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La société Actiglass sollicite l’application de la CMR alors que la société Gondrand demande l’application du droit français en raison de la rupture de charge au cours du transport. Le tribunal de commerce doit rechercher si les dispositions de la Convention de Genève du 19 mai 1956 relative au contrat de transport international de marchandises par route sont applicables.
L’expertise en date du 15 mai 2019 conclut que les pare-brises ont subi un impact important lors du transport. La société Actiglass engage la responsabilité de la société Gontrand sur ces deux fondements. L’expertise évoque l’insuffisance de l’emballage et un mauvais arrimage de la marchandise dans le camion comme possibles causes du sinistre.
La société Actiglass allègue un manquement au devoir de conseil de la société Gondrand. Cependant, la responsabilité du commissionnaire de transport ne peut être engagée que pour des faits détachables de celle du transporteur. Aucun manquement au devoir de conseil n’est caractérisé à l’égard de la société Gondrand.
Selon la CMR, le transporteur est responsable de la perte ou de l’avarie survenue durant le transport. La responsabilité de la société Gondrand en tant que transporteur est engagée, et elle doit indemniser la société Actiglass du préjudice subi dans les limites fixées par la CMR.
La société Actiglass invoque une faute inexcusable de la société Gondrand, mais la preuve d’un acte délibéré n’est pas établie. La faute inexcusable du transporteur n’étant pas prouvée, la responsabilité de la société Gondrand est engagée dans les limites fixées par la CMR.
Les dispositions de première instance relatives aux frais irrépétibles et aux dépens seront confirmées. La société Gondrand sera condamnée aux dépens d’appel. Chaque partie conservera la charge de ses frais irrépétibles.
* * *
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 5 – Chambre 5
ARRET DU 14 SEPTEMBRE 2023
(n° 159 , 10 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : 20/05342 – N° Portalis 35L7-V-B7E-CBVQT
Décision déférée à la Cour : Jugement du 20 Février 2020 – Tribunal de Commerce de Paris, 4ème chambre – RG n° 2019024471
APPELANTE
S.A. SOCIETE FRANCAISE DE TRANSPORTS GONDRAND FRERES agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux en exercice, domiciliés en cette qualité audit siège
immatriculée au RCS de Paris sous le numéro 602 002 461
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représentée par Maître Frédéric INGOLD de la SELARL INGOLD & THOMAS – AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : B1055
Assitée de Cynthia TCHETCHE de PENNINGTONS MANCHES COOPER LLP, avocate au barreau de PARIS, toque : J116
INTIMEE
S.A.S.U. ACTIGLASS NOUVELLE DÉNOMINATION AUTO SERVICE CONSEIL prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
immatriculée au RCS de Creteil sous le numéro 519 579 452
[Adresse 2]
[Localité 4]
représentée par Maître Sandy MOCKEL de la SELEURL ACAFFI, avocate au barreau de PARIS, toque : D0298
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 08 Mars 2023, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame Marie-Annick Prigent, présidente de la chambre 5.5, chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Madame Marie-Annick Prigent, présidente de la chambre 5.5
Madame Nathalie Renard, présidente de chambre
Madame Christine Soudry, conseillère
qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l’audience par Madame Marie-Annick Prigent, présidente de la chambre 5.5, dans les conditions prévues par l’article 804 du code de procédure civile.
Greffier, lors des débats : Madame Claudia Christophe
ARRÊT :
– contradictoire
– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
– signé par Madame Nathalie Renard, présidente de chambre, le président empêché, et par Monsieur Martinez, Greffier auquel la minute du présent arrêt a été remise par le magistrat signataire.
FAITS ET PROCÉDURE
La société Française de Transports Gondrand Frères (société Gondrand) exerce l’activité de commissionnaire de transports et de transporteur.
Elle a, durant quatre ans, été régulièrement mandatée par la société Actiglass actuellement dénommée société Auto service conseil (ci-après société Actiglass), pour organiser le transport de pare-brises.
Le 4 mai 2018, la société Actiglass a fait l’acquisition de cinq pare-brises pour un montant de 10.870 euros auprès de la société Movena, qui réside en Belgique et a confié à la société Gondrand l’organisation de leur transport depuis Wavre (Belgique) jusqu’aux locaux de la société Actiglass à St Maur des Fossés (France).
Lors de la prise en charge des palettes le 15 mai 2018, aucune réserve n’a été émise par le transporteur.
A l’arrivée, le 22 mai 2018, la société Actiglass a constaté que les pare-brises étaient endommagés et a refusé leur livraison.
Par ordonnance du 12 décembre 2018, le juge des référés du tribunal de commerce de Bobigny a, sur requête de la société Actiglass, ordonné une expertise avec pour mission d’examiner la marchandise litigieuse, de déterminer l’importance des dommages, en rechercher les causes et chiffrer le préjudice total.
Par acte d’huissier de justice du 4 avril 2019, la société Actiglass a fait assigner la société Gondrand devant le tribunal de commerce de Paris afin d’obtenir la réparation de son préjudice matériel.
Par jugement en date du 20 février 2020, le tribunal de commerce de Paris a :
– Condamné la Française de Transport Gondrand Frère SA à payer à la SARL Actiglass la somme de 10 870 euros au titre du préjudice matériel subi par cette dernière.
– Condamné la Française de Transport Gondrand Frères SA à payer à la SARL Actiglass la somme de 1 500 euros au titre du remboursement des frais de l’expertise judiciaire avancés par la SARL Actiglass,
– Condamné la Française de Transport Gondrand Frères SA à payer à la SARL Actiglass la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
– Débouté la Française de Transport Gondrand Frères SA de toutes ses demandes, fins et conclusions,
– Ordonné l’exécution provisoire,
– Condamné la Française de Transport Gondrand Frères aux dépens dont ceux à recouvrer par le greffe, liquidés à la somme de 74,50 euros dont 12,20% de TVA.
Par déclaration du 16 février 2020, la Société française de transports Gondrand Frères a interjeté appel du jugement en toutes ses dispositions.
Dans ses dernières conclusions notifiées par RPVA le 11 mai 2022 la société française de transports Gondrand Frères demande à la cour, au visa des articles 9 du code de procédure civile, 1353 du code civil, du décret du 5 avril 2013 portant approbation du contrat type commission de transport et le décret du 31 mars 2017 relatif à l’annexe II à la partie 3 réglementaire du code des transports concernant le contrat type applicable aux transports publics routiers de marchandises pour lesquels il n’existe pas de contrat type spécifique , de :
– Infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,
Et statuant à nouveau, de :
A titre principal :
– Juger que le droit français est seul applicable au litige à l’exclusion de la Convention relative au contrat de transport international de marchandise par route (dite “CMR”) ;
– Juger que la société française de transports Gondrand Frères n’encourt aucune responsabilité à l’égard de la société Auto Service Conseil (anciennement Actiglass Ile de France)
– En conséquence, débouter cette dernière de l’ensemble de ses demandes, fins et prétentions à l’encontre de la société Française de Transport Gondrand Frères.
A titre subsidiaire,
– dans l’hypothèse où par extraordinaire la responsabilité de la société française de transports Gondrand Frères était retenue sur le fondement du contrat type transport,
– Juger que l’obligation à réparation de la société française de transports Gondrand Frères est limitée à la somme maximale de 1.000€ et limiter, en conséquence, toute condamnation de la société française de transports Gondrand Frères à l’égard de la société Auto Service Conseil (anciennement Actiglass Ile de France) à la somme maximale de 1.000€ ;
A titre infiniment subsidiaire dans l’hypothèse où par extraordinaire la responsabilité de la société française de transports Gondrand Frères était retenue sur le fondement du contrat type commission de transport,
– Juger que l’obligation à réparation de la société française de transports Gondrand Frères est limitée à la somme maximale de 4.200€ et limiter, en conséquence, toute condamnation de la Société française de transports Gondrand Frères à l’égard de société Auto Service Conseil (anciennement Actiglass Ile de France) à la somme de maximale de 4.200€ ;
A titre très infiniment subsidiaire dans l’hypothèse où par extraordinaire la responsabilité de la société française de transports Gondrand Frères était retenue sur le fondement de la Convention CMR,
Juger que l’obligation à réparation de la société française de transports Gondrand Frères est limitée à la somme maximale de la contrevaleur en euros de 1.749,30DTS et limiter, en conséquence, toute condamnation de la Société française de transports Gondrand Frères à l’égard de la société Auto Service (anciennement Actiglass ile de France) à la somme maximale de la contrevaleur en euros de 1.749,30DTS ;
En tout état de cause,
– Débouter la société Auto Service de sa demande de condamnation au titre des frais d’expertise judiciaire ;
-Débouter la société Actiglass Ile de France de sa demande de condamnation au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
– Condamner la société Auto Service Conseil (anciennement Actiglass Ile de France) à verser à la société française de transports Gondrand Frères la somme de 3.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens ;
– Débouter la société Actiglass Ile de France de ses demandes plus amples ou contraires.
Dans ses dernières conclusions, notifiées par RPVA le 16 mars 2022, la société Auto Service Conseil, anciennement dénommée société Actiglass demande à la cour, de :
Vu les dispositions de la convention CMR, les dispositions du code de commerce, et notamment ses article L.132-4, L132-5 et L.133-8, et les articles 1146 et suivants du code civil,
– Confirmer intégralement les dispositions du jugement du 20 février 2020,
Et y ajoutant :
– Condamner la société Gondrand à verser à la société Actiglass la somme de 4.200 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.
L’ordonnance de clôture a été prononcée le 12 mai 2022.
La cour renvoie, pour un plus ample exposé des faits, prétentions et moyens des parties, à la décision déférée et aux écritures susvisées, en application des dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.
MOTIFS
Sur la législation applicable
La société Actiglass sollicite l’application de la CMR alors que la société Gondrand demande l’application du droit français en raison de l’existence d’une rupture de charge au cours du transport.
L’article 1 de la Convention de Genève du 19 mai 1956 relative au contrat de transport international de marchandises par route, dite CMR dispose que “la présente Convention s’applique à tout contrat de transport de marchandises par route à titre onéreux au moyen de véhicules, lorsque le lieu de la prise en charge de la marchandise et le lieu prévu pour la livraison, tels qu’ils sont indiqués au contrat, sont situés dans deux pays différents dont l’un au moins est un pays contractant. Il en est ainsi quels que soient le domicile et la nationalité des parties.”
L’article 2 de la Convention précise :
1. “Si le véhicule contenant les marchandises est transporté par mer, chemin de fer,
voie navigable intérieure ou air sur une partie du parcours, sans rupture de charge
sauf, éventuellement, pour l’application des dispositions de l’article 14, la présente
Convention s’applique, néanmoins, pour l’ensemble du transport.”
Les dispositions de cette convention ont un caractère impératif, et le tribunal de commerce devait rechercher si ces dispositions étaient applicables. La société Actiglass a évoqué cette convention en ne demandant pas son application. La discussion sur l’application ou non de la CMR était donc aux débats.
Il résulte de la lettre de voiture en date du 15 mai 2018 que le transport de la marchandise devait s’effectuer entre Wavre (en Belgique) et [Localité 6] (en France)”.
La société Gontrand précise que le transport a été réalisé en trois temps :
1ère phase : transport entre Wavre (en Belgique) et [Localité 6] (en France)
2ème phase : stockage de la marchandise dans les entrepôts de la société Gondrand à Garonor ;
3ème phase : livraison finale de la marchandise à la société Actiglass, dont les locaux sont situés à St Maur des fossés.
Alors que l’adresse de destination figurant sur la lettre de voiture est celle du siège social de la société Actiglass, [Adresse 5], le bon de livraison précise que la livraison doit être effectuée dans un centre de la société Actiglass à [Localité 7] où les pare-brises ont été effectivement livrés.
Il ne ressort d’aucun élément du dossier que la marchandise a transité par [Localité 6] (en France). Cette erreur d’adresse de livraison est sans incidence sur la lettre de voiture qui mentionne un trajet de Wavre au lieu de livraison de la société Actiglass, sans interruption.
Le lieu de prise en charge de la marchandise et le lieu prévu pour sa livraison sont situées dans deux pays différents et le transport est régi par un contrat unique.
La rupture de charge intervenue dans le transport et le stockage des pare-brises à Garonor dans ses locaux à l’initiative de la société Gontrand est en l’espèce sans incidence dans la mesure où il n’est pas contesté qu’un seul mode de transport, transport routier, a été utilisé entre la Belgique et la France et que l’article 2 de la CMR exclut son application en cas de rupture de charge intervenant seulement dans le cadre d’un transport combiné.
La société Gontrand a effectué la dernière partie du trajet et est intervenue à ce titre en qualité de transporteur successif dans le trajet global qui doit en conséquence être soumis à la CMR.
Le jugement sera confirmé de ce chef.
Sur la cause du sinistre
La société Gontrand ne conteste pas sa double qualité de commissionnaire de transport et de transporteur.
La société Actiglass a engagé la responsabilité de la société Gontrand sur ces deux fondements.
Il résulte de l’expertise en date du 15 mai 2019 de M.[W], expert judiciaire, les conclusions suivantes : “L ‘ensemble des pare-brises a subi un impact important, dont deux sont fendus a plusieurs endroits.
La base de la palette nous semble sous-dimensionnée par rapport au poids des pare-brises qui pèsent plus de 200 kg, de surcroît, en raison de la hauteur, à notre avis, il manque des patins plus larges avec des renforts obliques à l’embase de la palette.
L’emballage des pare-brises nous semble insuffisant et les protections inefficaces car mal positionnées.
Selon M. [H], dirigeant de la société Movena [expéditeur], les pare-brises doivent être libres sans contrainte, car sinon ils risquent de casser.
Ils sont posés droit dans la caisse, des séparateurs sont présents entre chaque pare-brise, a’n qu’i1s ne se touchent pas entre eux.
Lors de la chute de la palette, les pare-brises ont glissé vers l’arrière, le dernier a subi l’impact et les autres se sont fendus sur leur face avant.
Même avec un emballage renforcé ou capitonné la chute de la palette aurait entrainé la casse des pare-brises en raison du poids de l’ensemble. La palette n’est pas faite pour tomber.”
En examinant la palette, l’expert a indiqué que “l’emballage est à clairevoie, il est donc facile au chauffeur d’examiner le conditionnement, ainsi que la nature et l’état de la marchandise avant de charger le colis. En raison de la déformation de la caisse et de l’arrachement des vis de fixation à l’avant de la caisse nous pensons que celle-ci est tombée vers l’arrière provoquant la casse des pare-brises.”
La société Gondrand reproche à l’expert de s’être prononcé sur la responsabilité des parties dans le sinistre.
Il sera précisé qu’il sera tenu compte uniquement des constatations matérielles de l’expert pour déterminer la cause du sinistre.
Il sera rappelé que sur la lettre de voiture ne figure aucune mention relative à l’état des marchandises ou à l’insuffisance de l’emballage lors de son enlèvement alors que le transport des pare-brises réalisé par palette à claire-voie permettait de constater de visu l’état de ceux-ci en permanence.
Il n’est pas discuté que la chute de la palette a eu lieu sur la dernière partie du transport à la charge de la société Gondrand, transporteur.
Il ressort de l’expertise que les pare-brises se sont brisés lors d’une chute sans que les constatations de l’expert ne permettent d’en déterminer avec certitude les circonstances. L’expert évoque l’insuffisance de l’emballage contesté par l’expéditeur lors de l’expertise compte tenu de la nature de la marchandise. Cependant, ce défaut d’emballage n’est pas la cause du sinistre. L’expert a précisé que seule la chute des pare-brises était à l’origine de leur bris. Il a évoqué également un mauvais arrimage de la marchandise dans le camion, laquelle aurait été susceptible de provoquer la chute des pare-brises. Il s’agit cependant d’une supposition de l’expert qui ne peut caractériser un fait certain.
Sur la responsabilité de la société Gondrand en qualité de commissionnaire de transport
La société Actiglass allègue que la société Gondrand a manqué à son devoir de conseil et a mal apprécié le mode de transport utilisé eu égard à la nature fragile du colis.
La société Gondrand réplique que :
– Elle n’a commis aucun manquement à son devoir de conseil, puisque le transport litigieux était semblable aux précédents transports effectués par la société Gondrand pour le compte de la société Actiglass qui avait l’initiative ou non de contracter une assurance de transport.
– Le donneur d’ordre était seul responsable de l’emballage et du conditionnement de la marchandise. Il appartenait donc à Actiglass de veiller à ce que les pare-brises bénéficiaient d’un emballage suffisant et adapté aux risques du transport.
La CMR ne s’applique pas au commissionnaire de transport qui n’est pas un transporteur.
Au visa des articles L.132-4 et L.132-5 du code de commerce, le commissionnaire de transport, responsable de son propre fait mais aussi de ceux des transporteurs qu’il s’est substitués, n’engage sa responsabilité pour son fait personnel que lorsque celui-ci est détachable de celle de son substitué et est à l’origine des avaries ou des pertes de marchandises.
Sur le devoir de conseil
L’article 5.5.3 du contrat type commission pose le principe d’une obligation de conseil qui s’apprécie en fonction du degré de professionnalisme du donneur d’ordre.
Les parties reconnaissent une relation d’affaires d’une durée de quatre ans portant sur le transport régulier de pare-brises.
La facture émise par la société Gondrand adressée à la société Actiglass mentionne que “toutes les opérations confiées à Gontrand sont effectuées sur la base de ses conditions générales de vente”.
L’article 4 de ces conditions générales dispose que “aucune assurance n’est souscrite par l’O.T.L, sans ordre écrit et répété du donneur d’ordre pour chaque expédition, précisant les risques à couvrir (ordinaires et spéciaux) et les valeurs à garantir”.
Compte tenu du nombre de transport confiés, la société Actiglass était un donneur d’ordre expérimenté lui permettant d’évaluer, eu égard à la fragilité de la marchandise transportée, de l’opportunité ou non de contracter une assurance afin d’obtenir une indemnisation totale en cas de sinistre.
En conséquence, aucun manquement au devoir de conseil n’est caractérisé à l’égard de la société Gondrand, en qualité de commissionnaire de transport.
Sur le conditionnement de la marchandise
L’article 4.1 du contrat type de commission de transport énonce que “lorsque la nature de la marchandise le nécessite, celle-ci est conditionnée, emballée, marquée ou contremarquée par le donneur d’ordre de façon à supporter les conditions de transport ainsi que les opérations de stockage et de manutention successive.”
Il n’est pas démontré qu’en qualité de commissionnaire de transport, la société Gondrand a reçu une mission spécifique quant au conditionnement tenant compte du type de produits transportés.
En tout état de cause, l’expert a écarté cette cause comme étant à l’origine du sinistre et la société Actiglass reproche à la société Gondrand non pas un défaut de conditionnement de la marchandise mais un défaut d’arrimage de celle-ci dans le camion.
Il sera rappelé que l’expert a évoqué le défaut d’arrimage des pare-brises comme une cause possible mais non certaine à l’origine de la chute de la marchandise ce qui ne permet pas de retenir la responsabilité personnelle de la société Gondrand, à supposer que cette tâche lui revenait en qualité de commissionnaire de transport.
En conséquence, la société Gondrand ne peut voir sa responsabilité personnelle engagée en tant que commissionnaire de transport.
Les demandes de la société Actiglass sur ce fondement seront rejetées.
Sur la responsabilité de la société Gondrand en qualité de transporteur
Selon l’article 17, alinéa 1, de la CMR, “le transporteur est responsable de la perte totale ou partielle, ou de l’avarie, qui se produit entre le moment de la prise en charge de la marchandise et celui de la livraison, ainsi que du retard à la livraison.”
Aux termes de l’alinéa 2, le transporteur est déchargé de cette responsabilité si la perte, l’avarie ou le retard a eu pour cause une faute de l’ayant droit, un ordre de celui-ci ne résultant pas d’une faute du transporteur, un vice propre de la marchandise, ou des circonstances que le transporteur ne pouvait pas éviter et aux conséquences desquelles il ne pouvait pas obvier.”
L’article 17.4 de la CMR prévoit que :
“4. Compte tenu de l’art. 18, par. 2 à 5, le transporteur est déchargé de sa responsabilité lorsque la perte ou l’avarie résulte des risques particuliers inhérents à l’un des faits suivants ou à plusieurs d’entre eux :
(…)
b) absence ou défectuosité de l’emballage pour les marchandises exposées par leur nature à des déchets ou avaries quand elles ne sont pas emballées ou sont mal emballées (…)”.
L’article 18.2 de la CMR précise que :
“2. Lorsque le transporteur établit que, eu égard aux circonstances de fait, la perte ou l’avarie a pu résulter d’un ou de plusieurs des risques particuliers prévus à l’art. 17, par. 4, il y a présomption qu’elle en résulte. L’ayant- droit peut toutefois faire la preuve que le dommage n’a pas eu l’un de ces risques pour cause totale ou partielle.”
Il sera rappelé que sur la lettre de voiture ne figure aucune mention relative à l’état des marchandises ou à l’insuffisance de l’emballage lors de son enlèvement et qu’il n’est pas discuté que la chute de la palette a eu lieu sur la dernière partie du transport à la charge de la société Gondrand, transporteur, sans que les constatations de l’expert ne permettent d’en déterminer avec certitude les circonstances.
Aux termes de l’article 17, alinéa 1, de la CMR, le transporteur est responsable de la perte totale ou partielle, ou de l’avarie, survenue durant le transport, sans qu’il puisse être retenu, contrairement à ce que soutient la société Gondrand, un défaut de conditionnement des pare-brises à l’origine du sinistre. En conséquence, il est vain d’analyser les modalités d’emballage des pare-brises, qui ne sont pas de nature à exclure la responsabilité de la société Gondrand, dans la chute de ceux-ci.
Sur la faute inexcusable du transporteur
Aux termes de l’article 29 de la CMR “le transporteur n’a pas le droit de se prévaloir des dispositions du présent chapitre qui excluent ou limitent sa responsabilité ou qui renversent le fardeau de la preuve, si le dommage provient de son dol ou d’une faute qui lui est imputable et qui d’après la loi de la juridiction saisie, est considérée comme équivalente au dol” ;
Il est invoqué la faute inexcusable du transporteur, ce qui dans ce cas, oblige à la réparation intégrale du préjudice qui en résulte et interdit d’opposer la limitation de garantie résultant de la valeur déclarée des marchandises, ou les limitations fixées par la CMR.
L’article L.133-8 du code de commerce définit la faute inexcusable équipollente au dol comme étant “la faute délibérée qui implique la conscience de la probabilité du dommage et son acceptation téméraire sans raison valable.”
Quatre éléments cumulatifs doivent être réunis pour qu’une faute inexcusable soit constituée :
– une faute délibérée ;
– la conscience de la probabilité du dommage ;
– l’acceptation téméraire de sa probabilité ;
– sans raison valable.
La faute inexcusable s’apprécie in concreto, selon les circonstances. La faute doit être délibérée et ne pas être une simple négligence, la conscience de la probabilité du dommage n’étant pas celle de sa possibilité.
La société Actiglass reproche la société Gondrand une faute délibérée en ce que le transporteur aurait omis délibérément d’attacher un colis fragile dans son camion, en ayant conscience que de ce fait, la chute était inévitable au moindre virage, et avec elle le risque tout aussi inévitable d’une casse.
La société Gondrand réplique que la preuve d’un arrimage insuffisant de la marchandise durant le transport n’est pas rapportée.
Le seul fait établi est constitué par le bris des pare-brises, en raison de leur chute ; l’expert a émis l’hypothèse d’un mauvais arrimage de la marchandise dans le camion.
Même à supposer ce fait à l’origine du dommage, il ne caractérise pas un acte volontaire constitutif d’une faute délibérée mais d’une négligence dans la préparation des palettes en vue de leur transport.
La preuve n’étant pas rapportée que la chute des palettes résulte d’un acte volontaire d’un préposé de la société Gondrand, la faute inexcusable du transporteur n’est dès lors pas établie.
La société Gondrand, qui ne rapporte pas la preuve de l’un des cas d’exonération prévu par la Convention, ne peut s’exonérer de sa responsabilité et doit indemniser la société Actiglass du préjudice subi dans les limites fixées par la CMR.
Selon les articles 23 et 25 de la Convention, l’indemnité pour perte totale ou avarie de la marchandise mise à la charge du transporteur est calculée d’après la valeur de la marchandise au lieu et à l’époque de la prise en charge. Toutefois, l’indemnité ne peut dépasser 8,33 unités de compte par kg du poids brut manquant. Sont en outre remboursés le prix du transport, les droits de douane et les autres frais encourus à l’occasion du transport de la marchandise, en totalité en cas de perte totale, et au prorata en cas de perte partielle. L’unité de compte est un droit de tirage spécial (DTS) qui est converti dans la monnaie nationale.
En l’espèce, la lettre de voiture mentionne que le colis transporté avait un poids de 210 kg, sans précision de valeur pour la marchandise.
Sur la base d’un taux d’1,24 euros le DTS, l’indemnité sera fixée à la somme de 2169,13 euros en prenant en compte les éléments suivants : 210 kg X 8,33 DTS X 1,24 euros, la société Actiglass n’étant pas fondée à réclamer une indemnité supérieure au plafond prévu par la convention.
Le jugement sera infirmé sur le montant de l’indemnisation allouée à titre principal.
Le jugement sera confirmé en ce qu’il a condamné la Française de Transport Gondrand Frères SA à payer à la SARL Actiglass la somme de 1 500 euros au titre du remboursement des frais de l’expertise judiciaire avancés par la SARL Actiglass.
Sur les demandes accessoires
Les dispositions de première instance relatives aux frais irrépétibles et aux dépens seront confirmées.
La société Gondrand qui succombe partiellement sera condamnée aux dépens d’appel. Chaque partie conservera la charge de ses frais irrépétibles.
PAR CES MOTIFS
Infirme le jugement en ce qu’il a condamné la société Française de Transport Gondrand Frères à payer à la SARL Actiglass la somme de 10 870 euros au titre du préjudice matériel subi par cette dernière,
Le confirme pour le surplus,
Statuant à nouveau et y ajoutant,
Rejette les demandes de la société Auto Service Conseil (anciennement société Actiglass) à l’égard de la société Française de Transport Gondrand Frères, en qualité de commissionnaire de transport,
Déclare la société Française de Transport Gondrand Frères, en qualité de transporteur, responsable du préjudice subi par la société Auto Service Conseil ( anciennement société Actiglass), sur le fondement de la CMR,
Dit que la société Française de Transport Gondrand Frères, en qualité de transporteur, n’a pas commis de faute équipollente au dol,
Condamne la société Française de Transport Gondrand Frères à payer à la société Auto Service Conseil (anciennement société Actiglass) la somme de 2169,13 euros au titre du préjudice matériel subi par cette dernière,
Dit que chaque partie conservera la charge de ses frais irrépétibles d’appel,
Rejette toute autre demande,
Condamne la société Française de Transport Gondrand Frères aux dépens d’appel.
LE GREFFIER P/LE PRESIDENT EMPÊCHÉ