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Responsabilité du propriétaireLa responsabilité du propriétaire d’un bâtiment est régie par l’article 1244 du Code civil, qui stipule que le propriétaire est responsable des dommages causés par la ruine de son bâtiment lorsque celle-ci est due à un défaut d’entretien ou à un vice de construction. Cette responsabilité est engagée même en l’absence de faute prouvée, dès lors que la ruine a causé un dommage à autrui. Obligation d’entretienL’article 544 du Code civil établit que la propriété confère à son titulaire le droit de jouir et de disposer des choses de manière absolue, sous réserve de ne pas en faire un usage prohibé par la loi ou les règlements. Cela implique une obligation d’entretien pour éviter que la propriété ne cause des dommages à autrui, comme le stipule l’article 1241 du même code, qui impose à chacun d’être responsable des dommages causés par sa négligence ou imprudence. Principe du contradictoire en matière d’expertiseLe principe du contradictoire est énoncé à l’article 16 du Code de procédure civile, qui impose au juge de veiller à ce que les parties puissent débattre contradictoirement des éléments de preuve. L’article 276 du même code précise que l’expert doit prendre en compte les observations des parties, et que l’absence de cette formalité peut entraîner la nullité de l’expertise, à condition que la partie qui l’invoque prouve le grief causé par cette irrégularité. Réparation intégrale des préjudicesLe principe de la réparation intégrale des préjudices est fondamental en droit civil, stipulant que la victime doit être replacée dans une situation aussi proche que possible de celle dans laquelle elle se serait trouvée si le dommage ne s’était pas produit. Ce principe est souvent appliqué dans les cas d’effondrement de bâtiments, où les dommages matériels et immatériels doivent être intégralement réparés. Indemnisation des préjudices matérielsL’indemnisation des préjudices matériels est encadrée par le Code civil, notamment par l’article 9 du Code de procédure civile, qui impose à la partie qui réclame une indemnisation de prouver l’existence et l’ampleur de son préjudice. Cela inclut les dommages causés aux biens mobiliers et immobiliers, ainsi que les frais de remise en état. Préjudice moralLe préjudice moral, résultant de la souffrance ou de l’angoisse causée par un événement dommageable, peut être indemnisé sur la base de l’article 1240 du Code civil, qui permet d’obtenir réparation pour tout dommage causé par un fait personnel. La quantification de ce préjudice est laissée à l’appréciation des juges, qui doivent tenir compte des circonstances de l’affaire. Frais de justice et article 700 du Code de procédure civileL’article 700 du Code de procédure civile permet au juge d’allouer une somme à titre de frais irrépétibles, c’est-à-dire les frais engagés par une partie pour la défense de ses droits, qui ne peuvent pas être récupérés. Cette disposition vise à garantir l’accès à la justice et à compenser les frais engagés par la partie qui a obtenu gain de cause. |
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L’Essentiel : La responsabilité du propriétaire d’un bâtiment est engagée en cas de ruine due à un défaut d’entretien ou à un vice de construction, même sans faute prouvée. L’obligation d’entretien vise à éviter des dommages à autrui. Le principe du contradictoire en matière d’expertise impose que les parties puissent débattre des éléments de preuve, et l’absence de cette formalité peut entraîner la nullité de l’expertise. La réparation intégrale des préjudices doit replacer la victime dans sa situation antérieure.
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Résumé de l’affaire : Dans la nuit du 13 au 14 décembre 2014, un corps de ferme, propriété en indivision d’un groupe de propriétaires, s’est effondré, entraînant des conséquences graves pour la maison mitoyenne d’une victime. Suite à cet incident, des arrêtés d’interdiction temporaire d’habitation ont été émis pour les deux propriétés, et un rapport d’expertise a révélé un péril imminent d’éboulement du mur mitoyen. En janvier 2015, un arrêté de péril a été pris, et une évaluation des travaux nécessaires a été réalisée, s’élevant à 48 183,30 euros.
Les propriétaires du corps de ferme ont démoli l’ensemble des bâtiments sur leur parcelle. En octobre 2015, un juge a ordonné une expertise judiciaire pour déterminer les responsabilités et chiffrer les réparations. En septembre 2016, la cour d’appel a condamné les propriétaires à verser une provision à la victime. Un rapport d’expertise judiciaire a été rendu en septembre 2019, confirmant la responsabilité des propriétaires dans l’effondrement. En juillet 2022, la victime a assigné les propriétaires en justice pour obtenir réparation de son préjudice. Le tribunal a reconnu leur responsabilité et a condamné les propriétaires à verser des indemnités pour les dommages causés à la maison de la victime, ainsi qu’un préjudice moral. En novembre 2023, le tribunal a statué sur les demandes des parties, mais la victime a interjeté appel concernant certaines condamnations. Les propriétaires ont également contesté le jugement, demandant l’infirmation de la décision sur la nullité de l’expertise et la responsabilité. En janvier 2025, la cour a examiné les demandes des deux parties, confirmant certaines décisions tout en infirmant d’autres, notamment en ce qui concerne l’indemnisation des préjudices matériels et moraux. La cour a finalement condamné les propriétaires à verser des sommes supplémentaires à la victime pour les préjudices subis. |
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Q/R juridiques soulevées :
Quel est le fondement juridique de la responsabilité des propriétaires en cas d’effondrement d’un bâtiment ?La responsabilité des propriétaires en cas d’effondrement d’un bâtiment est principalement régie par les articles 1241 et 1244 du Code civil. L’article 1241 stipule que « chacun est responsable du dommage qu’il a causé non seulement par son fait mais encore par sa négligence ou par son imprudence ». Cela signifie que les propriétaires peuvent être tenus responsables des dommages causés par leur négligence dans l’entretien de leur bien. L’article 1244 précise que « le propriétaire d’un bâtiment est responsable du dommage causé par sa ruine lorsqu’elle est arrivée par suite du défaut d’entretien ou par le vice de sa construction ». Ainsi, si un bâtiment s’effondre en raison d’un manque d’entretien, le propriétaire peut être tenu de réparer les dommages causés à des tiers. Dans le cas présent, les propriétaires ont été jugés responsables de l’effondrement de leur bâtiment en raison de leur négligence dans l’entretien, ce qui a causé des dommages à l’immeuble voisin. Quel est le rôle de l’expert judiciaire dans l’évaluation des dommages ?L’expert judiciaire joue un rôle crucial dans l’évaluation des dommages, comme le stipule l’article 246 du Code de procédure civile, qui indique que « le juge n’est pas lié par les constatations et les conclusions du technicien, étant libre d’en apprécier souverainement leur objectivité, leur valeur et leur portée ». L’expert doit prendre en compte les observations des parties, conformément à l’article 276, qui précise que « l’inobservation de cette formalité ayant un caractère substantiel n’entraîne la nullité de l’expertise qu’à charge pour la partie qui l’invoque de prouver le grief que lui cause cette irrégularité ». Dans cette affaire, l’expert a été chargé d’évaluer les responsabilités et les coûts des réparations nécessaires suite à l’effondrement. Son rapport a été contesté par les propriétaires, qui ont allégué des manquements dans la procédure d’expertise, notamment en ce qui concerne le respect du principe du contradictoire. Quel est le principe de la réparation intégrale des préjudices ?Le principe de la réparation intégrale des préjudices est fondamental en droit civil. Il stipule que la victime doit être replacée dans une situation aussi proche que possible de celle qui aurait été la sienne si le fait dommageable ne s’était pas produit. Ce principe est implicite dans l’ensemble des décisions judiciaires concernant les dommages. Dans cette affaire, le tribunal a dû évaluer les préjudices subis par la victime, notamment les dommages matériels et le préjudice de jouissance. La réparation doit couvrir non seulement les dommages matériels, mais aussi les pertes de jouissance et les préjudices moraux. L’article 9 du Code de procédure civile impose à la partie qui réclame une indemnisation de prouver l’existence et l’ampleur de son préjudice. Dans ce cas, la victime a dû justifier ses demandes d’indemnisation pour les dommages subis à la suite de l’effondrement. Quel est le cadre juridique des frais d’expertise et des dépens ?Les frais d’expertise et les dépens sont régis par l’article 700 du Code de procédure civile, qui prévoit que « le juge peut condamner la partie perdante à payer à l’autre partie une somme au titre des frais irrépétibles ». Cela inclut les frais d’expertise, qui peuvent être à la charge de la partie perdante. Dans cette affaire, les propriétaires ont été condamnés à payer les frais d’expertise judiciaire ainsi que les dépens, ce qui est conforme à la pratique judiciaire. Le tribunal a également pris en compte l’équité dans l’application de l’article 700, en condamnant les propriétaires à verser une somme supplémentaire pour couvrir les frais d’appel. Il est important de noter que les frais d’expertise doivent être justifiés et proportionnés aux enjeux du litige, ce qui a été évalué par le tribunal dans le cadre de cette affaire. |
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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COUR D’APPEL DE NANCY
DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE
ARRÊT N° /25 DU 20 MARS 2025
Numéro d’inscription au répertoire général :
N° RG 24/00186 – N° Portalis DBVR-V-B7I-FJYM
Décision déférée à la Cour :
Jugement du tribunal judiciaire de VERDUN, R.G. n° 22/00512, en date du 17 novembre 2023,
APPELANTE :
Madame [E] [Y] divorcée [A]
née le [Date naissance 4] 1963 à [Localité 14] (55), domiciliée [Adresse 7]
Représentée par Me Valérie BACH-WASSERMANN, avocat au barreau de NANCY et plaidant par Me Isabelle LOREAUX, avocat au barreau de CHÂLONS-EN-CHAMPAGNE
INTIMÉS :
Madame [T] [I] née [V]
née le [Date naissance 1] 1971 à [Localité 14], domiciliée [Adresse 6]
Représentée par Me Clarisse MOUTON de la SELARL LEINSTER, WISNIEWSKI, MOUTON, avocat au barreau de NANCY et plaidant par Me Rémi CORNEUX, avocat au barreau de METZ
Madame [W] [V]
née le [Date naissance 3] 1957 à [Localité 14], domiciliée [Adresse 11]
Représentée par Me Clarisse MOUTON de la SELARL LEINSTER, WISNIEWSKI, MOUTON, avocat au barreau de NANCY et plaidant par Me Rémi CORNEUX, avocat au barreau de METZ
Monsieur [Z] [V]
né le [Date naissance 2] 1955 à [Localité 14], domicilié [Adresse 5]
Représenté par Me Clarisse MOUTON de la SELARL LEINSTER, WISNIEWSKI, MOUTON, avocat au barreau de NANCY et plaidant par Me Rémi CORNEUX, avocat au barreau de METZ
COMPOSITION DE LA COUR :
L’affaire a été débattue le 27 Février 2025, en audience publique devant la cour composée de :
Monsieur Francis MARTIN, président de chambre,
Madame Nathalie ABEL, conseillère, chargée du rapport
Madame Fabienne GIRARDOT, conseillère,
qui en ont délibéré ;
Greffier, lors des débats : Monsieur Ali Adjal;
A l’issue des débats, le président a annoncé que la décision serait rendue par mise à disposition au greffe le 20 Mars 2025, en application du deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile ;
ARRÊT : contradictoire, rendu par mise à disposition publique au greffe le 20 Mars 2025, par Madame Christelle CLABAUX- DUWIQUET, greffier, conformément à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;
signé par Monsieur Francis MARTIN, président de chambre, et par Madame Christelle CLABAUX- DUWIQUET, greffier ;
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Copie exécutoire délivrée le à
Copie délivrée le à
EXPOSE DU LITIGE
Dans la nuit du 13 au 14 décembre 2014, le corps de ferme appartenant en indivision à M. [Z] [V], Mme [W] [V] et Mme [T] [V] épouse [I] situé au [Adresse 9] à [Localité 12] et mitoyen à l’immeuble voisin appartenant à Mme [E] [Y] divorcée [A], situé au [Adresse 13] de cette rue, s’est effondré.
Deux arrêtés d’interdiction temporaire d’habitation pour les immeubles des [Adresse 8] ont été pris dans l’attente du rapport d’expertise sollicité par ordonnance rendue le 17 décembre 2014 par le tribunal administratif de Nancy. Un rapport d’expertise a été rendu par M. [K] [O] le 22 décembre 2014 et a conclu à un péril imminent d’éboulement du mur mitoyen.
Un arrêté de péril imminent a été pris à l’encontre des deux propriétés le 9 janvier 2015.
Un rapport de diagnostic a été établi le 2 février 2015 par l’intermédiaire de la compagnie d’assurance GMF qui assure l’immeuble de Mme [Y], avec préconisation de travaux à entreprendre suite à l’effondrement des immeubles pour un montant de 48 183,30 euros.
L’indivision [V] a fait démolir la totalité des bâtiments situés sur la parcelle au [Adresse 9].
Par ordonnance du 12 octobre 2015, le juge des référés de [Localité 14] a ordonné une expertise judiciaire et commis M. [J] [S] aux fins de déterminer les responsabilités respectives et de chiffrer le coût des réparations pour remettre en état l’ouvrage. La cour d’appel de Nancy a, par arrêt du 19 septembre 2016, infirmé l’ordonnance entreprise au niveau de la provision et condamné les consorts [V] à verser à Mme [Y] la somme de 48 183,30 euros au titre de cette provision.
Un rapport d’expertise judiciaire a été rendu le 10 septembre 2019 par M. [S].
Par ordonnance du 28 mai 2020, le président du tribunal judiciaire de Verdun a rejeté la demande de complément d’expertise et rejeté la demande de médiation.
Mme [Y] a assigné les consorts [V] devant le tribunal judiciaire de Verdun par actes des 8, 11 et 22 juillet 2022 aux fins d’obtenir leur condamnation à réparer le préjudice subi dans le cadre de l’effondrement de leur corps de ferme sur sa maison d’habitation.
Par jugement du 17 novembre 2023, le tribunal judiciaire de Verdun a :
– rejeté la demande de nullité du rapport d’expertise judiciaire de M. [S],
– déclaré M. [Z] [V], Mme [W] [V] et Mme [T] [V] épouse [I] responsables des préjudices subis par Mme [Y] découlant de l’effondrement dans la nuit du 13 au 14 décembre 2014 de l’immeuble dont ils sont propriétaires sis [Adresse 9] à [Localité 12],
– condamné M. [Z] [V], Mme [W] [V] et Mme [T] [V] épouse [I] à payer à Mme [Y] la somme de 60 261,63 euros TTC au titre du préjudice de réparation du bien immobilier sis [Adresse 10] à [Localité 12],
– condamné M. [Z] [V], Mme [W] [V] et Mme [T] [V] épouse [I] à payer à Mme [Y] la somme de 5 000 euros au titre de son préjudice moral,
– rejeté les autres demandes des parties,
– condamné M. [Z] [V], Mme [W] [V] et Mme [T] [V] épouse [I] à payer à Mme [Y] la somme de 10 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et rejeté leurs demandes sur ce fondement,
– condamné M. [Z] [V], Mme [W] [V] et Mme [T] [V] épouse [I] aux dépens qui comprendront les frais de l’expertise judiciaire diligentée par ordonnance de référé du 12 octobre 2015 et rejeté leurs demandes au titre des dépens,
– dit n’y avoir lieu à déroger à l’exécution provisoire de droit du présent jugement.
Par déclaration enregistrée le 30 janvier 2024, Mme [Y] a interjeté appel du jugement précité, en ce qu’il a condamné M. [Z] [V], Mme [W] [V] et Mme [T] [V] épouse [I] à lui payer la somme de 60 261,63 euros TTC au titre du préjudice de réparation du bien immobilier sis [Adresse 10] à [Localité 12], ainsi que la somme de 5 000 euros au titre de son préjudice moral, en ce qu’il a rejeté ses autres demandes, condamné M. [Z] [V], Mme [W] [V] et Mme [T] [V] épouse [I] à lui payer la somme de 10 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens qui comprendront les frais de l’expertise judiciaire diligentée par ordonnance de référé du 12 octobre 2015.
Par conclusions déposées le 27 janvier 2025, Mme [Y] demande à la cour de :
– confirmer le jugement en ce qu’il a :
– rejeté la demande de nullité du rapport d’expertise judiciaire de M. [J] [S],
– déclaré M. [Z] [V], Mme [W] [V] et Mme [T] [V] épouse [I] responsables des préjudices subis par Mme [Y] découlant de l’effondrement dans la nuit du 13 au 14 décembre 2014 de l’immeuble dont ils son propriétaires sis [Adresse 9] à [Localité 12],
– condamné M. [Z] [V], Mme [W] [V] et Mme [T] [V] épouse [I] à payer à Mme [Y] la somme de 10 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et rejeté leurs demandes sur ce fondement,
– condamné M. [Z] [V], Mme [W] [V] et Mme [T] [V] épouse [I] aux dépens qui comprendront les frais de l’expertise judiciaire diligentée par ordonnance de référé du 12 octobre 2015 et rejeté leurs demandes au titre des dépens,
– infirmer le jugement en ce qu’il a :
– condamné M. [Z] [V], Mme [W] [V] et Mme [T] [V] épouse [I] à payer à Mme [Y] la somme de 60 261,63 euros TTC au titre du préjudice de réparation du bien immobilier sis [Adresse 10] à [Localité 12],
– condamné M. [Z] [V], Mme [W] [V] et Mme [T] [V] épouse [I] à payer à Mme [E] [Y] la somme de 5 000 euros au titre de son préjudice moral,
– rejeté les autres demandes des parties,
Statuant à nouveau,
– condamner M. [Z] [V], Mme [W] [V] et Mme [T] [V] épouse [I] à payer à Mme [Y] la somme de 181 356,77 euros au titre du préjudice de réparation du bien immobilier sis [Adresse 10] à [Localité 12],
– condamner M. [Z] [V], Mme [W] [V] et Mme [T] [V] épouse [I] à payer à Mme [Y] la somme de 62 600 euros au titre du préjudice de remplacement de l’ensemble du mobilier et effets personnels ainsi que 3 000 euros au titre des déblais,
– condamner M. [Z] [V], Mme [W] [V] et Mme [T] [V] épouse [I] à payer à Mme [Y] la somme de 56 500,61 euros au titre du préjudice de jouissance depuis janvier 2015 jusqu’à avril 2024, y ajouter une somme mensuelle de 538 euros à compter de mai 2024 jusqu’à la levée de l’arrêté de péril,
– condamner M. [Z] [V], Mme [W] [V] et Mme [T] [V] épouse [I] à payer à Mme [Y] la somme de 10 000 euros à titre de préjudice moral,
– condamner M. [Z] [V], Mme [W] [V] et Mme [T] [V] épouse [I] à payer à Mme [Y] la somme de 5 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens,
– condamner M. [Z] [V], Mme [W] [V] et Mme [T] [V] épouse [I] aux entiers dépens d’appel,
– débouter M. [Z] [V], Mme [W] [V] et Mme [T] [V] épouse [I] de l’ensemble de leurs demandes.
Par conclusions déposées le 3 février 2025, M. [Z] [V], Mme [W] [V] et Mme [T] [V] épouse [I] demandent à la cour de :
– infirmer le jugement en ce qu’il a rejeté la demande de nullité du rapport d’expertise judiciaire de M. [S],
Statuant à nouveau,
– prononcer la nullité du rapport d’expertise judiciaire de M. [S],
En conséquence,
– débouter Mme [Y] de l’ensemble de ses prétentions, fins, moyens et conclusions à l’encontre de M. [Z] [V], Mme [W] [V] et Mme [T] [I] née [V],
À titre subsidiaire,
– infirmer le jugement en ce qu’il a :
– déclaré M. [Z] [V], Mme [W] [V] et Mme [T] [V] épouse [I] responsables des préjudices subis par Mme [Y] découlant de l’effondrement dans la nuit du 13 au 14 décembre 2014 de l’immeuble dont ils sont propriétaires sis [Adresse 9] à [Localité 12],
– condamné M. [Z] [V], Mme [W] [V] et Mme [T] [V] épouse [I] à payer à Mme [Y] la somme de 60 261,63 euros TTC au titre du préjudice de réparation du bien immobilier sis [Adresse 10] à [Localité 12],
Statuant à nouveau,
– débouter Mme [Y] de l’ensemble de ses prétentions, fins, moyens et conclusions à l’encontre de M. [Z] [V], Mme [W] [V] et Mme [T] [I] née [V],
À défaut,
– limiter la condamnation à la charge de M. [Z] [V], Mme [W] [V] et Mme [T] [I] née [V] à la somme de 37 675,00 euros conformément au rapport de M. [L],
– débouter Mme [Y] pour le surplus et en tout état de cause,
– débouter Mme [Y] de sa demande de condamnation à la somme de 181 356,77 euros au titre des travaux de réfection du mur mitoyen (intitulée dans ses écritures « préjudices matériels immobiliers »),
En tout état de cause,
– confirmer le jugement en ce qu’il a :
– débouté Mme [Y] de sa demande de condamnation au paiement de la somme de 62 600 euros outre la somme de 3 000 euros au titre du remplacement de ses biens meublants et de leur mise au rebut,
– débouté Mme [Y] de ses demandes au titre de son préjudice de jouissance depuis janvier 2015 pour être irrecevables et en tout cas infondées,
– débouter Mme [Y] de l’ensemble de ses prétentions, fins, moyens et conclusions à l’encontre de M. [Z] [V], Mme [W] [V] et Mme [T] [I] née [V],
En outre,
– infirmer le jugement en ce qu’il a :
– condamné M. [Z] [V], Mme [W] [V] et Mme [T] [V] épouse [I] à payer à Mme [Y] la somme de 5 000,00 euros au titre de son préjudice moral,
– débouté M. [Z] [V], Mme [W] [V] et Mme [T] [V] épouse [I] de leur demande de remboursement du trop-perçu,
Statuant à nouveau,
– débouter Mme [Y] de sa demande de condamnation au titre de son préjudice moral,
– condamner Mme [Y] à payer M. [Z] [V], Mme [W] [V] et Mme [T] [I] née [V] la somme de 68 513,39 €euros au titre des provisions payées par eux, avec intérêts au taux légal à compter de la demande,
Dans l’éventualité d’une condamnation des consorts [V],
– déduire de la condamnation de M. [Z] [V], Mme [W] [V] et Mme [T] [I] née [V] la somme de 68 513,39 euros perçue à titre provisionnel par Mme [Y],
– condamner Mme [Y] à payer à M. [Z] [V], Mme [W] [V] et Mme [T] [I] née [V] le trop-perçu résultant la différence entre les condamnations mises à la charge de de M. [Z] [V], Mme [W] [V] et Mme [T] [I] née [V] et les provisions perçues par eux,
Si la cour de céans estime ne pas disposer des éléments lui permettant de statuer,
– infirmer le jugement en ce qu’il a rejeté la demande de contre-expertise,
Statuant à nouveau,
– ordonner une contre-expertise judiciaire avec tel expert qu’il lui plaira de désigner avec pour mission :
– se rendre sur place [Adresse 8] à [Localité 12] après y avoir convoqué les parties ; y faire toutes constatations utiles sur l’existence des troubles allégués par la partie appelante dans l’assignation et éventuellement dans ses conclusions, et prendre connaissance des rapports d’expertise de M. [S] et de M. [L],
– établir un historique succinct des éléments du litige,
– dresser la liste des intervenants concernés par ce ou ces troubles,
– dresser l’inventaire des pièces utiles à l’instruction du litige,
– énumérer les polices d’assurances souscrites par chacun des intervenants,
– prendre connaissance de tous documents (contractuels ou/et techniques), tels que plans, devis, marchés et autres ; entendre tous sachants,
– examiner les troubles allégués par la partie appelante dans l’assignation ou ses conclusions ultérieures en produisant des photographies,
– en indiquer la nature, l’importance trouble par trouble,
– préciser l’origine de chaque trouble,
– rechercher la date d’apparition des troubles,
– préconiser dans « une note aux parties » intermédiaire les solutions à y apporter et les travaux nécessaires pour y remédier trouble par trouble,
– laisser un délai de deux mois aux parties pour produire des devis en leur rappelant que c’est à elles qu’il incombe d’y procéder,
– au vu des devis que lui présenteront les parties et qu’il vérifiera, évaluer les travaux trouble par trouble et leur durée,
– évaluer les moins-values résultant des troubles non réparables,
– évaluer les préjudices de toute nature résultant des troubles, notamment le préjudice de jouissance subi ou pouvant résulter des travaux de remise en état,
– plus généralement, de fournir tous éléments techniques ou de fait de nature à permettre le cas échéant à la juridiction compétente sur le fond du litige de déterminer les responsabilités éventuelles encourues,
– répondre aux dires des parties de manière complète, circonstanciée et si nécessaire, documentée en rappelant de façon précise les normes ou documents contractuels non respectés et en cas de désaccord sur leur existence ou leur contenu en annexant à son rapport les extraits concernés par ces normes ou documents.
– inviter les parties à transmettre à l’expert, dans un délai de deux mois à compter de la présente ordonnance : leurs écritures (assignation et conclusions), leurs pièces numérotées et accompagnées d’un bordereau (pièces contractuelles [contrats, conditions particulières et générales, avenants, plans, ‘], devis, factures, procès-verbaux de réception, attestations d’assurance [«dommages ouvrage», «décennale», responsabilité civile’], éventuels constats d’huissier, rapports d’expertise privé…),
– inviter l’expert à suivre les prescriptions ci-après :
– compte-rendu de première visite :
– lors de la première visite sur les lieux, l’expert aura pour mission :
– d’établir une feuille de présence en invitant les parties à se prononcer sur leur accord quant à une communication électronique,
– d’apprécier de manière globale la nature et le type des troubles,
– d’établir la liste exhaustive des réclamations des parties,
– d’établir la liste des intervenants pouvant être concernés par le litige,
– d’énumérer les polices d’assurance souscrites par chacun des intervenants et de solliciter celles qui font défaut,
– de dresser l’inventaire des pièces utiles à l’instruction du litige en invitant les parties à lui transmettre les documents manquants,
– d’établir une chronologie succincte des faits comprenant, si possible, la date d’apparition des troubles,
– de fixer la durée prévisible de l’expertise en précisant, si possible, des investigations particulières doivent être menées et s’il doit être fait appel aux compétences de sapiteur ou de
technicien associés,
– d’évaluer le coût prévisionnel de la mesure d’expertise,
– d’apprécier, s’il y a lieu, l’urgence des travaux conservatoires,
– et du tout, de dresser un compte-rendu de première visite qu’il adressera aux parties et déposera au greffe du service du contrôle des expertises du tribunal dans le délai d’un mois à compter de la première réunion,
– en cas de travaux urgents :
– si des travaux doivent être entrepris d’urgence soit pour empêcher l’aggravation des désordres et du préjudice qui en résulte, soit pour prévenir les dommages aux personnes et aux biens, à la demande d’une partie ou en cas de litige sur les travaux de sauvegarde, décrire ces travaux et en faire une évaluation sommaire dans un rapport intermédiaire qui devra être déposé aussitôt que possible,
– pré-rapport et rapport :
– l’expert déposera au greffe et adressera aux parties un pré-rapport comprenant son avis motivé sur l’ensemble des chefs de sa mission dans un délai de huit mois à compter du jour de sa saisine (sauf à solliciter un délai complémentaire auprès du Juge chargé du contrôle de l’expertise),
– il laissera aux parties un délai minimum de un mois à compter du dépôt de son pré-rapport pour leur permettre de faire valoir leurs observations par voie de dire,
– de toutes ses observations et constations, l’expert dressera enfin un rapport en un exemplaire « papier » qu’il déposera au greffe accompagné d’un CD comprenant d’un part, le rapport définitif, de seconde part, l’ensemble des annexes (convocation à expertise, notes aux parties, pré-rapport d’expertise, dires des parties, pièces des parties) et adressera aux parties un exemplaire du rapport définitif (en cas d’accord des parties sous format CD et à défaut, d’accord des parties, sous format « papier »), l’exemplaire destiné aux conseils étant un CD comprenant le rapport et les annexes,
– rappeler que, pour l’accomplissement de cette mission, l’expert aura la faculté :
– de se faire communiquer ou remettre tous documents et pièces, y compris par des tiers, sauf à en référer au magistrat chargé de suivre les opérations d’expertise, en cas de difficultés, d’entendre tous sachants qu’il estimera utiles,
– en cas de besoin et conformément aux dispositions des articles 278 et 282 du code de procédure civile, de recueillir l’avis d’un autre technicien dans une spécialité distincte de la sienne,
– d’apporter son aide technique aux parties, pour la conclusion d’une transaction,
– ordonner le sursis à statuer dans l’attente du rapport d’expertise judiciaire,
Pour le reste et en tout état de cause,
– infirmer le jugement en ce qu’il a condamné M. [Z] [V], Mme [W] [V] et Mme [T] [V] épouse ont été condamnés à payer à Mme [Y] la somme de 10 000,00 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile au titre des frais de première instance, outre aux frais et dépens de l’instance dont les frais d’expertise judiciaire.
Statuant à nouveau,
– condamner Mme [Y] à payer à M. [Z] [V], Mme [W] [V] et Mme [T] [I] née [V] la somme de 1 000,00 euros au titre des frais d’expertise de M. [L],
– condamner Mme [Y] à payer à M. [Z] [V], Mme [W] [V] et Mme [T] [I] née [V] la somme de 12 000,00 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile au titre des frais de première instance,
– condamner Mme [Y] aux frais et dépens de l’instance de première instance dont les frais d’expertise judiciaire de M. [S],
Par ailleurs,
– débouter Mme [Y] de l’ensemble de ses prétentions, fins, moyens et conclusions,
– condamner Mme [Y] à payer à M. [Z] [V], Mme [W] [V] et Mme [T] [I] née [V] la somme de 8 000,00 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile au titre des frais d’appel,
– condamner Mme [Y] aux entiers frais et dépens de la procédure d’appel.
Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, la cour renvoie expressément à leurs conclusions visées ci-dessus, conformément à l’article 455 du code de procédure civile.
L’ordonnance de clôture a été rendue le 5 février 2025.
Sur la nullité de l’expertise
Le premier juge a rejeté la demande des consorts [V] sollicitant, à titre reconventionnel, l’annulation de l’expertise judiciaire au motif qu’ils n’alléguaient ni ne justifiaient de griefs découlant des manquements de l’expert judiciaire dans la conduite de son expertise.
Les consorts [V] sollicitent l’infirmation du jugement de ce chef en faisant valoir que l’expert judiciaire a méconnu le principe du contradictoire en retenant dans son rapport définitif une solution différente de celle qu’il avait préconisée dans son pré-rapport, après avoir de surcroît consulté, sans en avertir les parties, l’architecte des bâtiments de France. Ils lui reprochent également d’avoir contacté lui-même une entreprise aux fins d’établissement d’un devis. Ils prétendent que la violation du principe du contradictoire s’analyserait en un vice de fond sanctionné par la nullité sans qu’il ne soit nécessaire de prouver l’existence d’un grief.
L’article 16 du code de procédure civile prévoit que le juge doit, en toutes circonstances, observer et faire observer le principe de la contradiction. Il ne peut retenir dans sa décision les moyens, les explications et des documents invoqués ou produits par les parties que si celles-ci ont été à même d’en débattre contradictoirement.
Aux termes de l’article 276 du même code, l’expert doit prendre en considération les observations des parties, l’inobservation de cette formalité ayant un caractère substantiel n’entraînant la nullité de l’expertise qu’à charge pour la partie qui l’invoque de prouver le grief que lui cause cette irrégularité.
Il ressort en outre de l’article 246 du code de procédure civile que le juge n’est pas lié par les constatations et les conclusions du technicien, étant libre d’en apprécier souverainement leur objectivité, leur valeur et leur portée.
En l’espèce, le rapport d’expertise définitif mentionne un devis d’une entreprise Palazzo sollicitée par l’expert judiciaire postérieurement au dépôt de son pré-rapport et de surcroît non-soumis aux parties.
En outre, l’expert judiciaire a déposé :
– en juillet 2018, un pré-rapport dans lequel il envisageait une première solution, alors non retenue, consistant en la démolition complète du mur existant et maçonnerie neuf ainsi qu’une seconde solution, retenue au stade de ce pré-rapport, consistant en une consolidation du mur en moellons et une protection de celui-ci ;
– en septembre 2019 son rapport définitif retenant finalement la première solution tendant à démolir et reconstruire le mur mitoyen conformément aux termes du courriel transmis le 19 novembre 2018 par l’architecte des bâtiments de France qu’il n’a pas transmis aux parties en vue de recueillir leurs observations.
S’il en ressort que l’expert judiciaire a ainsi méconnu le principe du contradictoire, il est cependant constant que :
– la démarche entreprise par l’expert judiciaire auprès de l’architecte des bâtiments de France fait suite à la demande en ce sens exprimée par le conseil de Mme [Y] dans son premier dire en date du 18 septembre 2018 qui a été contradictoirement transmis au conseil des consorts [V] ;
– le conseil de Mme [Y] a écrit à l’expert judiciaire avec copie au conseil des consorts [V] par courrier du 28 novembre 2018 où elle a accusé réception de la réponse envoyée par courriel de l’architecte des bâtiments de France le 23 novembre 2018.
Il en ressort que les consorts [V] ont ainsi été informés de la teneur de l’avis de l’architecte des bâtiments de France qu’ils ont dès lors eu toute possibilité de contester, en demandant le cas échéant une réunion avec l’expert, et ce d’autant que le rapport définitif n’a été déposé que le 10 septembre 2019, soit 10 mois plus tard.
Force est en tout état de cause de constater que les consorts [V] n’allèguent ni ne rapportent de griefs qui auraient découlé pour eux des manquements reprochés à l’expert judiciaire, étant souligné que le rapport d’expertise définitif, versé aux débats, est soumis, dans le cadre de la présente procédure, à la discussion contradictoire des parties.
Il en ressort que c’est à bon droit que le premier juge a rejeté la demande des consorts [V] de voir prononcer la nullité de l’expertise judiciaire.
Il convient en conséquence de confirmer le jugement de ce chef.
La juridiction disposant par ailleurs de suffisamment d’éléments pour apprécier la responsabilité invoquée et les désordres qui en ont résulté, il n’apparaît pas nécessaire d’ordonner une contre-expertise, de telle sorte que le jugement sera également confirmé en ce qu’il a rejeté cette demande des consorts [V].
Sur la responsabilité des consorts [V]
Le premier juge a estimé que les consorts [V] devaient répondre des dommages causés à l’immeuble mitoyen appartenant à Mme [Y] du fait de leur négligence dans l’entretien de leur immeuble à l’origine de l’effondrement de la grange.
Aux termes de l’article 544 du code civil, la propriété est le droit de jouir et de disposer des choses de la manière la plus absolue pourvu qu’on n’en fasse pas un usage prohibé par les lois ou par les règlements.
L’article 1241 du code civil prévoit que chacun est responsable du dommage qu’il a causé non seulement par son fait mais encore par sa négligence ou par son imprudence.
L’article 1244 du même code précise que le propriétaire d’un bâtiment est responsable du dommage causé par sa ruine lorsqu’elle est arrivée par suite du défaut d’entretien ou par le vice de sa construction.
En l’espèce, il ressort du rapport de visite effectué le 26 décembre 2014, par l’assureur des consorts [V] que, dans la nuit du 13 au 14 décembre 2014, le mur de façade avant de la partie hangar du bâtiment s’est effondré dans sa quasi-totalité, ce qui a entraîné une décompression des maçonneries du mur mitoyen formant séparation d’avec le bâtiment appartenant à Mme [Y] et occasionné une fissuration verticale dudit mur situé à une cinquantaine de centimètres des murs de façade. Ce rapport mentionne que cette fissuration est susceptible de se répercuter à l’intérieur du bâtiment voisin, rien ne pouvant cependant être constaté du fait que l’accès à l’immeuble était interdit. Il est également précisé que la chute du mur a été causée par le fait d’avoir laissé aux intempéries le mur des façades sans assurer la protection de sa partie supérieure, constituant une négligence fautive ayant permis aux eaux de pluie de liquéfier la terre argileuse.
Le rapport d’expertise établi le 2 février 2015 pour le compte de l’assureur de Mme [Y] mentionne également qu’à la suite de l’effondrement de la grange de l’indivision [V], la maison de Mme [Y] a subi des dommages très importants à l’angle du pignon côté rue qui se manifestent au niveau de la structure verticale, les murs en pierre ayant subi des altérations significatives.
Dans son rapport de septembre 2019, l’expert judiciaire conclut que l’effondrement de la grange était inévitable au regard du défaut d’entretien de la propriété des consorts [V].
Il est justifié que l’effondrement d’une partie de l’immeuble appartenant aux consorts [V] a été précédé des événements suivants :
‘ le 5 septembre 2003, un permis de démolir a été accordé par le maire de la commune de [Localité 12] à M. [Z] [V] pour « démolition bâtiments vétustes » situés au [Adresse 9] ;
‘ le 21 décembre 2006, la mairie de [Localité 12] a adressé aux consorts [V] un courrier dans lequel est soulignée la vétusté de leur bien et les enjoignant d’effectuer dans les plus brefs délais la remise en état de la toiture afin d’éviter d’éventuels dommages et que, sans réponse dans le leur part, la procédure de péril imminent sera engagée ;
‘ à la suite du dépôt, le 7 mars 2007, du rapport de l’expertise ordonnée par le tribunal administratif de Nancy, les consorts [V] ont été mis en demeure, par arrêté de péril imminent du 21 juin 2007, de démolir totalement la grange en raison du péril imminent présenté par l’immeuble pour les personnes et les biens.
Il ressort de l’ensemble de ces éléments, qu’en ne prenant pas les mesures d’entretien indispensables pour éviter l’effondrement de leur immeuble menaçant ruine depuis plusieurs années, ce dont ils étaient informés, les consorts [V] ont commis une négligence fautive. L’assureur des consorts [V] les a d’ailleurs avisés, par courrier recommandé du 30 décembre 2014, qu’il refusait de garantir les dommages au motif que l’effondrement était la conséquence directe du défaut d’entretien de l’immeuble.
C’est dès lors à bon droit que le premier juge a déclaré M. [Z] [V], Mme [W] [V] et Mme [T] [V] épouse [I] responsables des préjudices subis par Mme [Y] découlant de l’effondrement dans la nuit du 13 au 14 décembre 2014 de l’immeuble dont ils sont propriétaires situé [Adresse 9] à [Localité 12].
Sur les préjudices
Le premier juge n’a retenu, au titre des préjudices subis par Mme [Y] consécutivement à l’effondrement litigieux, que l’existence d’une fissure verticale sur le mur mitoyen de la propriété de Mme [Y], à 50 cm de la façade avant de sa maison d’habitation, ayant entraîné une désolidarisation du mur pignon avec le mur de la façade de la maison de Mme [Y]. Il a rejeté sa demande d’indemnisation des meubles ainsi que d’un préjudice de jouissance.
En vertu du principe de la réparation intégrale des préjudices de la victime, celle-ci doit être replacée dans une situation aussi proche que possible de celle qui aurait été la sienne si le fait dommageable ne s’était pas produit.
Sur la réparation du bien immobilier
Les constatations de M. [S] mettent en évidence que l’effondrement de la grange des consorts [V] a causé une fissure sur le mur pignon vertical, ce qui a entraîné une désolidarisation du mur pignon avec le mur de la façade de la maison de Mme [Y]. Ces conclusions concordent avec celles des expertises amiables des assureurs ainsi qu’avec celles du rapport de l’expertise ordonnée par le tribunal administratif de Nancy dans le cadre de la procédure de péril imminent.
Dans son pré-rapport, l’expert judiciaire avait conclu qu’il ne retenait pas la solution consistant en une démolition complète du mur existant et maçonnerie d’un mur neuf en expliquant que ces travaux seraient « délicats, lents et coûteux » et qu’ils «amèneraient des tensions différentes dans les forces en présence des différents murs ». Il retenait alors la solution consistant en une consolidation du mur de moellons et une protection de celui-ci en expliquant qu’il fallait recréer une cohésion dans la maçonnerie de moellons par des garnissages, consolider la fissure et mettre en ‘uvre un renfort constitué par un contrefort, procéder à la mise en ‘uvre d’un grillage et d’une couche de finition grattée avec enduit à la chaux aérienne pour être compatible avec la maçonnerie de moellons de pierre, soulignant qu’il fallait également recréer un débord de toiture adéquat sur l’ensemble du mur en mettant en ‘uvre les tuiles sur un support de charpente recréé.
Dans son rapport définitif, l’expert judiciaire a cependant conclu qu’il préconisait la démolition complète du mur existant et la maçonnerie d’un mur neuf.
L’expert judiciaire n’a cependant aucunement motivé son revirement qui est intervenu d’ailleurs après consultation de l’architecte des bâtiments de France qui s’était pourtant positionné en faveur de la solution qui avait été initialement privilégiée par M. [S], soit la consolidation du mur pignon mitoyen.
La démolition du mur existant et la maçonnerie d’un mur neuf apparaissent de surcroît disproportionnées au préjudice subi par ce mur mitoyen dont la solidité n’est pas compromise tant dans les fondations que dans la partie extérieure et la façade.
C’est dès lors à bon droit que le premier juge a retenu la solution de la consolidation et en conséquence écarté le devis de la société Palazzo que l’expert judiciaire avait pris l’initiative de solliciter sans en aviser les parties.
L’évaluation de la mise en ‘uvre de cette solution ressort du devis de la société Déterminant du 21 mai 2015, pour un montant HT de 48’183,30 euros, auquel il convient d’ajouter la somme de 6 600 euros HT comprenant le coût des travaux de couverture (volet de trois, couverture en tuiles, planches deux rives et bandeau en zinc), soit un montant total de 54’783,30 euros HT et 60’261,63 euros TTC.
Ne sont en revanche pas justifiées les demandes de prise en charge :
‘ d’une étude de sol et d’une servitude pour le débord de la toiture dont la nécessité n’est pas démontrée ;
‘ de maîtrise d »uvre, la nature des travaux ne nécessitant pas la présence d’un maître d »uvre pour les coordonner.
C’est dès lors à bon droit que le premier juge a condamné les consorts [V] à payer à Mme [Y] la somme de 60’261,63 euros TTC au titre de la réparation de son bien immobilier situé [Adresse 10].
Il convient en conséquence de confirmer le jugement de ce chef.
Sur le remplacement du mobilier
Le premier juge a rejeté la demande d’indemnisation formée par Mme [Y] au titre de désordres subis par ses meubles en estimant qu’ils n’avaient pas été causés par l’effondrement et la démolition de la grange des consorts [V].
Il convient tout d’abord de souligner que l’expert judiciaire a relevé l’existence de désordres causés sur la maison d’habitation de Mme [Y]. Il a constaté qu’une partie de la toiture protégeant le dessus du mur de Mme [Y] s’était effondré laissant le dessus du mur séparant les deux bâtiments ouvert aux intempéries, précisant que l’effondrement de la grange était à l’origine d’apports en humidité importants au niveau des pièces contiguës au mur pignon, humidité ayant ruiné les plafonds et sols.
L’expert amiable des consorts [V] mentionne lui-même qu’aucune planche n’a été déposée ni aucun bandeau en zinc, ce qui aurait permis d’éviter le soulèvement des tuiles de la toiture de Mme [Y].
Les consorts [V] versent par ailleurs eux-mêmes aux débats un constat d’huissier du 16 janvier 2015, soit après l’effondrement de la grange mais avant sa démolition à leur initiative, comprenant des photographies faisant apparaître que la partie arrière de la toiture de la grange des consorts [V] ne s’était pas effondrée, la toiture de Mme [Y] étant alors protégée sur l’arrière par la toiture de la grange. Il ressort en revanche des photos prises postérieurement à la démolition qu’une découpe a été faite sur la toiture au dessus du mur mitoyen laissant un jour important entre la charpente et le mur mitoyen sur la partie arrière et qu’une partie des tuiles de la toiture de Mme [Y] a été déplacée laissant une partie du grenier à l’air libre. Cette partie arrière de la maison de Mme [Y] s’est nécessairement trouvée soumise à des infiltrations pluviales.
Les consorts [V] ne sont pas fondés à prétendre que la toiture de Mme [Y] aurait été en mauvais état, cette dernière versant aux débats des factures justifiant au contraire de ce que sa toiture avait été entièrement refaite entre 2000 et 2005 et qu’elle se trouvait en bon état lors de la survenance du sinistre. Ils ne sont pas davantage fondés à reprocher à Mme [Y] de ne pas avoir elle-même entrepris des travaux à ce titre dès lors que la provision qui lui a été allouée par arrêt de la cour d’appel de Nancy du 19 septembre 2016 n’était destinée qu’à conforter le mur mitoyen.
Il en ressort que Mme [Y] est bien fondée à solliciter l’indemnisation du mobilier qui s’est trouvé altéré par l’humidité résultant des infiltrations consécutives à la démolition du mur entreprise par les consorts [V].
Au titre de la réparation de ce poste de préjudice, Mme [Y] sollicite une somme de 65’600 euros comprenant la somme de 62’600 euros résultant d’une estimation effectuée par un expert mandaté par ses soins de l’ensemble des biens mobiliers se trouvant dans sa maison outre celle de 3 000 euros au titre de la mise au rebut de ces biens.
Il convient tout d’abord de rappeler que l’expert judiciaire ne mentionne la présence d’une humidité excessive que dans les pièces contiguës au mur pignon en soulignant à cet égard que cette humidité a ruiné les plafonds et sols.
Par ailleurs le procès-verbal de constat effectué le 19 février 2021 par l’huissier mandaté par Mme [Y] aux fins d’inventaire des meubles présents dans sa maison ne consigne pas que les meubles seraient dégradés, ce qui ne ressort pas davantage des photographies jointes qui témoignent principalement d’un lieu d’habitation en désordre et manifestement abandonné en urgence, étant de surcroît précisé qu’il n’est pas justifié de l’état des meubles antérieurement à la présence d’humidité résultant des infiltrations litigieuses.
Force est enfin de constater que la somme de 62’600 euros, correspondant à l’estimation de la valeur à neuf de l’ensemble des meubles, n’est pas étayée par l’ensemble des justificatifs correspondants.
Mme [Y] ne rapporte ainsi pas la preuve qui lui incombe, en application de l’article 9 du code de procédure civile, de la nécessité de mettre au rebut et de remplacer l’intégralité du mobilier se trouvant actuellement dans sa maison.
Il convient en revanche, conformément aux préconisations de l’expert judiciaire de l’indemniser du coût de réfection des sols, plafonds, révisions électriques au droit de la zone sinistrée pour un montant HT de 26’000 euros outre des frais de déchetterie que l’expert judiciaire a chiffré à la somme HT de 1500 euros, soit une somme totale HT de 27’500 euros et de 33’000 euros TTC.
Il convient en conséquence d’infirmer le jugement en ce qu’il a débouté Mme [Y] de cette demande d’indemnisation et, statuant à nouveau, de condamner les consorts [V] à lui payer une somme de 33’000 euros au titre de l’indemnisation du préjudice de remplacement du mobilier et des déblais.
Sur le préjudice de jouissance
Le premier juge a rejeté la demande d’indemnisation d’un préjudice de jouissance formulée par Mme [Y] au motif qu’elle ne justifiait pas avoir dû faire face à un surcoût pour se reloger.
Mme [Y] sollicite l’infirmation du jugement de ce chef en faisant valoir qu’elle s’est trouvée, à la suite de l’arrêté d’interdiction d’habiter consécutif à l’effondrement de la grange mitoyenne, dans l’obligation de quitter précipitamment sa maison avec ses trois enfants en janvier 2015, précisant qu’elle a dans un premier temps été hébergée provisoirement chez des amis avant qu’un logement communal ne lui soit proposé. Elle sollicite la condamnation des consorts [V] à lui payer la somme de 56’500,61 euros au titre du préjudice de jouissance de janvier 2015 à avril 2024 outre une somme de 538 euros à compter de mai 2024 jusqu’à la levée de l’arrêté de péril. À l’appui de sa demande, elle produit un document rédigé par le maire adjoint, en date du 26 mai 2015, mentionnant qu’elle serait logée par la commune pour un loyer mensuel de 500 euros outre 100 euros de provision sur charges. Ce document, qui ne respecte du reste pas les dispositions de l’article 202 du code de procédure civile, et qui a été établi en sa faveur par son premier adjoint (puisqu’elle est elle-même maire de la commune), n’a toutefois de ce fait qu’une faible valeur probante.
Force est de surcroît de constater, ainsi que le relèvent les consorts [V], que Mme [Y], qui est susceptible de bénéficier d’un logement de fonction du fait de sa qualité de maire, ne produit aucun justificatif (tels que relevés bancaires) permettant d’apprécier qu’elle se serait effectivement acquittée d’un loyer et a fortiori d’établir le montant exact des sommes dont elle aurait dû s’acquitter au titre de son hébergement depuis janvier 2015, étant du reste souligné qu’elle est maire de la commune de [Localité 12] et que la levée de l’arrêté de péril relève de ses compétences.
Il n’en reste pas moins que Mme [Y] a droit à l’indemnisation intégrale de son préjudice. Il est constant qu’elle a dû quitter précipitamment avec ses trois enfants leur lieu habituel de vie, en laissant sur place l’essentiel de leurs effets personnels, ce qui l’a contrainte à acquérir en urgence les biens de première nécessité et à trouver un relogement pour elle et sa famille pendant une dizaine d’années, ce qui caractérise un préjudice de jouissance qui sera justement indemnisé, au vu des éléments précités, par une somme de 40’000 euros, étant souligné que ne peut être indemnisé qu’un préjudice certain, et non hypothétique tel que celui qu’elle sollicite «jusqu’à la levée de l’arrêté de péril».
Il convient en conséquence d’infirmer le jugement en ce qu’il a rejeté la demande formée à ce titre par Mme [Y] et, statuant à nouveau, de condamner les consorts [V] à lui payer la somme de 40’000 euros au titre de l’indemnisation de son préjudice de jouissance.
Sur le préjudice moral
Mme [Y] sollicite l’indemnisation à hauteur de 10’000 euros du préjudice moral qu’elle indique avoir subi.
Le fait d’avoir dû quitter en urgence sa maison d’habitation avec ses enfants lui a nécessairement causé un préjudice moral qui a été justement évalué par le premier juge à la somme de 5 000 euros.
Il convient en conséquence de confirmer le jugement de ce chef.
Sur la demande de condamnation au remboursement des provisions perçues par Mme [Y]
Les consorts [V] sollicitent l’infirmation du jugement en ce qu’il les a déboutés de leur demande tendant à la condamnation de Mme [Y] à leur rembourser les provisions qui lui ont déjà été versées et dans l’éventualité de leur condamnation, de voir déduire ces provisions.
Mme [Y] ne conteste pas avoir reçu à titre provisionnel la somme de 48’513,39 euros, en exécution de l’arrêt de la cour d’appel de Nancy du 19 septembre 2016, outre une somme de 20 000 euros versée par la société Pacifica. C’est cependant à bon droit que le premier juge a débouté les consorts [V] de leurs demandes à ce titre en soulignant que c’est le principe même de la provision de venir en déduction des sommes pour lesquelles les consorts [V] sont condamnés.
Le jugement sera en conséquence confirmé de ce chef.
Sur les dépens et l’article 700 du code de procédure civile
Les consorts [V] qui succombent seront condamnés aux entiers dépens de telle sorte qu’il convient de confirmer le jugement en ce qu’il les a condamnés aux dépens qui comprendront les frais de l’expertise judiciaire diligentée par ordonnance de référé du 12 octobre 2015. Concernant l’application de l’article 700 du code de procédure civile, l’équité commande de confirmer le jugement en ce qu’il les a condamnés au paiement d’une somme de 10 000 euros et de les condamner à ce titre à hauteur d’appel à payer à Mme [Y] une somme supplémentaire de 4 000 euros.
LA COUR, statuant publiquement, par arrêt contradictoire prononcé par mise à disposition au greffe, conformément aux dispositions de l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,
Infirme le jugement en ce qu’il a rejeté les demandes de Mme [Y] tendant à la condamnation des consorts [V] à l’indemniser du préjudice de remplacement du mobilier et des déblais ainsi que du préjudice de jouissance ;
Le confirme pour le surplus ;
Statuant à nouveau des chefs infirmés et ajoutant ;
Condamne M. [Z] [V], Mme [W] [V] et Mme [T] [I] née [V] à payer à Mme [Y] la somme de 33 000 euros au titre de l’indemnisation du préjudice de remplacement du mobilier et des déblais ;
Condamne M. [Z] [V], Mme [W] [V] et Mme [T] [I] née [V] à payer à Mme [Y] une somme de 40’000 euros au titre de l’indemnisation du préjudice de jouissance ;
Condamne M. [Z] [V], Mme [W] [V] et Mme [T] [I] née [V] à payer à Mme [Y] la somme de 4 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles d’appel ;
Rejette la demande formée par M. [Z] [V], Mme [W] [V] et Mme [T] [I] née [V] sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
Condamne M. [Z] [V], Mme [W] [V] et Mme [T] [I] née [V] aux entiers dépens d’appel ;
Le présent arrêt a été signé par Monsieur Francis MARTIN, président de chambre à la cour d’appel de NANCY, et par Madame Christelle CLABAUX- DUWIQUET, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,
Minute en dix-huit pages.

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