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La société Apéro 37 n’ayant pas établi de contrat de travail écrit mentionnant la durée hebdomadaire ou mensuelle prévue, il est présumé que l’emploi est à temps complet. L’employeur n’ayant pas réussi à renverser cette présomption, le contrat de travail est requalifié en contrat à temps plein.
La société Apéro 37 reconnaît que les heures de nuit auraient dû être majorées de 20 % au lieu de 10 %. Le rappel de salaire est fixé en fonction des heures effectivement accomplies par le salarié.
M. [P] [C] a présenté des éléments suffisamment précis quant aux heures supplémentaires effectuées, tandis que l’employeur n’a pas produit de preuves contraires. La société Apéro 37 est condamnée à payer les rappels de salaire sur heures supplémentaires.
La dissimulation d’emploi est caractérisée par l’omission intentionnelle de mentionner les heures réellement travaillées sur les bulletins de paie. L’employeur est condamné à verser une indemnité pour travail dissimulé.
La prise d’acte de la rupture du contrat de travail par M. [P] [C] produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse en raison du non-paiement des heures de travail effectuées. Le salarié a droit à une indemnité compensatrice de préavis.
La société Apéro 37 est condamnée aux dépens et aux frais irrépétibles. Les dépens de l’instance d’appel sont à sa charge, et elle doit payer une somme à Maître Audrey Chefneux en application de la loi relative à l’aide juridique.
* * *
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
C O U R D ‘ A P P E L D ‘ O R L É A N S
CHAMBRE SOCIALE – A –
Section 1
PRUD’HOMMES
Exp +GROSSES le 26 SEPTEMBRE 2023 à
la SELARL SELARL EFFICIENCE
la SELARL CM&B ‘COTTEREAU-MEUNIER-BARDON-SONNET- ET ASSOCIES
AD
ARRÊT du : 26 SEPTEMBRE 2023
MINUTE N° : – 23
N° RG 21/02029 – N° Portalis DBVN-V-B7F-GNAL
DÉCISION DE PREMIÈRE INSTANCE : CONSEIL DE PRUD’HOMMES – FORMATION PARITAIRE DE TOURS en date du 08 Juillet 2020 – Section : COMMERCE
APPELANTE :
S.A.R.L. APERO 37
[Adresse 2]
[Localité 4]
représentée par Me Elise HOCDÉ de la SELARL SELARL EFFICIENCE, avocat au barreau de TOURS
ET
INTIMÉ :
Monsieur [P] [C] (aide juridictionnelle 2021/005453 du 20 septembre 2021)
né le 23 Juillet 1979 à [Localité 3]
[Adresse 1]
[Localité 4]
représenté par Me Audrey CHEFNEUX de la SELARL CM&B ‘COTTEREAU-MEUNIER-BARDON-SONNET- ET ASSOCIES, avocat au barreau de TOURS
Ordonnance de clôture : 12 AVRIL 2023
Audience publique du 09 Mai 2023 tenue par M. Alexandre DAVID, Président de chambre, et ce, en l’absence d’opposition des parties, assisté/e lors des débats de Mme Fanny ANDREJEWSKI-PICARD, Greffier.
Après délibéré au cours duquel M. Alexandre DAVID, Président de chambre a rendu compte des débats à la Cour composée de :
Monsieur Alexandre DAVID, président de chambre, président de la collégialité,
Madame Laurence DUVALLET, présidente de chambre,
Madame Florence CHOUVIN-GALLIARD, conseiller
Puis le 26 Septembre 2023, Monsieur Alexandre DAVID, président de Chambre, assisté de Mme Fanny ANDREJEWSKI-PICARD, Greffier a rendu l’arrêt par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
FAITS ET PROCÉDURE
La SARL Apéro 37 exerce, sous le nom commercial Apero Joke [Localité 4], une activité de vente et de livraison de boissons alcoolisées et non alcoolisées ainsi que de produits alimentaires.
M. [P] [C] a été engagé à compter du 1er mars 2020 par cette société en qualité de chauffeur livreur, sans qu’aucun contrat de travail écrit ne soit formalisé.
Par lettre recommandée avec demande d’avis de réception du 6 août 2020, M. [C] a pris acte de la rupture de son contrat de travail.
Par requête reçue au greffe le 18 décembre 2020, M. [P] [C] a saisi le conseil de prud’hommes de Blois aux fins de voir requalifier la prise d’acte de la rupture de son contrat de travail en un licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Par jugement du 8 juillet 2021, auquel il est renvoyé pour un plus ample exposé du litige, le conseil de prud’hommes de Blois a :
Dit que la prise d’acte de rupture du contrat de travail de M. [C] [P] s’analysait en un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
Requalifié la relation contractuelle en un contrat à durée indéterminée à temps complet à 169 heures mensuelles ;
Condamné la S.A.R.L. Apéro 37 à verser à M. [P] [C] les sommes suivantes :
– 4 178,28 € brut à titre de rappel de salaire pour la période du 1er mars au 31 juillet 2020 ;
– 1 577,25 € brut à titre de rappel de salaire sur heures supplémentaires pour la période du 16 mars au 21 juin 2020 ;
– 121,80 € brut à titre de rappel de salaire sur la journée du 1°’ mai 2020 en denier ou quittance ;
– 410,36 € brut à titre de rappel de salaire sur heure de nuit en denier ou quittance ;
– 628,77 € brut à titre d’indemnité de congés payés sur rappel de salaire ;
– 13 861,56 € net à titre de dommages et intérêts pour travail dissimulé ;
– 475,02 € brut à titre d’indemnité de préavis ;
– 47,50 € brut à titre d’indemnité de congés payés sur préavis ;
Ordonné à la S.A.R.L. Apéro 37 de remettre à M. [P] [C] les documents suivants conformes au jugement :
– un bulletin de salaire relatif aux créances salariales susvisées et conformes à I’article R. 3243-1 du code du travail,
– une attestation pôle emploi,
– un solde tout comptes,
Et ce sous astreinte de 50 euros par document et par jour de retard à compter du 30ième jour suivant la notification de la présente décision ;
S’est réservé la faculté de liquider l’astreinte ;
Rappelé que l’exécution provisoire est de droit pour les créances salariales qui seront assorties des intérêts légaux à compter de la saisine du conseil, soit le 18 décembre 2020 et fixe à la somme brute de 2 310,26 € brut sur la base mensuelle des salaires prévue à I’article R. 1454-28 du Code du travail ;
Débouté M. [C] [P] de sa demande au titre de I’article 37 de la loi n°91-647 du 10 juillet 1991 relative à l’aide juridique ;
Débouté la S.A.R.L. Apéro 37 de sa demande au titre du préjudice subi pour non-réalisation du préavis ;
Condamné la S.A.R.L. Apéro 37 aux entiers dépens d’instance.
Le 16 juillet 2021, la S.A.R.L. Apéro 37 a relevé appel de cette décision.
PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Vu les dernières conclusions remises au greffe le 15 septembre 2021 auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des moyens et prétentions conformément à l’article 455 du Code de procédure civile et aux termes desquelles la S.A.R.L. Apéro 37 demande à la cour de :
Infirmer le jugement du Conseil de Prud’hommes de Tours du 8 juillet 2021 en ce qu’il a :
– Requalifié la prise d’acte de la rupture du contrat de travail en licenciement sans cause réelle et sérieuse,
– Requalifié la relation contractuelle en contrat à durée indéterminée à temps complet à 169 heures mensuelles,
– Condamné la société Apéro 37 au paiement des sommes suivantes :
– 4.178,28€ bruts à titre de rappel de salaire pour la période du 1er mars au 31 juillet
2020,
– 1.577,25 € bruts à titre de rappel de salaire sur les heures supplémentaires pour la
période du 16 mars au 21 juin 2020,
– 121,80 € bruts à titre de rappel de salaire sur la journée du 1er mai 2020 en denier ou quittance,
– 410,36 € bruts à titre de rappel de salaire sur heure de nuit en denier ou quittance,
– 628,77 € à titre d’indemnité de congés payés sur rappel de salaire,
-13.861,56 € nets à titre de dommages et intérêts pour travail dissimulé,
– 475,02 € à titre d’indemnité de préavis,
– 47,50 € à titre d’indemnité de congés payés sur préavis,
– Débouté la société Apéro 37 de ses demandes reconventionnelles,
Confirmer le jugement du Conseil de Prud’hommes Tours en ce qu’il a condamné la société Apéro 37 au paiement de la somme de 410,36 € bruts à titre de rappel de salaire sur heure de nuit en denier ou quittance en lieu et place des 1.275,50 € bruts sollicités par M. [C],
En conséquence, la Cour statuant de nouveau, il lui est demandé de :
Juger que la prise d’acte de la rupture du contrat de travail de M. [C] s’analyse en une démission,
En conséquence :
Condamner M. [C] au paiement de 475,02 € au titre du préjudice subi pour non-réalisation du préavis,
En tout état de cause :
Prendre acte du paiement par la société Apéro 37 de la somme de 123 € brut au titre de la majoration du 1er mai 2020,
Prendre acte du paiement par la société Apéro 37 de la somme de 410,36 € bruts au titre de la majoration des heures de nuit,
Débouter M. [C] de toutes ses autres demandes,
Condamner M. [C] aux dépens de l’instance.
Sur la prise d’acte de la rupture du contrat de travail, la S.A.R.L. Apéro 37 fait valoir que la prise d’acte permet au salarié de rompre le contrat de travail, uniquement en cas de manquements suffisamment graves de l’employeur empêchant la poursuite du contrat de travail. Elle soutient que les manquements anciens ne sauraient justifier une prise d’acte qui, dans ce cas, produit les effets d’une démission.
En fait, elle assure ne jamais avoir commis de manquements permettant cette requalification. En effet, M. [C] ne s’est jamais plaint de ses conditions de travail et omet de préciser la date des manquements invoqués. Il n’a jamais demandé de régulariser un contrat écrit.
S’agissant de l’absence de visite médicale d’embauche, il convient de considérer la surcharge de la médecine du travail en Indre-et-Loire et l’absence de responsabilité de l’employeur dans cette carence.
Les heures de nuit ont bien été majorées et dénommées comme telles sur le bulletin de paie de juillet 2020.
Quant au retard de communication de la fiche de paie de juin, elle ne saurait justifier une prise d’acte de rupture.
S’agissant des heures supplémentaires, le salarié n’a jamais sollicité aucune d’entre elles en sorte que l’entreprise n’en a pas eu connaissance.
Lors de son embauche, la société ne s’est pas engagée à lui remettre un véhicule de société, ni à lui payer ses frais kilométriques dont il ne réclame pas aujourd’hui le remboursement.
S’agissant de la requalification du contrat de travail en temps plein, l’employeur entend renverser cette présomption en démontrant que le salarié ne travaillait pas à temps plein et ne se tenait pas en permanence à sa disposition alors que son horaire de travail ne devait pas dépasser 20 heures par semaine.
Sur les majorations pour heures de nuit, à hauteur de 20 %, l’employeur reconnaît son erreur et a versé à ce titre une somme de 410,36 € brut mentionnée sur un bulletin de régularisation. Le repos compensateur a été réglé sur la fiche de paie de juillet 2020 à hauteur de 20 heures pour 203 €.
S’agissant des heures supplémentaires, elle affirme que le décompte a été présenté seulement pour les besoins de procédure en sorte qu’il ne pourra qu’être rejeté. Sur le travail dissimulé, elle conteste toute intention de dissimulation, faisant valoir que M. [C] était l’unique salarié de la société.
Enfin celui-ci a bien travaillé le 1er mai 2020 et l’absence de majoration de cette journée résulte seulement d’une erreur comptable.
Vu les dernières conclusions remises au greffe le 13 décembre 2021 auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des moyens et prétentions conformément à l’article 455 du Code de procédure civile et aux termes desquelles M. [P] [C] demande à la cour de :
Dire et juger M. [P] [C] recevable et bien fondé en ses demandes,
En conséquence,
Infirmer le jugement déféré en ce qu’il a condamné la S.A.R.L. Apéro 37 à payer à M. [C] la somme de 410,36 euros à titre de rappel de salaire sur heure de nuit en dernier ou quittance et 628,77 euros à titre de congés payés afférents aux éléments de salaire ;
Statuant de nouveau,
Condamner la S.A.R.L. Apéro 37 à payer à M. [C] la somme de 1.275,50 euros brut à titre de rappel de salarie au titre de la majoration salariale pour travail de nuit ;
Condamner la S.A.R.L. Apéro 37 à payer à M. [C] la somme 715,28 euros brut à titre de congés payés afférents aux éléments de salaires objets de la condamnation de l’employeur ;
Confirmer pour le surplus le jugement rendu par le Conseil de Prud’hommes de Tours en date du 8 juillet 2021 ;
Condamner encore la S.A.R.L. Apéro 37 à payer à Maître Audrey Chefneux la somme de 2.000 euros H.T soit 2.400 euros TTC sur le fondement de l’article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l’aide juridique.
Sur les motifs de la prise d’acte de rupture, M. [P] [C] invoque les manquements répétés de son employeur concernant :
-l’absence de contrat de travail écrit,
-l’absence de rémunération en adéquation avec le nombre d’heures de travail qu’il a accomplies,
-l’absence de déclaration de travail de nuit et par conséquent de suivi médical par la médecine du travail,
-l’absence de rémunération des congés payés auxquels il pouvait prétendre en juillet 2000.
Sur le fondement de l’article L. 3123-6 du code du travail, il souligne que le contrat de travail à temps partiel est un contrat écrit qui permet d’établir entre les parties les journées et les horaires de travail.
Or, il était, la plupart du temps, avisé la veille au soir de ses horaires de travail pour le lendemain et ainsi contraint de se tenir à la disposition permanente de son employeur.
Il déplore avoir été contraint d’utiliser son véhicule personnel pour assurer les livraisons, sans aucun dédommagement, ces éléments devant constituer sans conteste des manquements graves de l’employeur.
Sur les heures travaillées, il expose en avoir exécuté 24 par semaine jusqu’au 1er avril 2020 mais 49 dans la semaine du 16 au 21 mars. Il affirme avoir travaillé 207 heures en avril 2020, 208 heures en mai 2020,180 heures en juin 2020 et 32 heures consécutives du 13 au 18 juillet 2020 alors que ses bulletins de salaires portaient invariablement un volume de 20 heures par semaine.
Les SMS échangés entre les parties permettent d’établir la réalité du volume d’heures effectuées. En revanche, l’employeur s’abstient de fournir la moindre pièce à cet égard.
Il fait valoir que le travailleur de nuit bénéficie d’une surveillance accrue par la médecine du travail au regard des contraintes physiques et psychologiques qu’impose un tel travail. Il soutient que l’employeur doit s’assurer de la réalité de cette visite médicale.
Il invoque également l’absence de déclaration de l’ensemble des heures de travail accomplies.
Ces manquements graves doivent emporter les mêmes effets qu’un licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Il sollicite en conséquence la requalification du contrat de travail en contrat de travail à durée indéterminée à temps complet et réclame le paiement des heures de nuit et heures supplémentaires exécutées, sur la base de 169 heures par mois conformément à la convention collective applicable, soit un rappel de 4178,28 € brut.
En effet, l’article 12 de cette convention collective dispose que la durée légale du travail effectif du personnel est fixée à 39 heures par semaine, les heures effectuées en supplément étant majorées de 25 % de la 40e à la 47e heure et de 50 % au-delà.
En fait, il a exclusivement travaillé la nuit entre 21 heures et 6 heures du matin, ce qui implique 20 % en plus du taux conventionnel.
Il évalue sa créance au titre des heures supplémentaires à 1577,25 € brut, outre 121,80 € brut pour le 1er mai.
Il estime que le travail dissimulé est, en l’espèce, caractérisé dès lors que l’employeur a délibérément dissimulé la réalité des heures accomplies par son seul salarié alors qu’il gérait au quotidien son planning.
Il estime avoir droit à une indemnité de préavis égale à une semaine de salaire, comme la convention collective le prévoit pour les salariés ayant moins de six mois d’ancienneté.
L’ordonnance de clôture a été prononcée le 12 avril 2023.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur la demande de requalification du contrat à temps partiel en contrat à temps plein
L’article L. 3123-6 du code du travail dispose que le contrat de travail du salarié à temps partiel est un contrat écrit qui mentionne, notamment, la durée hebdomadaire ou mensuelle prévue et la répartition de la durée du travail entre les jours de la semaine ou les semaines du mois.
Il est constant qu’aucun contrat de travail écrit n’a été établi entre les parties.
L’absence d’écrit mentionnant la durée hebdomadaire, ou le cas échéant mensuelle prévue, et la répartition de la durée du travail entre les jours de la semaine ou les semaines du mois, fait présumer que l’emploi est à temps complet. L’employeur qui conteste cette présomption doit rapporter la preuve, d’une part, de la durée exacte hebdomadaire ou mensuelle convenue, d’autre part, de ce que le salarié n’était pas placé dans l’impossibilité de prévoir à quel rythme il devait travailler et qu’il n’avait pas à se tenir constamment à la disposition de l’employeur (Soc., 21 novembre 2012, pourvoi n° 11-10.258, Bull. 2012, V, n° 304).
La société Apéro 37 allègue, sans le démontrer, que la durée de travail convenue aurait été de 86,67 heures par mois soit 20 heures par semaine.
L’employeur ne verse aucune pièce relative aux horaires de travail qui auraient été ceux du salarié.
Il ressort des échanges de SMS avec l’employeur que les horaires de travail du salarié variaient constamment et qu’il était ainsi dans l’impossibilité de prévoir à quel rythme il devait travailler (pièces n° 8 à 12 de M. [C]).
La société Apéro 37 échouant à renverser la présomption d’emploi à temps complet, il y a lieu de requalifier le contrat de travail en contrat à temps plein.
La société Apéro 37 a une activité de vente et livraison de boissons alcoolisées et non alcoolisées, de produits alimentaires et tout autre produit manufacturé, en réception d’appel. Il ne résulte d’aucun élément du débat que la relation de travail était soumise à la convention collective de transport de marchandises de proximité invoquée par M. [P] [C] (conclusions, p. 13). Il y a donc lieu d’infirmer le jugement en ce qu’il a requalifié la relation de travail en un contrat à temps complet de 169 heures mensuelles.
Il y a lieu, par voie d’infirmation du jugement, de condamner la société Apéro 37 à payer à M. [P] [C] la somme de 3 298 euros brut à titre de rappel de salaire pour la période de mars à juillet 2020.
Sur la demande au titre des majorations pour heures de nuit
La société Apéro 37 reconnaît que les heures de nuit accomplies par le salarié auraient dû être majorées de 20 % et non pas de 10 %. Elle produit un bulletin de paie de régularisation établi en mars 2021 (pièce n° 1).
Il convient de fixer le rappel de salaire en considération des heures effectivement accomplies par le salarié et non pas sur la base d’un horaire à temps complet.
Il y a lieu de confirmer le jugement en ce qu’il a condamné la société Apéro 37 à payer à M. [P] [C] la somme de 410,36 € brut à titre de rappel de salaire sur heures de nuit, cette condamnation ayant été prononcée en deniers ou quittances afin de prendre en compte le paiement allégué par l’employeur.
Sur la demande au titre des heures supplémentaires
Il résulte des dispositions de l’article L. 3171-4 du code du travail qu’en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l’appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies afin de permettre à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l’ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l’une et l’autre des parties, dans l’hypothèse où il retient l’existence d’heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l’importance de celles-ci et fixe les créances salariales s’y rapportant (Soc., 18 mars 2020, pourvoi n° 18-10.919, FP, P + B + R + I).
Au soutien de sa demande au titre des heures supplémentaires, M. [P] [C] verse notamment aux débats un récapitulatif des heures de travail qu’il prétend avoir réalisées de mars à juillet 2020 (pièce n° 7) ainsi que des listings d’échanges de SMS avec son employeur (pièces n° 8 à 12).
Ces éléments sont suffisamment précis pour permettre à l’employeur d’y répondre en produisant ses propres éléments.
La société Apéro 37 ne verse aux débats aucune pièce relative aux heures de travail effectivement accomplies par le salarié.
Les échanges de SMS entre le salarié et l’employeur établissent que le salarié a été soumis à de nombreuses injonctions de livraison qui l’ont contraint à effectuer des heures de travail au-delà de la durée légale. Il a également accompli un travail le 1er mai 2020, ce que reconnaît l’employeur qui a établi en mars 2021 un bulletin de paie à ce titre (pièce n° 1 de son dossier).
Il y a lieu de confirmer le jugement en ce qu’il a condamné la société Apéro 37 à payer à M. [P] [C] les sommes de 1 577,25 € brut à titre de rappel de salaire sur heures supplémentaires pour la période du 16 mars au 21 juin 2020 et de 121,80 € brut à titre de rappel de salaire sur la journée du 1er mai 2020, cette dernière condamnation ayant été prononcée en deniers ou quittances afin de prendre en compte le paiement allégué par l’employeur.
Par voir d’infirmation du jugement, il y a lieu de condamner la société Apéro 37 à payer à M. [P] [C] la somme de 540,74 euros brut à titre d’indemnité de congés payés afférentes aux rappels de salaire alloués par la présente juridiction et par les premiers juges.
Sur la demande d’indemnité pour travail dissimulé
La dissimulation d’emploi salarié prévue par l’article L. 8221-5 du code du travail est caractérisée que s’il est établi que l’employeur a, de manière intentionnelle, mentionné sur le bulletin de paie un nombre d’heures de travail inférieur à celui réellement effectué.
Certes, le caractère intentionnel ne peut pas se déduire de la seule absence de mention des heures supplémentaires sur les bulletins de paie.
Cependant, la société Apéro 37 a délivré au salarié des bulletins de paie mentionnant le même nombre d’heures de travail, soit 86,67 heures.
Or, il a été constaté que M. [P] [C] a accompli un nombre d’heures de travail très supérieur à celui mentionné sur les bulletins de paie. Il était l’unique salarié de la société et recevait des instructions directement du gérant. L’employeur avait donc nécessairement connaissance des heures de travail réellement effectuées par le salarié. Il apparaît par conséquent qu’il a sciemment entendu se soustraire à ses obligations déclaratives et a omis de rémunérer des heures de travail dont il savait qu’elles avaient été réalisées.
L’élément intentionnel de la dissimulation d’emploi est caractérisé.
Le montant de l’indemnité forfaitaire prévue à l’article L. 8223-1 du code du travail doit être calculé en tenant compte des heures supplémentaires accomplies par le salarié au cours des six mois précédant la rupture du contrat de travail (Soc., 18 octobre 2006, pourvoi n° 05-40.464).
Il y a lieu de confirmer le jugement en ce qu’il a condamné la société Apéro 37 au paiement d’une indemnité pour travail dissimulé de 13 861,56 €.
Sur les effets de la prise d’acte de la rupture du contrat de travail
Par lettre recommandée avec demande d’avis de réception du 6 août 2020, M. [C] a pris acte de la rupture de son contrat de travail.
Ainsi qu’il a été précédemment exposé, le salarié a accompli un grand nombre d’heures de travail qui n’ont pas donné lieu à rémunération.
Ce manquement est, à lui seul, suffisamment grave pour empêcher la poursuite du contrat de travail.
Par conséquent, sans qu’il soit besoin d’examiner les autres manquements invoqués par M. [P] [C], il y a lieu de confirmer le jugement en ce qu’il a dit que la prise d’acte de rupture produisait les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse.
M. [P] [C] peut donc prétendre au paiement d’une indemnité compensatrice de préavis qu’il y a lieu de fixer en considération de la rémunération qu’il aurait perçue s’il avait travaillé durant cette période.
Il y a lieu de confirmer le jugement en ce qu’il lui a alloué les sommes de 475,02 € brut à titre d’indemnité de préavis et de 47,50 € brut au titre des congés payés afférents.
L’employeur doit être débouté de sa demande en paiement d’une somme de 475,02 €
au titre de la non-réalisation du préavis.
Sur les dépens et frais irrépétibles
Il y a lieu de confirmer le jugement en ses dispositions relatives aux dépens et aux frais irrépétibles.
Les dépens de l’instance d’appel sont à la charge de la société Apéro 37, partie succombante.
Il y a lieu de condamner la société Apéro 37 à payer à Maître Audrey Chefneux la somme de 2400 euros en application de l’article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l’aide juridique, à charge pour elle de renoncer à la part contributive de l’Etat en cas de recouvrement de cette somme.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement par arrêt contradictoire, rendu en dernier ressort et prononcé par mise à disposition au greffe :
Infirme le jugement rendu le 8 juillet 2021, entre les parties, par le conseil de prud’hommes de Tours mais seulement en ce qu’il a requalifié la relation contractuelle entre la société Apéro 37 et M. [P] [C] en un contrat à durée indéterminée à temps complet à 169 heures mensuelles et en ce qu’il a condamné la société Apéro 37 à verser à M. [P] [C] les sommes de 4 178,28 euros brut à titre de rappel de salaire pour la période du 1er mars au 31 juillet 2020 et de 628,77 euros brut à titre d’indemnité de congés payés sur rappel de salaire ;
Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant :
Requalifie le contrat de travail passé entre la société Apéro 37 et M. [P] [C] en un contrat à temps complet ;
Condamne la société Apéro 37 à payer à M. [P] [C] les sommes suivantes :
– 3 298 euros brut à titre de rappel de salaire pour la période de mars à juillet 2020 ;
– 540,74 euros brut à titre d’indemnité de congés payés afférentes aux rappels de salaire ;
Condamne la société Apéro 37 à payer à Maître Audrey Chefneux la somme de 2 400 euros en application de l’article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l’aide juridique, à charge pour elle de renoncer à la part contributive de l’Etat en cas de recouvrement de cette somme ;
Condamne la société Apéro 37 aux dépens de l’instance d’appel.
Et le présent arrêt a été signé par le président de chambre et par le greffier
Fanny ANDREJEWSKI-PICARD Alexandre DAVID