Redressement URSSAF du transporteur de marchandises

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Redressement URSSAF du transporteur de marchandises
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Redressement URSSAF du transporteur de marchandises

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REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-8

ARRÊT AU FOND

DU 20 JUILLET 2023

N°2023/.

Rôle N° RG 21/15717 – N° Portalis DBVB-V-B7F-BILMQ Jonction Rôle N° RG 21/16058

DBVB-V-B7F-BIMPW

SAS [3]

C/

URSSAF PACA

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

– Me Danielle DIDIERLAURENT

– URSSAF PACA

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal Judiciaire de Marseille en date du 07 Octobre 2021,enregistré au répertoire général sous le n° 14/04260.

APPELANTE

SAS [3], demeurant [Adresse 2]

représentée par Me Danielle DIDIERLAURENT, avocat au barreau de MARSEILLE

INTIMEE

URSSAF PACA, demeurant [Adresse 1]

représentée par M. [F] [Z] en vertu d’un pouvoir spécial

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions de l’article 945-1 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 01 Juin 2023, en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant Madame Audrey BOITAUD DERIEUX, Conseiller, chargé d’instruire l’affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Madame Dominique PODEVIN, Présidente de chambre

Madame Audrey BOITAUD DERIEUX, Conseiller

Mme Isabelle PERRIN, Conseiller

Greffier lors des débats : Mme Séverine HOUSSARD.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 20 Juillet 2023.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 20 Juillet 2023

Signé par Madame Dominique PODEVIN, Présidente de chambre et Mme Séverine HOUSSARD, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La société par actions simplifiée, (SAS) [3] a fait l’objet d’un contrôle de l’application de la législation de sécurité sociale d’assurance chômage et de garantie des salaires AGS qui a porté sur la période du 1er janvier 2010 au 31 décembre 2012 et à l’issue duquel, l’union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d’allocations familiales Provence Côte d’Azur (URSSAF PACA) lui a adressé une lettre d’observations en date du 27 mai 2013 comprenant neuf chefs de redressement pour un montant global de 838.805 euros.

La société a formulé des observations par courrier du 25 juin 2013, auxquelles l’inspectrice du recouvrement a répliqué par courrier du 3 septembre 2013 en maintenant dans leur intégralité les redressements des chefs de :

– frais professionnels non justifiés – prime d’entretien des vêtements de travail (point 1 dans l’ordre de la lettre d’observations)

– avantage en nature véhicule : principe et évaluation (point 9),

– annulation des exonérations suite à absence de négociation annuelle obligatoire ( point 8),

et en réduisant en leur montant les chefs de redressement suivants :

– indemnités de rupture forcée intégralement soumises à cotisations (point 5),

– rappel de salaire suite à décision de justice (point 6),

– frais professionnels – limites d’exonération : utilisation du véhicule personnel (indemnités kilométriques) (point 7),

pour ramener le redressement au montant global de 821.405 euros.

L’URSSAF a adressé une mise en demeure en date du 14 novembre 2013 à la société pour un montant de 918.597 euros dont 821.405 euros de cotisations et 97.192 euros de majorations de retard.

Par courrier du 18 novembre 2013, la société a saisi la commission de recours amiable, qui par décision du 11 décembre 2014 a maintenu les chefs de redressement critiqués relatifs aux :

– frais professionnels non justifiés – prime d’entretien des vêtements de travail (point 1 dans l’ordre de la lettre d’observations)

– avantage en nature véhicule : principe et évaluation (point 9),

– annulation des exonérations suite à absence de négociation annuelle obligatoire ( point 8),

et annulé le redressement du chef des frais professionnels utilisation du véhicule personnel indemnités kilométriques (point7).

Par courrier du 31 juillet 2014, la société a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale des Bouches-du-Rhône du rejet implicite de sa contestation et l’affaire a été enregistrée sous le n° 21 404260. Elle a également saisi le tribunal par courrier du 22 janvier 2015 sur décision explicite de la commission et l’affaire a été enregistrée sous le n° 21 500907.

Par jugement en date du 7 octobre 2021, le tribunal judiciaire de Marseille, ayant repris l’instance a :

– ordonné la jonction des instances,

– débouté la société [3] en ce qui concerne le chef de redressement portant sur l’annulation des exonérations en l’absence de négociation annuelle obligatoire (NAO) figurant au point 9 de la lettre d’observations du 27 mai 2013,

– constaté l’annulation par la commission de recours amiable du chef de redressement portant le point 7 dans la lettre d’observations, concernant les limites d’exonération des frais professionnels en matière d’utilisation du véhicule personnel,

– accueilli favorablement le recours de la société [3] portant sur la prime d’entretien des vêtements figurant au point 1 de la lettre d’observations du 27 mai 2013 et sur l’avantage en nature véhicule figurant en point 8 de la lettre d’observations,

– renvoyé les parties à rapprocher leurs services comptables aux fins de calcul du montant précis des sommes mises à la charge de la société [3],

– débouté les parties de leurs prétentions plus amples ou contraires,

– mis les dépens à la charge de la société [3],

– dit n’y avoir lieu à application des dispositions de l’artice 700 du code de procédure civile.

Par déclaration formée par RPVA le 8 novembre 2021, la SAS [3] a interjeté appel du jugement et l’affaire a été enregistrée sous le numéro 21/15717.

Par courrier recommandé reçu le 12 novembre 2021, la SAS [3] a de nouveau interjeté appel du jugement et l’affaire a été enregistrée sous le numéro 21/16058.

Par ordonnance du 15 décembre 2021, les instances ont été jointes sous le seul numéro 21/15717.

A l’audience du 1er juin 2023, la société, appelante principale, reprend les conclusions récapitulatives n°3 visées par le greffe le jour-même. Elle demande à la cour de :

– confirmer le jugement en ce qu’il a favorablement accueilli la contestation des chefs de redressements portant les numéros 1 et 8 dans l’ordre de la lettre d’observations et pris acte de l’abandon du chef de redressement numéro 7,

– infirmer le jugement en ce qu’il l’a déboutée de sa contestation du chef de redressement portant le numéro 9 dans la lettre d’observations du 27 mai 2013,

– annuler le redressement du chef des exonérations et allègements de cotisations pour les années 2010, 2011 et 2012,

– condamner l’URSSAF PACA à lui payer la somme de 3.000 euros à titre de frais irrépétibles.

L’URSSAF PACA reprend les conclusionsdéposées et visées par le greffe le jour de l’audience.

Elle demande à la cour de :

– débouter la société de son appel,

– réformer partiellement le jugement,

– déclarer fondés les chefs de redressement portant sur les frais professionnels non justifiés- prime d’entretien des vêtements de travail (point 1 dans la lettre d’observations), sur l’avantage en nature véhicule du mandataire social (point 8) et sur l’absence de négociation annuelle obligatoire et la reprise des allègements de cotisations afférents (point 9),

– confirmer le redressement sur ces trois points dus respectivement pour 23.768 euros, 5.858 euros et 781.615 euros,

– condamner la société [3] à lui payer la somme de 3.000 euros à titre de frais irrépétibles,

– condamner la société [3] au paiement des dépens.

Il convient de se reporter aux écritures des parties reprises oralement à l’audience pour un plus ample exposé du litige.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur l’appel principal de la société concernant l’annulation des exonérations suite à absence de négociation annuelle obligatoire (chef de redressement n°9 dans l’ordre de la lettre d’observations)

Moyens des parties

Au soutien de sa demande en annulation du redressement du chef de l’absence de négociation annuelle, la société [3] fait valoir qu’en application de l’article L.2242-7 du code du travail, le délégué syndical a été convoqué à différentes réunions en 2010, 2011 et 2012, qu’aucun accord n’a été conclu durant la négociation annuelle de sorte qu’un procès-verbal de désaccord a été signé par les parties pour chacune de ces trois années et ont été adressés par lettre simple à la DDTEFP, pour démontrer que des négociations ont bien eu lieu sur ces trois années.

Elle rappelle que ni l’article R.2242-1, ni l’article D.2231-2 du code du travail n’impose un délai pour le dépôt des conventions, de sorte qu’elle a de nouveau adressé les procès-verbaux à la DDTEFP par lettres recommandées du 19 septembre 2013.

Elle explique que l’URSSAF a mal interprété les déclarations de la société pendant le contrôle et confondu les raisons pour lesquelles les procès-verbaux de désaccord n’avaient pas été dressés, la direction n’étant pas en mesure de proposer une revalorisation des salaires autre que celle relevant des négociations au niveau de la branche, d’une part, et le fait que les négociations aient été engagées d’autre part. Elle se fonde sur l’attestation d’une assistante administrative et comptable pour démontrer qu’elle avait bien laissé à la libre disposition de l’inspectrice du recouvrement tous les documents justifiant de la négociation annuelle obligatoire.

Elle ajoute qu’à défaut de manquement relatif à cette obligation annuelle de négociation, lors d’un précédent contrôle au cours des six années civiles précédentes, la pénalité est plafonnée à 10% des exonérations de cotisations sociales et que la pénalité de 100% infligée par l’inspectrice est insupportable pour la société.

L’URSSAF réplique que lors du contrôle la société a indiqué que la négociation ne se faisait pas au niveau de l’entreprise mais au niveau de la branche, et alors qu’elle avait soutenu le contraire, elle a produit des procès-verbaux de carence après la visite de l’inspectrice, sans pour autant justifier du dépôt auprès de la DIRECCTE dans le délai prévu à l’article L.2242-4 du code du travail et d’autres justificatifs devant la commission de recours amiable. Elle fait valoir que dès lors que les éléments nécessaires à la vérification de l’application des règles n’ont pas été produits au cours des opérations de contrôle, la demande en nullité du redressement sur le fondement de pièces produites devant la juridiction n’est pas fondée. Elle précise que la société dévoie les raisons du dépôt auprès de la DIRRECTE des documents attestant de la négociation dans la mesure où le dépôt vise à sécuriser la preuve des dates de négociation et que produire des récépissés de dépôt quatre années après la négociation annuelle ne fait pas la preuve de la négociation dans les délais prévus par le législateur. Elle fait remarquer que les trois récépissés de la DIRRECTE sont datés du 15 juillet 2014, pour démontrer que les documents ont été adressés pendant la procédure de contrôle, les document ayant été rédigés pour la cause lors du contrôle. Elle ajoute que la prétendue confusion de l’inspectrice entre engagement des négociations et aboutissement des négociations n’empêchait pas la société de justifier de l’engagement des négociations en mettant à la disposition de l’inspectrice les documents sociaux. Elle précise que si le contrôle n’a porté que sur les années 2010 à 2012, le fait qu’il n’y ait pas eu de négociations annuelles depuis 2009 permet de supprimer la réduction Fillon dans son intégralité en 2011 et 2012. Elle considère que l’attestation émanant de la salariée d’une société qui a des liens commerciaux avec l’appelante et l’attestation du représentant syndical salarié de la société sous un lien de subordination de l’employeur, ne sont pas crédibles, et fait valoir que la DIRRECTE a confirmé n’avoir été saisie d’aucune négociation dans la période contrôlée.

Réponse de la cour

En vertu des articles L.2242-1 et suivants du code du travail dans leur version en vigueur du 1er mai 2008 au 1er janvier 2016, dans les entreprises où sont constituées une ou plusieurs sections syndicales d’organisations représentatives, l’employeur engage chaque année une négociation sur les salaires. A défaut d’engager cette négociation annuelle obligatoire, l’employeur s’expose à une réduction des allégements généraux de cotisations dont il bénéficie.

En l’espèce, il ressort de la lettre d’observations du 27 mai 2013 que l’inspectrice du recouvrement a constaté qu’alors que la société emploie plus de 50 salariés et dispose d’un délégué syndical de sorte qu’elle est soumise à l’obligation de négocier annuellement sur les salaires, elle n’a pas été en mesure de présenter des document qui justifient qu’une négociation annuelle obligatoire a été engagée pour les années 2010, 2011 et 2012.

La lettre d’observations rappelle que si aucun accord n’a été conclu, un procès-verbal de désaccord doit être déposé à l’initiative de la partie la plus diligente dans les conditions prévues aux articles R.2242-1 et D.2231-2 du code du travail et que le procès-verbal établit que l’employeur a engagé sérieusement et loyalement les négociations,impliquant pour celui-ci de convoquer les organisations syndicales à la négociation, de fixer le lieu et le calendrier des réunions.

Dans la phrase suivant ce rappel, l’inspectrice du recouvrement constate que la société n’a pas engagé de négociation annuelle obligatoire sur les salaires depuis 2009.

Il s’en suit que lors du contrôle, aucune pièce justificative de l’engagement de négociation des salaires au sein de l’entreprise n’a été mise à la disposition de l’inspectrice du recouvrement.

L’attestation de Mme [S] [T], ayant assisté la société lors des opérations de contrôle dans le cadre d’une mission de prestation d’ordre social, fiscal et comptable, selon laquelle ‘les documents justifiant des négociations obligatoires des salaires pour les années 2010,2011 et 2012 (PV de désaccord) avaient été mis à disposition lorsqu’elle était dans les locaux de l’entreprise’

ne contredit pas sérieusement les constatations de l’inspectrice du recouvrement, dès lors qu’elle date du 19 novembre 2020, soit sept ans après le contrôle, qu’elle émane d’une salariée d’une société en lien commercial avec la société redressée, dont l’indépendance n’est en conséquence pas certaine, et que la société redressée ne s’est jamais prévalue d’avoir mis à disposition de l’inspectrice les documents sollicités ni dans ses observations du 25 juin 2013, ni dans ses nouvelles observations du 19 septembre 2013, ni dans la saisine de la commission de recours amiable, ni encore dans la saisine du tribunal des affaires de sécurité sociale alors que la commission de recours amiable a expressément indiqué que les procès-verbaux de désaccord et convocations du délégué syndical aux réunions de négociation avaient été produits dans le délai contradictoire de 30 jours suivant la lettre d’observations.

Si la société a produit trois procès-verbaux de désaccord sur les négociations annuelles obligatoires portant sur les salaires et les conditions de travail pour les années 2010, 2011 et 2012, elle ne l’a fait que postérieurement à la visite de l’inspectrice du recouvrement d’une part et sans justifier de leur dépôt auprès du service du ministre chargé du travail conformément aux dispositions des articles R.2242-1 et D.2231-2 du code du travail d’autre part.

En effet, les récépissés de dépôt des trois procès-verbal de désaccord auprès de la DIRECCTE, produits par la société, mentionnent un dépôt à la date du 20 septembre 2013.

Ce dépôt des trois procès-verbaux de désaccord postérieurement à la décision de la commission de recours amiable intervenue le 3 septembre 2013 ayant expressément rappelé l’obligation du dépôt, conforte la position de l’URSSAF selon laquelle les procès-verbaux de désaccord et leur dépôt n’ont été réalisés que pour les besoins de la cause après le contrôle.

La société produit également des lettres, remises en main propre, de convocation du délégué syndical à des réunions de négociations annuelle obligatoire pour 2010, 2011 et 2012 et une attestation du délégué syndical indiquant avoir été convoqué chaque année devant la juridiction de sécurité sociale, il n’en demeure pas moins qu’à défaut de preuve du dépôt des procès-verbaux de désaccord auprès de la DIRRECTE chaque année depuis 2009, il n’est pas établi que la société a engagé des négociations loyales et sérieuses au sein de son entreprise.

En outre, en cas de non respect de l’engagement de la négociation annuelle obligatoire sur les salaires au cours d’une année civile, le montant des allègements ou exonérations au titre des rémunérations versées sur cette même année doit être réduit de 10%. En cas de non respect pendant trois années civiles consécutives, le bénéfice des allègements et exonérations au titre des rémunérations versées au cours de la troisième année est supprimé.

Dès lors que l’inspectrice du recouvrement a constaté le défaut d’engagement de négociation annuelle obligatoire depuis 2009, la réduction des allègements et exonération de cotisations de 10% sur 2010 et leur suppression à compter de la troisième année 2011, sont justifiées.

C’est donc à bon droit que les premiers juges ont rejeté la demande d’annulation du redressement de ce chef. Le jugement sera confirmé sur ce point.

Sur l’appel incident de l’URSSAF

Sur les frais professionnels – prime d’entretien des vêtements de travail (chef de redressement n°1 dans l’ordre de la lettre d’observations)

Moyens des parties

L’URSSAF fait valoir les constatations de l’inspectrice du recouvrement selon lesquelles la société verse une ‘prime d’entretien de la tenue de travail’ de 10 euros par mois en fonction du temps de travail et des absences à tous les salariés sans pour autant justifier du caractère de frais professionnels et alors même qu’elle prend par ailleurs directement en charge une partie du nettoyage des vêtements au vu de la comptabilité, de sorte que ces sommes versées à l’occasion du travail, sans avoir le caractère de frais professionnels, doivent être réintégrées dans l’assiette des cotisations.

Elle précise que non seulement aucun justificatif des dépenses réellement engagées par les salariés n’est produit par la société, mais encore que le calcul de la prime étant fondé sur le temps de travail elle n’est pas déterminée par les dépenses engagées par les salariés pour l’entretien de leur tenue de travail. Elle considère que la société ne peut se prévaloir ni de l’obligation de verser une indemnité de nettoyage de tenue prévue dans la convention collective alors qu’elle n’en respecte pas les termes( 12,20 euros par mois réglée 11 mois par sans fourniture de justificatif), ni de la règlementation relative aux frais d’entreprise alors qu’elle ne justifie pas de leur caractère exceptionnel et de l’intérêt de l’entreprise pour lequel les frais sont exposés par le salarié en dehors de l’exercice normal de son activité.

Pour obtenir confirmation du jugement qui a annulé ce chef de redressement, la société réplique que dès lors que les salariés doivent dans l’exerice de leur profession, porter une tenue particulière, l’employeur doit prendre en charge son entretien. Elle précise que la proratisation de la prime au temps de travail du salarié s’explique par le fait que moins le salarié travaille, moins il nettoie et entretient sa tenue de travail d’une part, et que les frais de nettoyage apparaissant en comptabilité correspondent aux frais de nettoyage des tenues restituées quand le salarié sort de l’entreprise, d’autre part.

Elle ajoute que la prime versée n’est pas un remboursement de frais mais une participation légale de l’employeur aux frais d’entretien des tenues de travail prévu à l’article L.611-1 du code de la sécurité sociale. Elle considère donc que l’exonération de cotisations sur ces frais d’entreprise n’est subordonnée qu’à la justification de la propriété du vêtement et du caractère obligatoire de son port par le salarié, ce qu’elle assure en produisant des factures d’achat des vêtements et des clichés photographiques de ces tenues particulières.

Réponse de la cour

Il ressort de la lettre d’observations du 27 mai 2013 en son point 1 que l’inspectrice du recouvrement a constaté que la société verse à l’ensemble de ses salariés une prime de 10 euros par mois, tous les mois, appelée ‘prime d’entretien de la tenue de travail’, proratisée pour les salariés à temps partiel et selon les absences.

Elle indique que contrairement aux exigences de l’arrêté du 20 décembre 2002, relatif aux frais professionnels, aucun justificatif de la réalité de l’engagement de frais de nettoyage de vêtements susceptibles de prouver l’utilisation régulière desdites primes, n’a été produit, qu’elle n’est pas déterminée en fonction des dépenses réelles des salariés mais en fonction de la présence effective des salariés dans l’entreprise et que la société participe déjà directement à une partie des frais de nettoyage, de sorte que la prime doit être intégrée dans l’assiette des cotisations.

Cependant, la prime dont s’agit correspond aux frais d’entreprise tels qu’ils sont définis par la circulaire DSS 2003-07 du 7 janvier 2003 nº5-1 : BOSS nº4/03 comme suit :

« L’employeur peut être conduit à rembourser des dépenses engagées par le salarié ou à mettre à sa disposition des biens ou services, sans qu’il s’agisse pour autant d’un élément de rémunération, d’un avantage en nature ou d’une indemnisation de frais professionnels.

Les sommes, biens ou services ainsi attribués correspondent à la prise en charge de frais relevant de l’activité de l’entreprise et non de frais liés à l’exercice normal de la profession du salarié.

Les frais pris en charge à ce titre par l’employeur sont donc exclus de l’assiette des cotisations.

Ces frais correspondent à des charges d’exploitation de l’entreprise et doivent remplir simultanément trois critères :

-caractère exceptionnel ;

– intérêt de l’entreprise ;

– frais exposés en dehors de l’exercice normal de l’activité du travailleur salarié ou assimilé.

Toutefois, pour constituer des frais d’entreprise, les dépenses engagées par le salarié doivent être justifiées par :

– l’accomplissement des obligations légales ou conventionnelles de l’entreprise ;

– la mise en oeuvre des techniques de direction, d’organisation ou de gestion de l’entreprise ;

– le développement de la politique commerciale de l’entreprise.

A ce titre sont considérés comme des frais d’entreprise : (…) La mise à disposition du salarié de vêtements de travail dans les deux cas suivants :

– les vêtements qui répondent aux critères de vêtements de protection individuelle au sens de l’article R. 233-1 du code du travail ;

– les vêtements de coupe et couleur (uniforme notamment) fixés par les entreprises spécifiques à une profession et qui répondent à un objectif de salubrité, de sécurité ou concourent à la démarche commerciale de l’entreprise.

Ces vêtements doivent demeurer la propriété de l’employeur. Ils ne doivent pas être portés en dehors de l’activité professionnelle du salarié sauf à être considérés comme des avantages en nature. Leur port doit être obligatoire en vertu d’une disposition conventionnelle individuelle ou collective ou d’une réglementation interne à l’entreprise.

Il s’ensuit que les frais d’entretien de ces vêtements relèvent des frais d’entreprise. Toutefois, ne peuvent être considérées comme des frais d’entreprise, les primes de salissures versées par l’employeur lorsque:

– les primes sont calculées uniformément ou en pourcentage du salaire et sans justification des dépenses réellement engagées ;

– les primes sont versées pendant la période de congés payés ;

– les primes sont versées à la quasi-totalité du personnel alors qu’il n’est justifié ni de frais anormaux de salissure ni de l’utilisation effective de la prime conformément à son objet et même si le versement est prévu par une convention collective.

Tous ces frais d’entreprise ne relèvent donc ni de la réglementation des avantages en nature, ni de celle des frais professionnels.

Les remboursements de dépenses engagées par le salarié et les biens ou services mis à disposition par l’employeur, lorsqu’ils constituent des frais d’entreprise, ne peuvent être qualifiés d’éléments de rémunération en application de l’article L. 242-1 du code de la sécurité sociale.

Il s’ensuit que les sommes, biens ou services attribués n’entrent pas dans l’assiette des cotisations, même en cas d’application de l’abattement forfaitaire supplémentaire pour frais professionnels.

Les conditions d’exclusion de l’assiette des frais d’entreprise varient en fonction de la nature de ces derniers et doivent donner lieu à la production de justificatifs et notamment :(…) pour les vêtements de travail, l’employeur doit produire la disposition attestant de la propriété du vêtement et du caractère obligatoire de son port.’

Comme l’ont pertinemment fait remarquer les premiers juges, il résulte de l’article L.613-4 du code de la sécurité intérieure que les salariés de la société [3], ayant une activité définie à l’article L.611-1, consistant à fournir des services ayant pour objet la surveillance humaine ou la surveillance par des systèmes électroniques de sécurité ou le gardiennage de biens meubles ou immeubles ainsi que la sécurité des personnes se trouvant dans ces immeubles ou dans les véhicules de transport public de personnes’ , sont tenus de porter, dans l’exercice de leur fonction, une tenue particulière qui ne ‘doit entraîner aucune confusion avec les tenues des agents des services publics, notamment de la police nationale, de la gendarmerie nationale, des douanes et des polices municipales’. Le caractère obligatoire du port de la tenue particulière par les salariés de la société implique une prise en charge de son entretien par l’employeur à titre de frais d’entreprise.

Les premiers juges précisent à juste titre que la prime litigieuse ne relève pas de la salissure occasionnée par une activité nécessitant d’ôter régulièrement les matières déposées sur les vêtements portés pour un travail à leur contact, mais correspond à la prise en charge légale par l’employeur du coût de l’entretien de la tenue obligatoirement portée par les agents exerçant une activité de sécurité intérieure.

En outre, la société justifie de factures d’achat de polos rouge sécurité incendie et la propriété des tenues de travail n’est pas discutée par l’URSSAF.

Il s’en suit que le redressement n’est pas fondé et doit être annulé.

Le jugement sur ce point sera confirmé.

Sur l’avantage en nature véhicule (chef de redressement n°8 dans l’ordre de la lettre d’observations

Moyens des parties

Au soutien de l’infirmation du jugement sur ce point, l’URSSAF fait valoir les constatations de l’inspectrice du recouvrement selon lesquelles la société met à disposition permanente du dirigeant, M. [E], un véhicule dont elle prend en charge l’intégralité du carburant, et le fait que l’AUDI Q7 concernée est classé parmi les véhicules premium de la marque, de sorte qu’il ne s’agit pas d’un véhicule utilitaire ou pour le transport de marchandises et qu’il permet au bénéficiaire de faire l’économie de frais d’acquisition, d’entretien, de carburant, d’utilisation et d’assurance du véhicule.Elle considère que dès lors qu’il n’est pas discuté que le dirigeant social n’est pas tenu de restituer le véhicule en dehors des périodes de travail de mandataire social et qu’il n’est pas justifié qu’il l’a restitué en dehors de ses périodes de travail, peu important qu’il soit d’astreinte en permanence et qu’il possède un autre véhicule, la société n’a pas justifié avoir évalué l’avantage en nature résultant de cette mise à disposition permanente.

La société réplique que contrairement à ce qui est indiqué par l’inspectrice chargée du contrôle, le véhicule n’est pas exclusivement assuré pour le seul conducteur M. [E] puisque le contrat d’assurance le mentionne comme étant conducteur habituel et non pas conducteur exclusif, et prévoit que le véhicule est assuré tout conducteur. Elle fait valoir que l’inspectrice a elle-même constaté l’utilisation par M. [E] de son véhicule personnel et la moyenne de 120.000 kms par an démontre une utilisation importante du véhicule personnel et donne toute crédibilité à l’utilisation du véhicule personnel pour les déplacements personnels de celui-ci.Elle fait remarquer que le contrat de travail du bénéficiaire prévoit que l’usage du véhicule est exclusivement professionnel et qu’il est fait interdiction au dirigeant d’en faire un usage privé et en dehors de ses jours et heures de travail, que le caractère ‘premium’ du véhicule mis à disposition est nécessaire pour assurer une bonne image de marque à l’entreprise. Elle en conclut que bien qu’il soit mis à disposition permanente du mandataire social, le véhicule dont il n’est fait qu’un usage strictement professionnel ne peut s’analyser en un avantage en nature.

Réponse de la cour

Il ressort de la lettre d’observations du 27 mai 2013 que le redressement sur ce point est fondé sur le fait que la mise à disposition d’un véhicule classé parmi les ‘premium’ de la marque, est permanente et que la société prend en charge l’intégralité du carburant.

Cependant, l’avantage en nature soumis à cotisations en application de l’article L.242-1 du code de la sécurité sociale suppose la mise à disposition permanente d’un véhicule utilisé à des fins privées.

La charge de la preuve de l’usage strictement professionnel incombe à la société.

Il importe peu que le véhicule mis à disposition n’ait que deux places, que le bénéficiaire de la mise à disposition permanente ne soit pas le seul conducteur assuré par la société et qu’il possède un véhicule personnel qui circule en moyenne 120.000 kms par an, dès lors qu’il n’est pas justifié par un carnet de bord ou la restitution du véhicule en dehors des heures de travail, par exemple, que l’utilisation du véhicule mis à disposition avec prise en charge de l’intégralité du carburant par la société, est exclusivement professionnelle, l’avantage en nature doit être réintégéré dans l’assiette de cotisations.

C’est à tort que les premiers juges ont annulé le redressement. Le jugement sera infirmé sur ce point et le redressement de ce chef maintenu.

Sur les frais et dépens

La société appelante succombant au principal, sera condamnée au paiement des dépens de l’appel en vertu de l’article 696 du code de procédure civile.

En application de l’article 700 du même code, la société sera condamnée à payer à l’URSSAF PACA la somme de 3.000 euros et sera déboutée de sa demande de ce même chef.

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement par décision contradictoire,

Confirme le jugement en toutes ses dispositions sauf en ce qu’il a accueilli favorablement le recours de la SAS [3] en sa contestation du redressement portant sur l’avantage en nature véhicule figurant au point 8 de la lettre d’observations,

Statuant à nouveau,

Déboute la SAS [3] de sa contestation du chef de redressement relatif à l’avantage en nature et portant le numéro 8 dans l’ordre de la lettre d’observations du 27 mai 2013,

Condamne la SAS [3] à payer à l’URSSAF PACA la somme de 3.000 euros à titre de frais irréptibles,

Déboute la SAS [3] de sa demande en paiement de frais irrépétibles,

Condamne la SAS [3] au paiement des dépens de l’appel.

Le Greffier La Présidente

 


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