Responsabilité du dirigeant en cas de faute de gestion

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Responsabilité du dirigeant en cas de faute de gestion
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Responsabilité du dirigeant en cas de faute de gestion

Responsabilité du dirigeant d’une société liquidée en cas de faute de gestion

Le dirigeant d’une société liquidée peut être condamné à supporter tout ou partie de l’insuffisance d’actif en cas de faute de gestion, sauf en cas de simple négligence. L’article L651-2 du code de commerce prévoit les conditions dans lesquelles cette responsabilité peut être engagée.

Montant de l’insuffisance d’actif

L’insuffisance d’actif est calculée en fonction des créances admises et de l’actif de la société au moment où elle est caractérisée. Dans cette affaire, le montant de l’insuffisance d’actif a été fixé à 84.107,64 euros.

Fautes de gestion reprochées à Mme [J]

Plusieurs fautes de gestion ont été reprochées à Mme [J], notamment le détournement d’actifs, des irrégularités dans les relations financières entre les sociétés, et l’omission de déclarer la cessation des paiements dans les délais légaux.

Conclusion sur les fautes de gestion

Mme [J] a été reconnue coupable de fautes de gestion, notamment dans le détournement d’actifs et l’omission de déclarer la cessation des paiements. Ces fautes ont contribué à l’insuffisance d’actif de la société.

Montant de la condamnation

En raison de l’impact grave des fautes de gestion de Mme [J] sur l’insuffisance d’actif, elle a été condamnée à prendre en charge une partie de cette insuffisance à hauteur de 15.000 euros. La demande de Mme [J] en appel a été rejetée.

Conclusion

Au vu des fautes de gestion commises par Mme [J] et de leur impact sur l’insuffisance d’actif de la société, la condamnation à sa charge a été confirmée. Mme [J] a été également condamnée aux dépens d’appel.

* * *

REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

3ème Chambre Commerciale

ARRÊT N°458

N° RG 22/00680 – N° Portalis DBVL-V-B7G-SN75

Mme [E] [J]

C/

S.E.L.A.S. BODELET -LONG

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Me PERRAUD

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 20 SEPTEMBRE 2022

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Président : Monsieur Alexis CONTAMINE, Président de chambre,

Assesseur : Madame Olivia JEORGER-LE GAC, Conseillère,

Assesseur : Monsieur Dominique GARET, Conseiller,

GREFFIER :

Madame Julie ROUET, lors des débats et lors du prononcé

MINISTERE PUBLIC : M. Laurent FICHOT, avocat général, à qui l’affaire a été régulièrement communiquée, entendu en ses observations.

DÉBATS :

A l’audience publique du 27 Juin 2022 devant Monsieur Alexis CONTAMINE, magistrat rapporteur, tenant seul l’audience, sans opposition des représentants des parties, et qui a rendu compte au délibéré collégial

ARRÊT :

Réputée contradictoire, prononcé publiquement le 20 Septembre 2022 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l’issue des débats

****

APPELANTE :

Madame [E] [J]

née le [Date naissance 2] 1984 à [Localité 7] ([Localité 7])

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentée par Me Matthieu PERRAUD de la SELARL LA FIDUCIAIRE GENERALE, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de [Localité 8]

INTIMÉE :

S.E.L.A.S. BODELET -LONG prise en la personne de Me Gérard BODELET, mandataire judiciaire, agissant en qualité de liquidateur de la SARL HIBISCUS suivant jugement du Tribunal de Commerce de [Localité 8] du 4 juillet 2018.

Parc d’activités de Tréhonin

[Localité 5]

N’ayant pas constitué avocat bien que régulièrement assigné par acte d’huissier de Justice en date du 08 mars 2022

FAITS ET PROCÉDURE :

Le 4 juillet 2018, la société Hibiscus [Localité 6] (la société HP), gérée par Mme [J], a été placée en liquidation judiciaire, la société Gérard Bodelet, désormais dénommée la société Bodelet-Long (la société Bodelet), étant désignée liquidateur judiciaire.

Le 9 octobre 2018, se prévalant d’une confusion de patrimoines entre la société HP et la société Hibiscus, la société Bodelet, ès qualités, a assigné cette dernière en extension de la liquidation judiciaire de la société HP à son égard.

Par jugement du 23 janvier 2019, le tribunal de commerce de [Localité 8] a rejeté cette demande.

Le 25 août 2020, la société Bodelet, ès qualités, a assigné Mme [J] en responsabilité pour insuffisance d’actif.

Par jugement du 26 janvier 2022, le tribunal a :

– Déclaré recevable et bien fondée la demande de la société Bodelet, ès qualités,

– Condamné Mme [J] en application des dispositions de l’article L651-2 du code de commerce, à supporter l’intégralité de l’insuffisance d’actif, soit la somme de 84.107,64 euros, révélée par les opérations de la liquidation judiciaire de la société HP,

– Ordonné l’exécution provisoire,

– Condamné Mme [J] aux entiers dépens.

Mme [J] a interjeté appel le 2 février 2022.

Les dernières conclusions de Mme [J] sont en date du 25 mai 2022. L’avis du ministère public est en date du 16 mai 2022.

La société Bodelet, ès qualités, n’a pas constitué avocat devant la cour.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 2 juin 2022.

PRÉTENTIONS ET MOYENS :

Mme [J] demande à la cour de :

– Déclarer Mme [J] recevable et bien fondée en son appel,

– Réformer le jugement en ce qu’il a :

– Condamné Mme [J] en application des dispositions de l’article L651-2 du code de commerce, à supporter l’intégralité de l’insuffisance d’actif, soit la somme de 84.107,64 euros, révélée par les opérations de la liquidation judiciaire de la société HP,

– Condamné Mme [J] aux entiers dépens,

– Débouté Mme [J] de sa demande formée sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

En conséquence, statuant à nouveau :

– Débouter la société Bodelet, ès qualités, de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

– Condamner la société Bodelet, ès qualités, à verser à Mme [J] une somme de 6.000 euros par application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

– Condamner la société Bodelet, ès qualités, aux dépens.

Le ministère public est d’avis de confirmer le jugement.

Pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties, il est renvoyé à leurs dernières conclusions visées supra.

DISCUSSION :

Le dirigeant d’une société liquidée peut, en cas de faute de gestion, être condamné à supporter tout ou partie de l’insuffisance d’actif, sauf s’il ne peut être retenu à son encontre qu’une simple négligence :

Article L651-2 du code de commerce, dans sa rédaction en vigueur du 11 décembre 2016 au 3 juillet 2021 et applicable en l’espèce :

Lorsque la liquidation judiciaire d’une personne morale fait apparaître une insuffisance d’actif, le tribunal peut, en cas de faute de gestion ayant contribué à cette insuffisance d’actif, décider que le montant de cette insuffisance d’actif sera supporté, en tout ou en partie, par tous les dirigeants de droit ou de fait, ou par certains d’entre eux, ayant contribué à la faute de gestion. En cas de pluralité de dirigeants, le tribunal peut, par décision motivée, les déclarer solidairement responsables. Toutefois, en cas de simple négligence du dirigeant de droit ou de fait dans la gestion de la société, sa responsabilité au titre de l’insuffisance d’actif ne peut être engagée.

Lorsque la liquidation judiciaire a été ouverte ou prononcée à raison de l’activité d’un entrepreneur individuel à responsabilité limitée à laquelle un patrimoine est affecté, le tribunal peut, dans les mêmes conditions, condamner cet entrepreneur à payer tout ou partie de l’insuffisance d’actif. La somme mise à sa charge s’impute sur son patrimoine non affecté.

L’action se prescrit par trois ans à compter du jugement qui prononce la liquidation judiciaire.

Les sommes versées par les dirigeants ou l’entrepreneur individuel à responsabilité limitée entrent dans le patrimoine du débiteur. Elles sont réparties au marc le franc entre tous les créanciers. Les dirigeants ou l’entrepreneur individuel à responsabilité limitée ne peuvent pas participer aux répartitions à concurrence des sommes au versement desquelles ils ont été condamnés.

Il appartient au liquidateur de prouver la faute de gestion alléguée et sa relation de causalité avec l’insuffisance d’actif.

Mme [J] se prévaut du jugement du 23 janvier 2019 par lequel le tribunal a rejeté la demande d’extension de la liquidation judiciaire formée à l’encontre de la société Hibiscus. Or, ce jugement, qui se borne à mettre hors de cause la société Hibiscus, ne fait pas obstacle à ce que la responsabilité de Mme [J], aussi gérante de la société HP, soit engagée au titre de l’insuffisance d’actif.

Sur le montant de l’insuffisance d’actif :

L’insuffisance d’actif résulte de la différence entre les créances telles qu’elles ont été admises, et telles qu’elles se trouvent à la date où l’insuffisance est caractérisée, et l’actif de la société.

Son existence et son montant doivent être appréciés au moment où la juridiction saisie de l’action en responsabilité statue.

Il résulte de l’état des créances, tel qu’il se présente après vérification des créances, que le passif de la société HP s’élève, à titre définitif, à la somme de 88.417,05 euros.

L’actif de la société HP a été fixé par la société Bodelet, ès qualités, à la somme de 4.309,41 euros.

Mme [J] fait observer que le fonds de commerce, qui aurait été évalué à la somme de 50.000 euros, n’a pas été mis en vente alors qu’un nouvel exploitant se serait installé dans le lieux 6 mois après l’ouverture de la liquidation judiciaire de la société HP.

Il apparait en fait que Mme [J] ne produit aucune pièce établissant la valeur du fonds de commerce de la société HP à la date de l’ouverture de la procédure collective. Elle ne conteste pas sérieusement le montant de l’actif de la société HP.

Il y a lieu de fixer le montant de l’insuffisance d’actif à la somme de 84.107,64 euros.

Sur les fautes de gestion reprochées à Mme [J] :

En première instance, la société Bodelet, ès qualités, a fait valoir plusieurs griefs à l’encontre de Mme [J] :

– L’omission de déclarer la cessation des paiements dans les 45 jours,

– Le détournement de certains actifs,

– Le transfert irrégulier d’une salariée de la société Hibiscus,

– L’affectation litigieuse des fonds issus de prêts souscrits auprès du Crédit Agricole.

Le détournement de certains actifs :

Il apparaît, à la consultation des relevés du compte courant de la société HP que cette dernière et la société Hibiscus entretenaient des relations financières récurrentes.

Mme [J] affirme que ces échanges ont fait l’objet d’une facturation. Elle produit plusieurs factures :

– Une facture n°100010 émise par la société HP et établie au nom de la société Hibiscus, en date du 22 janvier 2018, d’un montant de 1.000 euros TTC,

– Une facture n°100020 émise par la société HP et établie au nom de la société Hibiscus, en date du 13 février 2018, d’un montant de 500,34 euros TTC,

– Une facture n°100021 émise par la société HP et établie au nom de la société Hibiscus, en date du 17 février 2018, d’un montant de 400 euros TTC,

– Une facture n°100023 émise par la société HP et établie au nom de la société Hibiscus, en date du 28 février 2018, d’un montant de 900 euros TTC,

– Une facture n°100024 émise par la société HP et établie au nom de la société Hibiscus, en date du 1er mars 2018, d’un montant de 101,03 euros TTC,

– Une facture n°15507 émise par la société Hibiscus et établie au nom de la société HP, en date du 11 décembre 2017, d’un montant de 300 euros TTC,

– Une facture n°15508 émise par la société Hibiscus et établie au nom de la société HP, en date du 23 mars 2018, d’un montant de 1002,25 euros TTC,

– Une facture n°15509 émise par la société Hibiscus et établie au nom de la société HP, en date du 22 janvier 2018, d’un montant de 2002,92 euros TTC.

Le relevé du mois de février 2018 du compte courant de la société HP n’étant pas produit, les factures n°100020, n°100021 et n°100023 ne se rapportent à aucune mention du compte courant.

La facture n°100024 ne se rapporte à aucune inscription en crédit du relevé du mois de mars du compte courant de la société HP.

Les factures n°15508 et n°15509 figurent en débit du compte courant de la société Hibiscus, pour des montants approximatifs (1.000 euros au lieu de 1.002,25 euros et 2 fois 1.000 euros au lieu de 2.002,92 euros).

De nombreux autres virements entre les sociétés ne sont pas justifiés.

Lors de leur entretien avec le liquidateur, Mme [X] et M. [T], anciens salariés de la société HP, ont indiqué qu’ils ont pris l’initiative de tenir eux-mêmes une comptabilité et qu’ils ont enregistré, durant les 6 premiers mois de l’année 2018, un chiffre d’affaires d’un montant de 71.204 euros TTC, tous modes d’encaissements confondus.

Mme [J] a pour sa part indiqué au liquidateur judiciaire qu’elle allait lui transmettre la comptabilité ‘espèces’ de la société HP sous huitaine. Elle ne l’a pas fait.

Les 24 mai et 24 juin 2021, M. [T] et Mme [X], entendus par des officiers de gendarmerie, ont imputé à Mme [J] une gestion erratique de la société HP : absence de déclaration de l’activité de coiffure de la société HP, journées travaillées et non payées en début de contrat pour Mme [X], recours irrégulier au CDD, transport de marchandises de [Localité 8] à [Localité 6] sans respect de la chaîne du froid, vente de matériels à usage professionnel de la société HP avant l’arrivée du liquidateur judiciaire, dépôt des recettes de la société HP sur le compte bancaire de la société Hibiscus, destruction systématique des tickets de télétransmission.

Mme [X] a précisé que l’entreprise était pérenne durant sa présence. M. [T] a pour sa part estimé que Mme [J] a intentionnellement provoqué la liquidation judiciaire de la société HP.

Ces témoignages, quoique concordants, ne sont corroborés par aucun élément objectif supplémentaire.

Mme [J] indique que les recettes de mai et juin 2018 n’ont pas été déposées sur le compte de la société HP afin d’éviter les saisies attributions. Les livraisons de marchandises à la société Hibiscus sans facturation auraient eu pour compensation le versement des salaires des employés de la société HP du mois de juin 2018.

Mme [J] ne justifie pas que ces disparitions de recettes de la société HP, procédé pour le moins inhabituel, aient été compensées par des contreparties du même montant au profit de la société HP grâce au paiement des salaires.

Au vu du montant de la baisse de chiffre d’affaires enregistrée en comptabilité pour la période considérée, et de la discordance entre le chiffre d’affaires noté par les salariés et les recettes encaissées sur les relevés de banque, et du montant des salaires qui ont pu être pris en charge par la société Hibiscus, il apparait que ces procédés ont contribué à l’insuffisance d’actif.

Les fautes commises dans le cadre de l’embauche des salariés :

Mme [M] a été engagée au sein de la société HP par contrat de travail à durée indéterminée en date du 1er juin 2017.

La mention erronée de l’employeur figurant sur le bulletin de salaire, commise non par Mme [J] mais par son expert comptable, a été rectifiée spontanément et rapidement. Il n’en résulte aucune faute de gestion.

La reprise de l’ancienneté et du solde de congés payés lors du transfert du contrat de travail de Mme [M], qui est un avantage convenu entre les parties, ne saurait constituer une faute de gestion.

Lors de son entretien avec le liquidateur judiciaire, Mme [M] a affirmé ne pas avoir été payée du solde de ses congés payés. Mme [J] le reconnaît à demi-mots lors de son propre entretien.

En outre, M. [J] a fait l’objet d’une enquête de la DIRECCTE de Bretagne pour travail dissimulé dans le cadre de l’emploi de M. [R]. Cette enquête, dont il ressort en substance que l’élément intentionnel du délit n’était pas caractérisé, a mené à l’homologation d’une transaction d’un montant de 500 euros.

Si l’absence d’élément intentionnel empêche la qualification de l’infraction au plan pénal, il n’en demeure pas moins que la matérialité des faits (l’embauche d’un salarié sans déclaration préalable aux organismes de protection sociale) a été reconnue par l’intéressée lors de son audition. De tels faits suffisent à caractériser une faute de gestion au sens des dispositions de l’article L651-2 du code de commerce visé supra.

Il est donc établi que Mme [J] a commis des fautes de gestion dans l’embauche d’un salarié et que ces fautes ont contribué l’insuffisance d’actif.

La conclusion de prêts par la société HP pour le paiement de dettes de la société Hibiscus :

La société Bodelet, ès qualités, a produit un contrat de prêt. L’acte, censé contenir deux prêts (n°10000241829 et n°10000241830), est manifestement incomplet, puisqu’il ne comporte que les conditions particulières du prêt n°10000241830.

Si l’acte n’est pas daté, le bordereau d’inscription du nantissement de fonds de commerce indique qu’il a été conclu le 17 juillet 2017.

À la lecture combinée du contrat de prêt et du bordereau d’inscription, il apparaît que la société HP a souscrit deux prêts auprès du Crédit Agricole :

– Un prêt professionnel, n°10000241830, d’un montant principal de 31.500 euros, remboursable en 60 mensualités au taux d’intérêt nominal annuel de 1,32%.

– Un prêt professionnel, n°10000241829, d’un montant principal de 20.000 euros, remboursable en 48 mensualités au taux d’intérêt nominal annuel de 1,15%.

Il résulte des mentions parcellaires du contrat de prêt que les fonds prêtés étaient destinés à l’acquisition de matériel à usage professionnel neuf à [Localité 8]. L’établissement principal de la société HP est pourtant situé à [Localité 6]. Nonobstant l’adresse du siège social de la société HP, il est constant que son activité s’est toujours exercée à [Localité 6], de sorte que l’investissement ne pouvait avoir lieu qu’à cet endroit.

Au surplus, l’acte de prêt comporte le cachet de la société Hibiscus, non celui de la société HP.

Mme [J] affirme que c’est par erreur que le cachet de la société Hibiscus a été apposé sur l’acte de prêt.

Néanmoins, en plus d’avoir utilisé le tampon de la mauvaise société, Mme [J] s’est, à plusieurs reprises, trompée sur l’adresse du fonds de la société souscriptrice (la société HP) : lors de l’indication du lieu d’investissement des fonds prêtés ([Localité 8] au lieu de [Localité 6]) et lors de la désignation du lieu du fonds de commerce à nantir (19 rue Denis Papin à [Localité 8] au lieu du [Adresse 3] à [Localité 6]).

Il apparaît que la multiplication ‘d’erreurs’ au sein du même acte ne relève pas de la simple étourderie mais plutôt d’une volonté consciente et réitérée de Mme [J] de tromper sa banque sur l’identité du véritable bénéficiaire du crédit et de l’affectation concrète des fonds.

Devant les premiers juges, la société Bodelet, ès qualités, a produit un certain nombre de factures établies au nom de la société Hibiscus entre mars et juin 2017, pour l’acquisition de matériels à usage professionnel :

– Une facture n°114144 émise par la société Décor Enseigne, en date du 10 mars 2017, d’un montant de 307,20 euros TTC, pour la fourniture d’une banderole et d’adhésifs,

– Une facture n°114347 émise par la société Décor Enseigne, en date du 17 mai 2017, d’un montant de 396 euros TTC, pour la fourniture de flyers,

– Une facture n°156670 émise par la société GEL Réunion, en date du 17 mai 2017, d’un montant de 3.246 euros TTC, pour la fourniture d’aliments,

– Une facture n°2017050023 émise par la société DGSYS, en date du 22 mai 2017, d’un montant de 3.060 euros TTC, pour la fourniture d’une caisse et de ses accessoires,

– Une facture n°FA00000510 émise par la société MCFrance, en date du 2 juin 2017, d’un montant de 5.244 euros TTC, pour la fourniture d’une caisse et de ses accessoires,

– Une facture n°PR31623 émise par la société Racines, en date du 6 juin 2017, d’un montant de 2.275,54 euros TTC, pour la fourniture d’aliments,

– Une facture n°0215 émise par la société Blo Alim, en date du 14 juin 2017, d’un montant de 28.140 euros TTC, pour la fourniture gondoles de rayonnage,

Soit une somme totale de 42.668,74 euros.

En première instance, la société Bodelet, ès qualités, a estimé que ces factures ont été payées grâce aux fonds provenant des prêts. Il n’est cependant pas établi que ces fonds ont été versés sur le compte de la société Hibiscus, ni qu’ils lui ont servi, directement ou indirectement.

Le lien de causalité entre le paiement des factures de la société Hibiscus et la souscription du prêt par la société HP n’est pas établie, la date des factures étant antérieure à celle de la souscription des prêts.

Aucune faute de gestion n’est établie au titre des prêts.

L’omission de déclarer la cessation des paiements :

Il résulte de la fiche de procédure établie par le greffe du tribunal de commerce que l’ouverture de la procédure collective a été demandée par Mme [J] le 25 juin 2018, pour une date de cessation des paiements déclarée au même jour.

Le jugement d’ouverture a fixé la date de cessation des paiements de la société HP au 31 décembre 2017, soit quasiment 6 mois avant la déclaration réalisée par Mme [J].

Il est donc établi que Mme [J] a omis de déclarer la cessation des paiements de sa société dans les 45 jours.

Il apparait qu’entre le 15 février 2018, date à laquelle Mme [J] aurait du déclarer l’état de cessation des paiements, et la date du 25 juin 2018 à laquelle elle a effectivement effectué cette déclaration, la gestion de la société est devenue encore plus irrégulière dans le but d’échapper aux créanciers et de dissimuler la situation particulièrement difficile dans laquelle elle se trouvait. Le fait de retarder l’ouverture de la procédure collective a entraîné l’aggravation du passif noté au cours de cette période.

Ce grief sera retenu.

Il résulte de tous les éléments relevés supra que, pendant sa gérance, Mme [J] a entretenu une ambiguïté fautive sur la situation financière réelle de la société HP.

Elle a commis un certain nombre de fautes de gestion qui ne sauraient être assimilées à de simples négligences. Ces fautes ont détérioré la situation de la société HP jusqu’à l’ouverture de la liquidation judiciaire.

Afin de contester le lien de causalité entre ses agissements et l’insuffisance d’actif, Mme [J] se prévaut des mentions du jugement du 23 janvier 2019 ayant rejeté la demande d’extension de la liquidation judiciaire de la société HP à la société Hibiscus. Il sera simplement observé que l’autorité de la chose jugée attachée à ce jugement ne porte que sur son dispositif, à l’exclusion de ses motifs.

Sur le montant de la condamnation :

Lors des procédures dont elle a fait l’objet, Mme [J], pourtant dirigeante de plusieurs sociétés depuis plusieurs années, s’est retranchée derrière son expert comptable ou bien a fait état d’une prétendue méconnaissance des situations en cours dans sa société et des obligations qui lui incombaient en sa qualité de gérante.

Les agissements de Mme [J] ont eu un impact particulièrement grave sur l’importance du passif. Son comportement s’est poursuivi sur plusieurs années alors que, intervenant activement dans la gestion de diverses sociétés, elle ne pouvait manquer de connaître l’étendue de ses obligations de dirigeant.

Mme [J] ne précise pas quelle est sa situation patrimoniale ou financière actuelle et en tout cas n’en justifie pas.

Au vu de ces éléments, de l’incidence des griefs retenus sur l’aggravation de l’insuffisance d’actif et de la personnalité de Mme [J], il y a lieu de la condamner à prendre en charge l’insuffisance d’actif à hauteur de la somme de 15.000 euros. Le jugement sera infirmé sur ce point.

Il y a lieu de condamner Mme [J] aux dépens d’appel et de rejeter la demande formée par cette dernière en appel au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

La cour :

– Infirme le jugement en ce qu’il a fixé à la somme de la somme de 84.107,64 le montant de la condamnation de Mme [J],

– Confirme le jugement pour le surplus,

Y ajoutant :

– Condamne Mme [J] à supporter l’insuffisance d’actif de la société Hibiscus [Localité 6] à hauteur de la somme de 15.000 euros,

– Rejette les autres demandes des parties,

– Condamne Mme [J] aux dépens d’appel.

LE GREFFIERLE PRESIDENT

 


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