (responsabilité du fait d’autrui), qu’il soit transporteur ou également commissionnaire.

Le commissionnaire de transport est tenu d’une obligation de résultat.

La Cour de Cassation a récemment jugé qu’il résulte des articles 13 et 13.2 du contrat type que si le commissionnaire de transport est présumé responsable des dommages résultant du transport, de son organisation et de l’exécution des prestations accessoires et des instructions spécifiques, l’indemnisation du préjudice prouvé, direct et prévisible résultant de sa faute personnelle est, sauf faute intentionnelle ou inexcusable, limitée dans les termes prévus à l’article 13.2.1 du même contrat type.

Il en résulte que le commissionnaire de transport n’engage sa responsabilité pour son fait personnel que lorsque celui-ci est à l’origine des avaries ou pertes de marchandises.

En l’espèce, il n’est pas contesté par les parties que les appelants et la société Lhn étaient liées par un contrat de commission de transport.

Les consorts [J] [S] sollicitent sur le fondement de ce contrat, l’indemnisation de divers préjudices liés à l’effraction intervenue dans le container confié à Lhn.

Ils reprochent également, sur le fondement de la responsabilité délictuelle, aux sociétés Msc et Naviland Cargo, d’avoir dissimulé ladite effraction.

Ils formulent sur ces fondements, des demandes de condamnation in solidum contre les trois sociétés intimées, en réparation de leur préjudice matériel, de leur préjudice moral, et du retard intervenu dans la livraison.

Sur le préjudice matériel

Les appelants sollicitent l’indemnisation de leur préjudice lié au vol, dans leur container, de quatre guitares avec leurs accessoires, et de quatre vélos également avec leurs accessoires, pour un montant total de 23 355,65 euros.

Ils justifient avoir été propriétaires de ces biens, par la production de factures et de photographies.

Pour autant, s’il n’est pas contesté qu’une effraction a bien eu lieu dans le container, les consorts [J] [S] ne font pas la démonstration de la réalité du vol dont ils se prévalent.

Aucun inventaire des biens entreposés dans le container n’a été effectué avant sa remise au transporteur, de sorte qu’il n’est pas fait la preuve du dépôt effectif de ces objets dans le container, ni même de leur état à supposer qu’ils y ont bien été déposés.

La Cour constate par ailleurs qu’aucune photographie permettant de comparer le contenu du container lors de sa fermeture, puis lors de sa réception, n’est versée aux débats.

La seule constatation de l’effraction, non contestée par les intimées, ne suffit pas à démontrer la réalité ni l’étendue du vol dont les appelants se prévalent.

De la même manière, les déclarations constantes des consorts [J] et [S], depuis la réception de leur container jusqu’à la présente procédure, ne suffisent pas à apporter la preuve en justice du vol allégué.

Or, il convient de rappeler qu’en application de l’article 9 du code de procédure civile, il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention.

Il appartient à Madame [J] et Monsieur [S], qui sollicitent l’indemnisation d’objets volés, de démontrer non seulement la réalité du vol, mais également la présence des biens visés dans le container ayant fait l’objet de l’effraction.

Cette preuve n’étant pas rapportée, aucune indemnisation ne peut être allouée de ce chef ; le premier jugement, qui a accordé une indemnité dans la mesure de la clause limitative, sera en conséquence infirmé.

Sur le préjudice moral

Les consorts [J] et [S] reprochent à la société Lhn, commissionnaire de transport, un manquement à son devoir de conseil relatif à la souscription d’une assurance et à l’établissement d’un inventaire des biens entreposés dans le container.

Ils lui reprochent également, ainsi qu’aux sociétés Msc et Naviland Cargo, d’avoir dissimulé l’effraction intervenue dans la nuit du 5 au 6 juin 2019.

Pour ces motifs, ils sollicitent une indemnisation à hauteur de 5 000 euros.

S’agissant du devoir de conseil du commissionnaire de transport, l’article 5.5 du contrat type précise qu’il s’applique notamment à la souscription d’une assurance marchandises, ou d’une déclaration de valeur.

Ce devoir de conseil s’exerce dans son domaine de compétence et s’apprécie en fonction du degré de professionnalisme du donneur d’ordre. Ce devoir s’exerce dans la mesure où le commissionnaire de transport dispose en temps utile des éléments nécessaires à l’organisation du transport.

En l’espèce, les appelants ont chargé eux-mêmes le container le 5 juin 2019 ; par message électronique du lendemain, la société Lhn leur a demandé de lui adresser dans la journée, « l’inventaire détaillé, chiffré, daté et signé » de leurs effets personnels se trouvant dans le container.

Les consorts [J] [S] ne peuvent donc pas valablement affirmer que leur attention n’a pas été attirée sur la nécessité de dresser un inventaire, rien ne faisant obstacle à la rédaction d’un tel document a posteriori.

En tout état de cause, la réalisation d’un inventaire lors du dépôt d’objets de valeur relève de la prudence élémentaire dont doit faire preuve tout consommateur même non éclairé ; les appelants ont d’ailleurs su faire preuve d’une telle prudence en prenant une photographie du scellé apposé sur le container lors de son départ, et lors de sa réception.

Par ailleurs, les appelants ont interrogé le commissionnaire de transport par courrier électronique du 15 décembre 2018 sur la question de l’assurance des biens contenus dans le container ; une réponse leur a été apportée le jour même, précisant que l’assurance était facultative et qu’elle ne couvrirait pas les éventuels dommages dans la mesure où les consorts [J] et [S] allaient charger et décharger eux-mêmes leurs biens dans le container.

Les appelants n’ont pas sollicité plus d’informations quant au coût de cette assurance facultative.

A défaut d’inventaire, il est en tout état de cause vain d’analyser le défaut de souscription d’une assurance, comme une perte de chance, aucune indemnité d’assurance n’étant susceptible d’être perçue sans preuve du vol. 

S’agissant de la dissimulation du vol invoquée par Madame [J] et Monsieur [S], la Cour constate que les appelants ne produisent aucun élément permettant de retenir que les sociétés Lhn et Msc ont été informées de l’effraction constatée sur le container dans la nuit du 5 au 6 juin 2019.

Au contraire, les éléments versés aux débats démontrent que Msc n’a été avisée de la difficulté par Naviland, que par courrier électronique du 15 octobre 2019 ; Naviland a admis dans ce message que la société Msc aurait dû être contactée à ce sujet.

Les appelants eux-mêmes ont reçu cette information dans un courrier du mois de décembre 2019, et il n’est pas démontré une information préalable de la société Lhn.

Les consorts [J] [S] ne sont donc pas fondés à reprocher une dissimulation aux sociétés Msc et Lhn.

Il est en revanche incontestable que la société Naviland Cargo a été défaillante, en ne délivrant pas l’information relative à l’effraction à son co-contractant, ou même aux appelants lorsqu’ils l’ont directement sollicitée.

Pour autant, la teneur du message électronique du 15 octobre 2019 dans lequel Naviland informe Msc, tend à démontrer que cette défaillance résulte plus d’une erreur que d’une volonté de dissimulation.

Le premier juge a justement relevé qu’après l’effraction, la société Naviland a apposé un scellé de couleur différente, comportant un numéro différent ; il était donc évident que l’ouverture du container ne resterait pas dissimulée.

Les appelants ne rapportent donc pas la preuve des comportements fautifs ni des manquements contractuels dont ils demandent réparation ; c’est donc à bon droit que le premier juge les a déboutés de leur demande en réparation du préjudice moral, et cette décision sera confirmée.

Sur le retard de livraison

Les appelants se plaignent d’un retard de livraison du container, qui avait initialement été annoncée pour le 21 juin 2019, et qui est finalement intervenue le 12 juillet 2019 ; ils sollicitent l’indemnisation de leur préjudice à hauteur de 500 euros.

La Cour constate toutefois que Madame [J] et Monsieur [S] ne versent aux débats aucun document contractuel établissant un délai ou une date butoir de livraison.

Ils fondent leurs demandes sur des échanges de message électronique des 16 et 17 mai 2019, dans lesquels les appelants attirent l’attention de la société Lhn sur la nécessité de prévenir le transporteur canadien de la date d’arrivée du container.

D’une part, ces messages démontrent qu’aucune date précise n’avait été préalablement convenue pour la livraison. 

D’autre part, la réponse de la société Lhn est conditionnelle dans la mesure où elle indique que le navire est prévu « vers le 12 juin » et que le transporteur peut donc prévoir l’arrivée du container « vers le 21 juin » ; la société Lhn ajoute que les informations seront délivrées en temps utile.

Ce message ne contient aucun engagement ferme de la société Lhn sur une date de livraison, mais simplement un prévisionnel.

Ultérieurement interrogée par Madame [J], la société Lhn a indiqué par courrier électronique du 18 juin 2019, que le départ du navire était prévu pour le 21 juin, et que son arrivée au Canada se ferait « vers le 10 juillet ».

Il est finalement arrivé le 12 juillet 2019.

Dans ces conditions, les appelants ne rapportent pas la preuve du non-respect d’un engagement par Lhn sur la date de livraison du container ; la Cour confirmera le chef de jugement les ayant déboutés de leur demande de ce chef.

Sur les demandes accessoires

Madame [J] et Monsieur [S], qui succombent, seront condamnés aux entiers dépens d’appel ; pour ces mêmes motifs, le premier jugement sera infirmé de ce chef et les consorts [J] [S] seront condamnés aux dépens de première instance.

Les dépens seront recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

En l’état de la présente décision, la Cour infirmera les dispositions du premier jugement condamnant les sociétés Lhn, Msc et Naviland Cargo au paiement de frais irrépétibles en application de l’article 700 du code de procédure civile, l’équité ne commandant pas de faire application de ces dispositions, tant en première instance qu’en cause d’appel.

Dès lors, les parties seront déboutées de leurs demandes formées au titre de l’article 700 du code de procédure civile, s’agissant des frais irrépétibles tant de première instance que d’appel.

PAR CES MOTIFS

La Cour statuant dans les limites de sa saisine, en dernier ressort, de manière contradictoire, par mise à disposition au greffe,

Infirme le jugement déféré, sauf en ce qu’il a débouté Madame [Y] [J] et Monsieur [C] [S] de leur demande d’indemnisation au titre du retard de livraison (500 euros) et du préjudice moral (5 000 euros) ;

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Déboute Madame [Y] [J] et Monsieur [C] [S] de leur demande d’indemnisation de leur préjudice matériel ;

Déboute Madame [Y] [J], Monsieur [C] [S], la Sa Msc Mediterranean Shipping Company, la Sas Msc France ‘ Mediterranean Shipping Company France, la Sarl Lhn et la Sas Naviland Cargo de leurs demandes formées en application de l’article 700 du code de procédure civile, au titre des frais irrépétibles de première instance et d’appel ;

Condamne in solidum Madame [Y] [J] et Monsieur [C] [S] aux entiers dépens de première instance et d’appel, qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile ;

Le Greffier La Présidente

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