Responsabilité du transporteur en cas de négligence dans l’acheminement d’un passager et de la perte de ses effets personnels

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Responsabilité du transporteur en cas de négligence dans l’acheminement d’un passager et de la perte de ses effets personnels
Ce point juridique est utile ?

Contexte de l’affaire

Madame [O] [K] a acheté un billet de transport auprès de la société FLIXBUS pour un trajet entre [Localité 7] et [Localité 5] pour un montant de 18,99 euros. FLIXBUS opère dans le cadre de la loi sur la libéralisation du transport interurbain de voyageurs par autocars.

Événements du voyage

Le 16 septembre 2020, Madame [O] a embarqué dans l’autocar à [Localité 7] à 9h00. Après une pause à l’aire de service de Marcke en Belgique, l’autocar a repris son trajet sans que Madame [O] ne soit remontée à bord. Malgré ses appels aux services de FLIXBUS, elle a été informée que l’autocar ne pouvait pas faire demi-tour.

Recherche des bagages

Après avoir rejoint [Localité 5] par ses propres moyens, Madame [O] s’est rendue à l’agence FLIXBUS pour récupérer ses affaires, mais a appris que son sac n’avait pas été retrouvé. Elle a alors déposé une plainte pour la disparition de ses biens, incluant des objets de valeur.

Réclamations et procédures judiciaires

FLIXBUS a remboursé le prix du trajet, mais Madame [O] a poursuivi la société pour obtenir une indemnisation pour la perte de ses biens. Elle a assigné FLIXBUS devant le tribunal judiciaire de Paris, demandant des dommages et intérêts pour préjudice matériel et moral.

Arguments des parties

Madame [O] a soutenu que FLIXBUS était responsable de son préjudice en raison de la négligence de ses employés, tandis que FLIXBUS a affirmé que la passagère avait manqué à ses obligations en ne revenant pas à temps dans l’autocar. La société a également contesté la valeur des objets perdus.

Décision du tribunal

Le tribunal a déclaré FLIXBUS responsable de l’absence de Madame [O] à destination et de la perte de ses bagages ordinaires. Il a condamné FLIXBUS à indemniser Madame [O] à hauteur de 550 euros pour le préjudice matériel et 2 500 euros pour le préjudice moral, tout en rejetant les demandes concernant les objets de valeur.

Conséquences financières

FLIXBUS a été condamnée à supporter les dépens de l’instance et à verser à Madame [O] une somme de 2 500 euros au titre des frais irrépétibles. L’exécution provisoire a été ordonnée.

REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

24 octobre 2024
Tribunal judiciaire de Paris
RG n°
21/06628
TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1]
Expéditions
exécutoires
délivrées le:

4ème chambre
2ème section

N° RG :
N° RG 21/06628
N° Portalis 352J-W-B7F-CUNJN

N° MINUTE :

Assignation du :
07 Mai 2021

JUGEMENT
rendu le 24 Octobre 2024
DEMANDERESSE

Madame [K] [O]
[Adresse 2]
[Localité 1]

représentée par Me Hanane TADINI, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #A0767

DÉFENDERESSE

S.A.R.L. FLIXBUS
[Adresse 3]
[Localité 4]

représentée par Me Corentin PION, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #P0073

Décision du 24 ctobre 2024
4ème chambre 2ème section
N° RG 21/06628 – N° Portalis 352J-W-B7F-CUNJN

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Madame Nathalie VASSORT-REGRENY, Vice-Présidente
Monsieur Thierry CASTAGNET, Premier Vice-Président Adjoint
Madame Emeline PETIT, Magistrat

assistés de Madame Salomé BARROIS, Greffière,

DÉBATS

À l’audience du 12 septembre 2024 tenue en audience publique devant Madame VASSORT-REGRENY, juge rapporteur, qui, sans opposition des avocats, a tenu seule l’audience, et, après avoir entendu les conseils des parties, en a rendu compte au Tribunal, conformément aux dispositions de l’article 805 du code de procédure civile.

Vu l’article 450 du code de procédure civile ;

La date de délibéré initialement fixée au 07 novembre 2024 est avancée au 24 octobre 2024, la présidente de l’audience siégeant aux Assises du 28 octobre au 8 novembre 2024 inclus.

JUGEMENT

Prononcé par mise à disposition
Contradictoire
En premier ressort

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Madame [O] [K] a moyennant la somme de 18.99 euros acheté un billet [Localité 7]-[Localité 5] auprès de la société FLIXBUS qui commercialise la vente en ligne de billets de transport de personnes par autocar longues distances, dits « services librement organisés ». La société FLIXBUS exerce son activité dans le cadre de la loi pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques du 6 août 2015 sur la libéralisation du transport régulier interurbain de voyageurs par autocars.

Le 16 septembre 2020 à 9h00, madame [O] [K] a pris place dans l’autocar en direction d’[Localité 5] au départ de la gare routière de [Localité 7] [Adresse 6], l’arrivée étant prévue à 16h45 à [Localité 5] [Localité 8] et à 17h15 à [Localité 5] Aéroport.

En milieu de journée, une pause a eu lieu sur l’aire de service de Marcke en Belgique ; un changement de conducteur a été effectué.

L’autocar est reparti alors sans que madame [O] ne soit remontée à son bord.

Madame [O] a contacté les services FLIXBUS par téléphone qui lui ont indiqué que l’autocar ne pouvait faire demi-tour ; les chauffeurs se sont arrêtés à 13H17 pour vérifier que les affaires de madame [O] étaient à bord.

Madame [O] a également passé de nombreux appels auprès des services de FLIXBUS qui lui auraient indiqué avoir procédé à des vérifications et confirmé (à 13h11) que ses affaires avaient été trouvées, qu’elles avaient été mis en sécurité par le personnel et qu’elle pourrait aller les récupérer à l’agence FLIXBUS [Localité 5].

Madame [O] a rejoint [Localité 5] par ses propres moyens et sans bagage.

Le 17 septembre 2020, madame [O] s’est rendue à l’agence FLIXBUS à [Localité 5] où il lui a été indiqué que son sac de voyage n’était pas en possession de la société et qu’il n’avait pas été trouvé, position qui sera confirmée par courriel du 1er octobre 2020 de la société FLIXBUS France.

Madame [O] a alors régularisé une déclaration de perte sur le site internet de FLIXBUS France ; le même jour, elle a déposé une plainte auprès du commissariat de police d’[Localité 5] pour la disparition de ses biens dans le bus. À son retour en France, elle a également, le 22 septembre 2020, déposé une plainte pour vol au commissariat de police du [Localité 1], la plainte portant sur les objets suivants :
– une caméra NIKON d’une valeur de 1500 euros
– un journal intime
– un livre emprunté à la bibliothèque Jean-Pierre Melville
– une montre TISSOT d’une valeur de 450 euros
– un collier TIFFANIE d’une valeur de 620 euros
– les clés de son appartement
– divers vêtements et chaussures.

La société FLIXBUS FRANCE a remboursé à madame [O] le prix du trajet (18.99 euros) à titre commercial.

Après des échanges demeurés infructueux quant à l’indemnisation de son entier préjudice, madame [O] a suivant acte du 7 mai 2021 fait délivrer assignation à la S.A.R.L. FLIXBUS FRANCE (ci-après la société FLIXBUS) d’avoir à comparaître devant le tribunal judiciaire de Paris.

Par dernières conclusions communiquées par voie électronique le 29 octobre 2021 ici expressément visées, madame [K] [O] demande au tribunal judiciaire de Paris de :
« Vu les articles 1231-1 et 1240 du Code civil.
– DECLARER la société FLIXBUS France responsable du préjudice subi par Madame [O] sur le fondement de la responsabilité contractuelle;
– CONDAMNER la société FLIXBUS France à payer la somme de 20.879 € au titre des dommages et intérêts ;
En tout état de cause,
– DECLARER la société FLIXBUS responsable du préjudice subi par Madame [O] sur le fondement de la responsabilité délictuelle ;
– CONDAMNER la société FLIXBUS France à payer la somme de 20.879 au titre des dommages et intérêts ;
– CONDAMNER la société FLIXBUS France aux entiers dépens ;
– CONDAMNER la société FLIXBUS France à verser à Madame [O] la somme de 3000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile ».

Par dernières conclusions communiquées par voie électronique le 11 janvier 2023 ici expressément visées, la société FLIXBUS FRANCE SARL demande au tribunal judiciaire de Paris de :
« Vu les articles 1103 et 1353 du Code Civil,
Vu les Conditions générales de Transport,
Vu l’article 700 du Code de Procédure Civile,
DEBOUTER Madame [O] [K] de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions à l’encontre de la société FLIXBUS FRANCE S.A.R.L. ;
CONDAMNER Madame [O] [K] à la somme de 1.500,00 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ;
CONDAMNER Madame [O] [K] aux entiers dépens au titre de l’article 696 du Code de procédure civile ».

Pour un complet exposé des faits, des prétentions et des moyens des parties, il est expressément renvoyé aux dernières écritures régulièrement communiquées conformément aux dispositions de l’article 455 alinéa 2 du code de procédure civile.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 12 octobre 2023.

MOTIFS

À titre liminaire, il est rappelé qu’en procédure écrite, la juridiction n’est saisie que des seules demandes reprises au dispositif récapitulatif des dernières écritures régulièrement communiquées avant l’ordonnance de clôture et que les demandes de « donner acte », visant à « constater », à « prononcer », « dire et juger » ou à « dire n’y avoir lieu » notamment, ne constituent pas des prétentions saisissant le juge au sens de l’article 4 du code de procédure civile dès lors qu’elles ne confèrent pas de droits spécifiques à la partie qui les requiert. Elles ne donneront donc pas lieu à mention au dispositif du présent jugement.

Il est également rappelé qu’en application de l’article 768 du code de procédure civile, entré en vigueur le 1er janvier 2020 et applicable aux instances en cours à cette date, « Les conclusions comprennent distinctement un exposé des faits et de la procédure, une discussion des prétentions et des moyens ainsi qu’un dispositif récapitulant les prétentions. Les moyens qui n’auraient pas été formulés dans les conclusions précédentes doivent être présentés de manière formellement distincte. Le tribunal ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n’examine les moyens au soutien de ces prétentions que s’ils sont invoqués dans la discussion. »

Sur l’action en responsabilité formée par madame [O] à l’encontre de la société FLIXBUS

À l’appui de ses demandes, madame [O] entend rappeler que le contrat de transport de personnes oblige le transporteur professionnel à acheminer saine et sauve une personne déterminée d’un lieu à un autre moyennant le paiement d’un prix, que l’ article 18 .1 des conditions générales de la société FLIXBUS prévoit en outre une responsabilité de cette dernière en cas de négligence ; qu’ en l’espèce elle n’a jamais été déposée à [Localité 5] par la société de transport et n’a pas récupéré ses bagages. Madame [O] soutient que la société FLIXBUS a en outre méconnu les obligations résultant de l’article 9.7 des conditions générales en ne respectant pas le temps de pause de 10 minutes annoncée après le changement de chauffeur à 12h33, l’autocar ayant repris la route à 12h42, soit au bout de 9 minutes ; madame [O] soutient qu’en tout état de cause la société FLIXBUS n’apporte d’aucune manière la preuve de ce que le temps annoncé était de 10, non de 15 minutes alors même que la feuille de route qui inclut les pauses qui aurait pu être aisément produite ne l’est pas. Madame [O] ajoute que le conducteur n’a ni compté les voyageurs, ni ne s’est assuré d’aucune manière de la présence de tous les passagers à bord de l’autocar lorsqu’il est reparti.

Madame [O] soutient qu’un préjudice moral est résulté de se trouver seule, isolée sur une aire d’autoroute sans ses affaires, dans un pays dont elle ignore la langue et d’avoir dû faire face à tous les soucis et démarches imposés par la situation.

S’agissant du préjudice matériel résultant de la disparition de ses bagages, madame [O] soutient que la société FLIXBUS lui a assuré que ceux-ci se trouvaient sous la surveillance de son personnel et que leur disparition ne saurait être attribuée à un défaut de diligence de sa part.

La société FLIXBUS qui concède n’avoir pas pu produire la feuille de route du voyage entend opposer qu’une pause de 10 minutes a été annoncée par le conducteur et que madame [O] ne doit sa mésaventure qu’ à sa propre négligence, ce qui l’exonère de toute responsabilité ; s’agissant de l’absence de respect du temps de pause annoncé, elle ajoute qu’il résulte des relevés chronotachygraphes que le temps de pause effectif a été de 16 minutes, soit en tout état de cause supérieur aux 10 minutes ou 15 minutes respectivement invoqué par les parties. La société FLIXBUS ajoute que le conducteur a procédé à toutes les vérifications d’usage en klaxonnant deux fois avant le départ et en demandant aux passagers de vérifier si leur voisin était présent et que personne n’a signalé l’absence de madame [O]. La société FLIXBUS entend également faire valoir qu’elle a obligation de respecter les horaires communiqués notamment pour arriver à l’aéroport, sa ponctualité étant en outre évaluée par les autorités de régulation.

S’agissant du préjudice résultant de la disparition de ses bagages, la société FLIXBUS entend faire valoir que l’article15.5.1 des conditions générales fait obligation aux passagers de conserver dans un bagage à main les effets ou objets de valeur et qu’au surplus madame [O] ne produit aucune facture établissant la valeur des effets ni la preuve les biens dont il est demandé indemnisation se trouvaient dans les bagages transportés. Elle s’oppose donc à toute indemnisation.

Sur ce,

En application du principe de non cumul des responsabilités délictuelle et contractuelle et madame [O] s’étant vue, comme le rappelle la société FLIXBUS, délivrer un billet de transport [Localité 7]-[Localité 5] par cette dernière, seules les règles de la responsabilité contractuelle édictées aux articles 1231-1 et suivants du code civil sont applicables à l’exclusion de celles de la responsabilité quasi-délictuelle.

Sur la responsabilité résultant du départ de l’autocar en l’absence de madame [O]

Par application de l’article 1231-1 du code civil, le débiteur est condamné, s’il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts soit à raison de l’inexécution de l’obligation, soit à raison du retard dans l’exécution, s’il ne justifie pas que l’exécution a été empêchée par la force majeure.

En vertu des articles 1193 et 1194 du code civil dans leur rédaction issue de l’ordonnance du 10 février 2016 entrée en vigueur le 1er octobre 2016 applicable à la cause, les contrats obligent à ce qui y est exprimé.

Selon l’article 1353 alinéa 1 « celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit la prouver. Réciproquement celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l’extinction de son obligation. »

Selon l’article 9 du code de procédure civile, « il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention. »

Il s’infère de l’articulation de ces textes que le contrat de transport de personnes oblige le transporteur professionnel à acheminer une personne déterminée d’un lieu à un autre moyennant le paiement d’un prix.

Il est en l’espèce constant que Madame [O] [K] a, moyennant la somme de 18.99 euros, acheté un billet [Localité 7]-[Localité 5] auprès de la société FLIXBUS et a le 16 septembre 2020 à 9h00, pris place dans l’autocar au départ de la gare routière de [Localité 7] [Adresse 6].

Au cours du voyage, en milieu de journée, un arrêt sur l’aire de service de Marcke en Belgique a eu lieu ; un changement de conducteur  a été opéré ; l’autocar est reparti sans madame [O] qui n’a été déposée par la société FLIXBUS ni à [Localité 5] [Localité 8] ni à [Localité 5] Aéroport.

La société FLIXBUS n’a donc pas rempli son obligation d’acheminer madame [O] à [Localité 5].

Pour tenter de s’exonérer de la responsabilité résultant de l’inexécution de la principale obligation résultant du contrat de transport souscrit, la société FLIXBUS entend faire valoir que la passagère a manqué aux conditions générales de transport. Il convient donc à la société FLIXBUS de rapporter la preuve des manquements qu’elle invoque.

L’article 9.7 alinéa 2 des conditions générales de transport de la société FLIXBUS versées en procédure stipule : « lors des pauses, le passager est tenu de respecter le temps de pause indiqué par le personnel roulant ou d’accompagnement. Le personnel roulant ou d’accompagnement est autorisé à poursuivre le voyage si un passager n’est pas de retour au bus une fois le temps de pause écoulé, et n’est pas responsable de l’absence d’un passager après le temps de pause indiqué. »

En vertu de ces stipulations, si le passager a pour obligation de revenir au bus une fois le temps de pause indiqué écoulé, il appartient préalablement au personnel roulant ou d’accompagnement de la société FLIXBUS d’annoncer le temps de pause et de respecter celui-ci.

Comme le souligne madame [O], la feuille de route susceptible de mentionner les pauses, aisée à verser aux débats, ne l’a pas été, la société FLIXBUS se bornant à exposer qu’elle n’a pas pu produire cette pièce en dépit des demandes adressées à ses services, démarches dont elle ne justifie au demeurant pas alors même que la tenue d’une feuille de route, document de contrôle du voyage, constitue une obligation résultant de l’article 12 du règlement CE n°1073/2009 du 21 octobre 2009 par ailleurs communiqué par la société FLIXBUS .

La société FLIXBUS verse en procédure ce qui paraît être le relevé chronotachygraphe du voyage.

Il résulte de la lecture de ce document que :
– de 12h26 à 12h34 le personnel de conduite était en pause
– à 12h43 l’autocar a quitté l’aire d’autoroute.

S’il peut s’en déduire que l’arrêt total a été de presque 16 minutes comme l’indique le transporteur, cet arrêt comprend le changement de conducteur (entre 12h26 à 12h34, soit 8 minutes), puis une pause passagers de 9 minutes, (entre 12h34 et 12h43) comme le soutient madame [O], il ne permet pas à la société FLIXBUS de rapporter la preuve que la pause a été annoncée par le premier conducteur au moment de son arrêt, ou comme le soutient madame [O] par le second lorsque celui-ci a pris les commandes de l’autocar ; le relevé chronotachygraphe ne permet pas davantage de rapporter la preuve que le temps de pause annoncé était de 10 minutes, non de 15 minutes comme l’expose la société FLIXBUS pour sa défense.

Cette dernière ne rapporte donc pas la preuve de ce qu’elle a rempli ses obligations contractuelles, ni par conséquent de ce que madame [O] aurait méconnu l’article 9.7 des conditions générales.

S’agissant des autres diligences que la société FLIXBUS expose avoir accomplies, force est de constater que cette dernière ne rapporte ni la preuve d’un décompte des voyageurs, ni de ce que son personnel de bord aurait demandé aux passagers de vérifier si leur voisin était présent ; à ce sujet il apparaît peu vraisemblable comme le soutient la société FLIXBUS que personne n’ait signalé l’absence de madame [O] ; il ne résulte en effet d’aucun élément ni argument que la pause avait pour objet le dépôt de passagers ; dès lors tous étant présents, le voisin de madame [O] si elle en avait un aurait signalé son absence ; si elle n’en avait pas, la méthode de vérification alléguée est inappropriée et ne saurait exonérer la société FLIXBUS de sa responsabilité.

La société FLIXBUS ne justifiant ni de l’annonce du temps de pause allégué, ni de l’heure précise à laquelle cette information aurait été donnée par son personnel, ni de l’accomplissement de diligences lui permettant de s’assurer de la présence de ses passagers, ni de la commission d’une faute par la victime, la société FLIXBUS apparaît pleinement responsable des conséquences dommageables du manquement à son obligation d’acheminement de madame [O] à [Localité 5].

Sur la responsabilité résultant de la perte des bagages de madame [O]

Le billet délivré par la société FLIXBUS à madame [O] (confirmation de réservation) inclus outre le transport du passager, un bagage à main et un autre bagage, placé en soute.

Madame [O] a quitté [Localité 7] le 16 septembre 2020 pour y revenir environ le 22 septembre 2020, date à laquelle elle a déposé plainte pour vol auprès du commissariat du [Localité 1], ce fait n’est pas discuté. Madame [O] est donc resté une semaine à [Localité 5] ; il s’évince de la durée du séjour qu’elle avait comme elle le soutient un bagage en soute (sac à dos) contenant à minima les effets nécessaires à un séjour d’une semaine, ce point n’étant d’ailleurs pas débattu.

Il est tout aussi constant que madame [O] est descendue de l’autocar à la faveur d’une courte pause sur une aire de repos, non à l’occasion de l’embarquement de passagers à une étape ; les soutes n’ont donc pas été ouvertes et madame [O] n’était donc pas en possession de son bagage de soute lorsqu’elle est descendue du bus.

Madame [O] justifie en outre de nombreux appels aux diverses agences FLIXBUS le jour des faits 16 septembre 2020 (12H51, 13H11, 13H49, 14h03 notamment) et les réponses apportées par la société FLIXBUS qui déplore n’avoir rien retrouvé, démontrent qu’elle a dès ses premiers appels alerté la société sur le fait que son sac à dos était resté à bord.

Les relevés chronotachygraphes attestent de ce que que les chauffeurs avisés par l’agence la société FLIXBUS se sont arrêtés à 13H17, manifestement pour regarder si les affaires de madame [O] étaient à bord.

Il résulte de ces même courriers qu’aucun bagage n’a été restitué à madame [O] et plus particulièrement du courriel en date du 1er décembre 2020, qu’ à cette date, la société FLIXBUS ne conteste pas la disparition des affaires de madame [O].

L’article 15.5 des conditions générales relatif aux objets de valeur et équipements électroniques stipule que ces articles dont les espèces, bijoux, clés, lunettes (soleil comme lecture), appareils électroniques (soit notamment les ordinateurs, tablettes, MP3, téléphones cellulaires et mobiles, batteries, médicaments, documents importants, diplômes) et les objets fragiles doivent être transportés dans un bagage à main, non dans un autre bagage et sont soumis à la diligence raisonnable des passagers (article 15.5.1). L’article 15.5.2 ajoute que si le passager choisit néanmoins de placer des objets de valeur dans le bagage placé en soute, aucun recours en responsabilité ne sera accepté.

En l’espèce madame [O] demande indemnisation pour la perte :
– d’un MACBOOK (non visé à la plainte française)
– d’une caméra NIKON d’une valeur de 1500 euros
– d’un journal intime
– d’un livre de 80 euros
– d’une montre TISSOT d’une valeur de 450 euros
– d’un collier TIFFANIE d’une valeur de 620 euros
– des clés de son appartement (50 euros)
– de divers vêtements et chaussures (400 euros)
– de son sac à dos (150 euros).

Le MACBOOK comprenant ses photos personnelles et un projet de montage pour une émission télévisuelle (non visé à la plainte française), la caméra NIKON d’une valeur de 1500 euros, le journal intime, la montre TISSOT d’une valeur de 450 euros, le collier TIFFANIE d’une valeur de 620 euros et les clés d’appartement (50 euros) constituant des objets de valeur ou des équipements électroniques au sens de l’ article 15.5 des conditions générales, madame [O] aurait dû les transporter dans son bagage à main qu’elle se devait de conserver avec elle à tout moment. Madame [O] ne rapportant par ailleurs pas la preuve d’un vol par un préposé de la société FLIXBUS, la responsabilité contractuelle de cette dernière du chef de la disparition des effets ci-dessus listés ne peut être retenue.

La responsabilité de la société FLIXBUS est en revanche susceptible d’être engagée pour le surplus des biens qui ne sont ni de valeur ni fragiles.

En conséquence, sur les demandes indemnitaires de madame [O]

Madame [O] sollicite une somme totale de 20.879 euros en indemnisation du préjudice matériel subi du fait de la perte de ses effets.

Il a été jugé supra que la responsabilité de la société FLIXBUS ne pouvait être retenue s’agissant des objets de valeur et des équipements électroniques, soit de l’ordinateur MACBOOK, des photos personnelles et du projet de montage qu’il comportait le cas échéant, de la caméra NIKON d’une valeur de 1500 euros, du journal intime, de la montre TISSOT d’une valeur de 450 euros, du collier TIFFANIE d’une valeur de 620 euros et des clés de son appartement (50 euros).

La valeur du sac à dos, de ses vêtements et chaussures pour une semaine de même que la valeur de ces biens étant justifiée à hauteur de 400 euros et de 150 euros, la société FLIXBUS devra indemniser madame [O] à hauteur de la somme totale de 550 euros au titre du préjudice matériel subi.

S’agissant du livre, d’une part la valeur de 80 euros n’est justifié d’aucune manière, d’autre part, dans la plainte déposée auprès des services de police, madame [O] indique que le livre a été emprunté à la bibliothèque Jean-Pierre Melville, non qu’il s’agit d’un ouvrage lui appartenant. Au regard de ces éléments il apparaît que madame [O] ne justifie du préjudice allégué, ni dans son principe, ni dans son quantum. La demande formée au titre de la perte du livre sera rejetée.

Le préjudice moral résulte comme l’expose madame [O] de l’angoisse d’avoir été laissée, seule, sans ses affaires sur une aire d’autoroute dans un pays étranger, du fait d’avoir dû trouver une solution pour se rendre par ses propres moyens à [Localité 5], puis des multiples démarches qu’elle a dû sans succès effectuer du fait de cette situation. En indemnisation dudit préjudice moral ainsi causé, la somme de 2.500 euros sera allouée.

Sur les autres demandes et sur les demandes accessoires

L’article 696 du code de procédure civile dispose que la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge d’une autre partie.

Par application de l’ article 700 du code de procédure civile, le juge condamne, sauf considération tirée de l’équité, la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l’autre la somme qu’il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

En l’espèce la société FLIXBUS qui succombe, supportera les dépens et payera à madame [O] la somme de 2.500 euros au titre des frais irrépétibles et sera déboutée de sa demande à ce titre.

L’exécution provisoire est, en vertu des articles 514-1 à 514-6 du code de procédure civile issus du décret 2019-1333 du 11 décembre 2019, de droit pour les instances dont relève le cas présent et introduites comme en l’espèce à compter du 1er janvier 2020.

PAR CES MOTIFS,

Le tribunal statuant conformément à la loi, publiquement, par jugement contradictoire, en premier ressort, mis à disposition au greffe le jour du délibéré :

Vu l’article 1131-1 du code civil ;

DÉCLARE la société FLIXBUS FRANCE SARL responsable des conséquences dommageables du manquement à son obligation d’acheminement de madame [O] [K] à [Localité 5] ;

DÉCLARE la société FLIXBUS FRANCE SARL responsable des conséquences dommageables du manquement à son obligation d’acheminement des bagages ordinaires de madame [O] [K] à [Localité 5] ;

CONDAMNE en conséquence la société FLIXBUS FRANCE (S.A.R.L.) à payer à madame [O] [K] :
– la somme de 550 euros en indemnisation du préjudice matériel subi
– la somme de 2.050 euros en indemnisation du préjudice moral subi.

DÉBOUTE madame [O] [K] de ses demandes d’indemnisation relatives à la perte des objets de valeur, équipements électroniques et à celle du livre ;

REJETTE toutes les demandes de madame [O] [K] présentées sur le fondement de la responsabilité délictuelle ;

CONDAMNE la société FLIXBUS FRANCE SARL à supporter les dépens de l’instance ;

CONDAMNE la société FLIXBUS FRANCE SARL à payer à madame [O] [K] la somme de 2.500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et la DEBOUTE de sa demande à ce titre;

DÉBOUTE les parties du surplus de leurs demandes comme inutiles ou mal fondées;
RAPPELLE que l’exécution provisoire est de droit.

Fait et jugé à Paris, le 24 octobre 2024.

LA GREFFIÈRE
Salomé BARROIS

LA PRÉSIDENTE
Nathalie VASSORT-REGRENY


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